Petits jeux entre amis…

Kessy préparait des salades, et discutait de tout et de rien avec Heymans Breda, qui gérait la cuisine avec Walter Farman, tandis qu'en caisse, Romy et Kain Fuery servaient les rares clients. Il était un peu plus de 18 heures, et tous attendaient le coup de feu qui devait commencer dans moins d'une heure.

Roy était affairé dans le bureau avec Riza. Ils préparaient les commandes de produits surgelés, et l'exercice demandait beaucoup de réflexion pour éviter d'avoir des produits périmés en perte et les ruptures de stocks.

Excédé par le babillage de la jeune femme qui arrivait jusqu'à ses oreilles, Roy sortit du bureau.

- Kessy ! Tu pourrais pas la mettre en sourdine un moment ? Je t'entends causer depuis au moins dix minutes… Avec ça, tes salades n'avancent pas beaucoup… Et en plus, tu distrais tout le monde…

- Quoi ? répondit Kessy. Mais j'y peux rien, moi, si je parle… Même si mes mains sont occupées, ma bouche peut aussi agir en parallèle… Et puis ça sort tout seul… Et arrête de dire que je dérange le boulot des autres… Ils utilisent leurs oreilles en même temps que leurs mains, et si ça les dérange, ils ont eux aussi une bouche pour leur permettre de me dire de me taire… Parce que toi aussi ça fait deux bonnes minutes que tu es là à m'écouter parler, et après tu vas encore dire que c'est de ma faute, que je t'empêche de travailler… Tu n'as qu'à retourner faire tes commandes et m'ignorer !…

Roy, exaspéré par la jeune femme, leva les yeux au plafond, expulsa un profond soupir de lassitude, et retourna auprès de Riza, qui affichait un petit sourire d'amusement.

Quand la porte se referma derrière lui, Kessy tira la langue, serra son poing et lança son bras en signe de victoire tout en jetant un petit « Yes ! », tandis que Breda lui décochait un pouce de congratulations.

Jean venait d'ouvrir sa caisse, il était 11h40 et la journée allait commencer au restaurant « Max de Nouilles ». Il venait de passer un coup de chiffon sur le comptoir au dessus de sa caisse, et Denis discutait agréablement avec lui d'un livre qu'ils avaient lu tous deux.

- Franchement, ces auteurs… Imaginer un monde où la magie existerait… Et puis quoi encore ?

- Je ne suis pas d'accord, répondit Denis. Imagine, des voitures volantes ! Et on se déplacerait sur des balais ! On pourrait même transplaner à volonté !

- Mouais… fit Jean, dubitatif. Si tu veux retrouver la moitié de ton corps ailleurs… Je dis pas que c'est pas pratique, mais d'un autre côté, faut être sûr de ton coup… L'alchimie, en revanche, c'est plus… rationnel, tu vois ce que je veux dire ?

- Mouais… Avoue que t'aimerais bien avoir la connaissance du feu du Colonel… Ne serait-ce que ses gants…

- Oui, ça m'arrangerait pour plus être en panne d'allumettes ou de gaz !

Ils rirent tous les deux.

La porte d'entrée s'ouvrit à ce moment-là, et Jean, toujours à l'affût d'une jolie cliente, perdit son sourire en une seconde.

- Merde ! Planque-moi, vieux !

Denis fut étonné. Havoc se baissa et disparut sous le comptoir ; c'était à peine s'il n'allait pas déplacer l'étagère à plateaux pour s'y camoufler.

- Fais comme si j'étais pas là… ! lui murmura-t-il.

- Hein !

- Bonjour !

Une jeune fille brune aux longs cheveux se présentait à la caisse de Denis.

- B… Bonjour…

- Oh ! Vous êtes nouveau ? C'est vrai que ça fait plus d'une semaine que je ne suis pas revenue ici… Enfin, après ma rupture douloureuse avec l'autre…

« Mais qui est cette fille ! » Denis souriait d'un air forcé, il ne voulait pas lui paraître impoli, mais il aurait préféré qu'elle ne raconte pas sa vie…

- Que puis-je vous servir ?

