Écrit par HateWeasel
264. Le Messie Est Parmi Nous.
La machinerie vrombissait, les engrenages tourbillonnaient et les pistons pompaient, le son occasionnel d'un sifflement de vapeur occupant la pièce. Excepté tout cela, l'énorme salle humide était presque vide. Les seules autres choses à l'intérieur étaient une chaise, deux femmes ; l'une attachée avec un bâillon dans la bouche, et l'autre n'ayant qu'un bras, assise au sol en train de bidouiller sur un ordinateur portable ; deux hommes, l'un d'eux lui aussi attaché et bâillonné tandis que le deuxième était assis sur une chaise, une grimace bien imprimée sur son visage défiguré.
- Sont-ils déjà repartis ? demanda l'homme sur la chaise, appuyant tout son poids sur une cane alors qu'il se penchait en avant afin de parler à la femme manchote occupée avec son ordinateur.
- Je ne suis pas sûre, répondit-elle sans relever les yeux de l'écran. Les capteurs ne sont pas en route.
- Alors remédiez-y, pesta l'homme.
- Je ne peux pas, répondit la femme, croisant enfin son regard. J'aurais besoin de sortir de cette pièce pour cela, et j'aurais besoin de mes deux mains.
- À quoi servez-vous donc, alors ? demanda l'homme, fronçant ce qui lui restait de sourcils. Vous êtes l'experte ici. Vous êtes censée être capable de faire votre travail. Mais il a fallut que vous perdiez un bras !
- Navrée, monsieur, dit le Docteur Bigby à voix basse.
Ce n'était pas avec sa modestie habituelle, mais plutôt sur une sorte de ton vide de sens et d'émotions. Une telle manière de parler de la part de la femme le poussa à ouvrir la bouche afin de reprendre la parole, avant de sursauter et de se tourner vers la porte en entendant un énorme fracas venir de l'autre côté.
- Ouvrez la porte ! implora la personne de l'autre côté.
Il s'agissait de la voix de l'Inspecteur Summers, désespérée. Ayant perdu toute trace de son arrogance passé, l'homme suppliait comme un enfant en pleine crise pour qu'on le laisse bénéficier de la sécurité du dernier étage de Messiah.
- S'il vous plaît ! Laissez-moi entrer ! OUVREZ LA PORTE !
- Mais qu'est-ce qu'il fiche, cet imbécile ? demanda Mason en se levant, promptement suivit du docteur.
La femme jeta un œil aux otages puis regarda de nouveau la porte.
- Ce pourrait être un piège, dit-elle, ce qui fit songer le balafré.
Il sourit.
- Je suis désolé, Summers, mais vous allez devoir nous prouver que vous êtes seul, cria-t-il pour que l'inspecteur puisse l'entendre, avant d'approcher Monsieur et Madame Blake.
Le ton de Mason était hypocrite, presque amusé par la situation. Le silence s'ensuivit alors. Les coups contre la grande porte en métal prirent fin. Les cris de l'inspecteur en firent de même. Tout était silencieux. Beaucoup trop silencieux au goût du balafré. Son intuition était bonne alors que deux énormes bosses apparurent sur la porte avant qu'on l'envoie valser. Juste là où elle s'était trouvée se tenaient deux démons, un grand homme avec un sourire sournois ainsi que des cheveux noirs allant avec son costume, et un garçon dans un accoutrement similaire d'une chevelure étrangement bleuâtre qui portait un cache-œil. Ces deux-là venaient de déloger la porte, se tenant chacun d'un côté d'un Inspecteur Summers terrifié, à genoux, bouche bée face à ce qui venait de se produire. Summers ne resta pas ainsi bien longtemps alors qu'un autre démon, un garçon blond au visage félin, tapota le dos de ce dernier de son pied pour le forcer à dégager du chemin. L'homme misérable rampa à quatre pattes dans la pièce afin de s'éloigner des trois démons et de l'étrange fille farouche avec eux.
- Est-ce que quelqu'un a perdu son chien ? plaisanta la menace blonde. On ne peut pas le garder. On en a déjà deux.
- Trois, le corrigea Amélie.
- Oh ? Qui est le troisième ? demanda Alois.
- Heiny, dit la louve et la garçon acquiesça.
- Ah, ouais, Ciel l'a appelé « Chien de Guerre » quelques fois. Alors le surnom est resté ?
- Yes.
- J'ai horreur de devoir vous interrompre, mais il y a plus important pour le moment, dit Sebastian d'un ton agacé.
- Oh, c'est vrai… dit le blond en se tournant de nouveau vers le groupe.
- C'est dommage, ce que tu disais avait presque du sens pendant un moment, dit Ciel avant de se mettre à regarder de haut les deux autres devant lui, ignorant l'homme qui rampait actuellement au sol.
