Ecrit par HateWeasel

301. Seuls Dans Le Cabanon.

Orange était le ciel, tandis que le soleil commençait à se coucher, se diluant en divers rouges et jaunes, projetant des ombres de part et d'autres de la Terre. Ciel était parti depuis un bon moment ; plusieurs heures, le blond en était certain. Qu'est-ce qui lui prenait tant de temps ?

C'était ce qui tourmentait Alois alors qu'il était assis, seul, dans le cabanon qui s'assombrissait. La seule lumière qui se faufilait à l'intérieur provenait de la porte ouverte, et alors que le monde se mettait à plonger dans la pénombre, ses craintes se faisaient savoir. Ses pensées portèrent sur le temps que Ciel mettrait à trouver Dafydd et à l'interroger. Et s'il n'arrivait pas à le trouver, ou qu'il ne pouvait pas le faire parler, et que c'était pour cela qu'il était en retard ? Pire, et s'il avait abandonné et comptait attendre le lendemain pour recommencer ? Non, le bleuté l'aurait clairement dit à Alois s'il comptait faire cela. La pensée qui rendait Alois le plus anxieux, cependant, était de savoir si le bleuté avait menti en lui promettant de revenir.

Non, il pouvait faire confiance à Ciel. Le bleuté ne lui ferait pas une chose aussi horrible, mais d'un autre côté, le blond avait pensé la même chose de son ancien majordome, Claude. Le blond était ennemi avec le bleuté, ce qui lui donnait une raison de l'abandonner. C'était cruel ; beaucoup trop cruel pour Ciel. Prétendre aimer quelqu'un pour seulement finir par piéger la personne pour l'éternité, qu'elle se demande « pourquoi » ? C'était cruel, pour le dire simplement.

Alois prit le cache-œil dans sa main, assis dans le cabanon, dos au mur, enlaçant ses jambes contre son torse tout en regardant la porte. Le tissu était doux, mais quelque peu usé. De toute évidence, Ciel ne l'avait pas changé depuis un moment. La nature pragmatique du garçon l'empêchait sans doute d'en voir l'intérêt. Songer à cela temporairement semblait ne pas laisser le sentiment de claustrophobie dominer les pensées du blond. Toutefois, ne pas savoir ce qu'il en était du bleuté pesait lourdement sur son esprit et son cœur. Un soupir s'échappa de ses lèvres, une tentative de faire sortir un peu de stress.

Il était dans sa petite bulle. Le blond était tellement inquiet par le retour incertain de l'autre garçon, qu'il ne vit pas ce dernier marcher en direction du cabanon avec son sac et celui d'Alois. Son retour surprit réellement le blond, le faisant sursauter lorsque son sac à dos noir et violet lui fut jeté. Un sourire incontrôlable s'empara du visage du blond, ses joues lui faisant mal. Instantanément, son cœur fut plus léger, mais, il se resserra lorsque le bleuté passa la porte, se piégeant, en fait, lui-même.

- Qu'est-ce que tu fais ?! demanda le blond en paniquant.

Ciel se contenta de poser son propre sac en réponse.

- Eh bien, « bonjour » à toi aussi, dit-il. Du calme. J'ai parlé à Dafydd. La barrière disparaîtra dans vingt-quatre heures. Nous serons libres au matin.

- Mais pourquoi est-ce que tu es à l'intérieur ? demanda Alois, se levant pour faire quelques pas vers le bleuté.

Son expression était concernée, presque en colère.

- Maintenant toi aussi tu es coincé.

- Je sais, mais je ne pouvais pas juste te laisser tout seul, si ? répondit Ciel.

Ainsi, il observa l'étrange « colère inquiète » s'évaporer du visage du blond. Il accueillit alors l'autre garçon dans ses bras.

- Tu es revenu… dit Alois après un moment de silence à s'enlacer.

- Bien sûr, répondit le bleuté. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps, mais j'avais besoin de prévenir Monsieur Irons et les autres de la situation, et prendre ce dont nous aurions besoin pour la nuit.

