Écrit par HateWeasel

320. Bonjour Je M'appelle Jim.

Le jour se leva, mais c'était dur à dire dans le sous-sol puisqu'il n'y avait pas de fenêtre. Le revenant avait à peine fermé l'œil de la nuit à cause du tourbillon de pensées dans sa tête. Il avait songé à beaucoup de choses en seulement quelques heures, des choses pénibles.

Il avait pensé à sa place dans le monde, à qui il était, à qui il allait être, s'il n'était pas « Alois Trancy ». Il avait pensé à sa situation à H.E.L.L.S.I.N.G, et au monde moderne à l'extérieur. Il avait pensé aux clichés heureux, et ne pouvait s'empêcher d'éprouver une forme de jalousie à l'encontre de la nouvelle vie au XXIe siècle du Macken, cependant, il ressentait également un très fort sentiment de confusion vis-à-vis de la relation du véritable Macken et de son ancienne Némésis, Ciel Phantomhive.

Si ces souvenirs d'Alois étaient corrects, ils avaient tenté de se tuer, alors comment diable pouvaient-ils entretenir une telle relation ? Le Phantomhive avait autrefois eu une fiancée, alors, et surtout, pourquoi un homme ? Il ne comprenait pas. Après tout, les connaissances d'Alois et sa compréhension de l'homosexualité durant la période de sa vie que le revenant reprenait n'étaient pas très approfondis. Un homme et un homme ? Il ne comprenait pas une telle chose. Seuls les individus malades et dégénérés étaient intéressés par une pratique pareille, si ses souvenirs étaient bons, alors, pourquoi son homologue souhaiterait-il prendre part à une activité aussi affreuse ? Cela n'avait aucun sens. Mais cela expliquait l'attitude du bleuté envers lui plus tôt, une pensée qui le fit frissonner de dégoût.

Fatigué de ces pensées et se sentant répugné, le revenant décida qu'un bain serait le bienvenu. Il sauta hors du lit et se traîna jusqu'à la salle de bain reliée à la chambre, l'examinant avec curiosité. Elle était différente des salles de bain du passé, d'une manière qu'il ne pouvait même pas décrire, mais elle l'était. D'étranges vêtements se trouvaient sur un meuble, des vêtements dont il ne connaissait pas le nom ; un pantalon de survêtement gris ainsi qu'un t-shirt avec les armoiries de la famille Hellsing qu'il reconnut. Ils étaient extrêmement bizarres et ne faisaient pas envie, mais ils étaient toujours mieux que les chiffons sales, miteux, pleins de terres et de sang qu'il portait. Il y avait aussi des serviettes sur une étagère non loin, et après avoir rempli la baignoire en se rappelant comment l'ancien majordome de Jim Macken faisait, il y entra.

Il était recouvert de terre de la tête aux pieds, et il se demanda pourquoi il n'avait pas songé à s'en débarrasser plus tôt. Elle était collée à sa peau et à ses cheveux, ou plutôt, à la peau et aux cheveux de Jim. Il était extrêmement inconfortable de se dire qu'il ne s'agissait pas réellement de son corps qu'il nettoyait, mais tant qu'il s'en servait, autant qu'il ne soit pas sale.

Avec un gant de toilettes et du savon déjà présents dans la pièce, il se mit à frotter, faisant passer l'eau cristalline à une bouillie marron savonneuse, sale et opaque. Il se demanda s'il devrait remplir à nouveau la baignoire, puisqu'il ne serait jamais propre dans une eau aussi sale ! Ce n'était pas surprenant, alors qu'il trouvait de la terre dans presque tous les coins et recoins du corps ; sous ses ongles, dans les plis de ses paupières, derrière ses oreilles, dans ses oreilles, et même dans son nez. C'était étrange. Avec les souvenirs d'Alois, tout était exactement comme « il » l'avait laissé. Chaque petit détail.

