Écrit par HateWeasel

316. Retour A La Terre Et Femme Bestiale.

- Kof! Kof !

Le blond avait toussé ce jour-là. Une action qui avait irritée sa gorge alors qu'il n'avait pas toussé en presque quatre ans depuis qu'il était devenu un démon. Les démons ne toussaient pas. Une fois, ce fut inquiétant, mais lorsque la toux persista en quittant le cimetière, les deux garçons commencèrent à avoir un mauvais pressentiment.

Les démons ne toussaient pas. Ils n'éternuaient même pas, alors être malade, encore moins. Toutefois, durant les quelques jours suivants la visite au cimetière, Alois se vit faire beaucoup de ces choses que les démons ne faisaient pas. Il toussait, de temps à autres, et il éternuait parfois. S'il courait, il avait besoin d'un moment pour reprendre son souffle avant de continuer. Il baillait, et pire que tout, il avait à nouveau besoin de sommeil. Cela pourrait paraître tout à fait banal pour n'importe qui d'autre, mais pour Alois, c'était absolument terrifiant, il avait oublié toutes ces sensations.

Il commençait à perdre la tête, à avoir une peur maladive de s'endormir car lorsqu'il commençait à fatiguer, il sentait sa force et sa vigueur le quitter, avait l'impression qu'il était mourant. Cela pourrait être vu comme « irrationnel », mais passer de créature immortelle ne nécessitant pas de sommeil à une « sorte » de créature immortelle qui en avait besoin rendait cette conclusion plus logique.

Tous les soirs, il restait debout jusqu'à l'aube dans le bureau de Ciel, refusant d'aller au lit, et finissant par succomber à Morphée lorsque ses paupières devenaient trop lourdes pour rester ouvertes. Il avait peur de ne plus jamais se réveiller s'il s'endormait, alors il restait avec le bleuté tandis que ce dernier travaillait afin de se garder éveillé. Il parlait à Ciel, essayait de lire, de faire la paperasse que l'autre garçon négligeait, étonnamment, ces temps-ci, avant de finir par sombrer là où il était assis.

Ciel, lui-même, se faisait de plus en plus de soucis chaque jour. Il n'arrivait pas à se concentrer sur l'affaire, voyant les poches qui se formaient petit à petit sous les yeux de l'autre garçon ainsi que les changements de son comportement. La peur du noir du blond était revenue, alors qu'il perdait sa capacité à voir dans la pénombre, et ses sens n'étaient plus aussi développés qu'auparavant. Chaque jour qui passait, la menace blonde devenait de plus en plus humaine.

- Jeune maître ? dit un certain majordome en frappant à la porte du bureau du Phantomhive.

Il commençait, lui aussi, à s'inquiéter.

Son maître était sans dessus-dessous dernièrement, alors que le bleuté tentait désespérément de comprendre ce qui n'allait pas chez Alois. Il ne mangeait pas, ne dormait pas, la plupart de son temps étant passé à faire des recherches et à veiller sur la menace blonde dans son état fragile. Sebastian ne pouvait qu'imaginer ce que le garçon traversait. Il savait ce que Ciel éprouvait vis-à-vis des trépassés dans sa vie sans même en avoir discuté, mais maintenant, la paranoïa, l'idée que sa chère menace blonde puisse lui être arrachée à son tour le rendait fou. Sebastian entendit un « entre » très réticent venir de l'autre côté de la porte avant de voir un bureau en pagaille.

Des livres ainsi que feuilles étaient posés sur toutes les surfaces, chaises comprises, partout sauf sur le canapé où Alois était allongé, profondément endormi avec un manteau en guise de couverture. Le Phantomhive faisait face à une bibliothèque dans la pièce, feuilletant une livre quelconque sur Dieu sait quelles choses diaboliques. Soupirant, il le referma et le remit à sa place.

- Toujours rien ? demanda Sebastian.

- Bien sûr que non, répondit le bleuté. J'ai cherché dans absolument tous les livres du manoir, et rien...

- Le Docteur Ackerman a-t-elle des informations ? demanda le majordome.

- Non, pas même le personnel de H.E.L.L.S.I.N.G ne sait par commencer.

