Les aléas de la vie
La journée de travail venait de s'achever. Les portes du restaurant étaient closes, et tous s'affairaient à nettoyer le restaurant. Denis et Jean s'occupait de laver le sol, après avoir monté les chaises sur les tables ; Alex nettoyait les ustensiles à la plonge, tandis que Riza nettoyait les caisses et rangeait le comptoir. Edward lavait le sol dans la cuisine, avec Maes. Les autres étaient rentrés chez eux, car il n'y avait pas besoin d'autant de personnes pour ranger le restaurant.
Roy était affairé à compter les caisses et entrer les montants des recettes dans la calculatrice électrique : il s'agissait en réalité d'une calculatrice imprimante qui pouvait garder en mémoire plusieurs opérations comptables. Cette machine venait d'être lancée sur le marché commercial, et elle était d'un grand secours pour éviter les calculs à la main, et les erreurs de retenues.
Roy venait de finir de compter toutes ses caisses. Il ne lui restait plus qu'à demander à la machine de lui afficher le résultat du chiffre d'affaire net réalisé, quand Edward entra en trombe dans son bureau.
- Colonel ! C'est la cata !
- Que se passe-t-il ?
- Je crois qu'on a un début d'incendie ! Je lavais le sol près de la machine à glace quand un des fils électriques de la machine qui était par terre dans l'eau s'est mit à faire de la fumée et maintenant ça sent le plastique brûlé… !
- Idiot ! Le fil devait être à nu !
Ils quittèrent le bureau, et Roy trouva Maes en train de poser un chiffon sur le câble pour éteindre les quelques flammèches qui tentaient de prendre.
- Il faudrait couper le courant de la machine… suggéra le Lieutenant-Colonel.
- Ne touche surtout pas ce câble, si tu ne veux plus avoir besoin de gel pour cheveux à vie !
- Il faudrait aller au générateur et débrancher le fusible correspondant à la machine, intervint Fuery, le technicien accrédité du groupe de Mustang.
- Bonne idée ! Ed, reste-là et surveille que ça ne s'enflamme pas ! ordonna Roy en se dirigeant vers le générateur qui se trouvait près de la porte du bureau.
Fuery et Riza à ses côtés, ils se mirent en quête du fameux fusible, caché au milieu d'une centaine d'autres, correspondant à divers équipements et prises du restaurant.
- Surtout…, fit solennellement Roy en posant son doigt sur une manette, que personne ne touche cette poignée…
- Coloneeeeeel ! Ca flaaaaaaaaaaambe !
Edward arrivait en courant, mais il glissa dans une des flaques d'eau qui provenaient du lavage du sol et qui s'étaient écoulées jusqu'au bureau de Mustang. Surfant sur quelques mètres, Ed finit sa course contre le flan de Roy, et déplacé par le choc, ce dernier actionna la poignée vers le bas…
- AAIEUH !
- AAIEUH !
- KYAA !
- BOUAARFLL !
Ce fut le black-out total. Denis et Jean jurèrent tous les deux, s'étant donné des coups de balais par inadvertance, et Armstrong s'étala sur le sol humide de la cuisine avec un plateau lourd d'ustensiles propres après s'être pris les pieds dans le seau d'eau sale laissé par Ed qui traînait sur le chemin.
Dans le noir le plus complet, on entendit un claquement de doigt. Instinctivement, Riza et Fuery s'attendirent à voir une flamme surgir pour les éclairer.
- Et merde ! Ils sont mouillés !
Edward entendit deux soupirs de lassitude autour de lui. Pis une flamme surgit. Havoc, cherchant l'origine du black-out, avait allumé son briquet, et venait d'arriver devant le bureau. Quand sa flamme éclaira les malheureux, il découvrit Edward qui avait les fesses sur la tête de Mustang, qui lui-même écrasait la poitrine de Riza avec ses coudes. Quand à Kain, il souffrait juste d'avoir un pied d'Ed dans la figure, les lunettes à moitié en l'air.
Denis ne pu s'empêcher d'éclater de rire dans le dos de Jean. Armstrong, qui avait réussi à se relever dans le noir, arrivait, et observant le spectacle, il eut une moue de consternation. Il aida son supérieur à se relever, tandis qu'Edward bougeait son postérieur de la tête du sien. Riza reprenait son souffle, elle n'imaginait pas que son colonel puisse peser aussi lourd… Maes quant à lui jurait tout bas de n'avoir pas eu son appareil photo sur lui, l'ayant laissé à la maison pour prendre Elysia.
Roy releva la poignée du générateur. On entendit dans tout le restaurant le doux murmure des frigos qui se relançaient, le moteur ronronnant des friteuses, et le crépitement d'un câble.