Du moins, jusqu'à ce qu'il atteigne l'abdomen, où il découvrit quelque chose qui lui donna une peur bleue. Il y avait un fil cousu dans sa chair pour Dieu sait quelle raison. Ah, c'était à cause de cette blessure, hein ? Celle infligée par le Phantomhive durant ce duel ? Elle était complètement guérie, pour une raison ou pour une autre, mais le fil était resté. Et dire que le garçon qui lui avait fait cela était censé « l'aimer » maintenant. Ce serait risible si ce n'était pas aussi perturbant.

Il lui fallut un moment, mais le garçon finit par se sentir assez propre, et il se dit qu'il était temps de comprendre comment enfiler cet accoutrement ridicule qui se présentait à lui. Le revenant sortit du bain, vidant l'eau avant de laisser la pensée lui échapper, et il se dirigea vers le t-shirt qu'il était supposé mettre pour le prendre. Le blond le tourna, le retourna dans tous les sens possibles, essayant de comprendre. Il n'y avait pas de boutons, alors il partit du principe qu'il devait juste passer sa tête à l'intérieur. Mais où était le trou pour la tête alors ? Cela semblait trop petit pour que sa tête passe. Ah, ça s'étirait. Mais comment ? Une minute, non, ce n'était pas important, où était le devant ? Le côté avec le motif devait-il être mis à l'avant, ou à l'arrière ? Quelle invention stupide.

Mais, cela restait plutôt confortable, trouvait-t-il, et cela ne restreignait pas les mouvements. Peut-être y avait-il bien des avantages. Le blond se sentait beaucoup mieux après s'être débarrassé de la terre, de la mort, et de la crasse, et s'être défait de ces vêtements tout aussi immondes. Le revenant ne savait pas vraiment quoi faire à présent, étant donné qu'il n'y avait rien d'autre à faire que d'attendre que quelqu'un vienne lui apporter des nouvelles. Son attente ne fut pas de longue durée, quoique peu agréable, alors qu'il tourna à un angle de sa chambre et retomba nez à nez avec un certain bleuté.

Ce dernier portait un costume ainsi qu'une cravate, cependant, le tout simplifié pour mieux coller à la mode actuelle, et il avait encore cet étrange air d'adolescent. Ciel avait examiné les débris éparpillés de la table et de la chaise, ainsi que les innombrables feuilles mélangées à des morceaux de bois par terre. Comme il fallait s'y attendre, il ne semblait absolument pas surpris par l'état de la pièce, un fait qui agaça quelque peu le blond sans parler de sa présence.

Immédiatement, l'image de l'une des photographies lui revint à l'esprit l'espace d'un instant, et le blond grimaça intérieurement. Il n'arrivait pas à croire que le « vrai » lui embrassait Ciel Phantomhive, de toutes les personnes possibles. Cela ne lui plaisait pas, et voir le visage du garçon en personne n'était pas d'une grande aide. Il s'était toujours dit que le Phantomhive et lui auraient pu être amis, mais certainement pas amants. Le revenant recula lorsque le démon devant lui prit la parole.

- Tu es habillé, parfait, dit-il. Je te demanderai bien ce qui est arrivé à ta chambre, mais je suis sûr de pouvoir deviner tout seul. Le choc est-il passé ?

- En quelque sorte, mais pas grâce à toi, répliqua le blond, déçu par le manque de réaction de l'autre garçon.

- Excellent. Dans ce cas, j'ai besoin que tu viennes avec moi, déclara Ciel en montrant la porte.

Le revenant plissa le nez.

- Pourquoi ? demanda-t-il avec prudence.

Il n'avait aucune idée de ce que cet homosexuel avait derrière la tête après tout.

- Pour que je puisse encore plus traumatiser ton petit esprit, dit le bleuté, levant un sourcil lorsque la créature écarquilla ses yeux noirs.

Il ne savait pas vraiment comment l'interpréter.

- Jim veut te voir, clarifia Ciel, surprenant le blond tout en le soulageant grandement.

Ces émotions confuses et constamment en désordre étaient incroyablement fatigantes. Mais, il n'avait pas le choix, si ? De plus, il était assez curieux de voir comment était le « véritable » Jim Macken.

