Écrit par HateWeasel
319. Hébergement Des Vivants.
- Vous n'étiez pas obligé de le frapper ainsi, dit un certain bleuté en croisant les bras alors qu'il était assis en face de sa rivale de toujours, Sir Integra Hellsing.
Les deux chefs de familles étaient assis dans le bureau de la femme, discutant de la situation actuelle avec le cadavre réanimé qui résidait dans le sous-sol du manoir. Même si le Phantomhive détestait par-dessus tout être en contact avec Integra, le bien-être de la menace blonde était plus important, alors il était plus que prêt à faire des sacrifices, peu importe les coups portés à son égo. Tout cela vaudrait sûrement le coup au bout du compte. Quelques heures avec Integra pour ne pas passer l'éternité sans sa menace blonde était bien plus qu'assez à payer. Ainsi, il était sage comme une image, un fait qui amusait grandement la femme.
- C'était la manière la plus rapide et la plus facile de mettre un terme au conflit, répondit Sir Hellsing, allumant un cigare. Je ne l'aurais pas fait, si cela avait pu abîmer ce que vous cherchez.
Ciel gigota sur son siège, légèrement, rejouant la scène dans sa tête avant de froncer davantage les sourcils.
- N'oubliez pas que cette chose est une imposture, Ciel, ajouta-t-elle avant de prendre une bouffée de son cigare et de lancer un sourire hautain au garçon. Vous ne devriez pas laisser vos émotions vous empêchez de travailler.
Elle ricana en voyant l'air agacé qui traversa le visage du garçon.
- Mes émotions sont à l'origine de mon travail actuel, dit Ciel. Au moins j'en ai, contrairement à certaines personnes.
- Vous semblez avoir l'impression que je n'en ai pas, répondit la femme. J'aurais pu me contenter d'éliminer la cible au lieu de me casser la tête-…
- Ce n'est que parce que vous en tirez profit, interrompit le bleuté. Plus il y a de cobayes surnaturels, mieux c'est, n'est-ce pas ? Plus vous en contrôlez, plus il vous est simple de vous débarrasser du reste ?
Le sourire d'Integra s'évanouit.
- Effectivement, mais ce n'est pas tout, dit-elle, éteignant son cigare.
Elle n'avait pas besoin de nicotine pour dire ce qu'elle avait à dire.
- Bien qu'il soit plus bénéfique d'avoir davantage d'agents surnaturels, il est également plus rentable d'avoir des agents dociles qui ont aussi un fort sens de la moralité, reprit-elle.
La femme s'avança sur sa chaise, mettant ses coudes sur la table devant elle tout en croisant les mains.
- Individuellement, vous n'avez tous les deux aucun de ces aspects. Ensemble, cependant…
Elle marqua une pause, prenant un instant afin de déchiffrer l'expression du bleuté.
- … vous devenez presque les agents idéaux, conclut-elle en s'adossant à nouveau contre sa chaise. Lorsque vous êtes ensemble, vous faites preuve d'une forme d'humanité qui est autrement absente. Nous n'avons pas besoin de monstres sans cervelle courant dans tous les sens en tuant tout ce qui leur passe sous la main.
- Qu'en est-il d'Alucard ? demanda le bleuté, mentionnant la carte maîtresse de l'organisation.
- Alucard n'est utilisé qu'en dernier recours, répliqua la femme. De plus, il n'est plus là. Mais c'est sans importance.
Ciel pouffa.
- Vous n'êtes que contradictions, vous savez ? dit le bleuté, fronçant les sourcils tout en se levant de sa chaise. Vous et votre organisation. Je ne cherche pas de leçons sur la moralité, je veux retrouver Jim.
- Je sais, voilà pourquoi je vous laisse prendre part à tout cela, dit la femme en prenant le cigare dans une boîte de Hendi Winzermans entre ses doigts. Vous l'aimez, n'est-ce pas ?
- Oui… répondit le bleuté en serrant les poings.
Rapide comme l'éclair avec son briquet, la femme devant lui prit une bouffée de son cigare avant la parole.
- Alors c'est une raison suffisante pour que je vous laisse faire, dit-elle simplement. Je n'ai pas toujours d'arrière-pensée, Ciel.
Le bleuté regarda la femme, une lueur contestataire dans l'œil.
- Est-ce véritablement la raison pour laquelle vous faites cela ? Par gentillesse ? demanda-t-il, froncement de sourcil toujours présent qui ne fit qu'empirer lorsque la femme ricana.