- Merde ! Ca n'a toujours pas résolu le problème ! fulmina Roy.
- Ne vous en faites pas, intervint Armstrong. J'en fais mon affaire.
Il se dirigea vers le câble qui lançait de dangereuses étincelles, prit un chiffon sec dans chaque main, attrapa le câble, et débrancha la prise. Cela n'avait pas duré plus de trois secondes.
- Voila, le tour est joué…
- Oh non…
La joie sur le visage de Mustang s'était vite estompée quand il passa devant le bureau ouvert et qu'il aperçut la calculatrice du coin de l'œil.
- Dites-moi que c'est pas vrai… je fais un sale rêve et je vais me réveiller, hein…
Riza passa la tête par l'entrebâillement de la porte. Et elle se mordit l'intérieur de la joue, dans une mine inquiétante.
La machine à calculer avait pété un plomb pendant la coupure. Le rouleau de l'imprimante s'était coincé dans le rail d'impression, et la calculatrice affichait un joli zéro au lieu du chiffre d'affaire net.
Maes tapota l'épaule de son ami.
- Allez, te prends pas la tête pour ça… Je te filerai un coup de main pour tout recompter…
- Mes comptes… ma marge brute… mes dividendes… mes écarts statistiques… Edwaaaaaaard…
Le dénommé déglutit douloureusement. Il évita de croiser le regard du grand brun dont les yeux sombres s'étaient transformés en deux fentes à peine visible.
- Eeeeuh… Je vais aller éponger l'eau du sol… et ramasser ce qui est tombé avec le Major…
- Edward !
- Gyaaaaaaaaaaaaaaa !
L'Alchimiste d'Acier ne demanda pas son reste et fila se cacher au fond de la cuisine.
Hughes ordonna à tous de reprendre leur travail, et s'enferma avec Roy qu'il poussa de force dans le bureau.
- Laisse tomber, Roy, ce n'est qu'un gamin… Et puis tu oublies que c'est toi qui avais la main sur la poignée…
- Tu veux ressembler au câble si on n'avait pas débranché la prise ?
- Tu veux ressembler à une boule de nerfs sur le point d'exploser si on pose le doigt dessus ?
Roy détourna le regard. Il en avait plus qu'assez des imbécillités du jeune alchimiste, mais il devait reconnaître qu'il avait été un peu vite de l'accuser. Toute cette tension était due à l'idée d'avoir à refaire les calculs qu'il avait effectués pendant deux heures.
- C'est bon, ça va… Tout ce que je veux, c'est finir ça en vitesse et aller me boire un bon scotch pour me détendre.
- Je te paie le scotch. Et je te file un coup de main. Mais arrête de t'occuper d'Ed. Laisse-le un peu respirer. Tu t'imagines pas la pression que tu lui colles, à ce pauvre gosse.
- Arrêtes de t'apitoyer sur lui, Maes. C'est peut-être un pauvre gosse, comme tu dis, mais il est Alchimiste d'Etat. Ca veut bien dire qu'il a fait ses preuves.
- Peut-être bien, effectivement, mais moi, ce que je retiens, c'est qu'il est jeune, et qu'il a besoin qu'on lui lâche la bride un peu. Déjà ses travaux ne sont pas commodes, à toujours être en vadrouille de par le pays. Mais en plus, il affronte sans cesse Scar. Toi-même tu fais à peine la moitié de ce qu'il fait. Tu restes tranquillement dans ton bureau à remplir des dossiers et à reluquer ton Premier Lieutenant…
- Abruti. Moi aussi j'ai combattu. J'étais au front, si tu t'en rappelles. Mais je peux pas m'empêcher d'être strict avec lui. C'est pour son bien. Quand il comprendra que dans la vie rien n'est prévisible à l'avance, il arrêtera de jouer au mioche mal élevé qui se moque des conséquences de ses actes.
- Si tu le dis… Mais promets moi une chose, laisse-le rêver encore un peu qu'il est un gosse. Parce que j'ai dans l'idée que son avenir ne sera pas aussi simple, vu ce qu'il recherche et les obstacles qu'ils risquent de rencontrer, lui et son frère… Tu sais de quoi je parle, toi qui a failli jouer à ça.
- Ferme-là un peu et aide moi à compter ces caisses, crétin.
Finalement, aidé par Hughes, Mustang finit rapidement le calcul du chiffre d'affaire, et ils purent rentrer chez eux, malgré l'heure tardive.
Entre-temps, Armstrong avait relavé ce qui avait été sali, et Edward avait transmuté une semelle de chaussure anti-glisse avec le câble pour le rendre imperméable à nouveau.