- Ah, oui ! Il me faut le menu spécial Maxi « Nouilles de Luxe », avec un supplément de nouilles s'il vous plait ! Il me faudrait un soda à l'orange, et une grande frite avec ça ! Je reviendrai pour le dessert !

- Très bien, fit Denis en tapant sa commande sur sa caisse. Il lui annonça le montant, puis se baissa pour prendre un plateau. Il tomba nez à nez avec les fesses de Jean qui s'enfuyait doucement à quatre pattes.

Malheureusement pour lui, le formateur Romy revenait de la cuisine et passa devant Havoc ; il faillit tomber en le rencontrant.

- Jean ! Mais qu'est-ce que tu fais par terre, mon lapin ? Tu as perdu quelque chose ?

- Ouais… ma liberté… marmonna le lapin.

- OH ! JEAN ! C'EST TOI !

« Oh-mon-dieu ! »

- Ohhhhh… Ça alors ! fit-il en se relevant péniblement. Louna… Quelle bonne surprise…

- Oh ben ça alors ! C'est pas croyable ! Qu'est-ce que tu fous ici ?

La jeune fille semblait émerveillée de le voir là, habillé en uniforme noir avec un grand « MN » jaune dans le dos. Denis et Romy se regardèrent, abasourdis par ces retrouvailles plus que bruyantes. Roy venait de les rejoindre, alerté par les cris hystériques de la cliente.

- Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda le grand « ténébreux ».

Havoc semblait pris entre deux feux.

- Euh … c'est juste une amie…

- Quoi ! Comment peux-tu dire ça ? Après tout ce que nous avons vécu ?

- Ce que TU as vécu… marmonna-t-il. Et en plus ça n'a duré qu'une semaine…

- Une amie, hein… glissa Roy. Bonjour mademoiselle… ?

- Louna ! Je suis une habituée ici, mais vous, c'est aussi la première fois que je vous vois ! Il s'est passé quelque chose ici ? Je ne vois plus les têtes habituelles… A part deux, trois… Coucou Kessy !

La jeune fille à lunettes leva la tête par-dessus le grill et salua d'un large geste la jeune cliente.

- Salut Louna !

Roy et Jean se fixèrent du regard. Ce dernier craignait la réaction de son supérieur, mais il fut surpris de ne voir aucun signe déranger son visage impassible. Pire, Roy finit par l'ignorer et retourna dans le bureau, à préparer ses caisses pour les employés qui allaient arriver à midi.

- Ouah ! T'en as de la chance de travailler ici ! s'extasia Louna. Je donnerai n'importe quoi pour être à ta place ! Mais tu ne m'avais pas dit que tu étais Lieutenant à l'Armée ?

Havoc retourna à sa caisse. C'était trop tard pour lui, à présent. Mais il savait que leur rencontre était inévitable, puisqu'elle l'avait traîné dans ce restau à chaque rendez-vous… D'un autre côté, il s'était dit que niveau finances, elle n'était pas du genre grappilleuse, et il avait pu économiser…

Mais il en avait eu assez de ne manger que des nouilles presque toute la semaine, et il avait été plus qu'heureux de retrouver le mess du QG, devant l'incompréhension de ses camarades, qui eux n'en pouvaient plus de la cuisine militaire…

- Si, si… je suis toujours à l'armée…, fit-il sans motivation.

- Ouah ! C'est génial ! Je pourrais venir te voir tous les jours, alors !

- Ecoute, Louna, on s'était mis d'accord, non ? Tu ne devais plus me revoir…

- Bah oui, mais tu vois, je ne vais pas me priver de nouilles parce que tu es là. Et puis, tu sais à quel point je les adore, même si toi aussi je t'adore presque autant !

Jean soupira en se passant une main lasse sur le visage.

Son calvaire n'en finissait pas…