La première chose qu'il avait faite en découvrant ce qui arrivait avait été d'emmener Alois au quartier général de H.E.L.L.S.I.N.G afin de le faire examiner, cependant, le blond leur avait posé une colle. Les radiographies ne montraient aucune anormalité, et il en allait de même pour les scanners. La procédure habituelle du bilan de santé pour démon, cependant, avait démontré que quelque chose n'allait vraiment pas.

Le temps de transformation du blond était beaucoup plus lent, et ses cornes étaient molles, comme celles de Luka. Sa force et sa capacité régénératrice s'affaiblissaient également. Une coupure qui ne prendrait ordinairement que quelques secondes pour se régénérer prenait maintenant quelques minutes, et le blond portait autant de poids qu'un joueur de rugby écolier lambda. Il présentait des caractéristiques similaires à celles que son jeune frère possédait, en fait, et cela lui faisait peur. Il perdait ses pouvoirs, d'une certaine manière.

Personne n'était sûr de savoir comment ou pourquoi. Tout ce qu'ils savaient était que cela se produisait, et vite.

C'était affreux à imaginer. Soudainement, Alois n'était plus capable de faire les mêmes choses qu'avant. Partir en mission pouvait à présent lui être fatal, à cause de cela. Fatal... Cela voulait-il dire... que Alois pouvait véritablement mourir ?

Était-il en train de mourir actuellement ? Voilà la question qui rongeait l'esprit du bleuté et qui l'effrayait lui aussi. Tout mais pas cela. C'était impossible. Alois ne mourrait pas, et Ciel Phantomhive ferait tout en son pouvoir pour s'en assurer. Mais, Alois n'était pas le seul qui se sentait soudainement impuissant. Oh, non. Ciel faiblissait également.

Alois était le seul à qui le bleuté montrait ses faiblesses. Le bleuté l'aimait, et il était, en retour, aimé par le blond. Ciel avait fait l'erreur de prendre cela comme acquis et de s'en défaire, mais pas cette fois. Pas cette fois, et plus jamais. Alois était son monde. Il avait goûté au fruit du bonheur, et il n'allait pas le rendre.

Il avait à nouveau une famille, un concept qu'il n'avait pas connu pendant des lustres. Il avait oublié le sentiment de bien-être et de sécurité ; d'amour et d'intimité. Quelque part dans son esprit vivait ce même garçon de dix ans apeuré qui avait besoin de sa famille, mais il était faible.

Dans sa précipitation, Ciel avait perdu la capacité de fonctionner aussi rationnellement que d'ordinaire. Il était seulement capable se dépêcher de chercher quelque chose, quoi que ce soit, qui lui donnerait une idée de quoi faire ensuite. Il ignorait les appels téléphoniques, négligeait son travail, et ses responsabilités afin d'élucider cet étrange phénomène. Mais, la chose la plus frustrante, était le fait qu'il n'ait rien trouvé.

C'était la faiblesse de Ciel. Alois pouvait être sa plus grande force, ou son talon d'Achille, et actuellement, il était paralysé à l'idée de perdre ce garçon. Pour la première fois depuis bien longtemps, Ciel Phantomhive ne savait pas du tout quoi faire, et il n'aimait pas cela. Il avait l'impression qu'on lui avait retiré tout ce qui lui permettait de se sentir en sécurité. Il n'avait plus l'avantage, ni sa fierté. Il avait l'impression d'être l'ombre de lui-même, et pour une fois, il n'avait aucune idée de quoi faire. C'était comme s'il tombait sans but sans rien où s'accrocher pour se ralentir, la seule chose qu'il pouvait faire étant d'attendre de s'écraser au sol. Il marcha lentement jusqu'à son bureau et s'assit, posant ses coudes sur la surface et sa tête dans ses mains alors qu'il essayait de ne pas avoir l'air aussi débraillé et désespéré que cela devant son majordome, le tout tout en tentant de digérer les informations qu'il avait.

