Écrit par HateWeasel

313. Le Petit Nouveau.

Les jours se suivirent les uns après les autres, et rapidement, l'été arrivait à sa fin. Il était bientôt temps de retourner à l'école, mais pas tout à fait non plus. Quoi qu'il en soit, les garçons étaient rentrés chez eux sains et saufs, sans blessures, maladies, ou traumatismes psychologiques, pour une fois.

Le duo de démons reprenait leur train-train quotidien, un soulagement pour lui. Ciel ne savait jamais réellement quoi faire en vacances, et comme il était de son devoir d'apprendre aux frères Macken comment se comporter de manière socialement acceptable dans un monde moderne, cela rendait les choses plus dures pour eux aussi. Ils étaient tous plutôt contents de retrouver leurs vies normales, Luka pouvant regarder Pokemon autant qu'il le voulait, et le duo de démons étant en mesure d'avoir une intimité dont il avait bien besoin et qui était devenue nécessaire pour son fonctionnement. Sebastian pouvait reprendre son travail, à son grand soulagement. Il ne savait pas vraiment quoi faire de tout ce temps libre dont il avait bénéficié durant le voyage, et il était à présent capable de calmer son anxiété curieusement grandissante vis-à-vis de sa productivité.

Il partageait bien cela avec son maître. Le Phantomhive était une sorte de bourreau du travail, ayant besoin de remplir la paperasse dès qu'il en recevait, que cela soit destiné à Phantom Toys, H.E.L.L.S.I.N.G, ou Scotland Yard. Ça lui était égal. Il avait besoin de le faire. Lorsqu'il n'avait plus aucune paperasse, c'était un problème car il ne savait plus quoi faire ensuite. D'ordinaire, il socialisait ou jouait avec Alois, faisant des batailles « Nerf à mort » et plus encore, mais maintenant que Luka était là, Alois passait son temps à jouer avec ce dernier, et Ciel ignorait comment interagir avec un enfant de neuf ans. Il venait à peine de s'habituer aux adolescents.

Malheureusement, le bleuté était passé maître dans l'art de la paperasse et il finissait plusieurs semaines de papier en seulement quelques heures, au maximum, alors ce problème se présentait souvent à lui. Il n'était pas jaloux de Luka lui-même ; oh non, il était, en fait, extrêmement heureux qu'Alois ait été réuni avec son frère, et Alois, en retour, lui était éternellement reconnaissant. Ciel lui avait donné tout ce qu'il avait toujours voulu dans sa vie, et il ne savait toujours pas comment lui rendre la pareille. Le blond s'en voulait de ne pas placer toute son attention sur son bien-aimé, mais il savait que le bleuté comprenait, comme il avait toujours compris que Ciel devait sacrifier de son temps pour travailler sur des choses et des autres.

Ils s'assuraient toujours de laisser à chacun du temps au quotidien, puisqu'ils ne pouvaient tout simplement pas passer leur temps collé l'un à l'autre à toute heure de la journée, et ils ne voulaient pas cela de toute manière malgré l'affection qu'ils se portaient mutuellement. Il y avait une activité qu'ils faisaient ensemble, cependant, qu'ils pouvaient faire ensemble, et qu'ils faisaient passer devant tout le reste quand nécessaire. Il s'agissait d'une de leurs occupations préférées ; c'était presque une sorte de jeu pour eux, en fait. Qui pourrait résoudre le problème en premier ? A quelle vitesse ? Avec quelle précision ?

Effectivement, l'un des passe-temps favoris du duo de démons était résoudre des meurtres, aussi tordu que cela pouvait sembler. Ce jeu risqué était palpitant, et lorsque l'on était immortel, trouver de quoi piquer son intérêt était important pour continuer à aller de l'avant. Cela arrivait rarement, étant donné que la plupart des homicides pouvaient être résolus par la police, mais lorsque les mortels se retrouvaient face à un mur, le téléphone sonnait, et la chasse était ouverte.