A contrecœur, le revenant suivit le bleuté le long du couloir, marchant sur le carrelage froid pieds nus, comme ses chaussures étaient tombées en miettes lorsqu'il les avait retirées. Ce fut silencieux, et gênant, de marcher avec Ciel, alors que les deux garçons ignoraient quoi dire. Le revenant avait nombre de questions à l'esprit, mais aucune idée de comment les poser, tandis que le Phantomhive n'avait pas la moindre idée de quoi parler. Ainsi, ils décidèrent mutuellement que le silence valait mieux pour l'heure. Toutefois, les questions ne disparaissaient pas, et pas même l'horrible sensation du sol froid sous la plante de ses pieds ne pouvait les lui faire oublier au blond. Alors, après ce qui sembla être une éternité, bien qu'il peinât à les poser, il se lança.

- Alors, il est comment ? demanda-t-il, commençant par des choses simples. J'ai lu le dossier, mais il n'y avait pas grand-chose sur sa personnalité.

- Il te ressemble beaucoup, naturellement, répondit le bleuté. Enclin aux malentendus, un peu culotté, incroyablement espiègle et plus encore. Mais il a beaucoup grandi, et il s'est beaucoup calmé.

Le blond fronça les sourcils. Il n'arrivait pas à savoir s'il était insulté ou non.

- Mais il est brillant, ajouta Ciel, reprenant l'attention de l'autre garçon. J'aurais été incapable de résoudre certaines affaires aussi vite sans lui. Il est futé, comme je ne le serai jamais moi-même.

Alors ça, c'était une surprise. Le blond supposa qu'il s'agissait de la bonne opportunité pour poser « cette » question. Rassemblant tout son courage, il parla.

- Ah bon ? Le dossier suggérait aussi que ta relation avec lui n'était pas strictement « professionnelle », c'est vrai ? dit-il, essayant d'avoir l'air aussi rebelle et hautain que possible.

Une fois de plus, cependant, il fut déçu par le manque de réaction du bleuté. Le bleuté se contenta de mettre cela sur le compte de l'attitude et des manières de l'Alois d'il y a cent ans. C'était nostalgique à entendre, d'une certaine manière.

- Tout à fait, répondit le Phantomhive comme s'il s'agissait de la chose la plus évidente au monde.

Il ne regarda pas derrière lui. Il n'avait pas besoin. Il savait que le revenant avait un air déconcerté sur le visage, et il ne put s'empêcher d'être amusé par cela.

Et dire que Alois Trancy pouvait être scandalisé par l'homosexualité. C'était un concept risible. Le revenant se reprit en mains et se moqua.

- Oh ? Le noble Comte Phantomhive entreprenant une relation romantique avec un autre homme ? Quel scandale~ ! ria le blond avant d'être totalement prit de court par le rire du Phantomhive.

- Je ne suis plus un « Comte ». Ce titre n'est plus utilisé depuis des lustres. C'est « Sir Phantomhive » maintenant, répondit le bleuté. Nous sommes en 2012. Les choses ont changé. Ce n'est plus aussi « scandaleux » que l'on pourrait le croire.

- J'ai du mal à m'y faire… s'estompa le blond en passant une main dans ses cheveux. Toi ? Et un homme ? Un homme qui a essayé de te tuer ? C'est ridicule !

- J'ai pensé la même chose au départ, mais maintenant ça m'est égal, dit Ciel. Je l'aime, et c'est tout ce qui compte ; et je te vois grimacer, dit-il, faisant sursauter l'autre garçon.

L'idée que le Phantomhive dise une telle chose de son homologue lui donnait une horrible impression.

- Je ne parle pas de toi, alors tu n'as aucune raison de t'inquiéter, ajouta le bleuté avant de s'arrêter devant une porte.

Il attendit que le revenant s'arrête de le suivre avant d'enfin croiser son regard.

- D'accord ?