Sebastian le ressentait, lui aussi. Il n'avait jamais vu son maître agir d'une telle manière auparavant, et dire que c'était un « choc » ne serait pas exagérer. Il avait également le devoir de cacher tout cela à Luka. Oui, Luka... Alois lui-même avait demandé cela, puisqu'il ne voulait pas que son cher petit frère s'inquiète pour lui. Il se sentait déjà assez mal de faire tomber Ciel en dépression.

- Il s'est enfin endormi, hm ? remarqua le majordome, mettant fin à ce silence insoutenable.

Il se dirigea vers le blond, écartant une mèche rebelle de son visage. Alois était si mal, qu'il ne remarqua même pas.

- Oui. Il y a seulement une demi-heure, j'en ai bien peur, répondit le Phantomhive, ne sourcillant même pas lorsque l'homme vêtu de noir le regarda d'un air confus.

- Il est presque sept heures du matin ?

- Je sais...

Sebastian regarda à nouveau le blond, dans son ensemble. De toute évidence, récupérer aussi peu de sommeil pour quelqu'un dans son état ne faisait qu'empirer les choses. Le majordome souleva l'une des mains du blond par le poignet, puis il la relâcha sur son estomac où elle resta. Elle était complètement molle comme lui ; s'il n'y avait pas eu le souffle du blond, l'on aurait clairement pu le penser pour mort. Ensuite le majordome poussa légèrement la mâchoire du blond, afin que sa bouche ne soit plus ouverte alors que le garçon était profondément emprisonné dans son sommeil. Honnêtement, Sebastian ne comprenait vraiment pas comment son maître pouvait être sexuellement attiré par ce garçon.

- Sebastian, qu'est-ce que tu fais ? demanda le bleuté d'un ton agacé, levant un sourcil en voyant les actions du majordome.

Il n'était pas d'humeur pour une quelconque pitrerie.

- Il n'avait pas l'air très confortable, jeune maître, répondit l'homme vêtu de noir. Il est important pour ceux qui ont besoin de sommeil de le faire dans une position confortable, autrement l'on se réveille tout aussi exténué !

- Mieux vaut l'emmener dans notre chambre, dans ce cas, répondit le Phantomhive en soupirant. Il se plaint tout le temps du manque de confort de ce canapé.

- Voulez-vous que je m'en occupe ? demanda le majordome.

- Non, je vais le faire, dit Ciel, se levant de sa chaise.

Il se dirigea vers le canapé dans le grand bureau connu pour son inconfort, chassant brièvement le majordome hors de son chemin alors qu'il mit ses bras sous la menace blonde afin de la soulever.

- Jeune maître ? dit Sebastian d'un air inquiet.

- Je m'en sors, Sebastian, répondit le bleuté en sortant de la pièce pour longer le couloir. Mais le majordome persista.

- Mais, jeune maître...

- Je peux y arriver, Sebastian, dit Ciel plus fermement, presque énervé.

Son agitation ne fit qu'empirer lorsque l'homme le suivit et ouvrit la porte de leur chambre pour lui.

- Non, ce n'est pas ça, jeune maître... répondit Sebastian alors que le bleuté posa son bien- aimé sur le lit et mit les couvertures sur lui. C'est Alois. Quelque chose ne va pas chez lui-

- Vraiment ? Je n'avais pas remarqué, répliqua avec sarcasme l'ancien Comte, ayant perdu patience.

Il fronça les sourcils et regarda l'homme, dont l'air inquiet devint plus ferme alors qu'il ouvrit la bouche pour répondre. Il fronçait les sourcils, le ton intransigeant, un air grave su le visage.

- Monsieur, je comprends que vous soyez contrarié, et très frustré actuellement, mais je crois avoir fait une observation qui pourrait être bénéfique à votre cause, commença le majordome. Je crois aussi qu'il en va de votre intérêt et de celui d'Alois de prendre le temps d'écouter ce que j'ai à vous dire.

Dire que Ciel était quelque peu pris de court par ce qui venait de se passer serait juste. Durant toutes leurs années passées ensemble, Sebastian ne s'était jamais, ô grand jamais adressé au Phantomhive de cette manière. Jamais Sebastian n'avait-il été aussi ferme, et jamais n'avait-il parlé sur ce ton à son maître de manière aussi sérieuse. Quoique Ciel ne l'admettrait jamais, c'était quelque peu déconcertant. Il n'arrivait même pas à s'énerver contre l'homme à cause de cela.