Voilà pourquoi le duo de démons se retrouva à Scotland Yard, le quartier général de la Police Métropolitaine de Londres. Ils avaient appelé un taxi pour s'y rendre comme Sebastian ne pouvait pas laisser Luka tout seul, et ils n'allaient certainement pas emmener le jeune Macken avec eux pour qu'il voit les quelconques preuves que la police avait à leur présenter cette fois. Ainsi, le duo de démons était seul, marchant le long des couloirs du commissariat jusqu'à la salle des preuves main dans la main, puisque Ciel connaissait toujours le bâtiment beaucoup mieux que Alois.

Regards troublés, et airs confus les suivirent là où ils passaient dans le bâtiment, comme toujours. Alois se souvenait du premier jour où il était venu ici, et la confusion n'avait pas changée. Les policiers restaient apparemment troublés de voir deux jeunes garçons débarquer dans des lieux inaccessibles au public comme s'ils en étaient propriétaires. Naturellement, tous les agents n'étaient pas au courant du statut du duo ainsi que de leurs actes et leurs exploits, puisqu'il était inutile et dangereux de trop en parler. Ces informations devaient rester confidentielles. Seuls les plus haut placés et les membres clés de départements spécifiques étaient au courant de leur existence. A part eux, le « jeune inspecteur » était toujours et devrait rester une sorte de mythe urbain dans le commissariat, et cela valait aussi pour les assistants du Phantomhive, bien sûr.

De temps à autres, les garçons se faisaient arrêter par des collègues qui n'étaient au courant de rien, surtout s'ils n'étaient pas accompagnés de Sebastian, mais pas cette fois. Les démons passèrent devant tout le monde jusqu'à la salle des preuves. Ciel remettait souvent en question la sécurité de cet endroit, d'ailleurs. Néanmoins, ils furent assez surpris en ouvrant la porte.

Là, comme attendu, se trouvait l'Inspecteur Bailey, ayant l'air aussi bourru et fatigué qu'à l'accoutumée, ainsi qu'un homme plus jeune qu'aucun des garçons ne reconnaissaient. Il semblait familier, mais ils n'arrivaient pas à se souvenir de son visage. Il avait l'air d'avoir la vingtaine, portant un presse-papier ainsi qu'un costume soigné et une cravate, ce qui contrastait avec l'apparence négligée de l'Inspecteur Bailey avec sa cravate desserrée, et sa chemise tachée par de la moutarde. Il avait des cheveux noirs, bien coiffés et bien tenus en place à l'exception d'une mèche rebelle, et des yeux d'une couleur sombre pétillants, ce qui allait bien avec son air impatient. Ciel et Alois ne s'intéressèrent pas à lui au départ, et firent leur vie, prenant des gants en latex afin de les revêtir pour se diriger vers la table au milieu de la pièce.

- Bonjour, Gabriel, dit Ciel à l'Inspecteur à l'air plus âgé.

- Bonjour, petit, répondit l'Inspecteur Bailey. Comment va la vie ?

- Oh, comme toujours, vous savez, répondit le bleuté. S'agit-il de ce dont vous m'avez parlé au téléphone ?

- Oui, exactement, juste là, répondit Bailey en montrant l'objet sur la table.

Il s'agissait d'une valise noire sobre, recouverte de terre, de boue, et de déchets, sur la grande table devant le duo. D'après Bailey, la valise avait été trouvée dans une benne à ordures, et contenait originellement quelque chose d'un grand intérêt pour la police. Elle contenait le corps nu d'une femme décédée, elle aussi âgé de la vingtaine. Ciel ouvrit l'objet et plissa le nez de dégoût. Bien que la valise soit désormais vide, le corps ayant été envoyé autre part, l'odeur de sang et de décomposition persistait, un affreux mélange entre ordures, terre, et crasse. Ciel prit la parole tandis que les deux démons examinaient chaque coins et recoins de la valise.

- Y a-t-il déjà eu une autopsie ? demanda-t-il, ne levant même pas l'œil.