- T'as ramené quoi ? demanda le blond, marquant une pause. Attends, tu as prévenu Monsieur Irons ?

- Pour que nous n'ayons pas d'ennuis en ayant « disparus », expliqua Ciel. J'ai amené l'essentiel. Des brosses à dents, des vêtements de rechange pour chacun de nous, des sacs de couchage, des oreillers…

Il marqua une pause, ses lèvres se relevant en sourire.

- … Et Steven.

Son sourire s'agrandit lorsque le blond se mit à fouiller dans le sac, sortant la peluche avant de la caresser.

- Mais Steven n'est pas aussi chaleureux que toi, dit le Trancy. Dois-t'on rester dans nos sacs de couchage ?

- Non, tant que tu promets de bien te comporter.

- Je ne promettrai pas une chose pareille, dit le blond. Je t'ai enfin pour moi tout seul, et tu t'attends à ce que je ne te touche pas ?

- Alois, nous sommes dans un cabanon durant un voyage scolaire. Ce n'est définitivement pas le moment pour « ça ».

- Je sais. Je parlais seulement de se câliner et de s'embrasser sous les couvertures super douillettes, répondit Alois avec un clin d'œil, son sourire s'agrandissant. Tu es vraiment un pervers, Ciel, ajouta-t-il ensuite, et les joues de l'autre démon virèrent au rose.

- Ne fais pas comme si tu n'essayais pas de rendre cela salace.

- Qu'est-ce que tu vas faire ? M'arrêter ? demanda le blond d'un ton bas et quelque peu charmeur.

Il prit place là où il se trouvait avant que l'autre garçon arrive, et il tapota le sol à côté de lui dans l'espoir que le bleuté le rejoigne. Levant l'œil au ciel, le Phantomhive concéda à la requête du blond, s'asseyant à côté du garçon contre le mur, faisant face à la porte.

- Ne me donne pas d'idées, répondit-il alors que le poids de la tête du Trancy tomba sur son épaule.

Des mèches blondes cachaient le visage du garçon, mais Ciel savait qu'il continuait à sourire. Il pouvait l'entendre dans son ton lorsqu'il reprit la parole :

- Oh là là, dit-il pour taquiner, passant ses bras autour de la taille du bleuté, poussant le bleuté à en faire de même.

Alois faisait souvent cela. Sa singulière habitude qui nécessitait un contact physique était en marche. S'il était assis à côté de Ciel, il avait besoin de toucher le bleuté d'une manière ou d'une autre, en attrapant parfois sa main ou en jouant avec ses cheveux. Il avait fallu un certain temps au Phantomhive pour s'y faire, mais étrangement il y était parvenu. Une partie de cette curieuse acceptation venait simplement du fait qu'il comprenait qu'Alois avait été modelé. Malheureusement, sa perception de « l'atteinte à la vie privée », de ce qui était « pervers » ou même « intime » était corrompue à cause de son asservissement passé.

Quoique la plupart du temps, c'était Alois qui faisait le premier pas dans l'intimité, il y avait également quelques fois où, surprenamment, il fuyait cela. Au début de leur relation, Alois se tendait ou reculait de temps à autres si le bleuté tentait de faire quelque chose d'aussi simple que de mettre un bras autour de lui. Cela n'avait rien d'intentionnel, c'était davantage instinctif. Chaque fois qu'il n'était pas en contrôle de ce qu'il se passait, il devenait nerveux.

C'était l'une des raisons pour laquelle il aimait jouer à ce petit « jeu » avec Ciel. Il voulait toujours tester les limites du garçons en lançant des sous-entendus obscènes ici et là afin d'arracher une quelconque réaction ; une réaction dont il serait responsable. Le pouvoir de pousser Ciel Phantomhive, lui plus que quiconque, à faire tomber son masque de fierté et de chasteté était une habilité divertissante pour le blond, mais alors Ciel prendrait des initiatives, et le jeu était terminé. Son cœur chavirait, un aspect de la partie qui ne lui était pas familier. Alois trouvait cela quelque peu déconcertant.