Le revenant fixa la porte, sachant parfaitement qui était à l'intérieur. L'agent Jim Macken, celui dont l'âme était supposément liée avec lui, et dont il copiait la mémoire. C'était la bonne version de lui-même, dont la vie avait été si impoliment violée. Pourquoi avait-il fait une chose pareille ? Ce n'était pas comme s'il l'avait voulu. Il avait juste senti une âme troublée et-…

Son cheminement de pensée fut interrompu lorsque le bleuté ouvrit la porte et entra à l'intérieur, l'invitant à en faire de même. Lorsqu'il s'exécuta, il vit un autre garçon qui lui ressemblait presque comme deux gouttes d'eau, jouant avec un étrange appareil tout en étant assis sur le lit. Le garçon fredonnait la musique que l'appareil émettait tout en le tripotant ; on expliquerait plus tard au revenant qu'il jouait à un jeu. « Tetris » était son nom.

Alors c'était Jim Macken ? Il semblait un peu plus âgé que le revenant, qui avait l'apparence de la menace blonde à ses quatorze ans, et était vêtu d'une tenue similaire à celle du bleuté, mais sans la veste et la cravate, les premiers boutons de sa chemise défaits. Alois releva les yeux de son jeu après avoir juré dans sa barbe, et vit que le revenant était là avec son bien-aimé, le fixant d'un air abasourdi, un air pas si éloigné du sien. Alois devait l'admettre, c'était quelque chose de se voir à quatorze ans, mais ce n'était pas si dérangeant. Il fit un grand sourire, et se leva en mettant son téléphone de côté.

- Eh, salut toi, « beau gosse » ! salua-t-il en plaisantant ce qui surprit quelque peu l'autre blond.

La voix de « cet Alois » était un tant soit peu plus grave que la sienne. Il se tint instinctivement droit comme un I tandis que l'autre garçon fit un tour autour de lui, lançant de temps à autres des coups d'œil curieux à cette version plus âgé de lui-même. Lançant un « hmm », la menace blonde mit fin à ses actions et regarda son homologue dans les yeux.

- Ouah, je suis un peu efféminé… dit-il.

- Quoi ?! demanda le revenant.

Il ne s'était vraiment pas attendu à ça. Alois sourit.

- Oh, du calme. Je plaisante, répondit-il, lançant un regard au bleuté en voyant son air amusé. Mais, je ne crois pas que les pantalons de survet' soient mon truc… ajouta-t-il.

- C'est comme ça qu'on appelle ces horreurs ? demanda le revenant en regardant ses vêtements tout en levant un pied. Je suis plutôt d'accord.

Alois rit et serra la main de la créature.

- Les grands esprits se rencontrent, je suppose ! Je suis Alois Trancy, ou, si l'on se réfère à ma carte d'identité ou mon passeport, « Jim Macken ». Seulement certaines personnes peuvent m'appeler comme ça, par contre, dit-il en se présentant.

- Et je suis… euh… commença celui à l'air plus jeune, s'estompant.

Il n'avait pas pensé à quel point ne pas avoir son propre nom pouvait être affreux. Il ne pouvait pas se présenter comme « Alois », si ?

- Tu es un revenant, interrompit la menace. Ça te va si je t'appelle « Revy » ?

- « Revy » ?! répéta la créature, levant un sourcil avec confusion.

Qu'est-ce que c'était que ce nom ?

- Ouais, « Revy » ; comme dans « revenant », répondit le Macken en lâchant la main de l'autre. Ou peut-être comme dans « revivre » ? Bref, je dois bien t'appeler par un nom, non ?

Le revenant ne put rien faire d'autre que de fixer le garçon.

Était-il réellement ainsi ? Il ne pensait pas, mais peut-être qu'il se trompait. Tout d'abord, son langage corporel et sa manière de parler étaient différents. Il y a cent ans, Alois avait dû recevoir un entraînement spécial de la part de son majordome pour se débarrasser de son accent et le faire parler comme un héritier légitime d'une famille noble, mais il semblerait qu'il l'ait oublié. Il était aussi très ouvert à l'idée de son existence. Il s'était dit que le garçon serait plus contrarié, mais il avait l'air plutôt enthousiasmé, au contraire. Plus important encore, dès que la menace avait lâché sa main, il avait commencé à se sentir mal, tandis que Alois avait comme reprit du poil de la bête.

Qu'est-ce que cela signifiait ? Que se passait-il ? Il n'eut pas le temps d'y réfléchir, alors que sa tête se mit à tourner.