- Ouais. Il a tous les papiers, répondit l'Inspecteur Bailey en parlant de l'homme étrangement familier dans la pièce. C'est mon fils. Je l'entraîne pour qu'il me remplace pour que je puisse enfin prendre ma retraite. N'allez pas le faire arrêter ou tuer, d'accord, petit ?

- J'essayerai, répondit le Phantomhive en regardant le jeune Bailey. Avez-vous un nom au moins ?

- Oh ! Oui ! dit l'homme au beau costume, en se tenant droit. Je m'appelle Michael Bailey. Au plaisir de travailler avec vous !

Il tendit une main vers le démon, afin de conclure la salutation, mais le bleuté se contenta de lever une main gantée avant de se remettre au travail.

- Cadavre plus mains sales, lui rappela-t-il, et Michael annula son geste.

- Ah, c'est vrai… répondit-il, embarrassé.

- Comptez-vous me dire les résultats de l'autopsie aujourd'hui ou non… ?

- Ah, oui ! dit l'homme, se reprenant une nouvelle fois. L'autopsie a révélé que l'heure du décès était aux alentours de minuit le 5 août et qu'il y a beaucoup de marques au niveau du cou et des épaules, ainsi que des signes de suffocations causées par le meurtrier, et une blessure crânienne… Je vais vous laisser ces images pour que vous puissiez voir ce que vous pouvez en faire… ajouta-t-il en tendant quelques papiers à la menace blonde, faisant attention à ne pas toucher les mains du garçon, et en retour, Alois les montra au Phantomhive, qui se contenta d'y jeter un bref coup d'œil.

- Il y avait aussi un tatouage sur la cheville droite de la femme ; le mot « Winter », reprit Michael en donnant également une photographie du tatouage. Il y avait aussi des signes de… hum… agression sexuelle…

- Rien d'étonnant, interrompit Ciel, regardant l'image du tatouage.

Il plissa l'œil.

- Pourquoi me donnez-vous cela ? demanda-t-il en regardant l'inspecteur en devenir.

- Pourquoi ? Eh bien, parce que nous ne sommes pas sûr de savoir quoi en faire…

- C'est un nom, dit le démon. De toute évidence. Je suggère que vous alliez trouver qui à Londres porte le nom « Winter », et dont le nom est sur les rapports de disparition.

- Oh… Très bien… répondit l'apprenant, prenant note sur son presse-papier. Une minute, comment savez-vous ?

-Pour quelle autre raison se tatouerait-on une absurdité pareille ? répondit le bleuté, et le blond qui l'accompagnait rit.

Michael se sentit quelque peu désarçonné par les propos du Phantomhive, ainsi que par les actions du Macken. Comment pouvait-on faire preuve d'autant d'insolence vis-à-vis d'un défunt ?

- Mais qu'en est-il des autres marques sur le corps ? demanda-t-il.

- Il n'y a aucun signe de lutte particulier, et à en juger par la blessure, il semblerait que la victime ait été attaqué par derrière. Ce meurtre n'était pas « dans le feu de l'action », parce que s'il y avait eu une dispute, elle aurait été attaquée par l'avant. Le meurtrier comptait tuer la victime dès le départ, commença Ciel en retirant ses gants avant de chercher son bloc-notes et un stylo dans sa veste. Mon hypothèse est que le meurtrier a tenté d'étrangler « Winter » par derrière, mais cela n'a pas fonctionné, et cela explique la blessure crânienne. Elle est à l'avant du crâne, ce qui suggère qu'il l'a relâché un instant afin de mettre la main sur un objet dur, continua-t-il en écrivant quelque chose sur son bloc-notes. Cependant, je ne peux rien prouver de tout cela tant que nous n'aurons pas trouver la scène du crime.

- D'accord, et comment procédons-nous ?

- Nous trouvons un suspect grâce à ceci, répondit le bleuté, déchirant la page de son bloc-notes pour la montrer.