- Puis-je ? dit Sebastian d'un ton étonnamment sincère, puis il sourit. Après tout, vous n'êtes pas le seul souhaitant conserver notre petite « famille », vous savez.

Ciel eut besoin de se laisser un moment pour songer à cette idée. Effectivement, il y avait Luka, qui ignorait tout de la situation, mais Sebastian ? Pourquoi Sebastian ? L'homme était un véritable démon, était-il alors en mesure de ressentir une quelconque forme d'attachement envers leur petit groupe ? Qui plus est, pourquoi se faisait-il du souci pour le garçon qui l'avait condamné à cette vie d'asservissement éternel ? Cela n'avait absolument aucun sens, mais peut-être, peut-être se pourrait- il que si Ciel pouvait s'attacher à son ennemi, alors son majordome aussi, de fil en aiguille ? Ce n'était pas impossible, mais cela restait étrange. Toutefois, l'homme appréciait de toute évidence le petit frère du blond, mais même ainsi, ce ne devrait pas être possible.

- Monsieur ? dit le majordome, retrouvant l'attention du garçon.

- Oh, oui ? Oui. Pardon. Je te prie de continuer, Sebastian, dit le garçon, ayant du mal à suivre.

- Merci, jeune maître, répondit Sebastian en se courbant légèrement. Si ma mémoire est bonne, un démon est capable de sentir des choses qu'aucune technologie humaine ne peut sentir, n'est-ce pas ? commença-t-il.

Il attendit que le bleuté hoche la tête en réponse avant de reprendre.

- Comme lorsque nous avons découvert la situation de Nigel et Luka à la plage l'année dernière, voyez-vous ? En sachant cela, avez-vous fait attention à l'intensité de l'âme d'Alois dernièrement ?

Soudain, le visage déjà pâle du bleuté perdit de ses couleurs. Il regarda à nouveau la menace blonde qui dormait à poings fermés, et mit une main contre la joue du garçon. Il écarquilla l'œil, et son cœur s'arrêta. Le bleuté tomba à genoux contre son gré, son torse ainsi que ses bras étant pressés contre le bord du lit avec le blond.

Comment était-ce possible ? L'âme d'Alois était en train de s'éteindre.

Cela faisait sens, étant donné que le corps d'Alois était artificiel ; et non le corps auquel son âme était liée depuis sa naissance. Le plus probable était qu'il n'était pas fait pour contenir une âme démoniaque pendant très longtemps. Il semblerait qu'il y ait une date de péremption. Quoi qu'il en soit, le Phantomhive ne réfléchissait déjà plus rationnellement depuis un moment. Sa gorge était nouée, et sa poitrine était comme un trou béant. Alois, en un sens, était en train de mourir, et il avait passé beaucoup trop de temps à chercher quelque chose dans des livres plutôt que de faire attention à la personne pour qui il faisait cela. Une fois de plus, Ciel avait échoué, semblerait-il.

- Jeune maître... dit le majordome d'une voix basse. Ce n'est pas la fin... Même si son âme quitte ce corps, vous avez toujours les moyens de la ramener... Vous l'avez fait par le passé, et vous pouvez le refaire.

Il fallut un moment au bleuté, mais il réussit d'une manière ou d'une autre à se reprendre en mains et à se relever du sol. A la place, il s'assit sur le lit, caressant les cheveux de son amant avec tendresse, l'action semblant le calmer quelque peu. Il se fichait de sa fierté à présent. Alois était bien plus important pour lui, alors cela lui était égal si Sebastian le voyait agir ainsi. Il devait juste garder Alois en vie.

- Combien de temps nous reste-t-il d'après toi ? demanda-t-il d'un ton assez faible, mais plus calme qu'auparavant.

- Je l'ignore, jeune maître... répondit Sebastian. Il serait sans doute plus bénéfique de se mettre au travail dès maintenant.

- C'est exactement ce que je me disais, répondit Ciel. Peux-tu faire les préparations ?

Ainsi, Sebastian sourit et s'inclina légèrement.

- Yes, my lord.

