Écrit par HateWeasel

308. Insouciance.

- Ne me touchez pas ! cria un certain bleuté alors qu'il était pourchassé le long du littoral par les autres garçons.

En effet, les Sept Sensationnels et compagnie passaient leurs vacances à la plage traditionnelles que les Sept avaient débutées en entrant au lycée. Ah, c'était la belle époque, lorsque les démons n'étaient pas réels, que les meurtres et les monstres n'étaient pas une partie du quotidien de la vie des garçons ; enfin, du moins pour la majorité d'entre eux. Bien que le voyage ait eu un départ houleux, la nostalgie était dans l'air tandis que les garçons s'adonnaient à une autre tradition, une certaine activité que devait être réalisée avant de partir : jeter Ciel Phantomhive dans l'océan.

- Moins vite, Phantomhive ! cria Daniel, haletant alors que son allure de course commençait à faiblir.

Il était assez dur pour un humain de surpasser un démon, et certains des autres garçons avaient déjà abandonné, surtout Preston et Luka.

- Arrête d'être une poule mouillée !

- Je ne suis pas une poule mouillée ! Je suis parfaitement raisonnable ! s'exclama Ciel sur un volume de voix similaire à celui du Westley. Je ne veux pas être jeté !

- On te jettera délicatement, alors ! cria Kristopherson en gardant un rythme régulier.

Derrière lui se trouvait Travis, avec Alois devant, menant le groupe. Sebastian, Preston, et Luka, cependant, étaient assis à l'ombre sous le parasol qui surplombait leurs affaires, étant donné que les enfants en avaient eu marre de courir, et le majordome ne voyait pas l'intérêt de participer.

Toutefois, Sebastian était plutôt amusé de voir son maître être pourchassé par ses amis d'une manière aussi insouciante alors qu'il gardait un œil sur Luka. C'était étrange, de voir le bleuté agir de manière aussi inhabituelle, mais cela restait tout de même divertissant. S'il devait être parfaitement honnête, le plus âgé des démons était en quelque sorte fasciné par ce changement. Depuis que ce blondinet était revenu dans leurs vies, la demeure Phantomhive avait changée, et pas qu'un peu, et nul doute que les choses ne reviendraient pas en arrière.

Le jeune maître de la maison était désormais plus gentil, plus doux, plus enclin à exprimer ses émotions. Sebastian n'était pas au fait de toutes les émotions que son maître éprouvait, et il ne comprenait pas vraiment comment elles fonctionnaient. Tout ce qu'il savait était que cela avait d'une manière ou d'une autre changé le bleuté, ainsi que la menace blonde, en individus plus matures, plus compatissants, et plus humains.

« Humain ». Encore ce mot. Ce mot, qui était associé à une espèce dont il se servait à la fois pour son divertissement et pour se sustenter. Les humains étaient fascinants dans la manière qu'ils avaient de ne jamais tenir en place, de tenter de vivre la « meilleure » vie possible, généralement en améliorant leur propre quotidien avant d'arriver beaucoup trop vite à la fin du tunnel. Les humains étaient laids, égoïstes, et cruels, pourtant ils pouvaient être gentils, compatissants, et nobles. Les humains pouvaient être magnifiques, et il était si rare qu'un tel humain se manifeste que lorsque cela se produisait, le démon restait sonné.

Voilà le genre d'humain que le diable de majordome recherchait comme nourriture. Un humain noble, fier, un humain capable de plonger dans les ténèbres, et d'en ressortir sans une égratignure, si ce n'est plus déterminé qu'auparavant. Oui, les humains pouvaient faire cela. Seul un humain en était capable. Il n'y avait que deux humains, dont Sebastian arrivait à se souvenir, qui étaient ainsi, l'un étant son propre maître, et l'autre étant sans doute Sir Integra, mais il savait faire la part des choses. Cette femme n'hésiterait pas à le tuer s'il ne faisait que suggérer passer un pacte, et il n'était pas vraiment convaincu par sa dernière tentative pour cultiver une telle âme. A présent, il était condamné à être le servant d'un autre démon plus jeune pour l'éternité. Mais alors, pourquoi n'était-il pas énervé ?

Effectivement, il avait été trompé par des humains, la menace blonde, en particulier, mais il n'était ni énervé ni rancunier. Il l'avait quelque peu été en revoyant le garçon, mais maintenant, en voyant son maître heureux avec le blond, il ne savait pas quoi penser. Les voir interagir, cependant, le faisait sourire. Entendre la discussion du duo de la veille, l'avait comme réchauffé de l'intérieur. Il n'était pas du tout familier avec ce sentiment. De quoi s'agissait-il ?

Il regarda Luka qui construisait un château de sable avec Preston, laissant un ricanement lui échapper en voyant le grand sourire rayonnant du brun. Voilà que cela recommençait. Il fallait que cela cesse. Ce n'était pas normal. Qu'était-ce ? De l'affection ? Les démons ne ressentent pas une chose pareille ! Du moins, pas Sebastian, durant des années et des années d'existence immortelle. C'était inquiétant. Le majordome démon commençait à s'inquiéter de ces étranges sentiments et de cet attachement. Il n'avait pas du tout l'habitude de tout cela.