Pour lui, tout n'était que physique. C'était ce qu'on lui avait « appris » ; c'était ce qu'il connaissait. Cependant, quand il s'agissait du bleuté, des sentiments, des sensations, des « règles » inconnus étaient imposés, d'une certaine manière. Les choses qui nous sont étrangères sont souvent troublantes, même si elles peuvent être bonnes. Ciel insistait pour que tout soit mutuellement bénéfique. Ni l'un ni l'autre ne pouvait profiter aux dépens ou au déplaisir de l'autre, et c'était une chose à laquelle Alois n'était pas habituée.

Néanmoins, il appréciait tout de même cela. Il appréciait l'affection et la douceur inattendue qu'il recevait de la part du bleuté, et il aimait rendre le garçon heureux en retour. Il s'agissait à la fois du même bleuté qui l'avait poignardé toutes ces années en arrière, affirmant le haïr, et souhaitant sa mort sur le champ, et à la fois non. Ce garçon le traitait avec gentillesse, lui susurrant des mots doux tout en lui offrant un toit, le ramenant à son précieux frère. C'était presque comme si rien de tout cela ne s'était jamais produit. C'était comme une deuxième chance pour une toute nouvelle vie. Alois était heureux.

- Pour quelqu'un qui faisait la tête il y a quelques instants, tu souris beaucoup, songea le bleuté. Tu te remets vite sur pieds.

- C'est parce que je peux te câliner, répondit Alois. J'ai l'impression que ça fait des lustres que je n'ai pas pu.

- Cela ne fait qu'une semaine et demi, dit Ciel.

- Une semaine et demi de trop.

Avec un ricanement, le bleuté leva une main afin d'écarter une mèche rebelle du visage de l'autre garçon, révélant deux yeux bleus glacés rieurs qui le regardaient ; des lèvres rosées courbées en un sourire. Alois avait toujours été très beau, pour un garçon. Son visage était dur à oublier, il était donc facile de reconstituer son image. Il était très dur de croire que l'original pourrissait six pieds sous terre quelque part. Alors ça, c'était dur à avaler.

Les pensées de Ciel furent interrompues lorsque le blond bougea, ramenant son visage vers celui du bleuté. Il n'hésita pas une seconde à connecter leurs lèvres ensemble. Le Phantomhive avait à présent la main enfouie dans les cheveux blonds de son amant, encourageant ce dernier à intensifier le baiser. Il passa sa langue sur la lèvre inférieur de l'autre garçon, demandant la permission d'entrer qui lui fut volontiers accordée.

Il faisait chaud. Les deux garçons semblaient presque fondre l'un dans l'autre, alors qu'ils luttaient dans un combat de langues pour avoir le dessus, comme ils le faisaient souvent. Ils se fichaient pas mal du gagnant ; ils profitaient juste de la proximité. Mais, ce devait prendre fin. Tôt ou tard, ils durent se séparer.

Ils restèrent assis en silence, se contentant de se regarder, contemplant le visage rougi de leur partenaire. Alois colla ensuite leurs fronts ensembles, leurs nez se touchant, leurs souffles se mélangeant. Cela lui avait manqué. A tous les deux.

- Je t'aime, Ciel, dit-il.

- Je t'aime aussi, Alois.


La Rubrique : Foire aux Questions

Question : «Du coup… Quel goût a la nourriture humaine pour un démon ?» de RemyCole

Réponse de Ciel : « Ça va. Admettons-le, ce n'est pas aussi bon qu'une âme, mais cela a tout de même bon goût. »

Réponse de Alois : « Ça a le même goût que lorsque j'étais humain ! »

Réponse de Sebastian : « C'est très insipide. Une fois que l'on a principalement dévoré des âmes, le goût pour la nourriture humaine disparaît complètement. Ça n'en a presque pas... »