Sebastian partit, laissant les garçons seuls dans une pièce silencieuse, fermant la porte derrière lui. Après quelques instants, Ciel jeta ses chaussures et se faufila dans le lit avec le blond.

Naturellement, il avait grand besoin de se sentir proche du garçon à cet instant. Le bleuté se tint fermement au garçon, comme s'il avait peur qu'il se lève et parte. Aussi « ridicule » et « puérile » qu'il trouverait cela d'ordinaire, il avait désespérément besoin de ce petit geste qui ne demandait pas de parole. Le bleuté se lova près de son bien-aimé blond, mais il ne dormit pas. Non, l'idée ne lui traversait même pas l'esprit. Il pouvait seulement profiter de la chaleur d'Alois et réfléchir à une manière de régler tout cela.

Les heures défilèrent, et il resta ainsi, à penser, et à faire de son mieux pour que son esprit cynique voit le bon côté des choses, une tâche presque au-delà de ses capacités. Il ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce qui se passerait si leur plan échouait, ce qu'il ferait ensuite. Il devrait essayer autre chose pour ramener le blond, mais et s'il en était incapable ? Et si le blond lui était arraché à jamais ? Que ferait-il ? Il ne pensait pas pouvoir supporter la perte d'une autre personne chère à ses yeux. Il deviendrait sans doute fou ; il suffisait de voir ce qui était arrivé la dernière fois que le monde s'était écroulé sous ses pieds.

Que ferait-il ? Il ne pensait pas pouvoir continuer sans sa menace blonde. Redeviendrait-il un étranger pour tous ceux qui étaient relativement proches de lui ? Ses amis ? Ses associés ? Et Luka ? Oui, Luka... Et lui alors ? Le bleuté avait fait une promesse non dite avec le blond, pour qu'il veille sur le jeune Macken, alors comment se comporterait-il avec lui ? Il ne savait pas. Il ne voulait pas que son cœur se refroidisse à nouveau. Mais, il ignorait s'il était en mesure de maintenir sa chaleur si le blond venait à le quitter. Tandis que les heures passaient il resta ainsi avec Alois, songeant à toutes ces désagréables possibilités, ne remarquant pas l'humidité qui se forma au coin de son œil.

BOUM !

Il dut, contre son gré, arrêter de s'apitoyer sur son sort et son désespoir à cause du bruit de la porte de la chambre qui fut violemment ouverte. Il sursaute par reflex en entendant le fracas, stupéfait de voir que le vacarme ainsi que son mouvement n'avaient pas réveillés le blond. Mais le pire était à venir alors qu'il posa l'œil sur l'intrus qui l'avait sorti de sa torpeur : Sir Integra Fairbrook Wingates Hellsing.

La femme était absolument furieuse. Lorsqu'elle vit le bleuté, sa colère sembla amplifier. Elle serrait les dents d'un air massacrant, fronçait les sourcils ; les narines dilatées et les poings serrés. Ciel avait déjà vu Integra en colère auparavant, mais jamais n'avait-il réellement connu la peur que sa furie inspirait jusqu'à ce qu'elle soit dirigée contre lui aujourd'hui.

Les émotions de Ciel étaient déjà assez confuses comme ça avant qu'elle ne soit là, et il n'avait décidément pas besoin de cette nouvelle terreur. Il était déjà tellement déboussolé qu'il n'avait pas senti sa présence dans le manoir, et la femme n'était pas exactement du genre à passer inaperçu dans ce type de situations. Le bleuté écarquillait les yeux, montrant sans le savoir des signes de faiblesse face à, peut-être, l'une de ses plus redoutable ennemies.

- Mais que pensez-vous donc être en train de faire, bon sang ?! hurla-t-elle et il recula par reflex.

Il fallut quelques secondes au garçon pour comprendre ce qu'il se passait et pour trouver une réponse.

- Comment ça qu'est-ce que je suis en train de faire ?! Qu'est-ce que vous faites chez moi ?! aboya- t-il en retour.

- Pas de ça avec moi ! répliqua la femme d'un volume surpassant de loin celui du bleuté. J'essaye de vous joindre depuis trois jours, et je vous trouve en train de cajoler ! Comment expliquez-vous donc cela, Phantomhive ?!