Il n'était pas Alois Trancy. Il était un revenant. Il était « Revy », apparemment. Mais « Revy » comment ? Il ne savait pas encore. Il ne savait rien à cet instant, semblerait-il. Il ne savait rien du passé, ni du futur ; ses connaissances se trouvaient seulement dans le présent alors que tout le reste lui filait entre les doigts. Un brouillard sans fin voilà son esprit, alors que rien ne s'éclaircissait. Où étaient passées ces souvenirs ? Il n'était pas sûr de savoir s'il préférait les avoir avec lui ou non, mais il savait que ne rien avoir était pire. Sa tête lui faisait mal.

- Ça va ?

Le revenant rouvrit les yeux, et découvrit que sa tête était contre le torse d'Alois, ce dernier supportant le reste de son poids. Lentement, le revenant se releva tout seul, et regarda silencieusement le blond qui leva un sourcil en réponse.

- Euh… Ouhouh ? Tout va bien ? demanda à nouveau Alois, mais le revenant se contenta d'incliner la tête en réponse.

Alois regarda ensuite le bleuté qui ne fit que hausser les épaules. Ciel ne savait pas comment interpréter cela non plus. Lorsque le blond bougea sa main devant le visage de la créature dans l'espoir de provoquer une réaction, elle ne fit qu'incliner la tête de l'autre côté. Lorsque le garçon claqua des doigts, elle recula. Que se passait-il ? Elle parlait il y a une minute. Maintenant c'était comme si elle ne comprenait plus rien.

- Peut-être que cela fait un peu trop d'informations pour lui, suggéra Ciel en croisant les bras. Je pense qu'il serait pour le mieux de décaler la réunion à un autre jour. Viens avec moi, je vais te ramener à ta chambre, dit-il au revenant en montrant la porte.

Il se contenta de le fixer avec curiosité en réponse.

Il ne fit rien. Il ne dit rien. L'expression sur son visage était neutre alors qu'il avait comme l'air d'essayer de comprendre ce que le bleuté attendait de lui. C'était très particulier. Le duo de démons ignorait quoi faire dans cette situation.

Ciel se mit à sortir de la pièce, mais il ne bougea pas. Alois le suivit, et, apparemment, il décida qu'il devait en faire de même, étant donné que tout le monde faisait cela. Ainsi, les trois garçons marchaient dans le couloir, deux d'entre eux tentant de comprendre ce qu'il se passait.

- Tu penses qu'il est fatigué ? demanda Alois d'un ton faible, se rapprochant du bleuté pour que le revenant n'entende pas.

Ciel haussa les épaules.

- Je ne sais pas, dit-il. Je pense qu'il se peut qu'il soit un peu dépassé par toute la situation. Il est sorti d'un trou, s'est fait capturer par des soldats armés, a appris que sa vie était un mensonge, et a rencontré la personne qu'il imitait tout ce temps, après tout.

- Bah, quand tu le dis comme ça… plaisanta le blond.

Il regarda derrière eux, son expression devenant grave.

- Euh, Ciel ? demanda-t-il.

- Oui ? répondit le bleuté.

- Où est-il passé ?

Ciel tourna brusquement la tête et ne trouva qu'un couloir vide. Alois et lui étaient les seuls ici, et ils étaient censés être trois. Comment diable avait-il réussi à se faufiler sans qu'ils ne le sentent ?

- Merde, jura le Phantomhive dans sa barbe.

Il y avait une personne du XIXe siècle décédée qui se baladait dans une base avancée top secrète avec le même visage qu'un agent qui y travaillait ! Dieu sait ce qui pourrait arriver.

- Je vais appeler Seras, dit Alois en sortant son téléphone, avant de se rappeler qu'il l'avait laissé dans sa chambre.

Son bien-aimé se frotta les tempes, luttant contre une migraine, et soupirant à contrecœur, il parla.

- Je vais appeler Integra… dit-il avant de sursauter en sentant la menace blonde fouiller dans son manteau. Qu-Qu-'est-ce que tu fais ?!

- J'essaye de trouver ton téléphone ! répondit la menace blonde, fouillant les poches intérieures et extérieures du manteau du bleuté, malgré les gigotements et les protestations de l'autre garçon.