- Je suis un être humain, Ciel. La voilà votre raison, dit-elle. C'est ce que font les humains. Seul un monstre n'aiderait pas quelqu'un à sauver son être cher s'il en a le pouvoir.
Integra plissa son propre œil en regardant le garçon, bleu contre bleu.
- Je ne suis pas un monstre Ciel. Je suis humaine ; vous feriez mieux de vous en souvenir, l'avertit-elle d'un ton grave.
Cela fit frissonner le Phantomhive, et son esprit se mit en action, mais, comme beaucoup d'autres fois avec la femme, il était incapable de trouver quoi répondre.
Heureusement pour lui, il fut sauvé lorsque la draculina Seras Victoria passa la tête par la porte. Le garçon tenta de ne montrer aucun signe de son soulagement à cet instant. Avec un peu de chance Seras avait de quoi changer de sujet, bien qu'il déteste perdre un débat contre la Hellsing. Seras sourit et entra dans la pièce, bondissant légèrement, avant d'ouvrir la bouche afin de s'adresser aux deux aristocrates.
- Madame, Jim Macken est ici. Voulez-vous que je le fasse monter ici ? demanda-t-elle et le bleuté écarquilla l'œil avant de se tourner vers Sir Integra.
- Non. Emmène Ciel le voir. Je pense qu'il vaut mieux qu'ils aient un moment seul à seul, répondit la chef des Hellsing.
Ciel fronça les sourcils.
- Pourriez-vous m'expliquer ? demanda-t-il.
Sa rivale fuma son cigare avec désintérêt, parlant d'un même sentiment.
- Je trouvais plus judicieux que notre personnel s'occupe de Monsieur Macken jusqu'à ce qu'il soit totalement guéri, répondit-elle.
- Et vous ne m'avez pas d'abord demandé parce que… ?
- Je savais que vous diriez « non », dit Integra. Monsieur Macken est un individu à part entière capable de prendre ses propres décisions. Il aurait pu décliner, ajouta-t-elle.
Bien que le bleuté détestait l'admettre, elle avait raison. Il était parfois autoritaire avec le blond, un fait qui énervait l'autre garçon de temps à autres. Alois n'aimait pas que Ciel le colle pendant les missions, ni qu'il dise qu'il ne pouvait pas y participer du tout, même si cela partait de bonnes intentions. Même s'il s'inquiétait pour le garçon, il comprenait que les gens aient besoin de liberté, alors il faisait mentalement de son mieux pour le laisser faire.
Même s'il voulait faire tout ce qu'il pouvait pour réconforter le garçon, il devait accepter que le traiter comme un enfant ne serait pas suffisant, parfois. Alois était son petit ami, pas son enfant, alors quoiqu'il ait du mal à accepter le fait que H.E.L.L.S.I.N.G le prenne en mains temporairement, il devait accepter qu'être là à chaque instant était impossible, peu importe à quel point cela le rendait anxieux. En effet, l'idée qu'Alois reste au Manoir Hellsing seul pour ne serait-ce qu'une nuit rendait Ciel nerveux.
C'était compréhensible, étant donné que Ciel, lui-même, n'était mieux qu'avec le blond à ses côtés. Le blond était toujours là pour lui lorsqu'il se sentait faible, pour lui dire qu'il n'y avait pas de mal à se sentir ainsi occasionnellement. Alois était tout autant une « sécurité » pour lui qu'il l'était pour Alois. Il se sentait vulnérable juste en sachant que le blond ne serait pas auprès de lui, et il n'aimait pas cela.
- Si vous le souhaitez, nous pouvons très bien vous préparer une chambre où loger, Phantomhive, dit Sir Integra, attirant l'attention du garçon tout en recommençant à l'appeler par son nom de famille.
- Amenez-moi à lui, Seras, dit Ciel, ignorant l'offre de la femme tout en marchant en direction de la draculina à côté de la porte.
Il fit de son mieux pour ne pas prêter attention au ricanement de la Hellsing à son égard alors qu'il sortait.
Mademoiselle Victoria l'escorta jusqu'en bas, à travers les nombreux couloirs labyrinthiques du manoir, dans les appartements privés de la famille Hellsing, et enfin dans la base. Comme toujours, les soldats en uniformes et tous les autres employés menaient leur petit train de vie habituel, à l'exception de certains en congé. Certains portaient l'uniforme, et d'autres des cravates avec leurs cartes d'identité épinglées à leurs chemises ; il ne s'agissait évidemment pas des membres qui travaillaient sur le terrain, mais plutôt ceux qui s'occupaient de l'administratif. Des membres tout aussi importants.