Ah oui... Ciel avait été si préoccupé à l'idée de trouver une solution aux problèmes du blond qu'il n'avait ni répondu aux appels, ni travaillé. Sebastian était venu plusieurs fois pour lui parler d'une histoire de téléphone, mais le bleuté l'avait instantanément congédié. Il n'aurait jamais imaginé que cela se serait retourné contre lui. S'il avait été dans son état normal, il aurait répondu, anticipant les conséquences.

- Je m'occupais de Jim, dit-il fermement, se levant tout en prenant une position de défense face à la Hellsing. Il commence à-

- Je suis déjà au courant, interrompit Sir Integra en faisant signe à son associée, Seras, qui tentait désespérément de ne pas être impliquée.

La pauvre Draculina tendit un dossier à sa patronne et recula immédiatement dans le couloir afin d'éviter une quelconque passe d'armes ; puis la Hellsing jeta le dossier vers le bleuté.

- Vous êtes venu dans nos quartiers plus tôt cette semaine. Rien ne m'échappe, reprit-elle.

- Les tests de vos agents étaient nulles, dit Ciel, cependant, Integra ne faisait que commencer.

- Oui, mais j'ai quelque chose, répondit la femme. Dans ce dossier, vous trouverez que H.E.L.L.S.I.N.G a eu vent d'observation de ce que l'on appelle des « Revenants » dans la région de Londres, - elle fouilla dans sa poche à la recherche de son étui à cigare -, Comme les goules, il s'agit d'un cadavre réanimé, cependant, contrairement aux goules, ils se régénèrent, maintenant une apparence plus humaine, et ils sont également cannibales, dit-elle en allumant son briquet avant le cigare.

Un nuage de fumée s'échappa de ses lèvres avant qu'elle reprenne.

- On en voit rarement, étant donné qu'ils n'apparaissent en fait que rarement. Les revenants sont motivés par la vengeance d'une personne autrefois vivante, ce qui les fait se mouvoir. Ainsi, ils sont aussi dotés d'une certaine intelligence, conclut-elle.

- En quoi cela me concerne-t-il ? demanda le Phantomhive.

- Ouvrez le dossier pour le découvrir.

A contrecœur, le bleuté s'exécuta, ouvrant le dossier de mission de H.E.L.L.S.I.N.G afin d'en voir le contenu. Ce n'était en grande partie que de la paperasse, et des rapports prit de témoins sur les observations, mais il y eut une chose qui attira son attention. Une chose ignoble qui le révolta. Il s'agissait d'une photographie prise de la tombe d'où la créature était supposément sortie. Et qu'y avait-il de si horrible à propos de cette photographie ? Eh bien, c'était un endroit familier.

« Alois Trancy

5 Novembre 187420 Août 1889 »

Il y avait même l'inscription dans le coin qui avait rendu le duo si heureux il y avait seulement quatre jours. Devant la vieille tombe, cependant, se trouvait quelque chose qui n'était pas là durant leur viste ; un trou dans le sol, juste assez grand pour qu'un être humain puisse s'y glisser. Il y avait des carrés de terre juste devant où l'herbe avait été arrachée alors que la créature tentait de trouver une prise afin de se hisser hors du trou. Il y avait également des carrés de terre renversé là où la créature s'était agrippée durant sa fuite.

Des gouttelettes de sang tachetaient l'herbe là où elle avait désespérément tenté de se libérer. Une autre photographie montrait comment elle s'était extirpée du cercueil alors que H.E.L.L.S.I.N.G avait creusé la tombe afin de mieux enquêter, faisant attention à ne pas abîmer la pierre tombale. Le cercueil était rempli de terre alors que le revenant s'était frayé un chemin pour sortir, mais il n'était pas ouvert au niveau des gonds. Oh, non, le poids de la terre était beaucoup trop important pour cela. La créature avait fait un trou juste assez large dans le cercueil en bois. La porte était recouverte de griffures en tout genre, de sang, d'ongles, et de bouts de chair là où elle avait griffé et frappé avec ses poings pour sa liberté, peu importe la douleur.