- Milles excuses, mon Seigneur ! cria Summers, se courbant tellement que son front toucha le sol avant de relever les yeux, révélant l'énorme trou entre ses dents que le coup de poing du bleuté avait créé plus tôt. Ils m'ont forcé à vous trahir ! Je vous en prie, pardonnez-moi !
- Bigby, appela Everett en s'appuyant sur sa cane. Faites-le taire.
Les yeux de la femme s'assombrirent alors, un grand sourire denté se dessinant sur son visage qui ressemblait difficilement à celui d'un humain à cet instant. Elle s'avança en direction de Summers, attrapant aisément sa cheville avec son bras restant pour le rapprocher alors qu'il tentait de fuir en rampant, terrifié. Il cria à pleins poumons lorsqu'elle l'attrapa par le col de sa chemise, le soulevant.
- Attendez ! Monsieur ! Pourquoi faites-vous ça ?! Vous êtes censé me sauver ! Vous aviez promis ! hurla Summers alors que Bigby le baissa de manière à ce que son cou soit à hauteur de sa bouche. Vous êtes le Messie ! Vous êtes le Messie ! Vous êtes venu ici pour sauver les élus !
Mason sourit.
- Je ne suis pas un Messie, mon garçon, et tu n'es plus d'aucune utilité, dit-il. La seule personne que je compte sauver, c'est moi.
Une fois ceci dit, Bigby fut sur le point d'enfoncer ses rangées de canines dans le cou du pauvre inspecteur, mais soudain, l'impensable se produisit. Summers fut sauvé, mais pas par une sorte de prophète annoncé, mais par un loup-garou qui courut à une vitesse surhumaine et délivra l'homme des mains du docteur à temps. Elle se retourna vers lui, fronça les sourcils.
- Tu as eu de la chance, mon garçon, dit Amélie. J'étais là pour te sauver. Mais souviens-toi que la prochaine fois, je ne serai pas là, et tu devras te sauver tout seul. Cette histoire de « Messie », c'est des conneries.
Les autres se contentèrent d'avoir l'air stupéfait de constater que la louve avait utilisé plus de quatre mots en une seule phrase. Mason regarda la fille, parfaitement sidéré, avant de froncer les sourcils avec colère. Il frappa de sa cane au sol.
- Bigby ! Tuez la gamine ! cria-t-il en pointant du doigt la fille aux cheveux argentés.
Le docteur se tourna vers lui un bref instant avant d'en faire de même vers la fille une nouvelle fois. Elle grogna, arborant une expression bestiale, et chargea l'autre femme, invitant la louve à l'imiter. Pendant ce temps, les autres en profitèrent pour passer à l'action, s'étant remis de leur étonnement.
- Sebastian ! Sauve les otages ! ordonna le bleuté.
- Yes, my lord.
- Alois ! Aide-moi à attaquer Mason !
- No problemo, Cielinou !
Le majordome en noir s'exécuta, dépassant rapidement le chef de l'organisation pour attraper les deux sorciers plus âgés, les jetant chacun sur une épaule avant d'essayer de s'enfuir tandis que l'autre homme lui tirait dessus avec le même pistolet qu'il avait utilisé sur son maître. Ce n'était décidément pas une situation très plaisante. Il n'y avait qu'une seule sortie, et l'emprunter signifierait rester au même endroit une seconde de trop, ce qui permettrait à Mason d'avoir l'opportunité de tirer et de réussir à le toucher lui, ou les otages, ces derniers ayant peu de chance de survie.
Au même instant, le bleuté se précipita sur l'homme et donna un coup de pied dans sa cane pour la dégager. Alois l'imita de l'autre côté, et frappa le tibia de l'homme aussi fort que possible. Un énorme bruit métallique retentit alors. Alois prit son pied tout en sautant sur l'autre, retenant des larmes nées de la douleur inattendue.
Mason en profita pour lever la jambe que le garçon avait frappé, et s'en servit pour lui asséner un coup directement dans la mâchoire, le faisant s'écraser au sol. D'un mouvement souple, il en fit de même avec le bleuté pendant que ce dernier était surpris. Il était impossible que Mason puisse pouvoir faire ça. C'était impensable, avec cette cane. À moins que, et le bleuté se maudit de ne pas y avoir pensé plus tôt, l'homme fusse une imitation.
- Ça fait mal, hein ? nargua Mason. Moi aussi j'ai souffert quand je l'ai perdu. En fait, c'était encore plus douloureux que pour toi, - il fronça les sourcils -, Mais c'est ce qui arrive lorsque l'on visite l'Enfer sur Terre.