Il s'agissait d'une série de chiffres.

- Cette affaire sort de l'ordinaire, reprit-il. Le tueur a laissé des bouts de plastique qui étaient normalement attachés à des étiquettes. Personne ne fait cela, alors il devait être pressé. Il a également laissé l'étiquette avec les instructions de lavage ainsi que le numéro de série qui est cousue dans la valise, que voici.

- Bien joué, petit, dit le Père Bailey. Qu'en faisons-nous ?

- C'est simple. C'est similaire à la manière que nous avons eu de résoudre l'affaire du « Croque-Mitaine », répondit Ciel. Nous trouvons quelle boutique vendait cette valise au moment du meurtre. Le plus probable étant qu'il a acheté ceci avec une carte, nous pouvons trouver son nom et son adresse, ainsi que de quelconques récents achats.

- Alors vous voulez que nous traquions les cartes de toutes les personnes ayant achetées ce modèle de valise ? demanda l'Inspecteur à l'air plus âgé.

- Bien sûr que non. D'abord, nous trouvons « Winter ». Nous trouvons le dernier endroit où elle a été vu et avec qui. Si nous réussissons à obtenir une description de la personne qui l'accompagnait, nous pourrons comparer cela avec les images de vidéo-surveillance de la boutique. Avez-vous tout retenu, ou devrais-je tout faire moi-même ?

- Non, je pense comprendre ce que vous voulez dire, répondit l'Inspecteur Bailey en se frottant le front. Nous allons nous y mettre tout de suite. Je n'arrive pas à croire que vous ayez pensé à tout cela…

- Allons bon, je fais cela depuis bien plus longtemps que vous, non ? plaisanta le bleuté en jetant ses gants en latex tout en se dirigeant vers la sortie, le blond juste derrière lui avec les notes et les preuves. Rappelez-moi si vous avez du nouveau, ou si vous êtes encore bloqué.

- Compris, répondit l'homme en ricanant. Oh, une dernière chose avant que vous partiez…

Il marqua une pause, sortit une feuille pliée avant de la tendre à Ciel.

- … J'ai trouvé ce que vous recherchiez…

Ciel prit le papier et le déplia, son expression devenant grave une fois de plus.

- Je vous en dois une, répondit le Phantomhive en repliant le papier pour le mettre dans sa poche.

- Nan, peu importe, répondit l'Inspecteur Bailey. J'ai l'impression de vous avoir fait perdre votre temps aujourd'hui, de toute manière. Voyez ça comme une forme d'excuse.

- Vous êtes trop bon, répondit Ciel avec un ricanement. J'attendrai votre coup de fil.

- Hah ! J'essayerai d'éviter ! répondit l'homme en observant les deux démons sortirent.

- Salut, Bailey ! Salut, « Junior » ! dit la menace blonde en suivant son bien-aimé.

- « Junior » ?! répéta l'inspecteur en devenir dans la pièce, et son père rit.

Ils restèrent ainsi jusqu'à ce que la porte se referme et que les deux démons soient bien partis.

- Des gens bien étranges… ajouta-t-il alors que les minutes passées lui revenaient en tête.

Il n'avait jamais rencontré personne d'aussi étrange auparavant. Pire encore, il devrait avoir affaire à eux à partir de maintenant.

- On s'y fait, répondit son père, s'asseyant sur une chaise dans le coin de la pièce. Ils sont corrects la plupart du temps. Il arrive qu'ils soient vraiment tordus, cela dit, mais il faut s'y faire sinon rien n'avance.

- Je ne sais pas comment tu fais… dit le fils, se demandant comment diable son père supportait ce genre de gens depuis plus de vingt ans.

Soudain, cependant, une pensée lui vint.

- Eh, papa ?

- Ouais ?

- Qu'est-ce qu'il y avait sur le papier que tu as donné à Sir Phantomhive ? demanda-t-il en voyant le visage de son père s'assombrir.

- L'endroit… où repose le corps originel de sa Némésis.