Seras salua d'un signe de la main quelques-uns de ses collègues alors qu'ils se rendaient à l'aile médicale. Les membres surnaturels du personnel étaient apparemment mieux traités qu'autrefois. Après l'attaque du manoir en 1999, l'établissement avait presque entièrement été en sous-effectif, ne restant que les anciens membres du groupe mercenaire « The Wild Geese ». Seras était proche du groupe lorsqu'ils avaient d'abord été employé par H.E.L.L.S.I.N.G, et ils étaient devenus encore plus respectés après l'attaque sur la base. Dès qu'un membre du personnel n'était pas enjoué de travailler avec un vampire, il avait affaire au reste des Geese. Finalement, cela avait abouti à une tolérance générale dans le complexe.
Ciel en était stupéfait. 2012 était une étrange époque, c'était le cas de le dire, les gens devenant de plus en plus tolérant de manière générale. Il se sentait bizarre dans la base H.E.L.L.S.I.N.G, tout le monde connaissait son état surnaturel et le traitait comme n'importe qui d'autre le ferait avec son supérieur hiérarchique. Il trouvait cela étrange. Il avait l'habitude de la peur ignorante, et ne savait presque pas quoi faire. Il n'aimait pas la demeure Hellsing. C'était comme une sorte d'étrange réalité alternative où il était une personne tout à fait « normale », et il ne savait pas comment réagir face à cela.
La paire arriva devant une chambre privée de l'aile médicale, où Alois était censé être détenu. Ciel remercia la draculina pour ses services, la congédiant avant de frapper à la porte. Un petit « c'est ouvert » se fut entendre de l'autre côté, donnant au garçon la permission d'entrer.
En entrant, il vit la menace blonde défaire une valise et mettre ce qu'elle contenait dans une commode non loin. Cette scène attrista le bleuté, bien qu'il le nierait en bloc. Il fallut un petit moment au blond pour réaliser qui était entré, étant donné que ses sens n'étaient plus aussi aigus, mais il finit par s'en rendre compte. Une fois qu'il le reconnut, le blond se retourna afin de faire face au bleuté avec un grand sourire.
La véritable menace blonde avait meilleure allure que la dernière fois que Ciel l'avait vue, ce qui le soulagea. Il y avait toujours des poches en-dessous des yeux du garçon, et il était toujours plus pâle que d'ordinaire, mais il semblait aller un peu mieux. D'un seul coup le blond lâcha le pantalon dans ses mains et se précipita sur son bien-aimé bleuté, passant ses bras autour de la taille de ce dernier pour le saluer.
- Ciel ! dit-il, serrant fermement le Phantomhive tandis que le bleuté en faisait de même avec un petit grognement.
Cela faisait du bien de revoir le blond agir un peu comme lui-même.
- Je ne t'ai pas vu de la journée ! On m'a dit que tu chassais des zombies.
- Un « revenant », en fait, répondit Ciel, incapable de retenir un sourire. Alors je vois que je t'ai manqué ?
- Bien sûr ! Et j'étais inquiet ! répondit le blond. Tu as juste disparu, et j'avais peur que tu fasses quelque chose de bizarre. Pire encore, je n'ai pas eu mon « bisou du matin » aujourd'hui !
Levant l'œil au ciel, le bleuté posa ses lèvres contre celles du blond, sentant ce dernier sourire.
- Voilà, content ? demanda-t-il en levant un sourcil.
- Très, répondit Alois en gloussant.
- Tu pensais vraiment que j'allais avoir autant d'ennuis, hein ?
- Eh, tu étais avec Sir Integra. Je sais à quel point tu t'emportes avec elle, dit le blond, jouant avec des mèches de cheveux noirs de l'autre garçon. J'ai aussi entendu dire que cette chose avait embarqué mon ancien costume en viande, alors je ne savais pas comment tu allais le prendre.
Alors Alois avait été informé. Il prenait remarquablement bien la nouvelle, en prenant en compte sa réaction face à la tombe presque une semaine plus tôt. Son corps « souillé » et décédé se baladait dans la nature et parlait, pensant être lui, et Alois était là à en rire. Clairement, Ciel était inquiet.
- Oui… Est-ce que… Est-ce que tu vas bien ? Je veux dire… il y a un autre « toi » dans les parages, après tout… dit le bleuté en frottant l'arrière de son cou de manière gênée.
Le blond répondit en s'amusant à passer ses deux mains dans les cheveux du bleuté, emmêlant ses doigts dans la masse noir bleuâtre.