C'était écœurant. Elle avait fait cela avec le corps d'Alois. Il s'agissait de son sang, ses ongles et sa chair dans cette boîte, et maintenant, elle se pavanait en ville en portant son visage. Impardonnable. Ciel serra les documents dans ses mains, serrant les dents en essayant de se contenir.

- Ce n'est pas tout, dit Integra, prenant une autre pouffé de son cigare. Cela pourrait vous intéresser. Nous savons que les revenants sont censés canaliser l'âme du propriétaire du corps pour l'utiliser, et grâce à vos découvertes, nous savons que cela est possible si quelque chose qui contenait cette âme est utilisé comme support, en d'autres termes, le corps lui-même.

- Donc si nous le retrouvons, nous pouvons sauver Jim ? reprit Ciel, continuant à regarder le dossier.

- En théorie, oui, répondit la Hellsing. Ce ne sera pas facile. Une fois régénéré, il se fondera dans la masse avec tous les autres humains. Voilà pourquoi j'ai besoin de vous. Vous êtes le seul qui en sait assez sur le « passé » de Jim Macken afin de limiter nos recherches. Suis-je bien clair ?

Ciel marqua une pause avant de répondre.

- Comment avez-vous su ce qui arrivait à Alois ? demanda-t-il avec méfiance.

Integra ricana.

- J'en suis venue à une déduction logique, enfin, répondit-elle. Le corps de Jim a été conçu pour accueillir un être humain, n'est-ce pas ? Vous l'avez créé sans avoir l'intention d'en faire un démon, pourtant, avec une âme démoniaque, il en est devenu un. Je suis simplement parti du principe qu'il devenait plus « humain » parce qu'il perdait la source de son pouvoir.

Ciel devait l'admettre, Sir Hellsing était une femme de connaissance digne de respect. Elle était en mesure de comprendre tout cela toute seule, sans aucune aide, alors que Ciel avait eu besoin de l'aide de Sebastian pour comprendre cela lui-même. Elle pouvait faire cela depuis son propre bureau, tandis que Ciel était juste à côté du blond en personne, et était beaucoup trop sot pour s'en rendre compte.

Il détestait cela chez elle, et chez lui. C'était une des raisons pour laquelle elle le contrariait tant. Mais, même s'il ne pouvait pas la supporter, même si elle le rabaissait et détruisait sa fierté, elle lui avait offert une manière de sauver son bien-aimé sur un plateau d'argent, et pour cela, il ne pouvait être que reconnaissant. Finalement, il releva l'œil des documents, et lança à la femme l'air le plus distingué qu'il pouvait faire.

- Je ferai tout ce que vous direz, dit-il sans une once de honte ou de regret.

En toute honnêteté, cela surprit sa rivale.

- Pardon ? demanda-t-elle en levant un sourcil.

- J'ai dit que je ferai tout ce que vous voudrez, répondit-il. Ça m'est égal ; tant que je peux sauver Jim, je le ferai.

Choquée, la femme cligna de l'œil quelques instants, assimilant ce que le garçon venait de dire. Une fois cela fait, elle sourit, laissant un petit ricanement lui échapper. Ce n'était pas pour se moquer de l'obéissance du Phantomhive, mais plutôt, autre chose. Le fait que le garçon soit prêt à aller jusqu'à lui obéir sans discuter ou se plaindre pour le bien-être de quelqu'un d'autre était presque humble, d'une certaine manière.

- Nous ferions mieux de partir, dans ce cas, dit-elle finalement. Nous partons sur le champ.

- ? demanda Ciel.

- vous nous guiderez, répondit la Hellsing. Vous êtes l'expert sur « Jim Macken », pas moi.

Ainsi, elle se retourna et sortit de la pièce pour retourner dans le couloir où son associée vampirique se mit à la suivre. Ciel l'observa quitter la pièce un instant avant de regarder la menace blonde, qui avait continué à dormir tout du long. Le bleuté relâcha sa prise sur le dossier, et se dirigea vers le garçon, se penchant en avant afin de déposer un bref baiser sur ses lèvres.

- Je reviens, chuchota-t-il. Tu n'auras pas de fleur de si tôt.