- Aaaah !

SPLASH !

Il releva les yeux en direction de là d'où venait la voix de son maître, et il vit le garçon être jeté dans l'eau, une fois de plus. Pour le coup, il comprenait pourquoi faire une telle chose était amusant. Les démons se nourrissaient des émotions de leur maître, jusqu'à un certain point, et ils trouvaient une sorte de Schadenfreude lorsque leur maître était malmené.

Les pensées ainsi que les sentiments d'un démon correspondaient à ce que leur maître souhaitait, ou ce dont il avait besoin, même s'il s'agissait de quelque chose dont il voudrait pour lui-même, que ce soit conscient ou non. Claude Faustus, par exemple, agissait comme une sorte de pilier pour un Alois indiscipliné et impulsif ; son caractère stoïque mettant une limite à ce que le blond pouvait et ne pouvait pas faire. C'était ce dont il avait besoin. Mais, ce qu'il voulait, c'était être en mesure de se débarrasser lui-même de ses émotions ; d'être capable de détruire les sentiments que son passé lui avait laissé, et d'être complètement guéri de son propre traumatisme mental plutôt que de simplement essayer de prétendre qu'il n'existait pas. C'était presque aussi douloureux que d'admettre qu'il souffrait. Son « majordome » démoniaque avait seulement été libéré de cela par la supposée mort du blond, mais puisque le pacte était toujours en place, l'homme avait commencé à adopter des comportements plus puériles qu'auparavant, ce qui n'était pas si différent de ceux de la menace blonde.

Cela dit, du côté de Ciel, Sebastian était plein d'esprit, charmant, ouvert aux autres, il avait un sens de l'humour, et il savait toujours quoi faire. Tout cela correspondait aux choses que Ciel, lui-même, n'était pas au moment où le pacte avait été fait ; des choses que le bleuté voulait probablement être. Sebastian s'était changé par reflex en ce que le jeune garçon voulait, et en ce dont il avait besoin, devenant le majordome « parfait » ; du sur-mesure pour Ciel.

Parfois, Sebastian se demandait s'il était toujours une simple extension de la volonté de Ciel ? Il se le demandait encore maintenant, alors qu'il observait le bleuté être attaqué par son bien-aimé blond dans l'océan, suivit de près par les autres garçons. Ciel n'était plus dépendant de lui, pourtant il avait toujours la « personnalité » de « Sebastian ». N'aurait-il pas dû changer pour correspondre à ce « nouveau » Ciel Phantomhive « amélioré » ?

Un soupir échappa aux lèvres de l'homme alors qu'il songeait davantage à cela. Peut-être qu'il devrait demander au Docteur Ackerman durant son prochain bilan si elle savait quoi que ce soit. Ses multiples pensées furent cependant interrompues lorsqu'un certain petit démon vint à lui et s'assit. Luka le regarda, souriant, avant de se retourner pour regarder les autres garçons.

- N'allez-vous pas jouer avec les autres ? demanda l'homme en levant un sourcil. Il semblerait que Preston soit allé les rejoindre, lui aussi.

- C'est dur de nager en portant une capuche, dit le brun, se frottant les cornes à travers le tissu sur sa tête. En plus, elles sont plutôt dures, ajouta-t-il en observant les garçons plus âgés se gifler avec une algue mouillée, pour une raison qui lui échappait.

Le garçon plus jeune ne comprenait décidément pas leur manière de jouer, mais d'un autre côté, Sebastian non plus.

- Les adolescents ne changent jamais, répondit le majordome, marquant une pause afin de ricaner lorsque son maître jappa en étant frappé au dos par une certaine menace.

- Est-ce que je serai comme ça ? demanda Luka, regardant l'homme en noir, d'un air presque déçu.

- Probablement… dit Sebastian.

Le garçon croisa les bras.

- Je veux pas. C'est stupide.

- Mais ce sont les hormones.

- C'est quoi les « hormones » ? demanda Luka, regardant à nouveau l'homme.

Oh, comme ce garçon avait un don pour choisir les questions les plus embarrassantes, mais, Sebastian étant le majordome « parfait » qu'il était, répondit facilement.

- Les hormones sont ce qui contrôlent le cerveau, commença-t-il. Lorsque l'on devient adolescent, on commence à en avoir de nouvelles, et de plus en plus, afin de devenir adulte. Les hormones font faire aux adolescents des choses stupides parce qu'ils ne sont pas encore entièrement développés.

- Oh… répondit le garçon, regardant les autres garçons.

Il rougit légèrement, observant son grand frère embrasser son petit ami sur les lèvres.

- Pourquoi est-ce que les gens s'embrassent ? demanda-t-il.

Sebastian était presque impressionné par le manque de rapport entre les questions du garçon.

- Parce que leurs hormones le leur commandent, répondit-il.

Il y eut une longue pause où seul le bruit des vagues et le chahut des garçons pouvaient s'entendre.

- C'est stupide… finit par répondre Luka.

- N'est-ce pas ?