- Pourquoi ?!

- Pour que je puisse appeler Integra, et qu'elle ne pense pas que c'est ta faute ! dit Alois, s'attaquant aux poches arrière du pantalon du bleuté, ce dernier virant au rouge.

- Il est dans ma poche avant ! dit le Phantomhive, attrapant la main du blond avant qu'il puisse chercher. Je vais le prendre, crétin !

- Oh, ouais… Mieux vaut pas avoir la trique chez ta rivale. Ce serait giga gênant, répondit le Macken, recevant un regard mauvais de la part du bleuté auquel il ne fit que sourire.

Ainsi, Ciel plaqua l'appareil contre la paume du blond, sachant très bien qu'essayer de débattre contre la décision du garçon serait inutile, et qu'il y aurait davantage d'humiliation pour tous les partis impliqués s'il était celui qui devait appeler la monstrueuse Hellsing à la place.

Pendant ce temps, le revenant était en liberté, explorant curieusement la base pieds nus, réussissant d'une manière ou d'une autre à être introuvable. Il n'avait pas eu la chance d'observer les lieux avec attention la première fois qu'il était passé, alors il prenait son temps. Ni les paperassiers ni les soldats ne faisaient attention à lui puisqu'il ressemblait parfaitement à la menace blonde, alors il ne s'inquiétait pas trop à propos d'eux. Il était trop concentré sur son environnement.

Il entendit un bruit étrange et confus venant d'une petite boîte connectée aux poches avant de l'un des soldats, assez grande pour tenir dans la paume de la main, et observa avec grand intérêt l'homme parler dedans. Une curieuse voix grésillant en sortit ensuite, et il se mit à parler avec un air grave. Il regarda et écouta un moment, se demandant ce qu'il se tramait. La voix dans la boîte parlait d'un « intrus », et le décrivait comme blond, portant un t-shirt gris H.E.L.L.S.I.N.G avec un pantalon de survêtement assorti sans chaussures, ayant l'air d'avoir environ quatorze ans, et ressemblant à l'agent Jim Macken. C'est drôle, cela semblait familier.

Le revenant recula lorsque le soldat regarda dans sa direction, ainsi que quelques autres qui écoutaient, tous arborant un air sérieux. Ils avaient comme l'air en colère contre lui. Puis, il prit peur lorsque les hommes se mirent soudainement à marcher vers lui, l'encourageant à fuir.

- Eh ! Reviens ici ! cria l'un d'eux, alors le revenant fit la chose la plus logique : courir.

Il courut par-là, et de l'autre côté, mais chaque fois qu'il tournait il y avait de plus en plus de soldats. Certains d'entre eux avaient la main sur leur holster, ayant l'air prêt à sortir leurs pistolets, alors le revenant fuit aussi vite que possible avant qu'ils aient l'opportunité de tirer. Mais ce ne fut pas la meilleure idée. Les soldats étaient partout, et il ne savait même pas où trouver la sortie.

- Pas un geste ! hurla l'un d'eux, le pistolet braqué sur lui, alors instinctivement, il bougea.

Le revenant accéléra le pas, le bruit de ses pieds nus contre le carrelage étant étouffé par les bottes de combat percutant le sol.

Il courut, courut, et courut. Il courut le long d'un couloir vide, vide de toute âme. Pensant être tiré d'affaire, il tourna au coin et découvrit qu'il était loin du compte, alors que davantage de soldats se trouvaient là, et ils ouvrirent le feu. Rapidement, le revenant plongea derrière un coin, évitant miraculeusement toutes les balles, mais avec les deux côtés pris par les soldats, où pouvait-il aller ? Examinant les alentours, il trouva un bouton sur le mur, alors dans un acte désespéré, il appuya dessus. Dieu merci, le mur s'ouvrit, et il fut en mesure de se cacher.