- Je dois l'admettre, c'est giga choquant, et je ne sais pas vraiment comment je me sens par rapport à ça, répondit Alois, frottant le crâne de l'autre garçon en essayant de faire rire ce dernier. Je me dis que puisque je ne m'en sers pas vraiment, ça n'a pas réellement d'importance. Ce qui me gêne par contre, c'est qu'on me dise qu'il pense être moi.
Il passa brièvement ses mains de la tête du bleuté à son torse avant de les mettre de manière possessive autour de la taille de Ciel, resserrant à nouveau.
- Je ne veux pas qu'il envahisse mon territoire, tu sais, dit-il avant d'embrasser le bleuté sur le nez.
- Ça n'arrivera pas, rassura Ciel. Il n'est pas comme toi. Tu as des années de complicités dans ton sac. Il a beau être mignon, ce n'est pas comparable.
- Oh ? Alors pas de moi de « remplacement » ? songea le blond. Même si tu trouves qu'il est « mignon » ?
- Il est « mignon » comme un chiot, quelque chose comme ça. Tu es « mignon » d'une manière qui me rend fou, dit le Phantomhive, mettant ses bras autour du cou du blond.
Il ne l'avait remarqué que récemment mais, ils faisaient presque exactement la même taille à présent, un fait qui le rendait très content, mais qui faisait bouder son amant.
- Ah, alors, aucune chance pour un ménage à trois ? plaisanta Alois avec un grand sourire, et le bleuté secoua la tête.
- Où as-tu appris une chose pareille ? demanda le garçon.
- Amélie.
- Qui d'autre.
Après quelques instants, les deux garçons éclatèrent de rire. C'était la première fois depuis quelques jours qu'ils n'étaient pas au bord de la crise d'anxiété ou de dépression. Ils n'étaient pas encore complètement sortis de l'auberge, mais c'était une agréable pause. L'avenir semblait à nouveau radieux, enfin, alors pour l'heure, ils restèrent debout à profiter de la chaleur et de l'enlace de chacun. Alois colla leurs fronts ensemble, et le bleuté se laissa joyeusement faire.
- Tu ne m'en veux pas de rester ici, pas vrai ? demanda l'adolescent blond, regardant l'autre garçon d'un air adorable avec ses yeux bleus glacés.
Alors ces yeux-là, Ciel les connaissait. Il secoua la tête, les mèches blondes se confondant avec les siennes.
- Pas du tout. En fait, je pense que tu as pris la bonne décision. H.E.L.L.S.I.N.G peut t'offrir une assistance que Sebastian et moi ne pouvons pas à la maison, répondit-il. Mais ne dis jamais à Integra que j'ai dit cela, ajouta-t-il, son sourire restant intact.
- D'acodac, dit Alois en riant. J'ai un peu envie de le rencontrer… « L'autre moi ».
Le sourire de Ciel vacilla brièvement.
- Es-tu sûr ? demanda-t-il. Cela peut probablement s'arranger, mais en es-tu certain ?
- Ouais, j'en suis sûr, je pense, dit le blond avec audace. Je vais passer outre toutes ces conneries pour que tu puisses arrêter de t'en faire.
Il marqua une pause afin d'embrasser la joue de l'autre garçon.
- Je devrai être capable d'au moins faire ça pour toi.
- Prends tout le temps qu'il te faut, répondit Ciel. Je serai toujours là si tu as besoin de moi, et même si ce n'est pas le cas.
Alois sourit.
- Ooh~ ! Quelle tchatche, Phantomhive~ ! taquina-t-il. Tu charmes drôlement bien les filles !
- Les garçons aussi. Tu devrais sans doute aller te coucher de bonne heure ce soir. Tu auras besoin d'être vigilant lorsque l'on te présentera à « toi-même ».
- Reste avec moi ? demanda Alois d'un air enfantin.
- Bien sûr, répondit son bien-aimé, relâchant sa prise sur le démon blond.
Alois embrassa le bleuté sur les lèvres une nouvelle fois avant de le laisser partir et de se faufiler dans le lit et sous les couvertures. Il savait très bien quelle heure il était. Il fut suivi du bleuté, qui avait ramené une chaise près du bord du lit étant donné qu'il n'y avait pas la place pour deux. Il tint la main du Macken, entremêlant leurs doigts tandis que le garçon ferma les yeux de son plein gré pour la première fois depuis plusieurs jours. Alois ricana un court instant.
- Dis-moi si tu changes d'avis pour le ménage à trois, dit-il, et le bleuté leva l'œil au ciel.
- Bonne nuit à toi aussi, Jim...