Une fois que la porte fut refermée, cependant, il réalisa qu'il s'agissait d'une terrible idée, étant donné qu'il n'y avait pas de sortie. La pièce était affreusement petite, avec des murs semblables à des miroirs, à l'exception d'un, où la porte était à peine visible à présent et où se trouvait davantage de boutons, chacun ayant un chiffre : un, deux, trois, et ensuite il y avait la lettre « B », qui était allumée. L'esprit brouillé, il enfonça au hasard le bouton numéro « un », et la pièce donna l'impression d'être en train de bouger.

Finalement, lorsqu'elle s'arrêta, les portes se rouvrirent, et il était dans un nouvel endroit, avec des fenêtres et la lumière du soleil. Voilà. Il pouvait s'enfuir à présent. Le revenant se précipita hors de l'ascenseur en direction de la lumière, où il entendit un ensemble de cliquetis. Il regarda autour de lui, et il vit Jim Macken ainsi que Ciel Phantomhive le regarder avec choc et inquiétude, cependant, il vit également encore plus de soldats.

Aussi vite que possible, il se remit à courir, évitant un essaim de balles tiré droit sur lui, tout en continuant à entendre le Phantomhive ordonner aux employés de H.E.L.L.S.I.N.G de cesser le feu. Le blond courut derrière le bureau de la réception, s'en servant comme barrière entre les balles et lui, mais ce ne fut pas suffisant. Les projectiles en métal passèrent directement à travers, rendant la structure encore plus trouée qu'un fromage Suisse.

- Je vous ai dit de cesser le feu, bon sang ! aboya le bleuté, étant enfin entendu par-dessus le bruit des tirs, mais il était trop tard.

Le silence prit place, et il n'y avait aucun signe de vie derrière ce bureau. L'un des soldats s'en approcha et regarda derrière avant de prendre sa radio.

- La cible a été arrêté, dit-il. Je répète : la cible a été arrêté.

Alois avait l'air mortifié, tandis que Ciel était enragé. C'était le corps originel d'Alois, et ils venaient de le percer de trous. C'était une mort presque aussi perturbante que l'originale, étant donné qu'elle avait été causée par les supposés « alliés » du duo.

La menace blonde, évidemment, était en choc. Il venait de voir sa propre mort. Il venait de mourir. Il ne pensait pas mourir à nouveau un jour, et pourtant, cela venait de se produire. Il tremblait. Il avait peur. Des larmes se formèrent dans ses yeux alors qu'il tentait d'encaisser l'idée qu'il se tenait avec ses propres meurtriers et que ces derniers pouvaient le tuer à nouveau à tout moment s'ils le souhaitaient. C'était H.E.L.L.S.I.N.G. Ils suivaient des ordres, quels qu'ils soient. Ils détruisaient toutes formes de menaces potentielles quelles qu'elles soient, et qu'importe de qui il s'agissait.

Le seul réconfort qu'on lui offrit à cet instant vint du bleuté, alors que le garçon le prit dans ses bras pour tenter désespérément de le faire se sentir une nouvelle fois en sécurité, mais il n'était pas plus rassuré. Si ces hommes le voulaient, ils avaient la capacité de tuer Ciel aussi. Il ne voulait pas voir cela arriver. Cela ne pourrait jamais arriver. Alors que les soldats appelèrent une équipe de nettoyage, Alois se tint fermement à son bien-aimé, comme pour essayer de le protéger lui aussi. Il venait de mourir ; il ne voulait pas que cela arrive à Ciel.

- Wow, putain ?! s'écria l'un des soldats, prenant son arme.

- Que se passe-t-il ?

- C'est quoi ce truc ?! Ça se régénère ! dit le premier.

- Alors retire-lui dessus !

- C'en est assez de vos satanés tirs ! ordonna le bleuté, surprenant les deux gardes.

Il marcha vers eux, et jeta lui-même un œil sous le bureau. Après quelques instants, il se releva et regarda le premier soldat dans les yeux, l'intimidant avec l'un des regards les plus intense que la menace blonde ait pu voir.

- Donnez-moi votre radio. Tout de suite, commanda-t-il, et ainsi, l'homme concéda, mettant l'appareil dans la main du bleuté.

Ciel appuya sur le bouton, et donna ses prochains ordres :

- Oubliez cette équipe de nettoyage. Envoyez-vous un médecin.