Écrit par HateWeasel
321. Glandus Maximus.
Les lumières fusaient au plafond alors que le corps d'Alois Trancy était emmené en urgence à la clinique de H.E.L.L.S.I.N.G. Il y avait une vitre épaisse incassable entre le corps et le duo de démons, alors qu'il observait les docteurs s'affairer à retirer les morceaux de métal et de bois de la chair. Il était maintenu, attaché à la table avec des sangles en cuir ainsi que divers symboles et incantations gravés dessus puisque personne ne semblait savoir ce qu'il se passait. Ni le duo, ni les docteurs, ni même la cheffe de H.E.L.L.S.I.N.G elle-même !
Aucun d'entre eux n'avaient jamais vu une chose pareille. Le revenant se régénérait alors qu'il s'était fait tirer dessus un nombre incalculable de fois avec une technologie anti-monstre. Il aurait dû en mourir. Il était impossible qu'il survive, et pourtant, il se trouvait là, ses tendons se reconnectant, ses blessures se refermant, et sa peau guérissant. C'en était même handicapant pour les docteurs qui s'efforçaient à retirer les éclats, ils étaient obligés de le rouvrir en permanence afin de faire leur travail. C'était du jamais vu. La créature était en vie, d'une certaine manière, et personne ne savait pourquoi. Même le département de recherche de l'institut n'avait pas la moindre idée de ce qui était en train d'arriver, et ils étaient censés être les meilleurs au monde lorsqu'il s'agissait de connaissances sur le surnaturel.
Il y avait bien une personne qui pourrait savoir, mais oh, Dieu sait que le Phantomhive ne voulait pas l'appeler. Ce garçon était une épine à son pied, et il ne voulait pas le voir approcher même de loin ce corps, mais il était un génie de la magie. Un véritable dilemme. Mais, quel autre choix y avait-il ? Ne pas savoir et prendre le risque de mettre la vie d'individus en danger ? Même si cela lui faisait physiquement mal, Ciel décida qu'il valait mieux faire appel à une de leur connaissance qui se trouvait être assez douée en magie.
- Les balles anti-monstre n'ont pas fonctionné ? demanda Dafydd Blake en regardant à travers la vitre. D'ailleurs, Alois, comment te sens-tu ? Tu dis que tu te sens mieux depuis que tu as rencontré ce truc ?
- Ouais… répondit la vrai menace blonde, dos contre la vitre.
Il n'arrivait pas à supporter la vision des docteurs travaillant sur son corps.
- Je me sens beaucoup mieux ; genre « comme neuf » …
- Hmmmmmm… fit le sorcier. Est-ce que tu l'as touché ? Genre, serrer la main ? Tapoter ? Quelque chose comme ça ?
- Ouais ? On s'est serré la main, pourquoi ?
Alois ne put s'empêcher de se sentir quelque peu dégoûté par l'étrange rire nasal et le sourire arrogant de l'autre garçon à cet instant. Dafydd croisa les bras et prit enfin la parole.
- C'est évident, non ? Tu as repris ton âme ! s'exclama le garçon, étonné par l'air confus des autres dans la pièce. Sérieusement ? Je dois tout expliquer ? Vous n'êtes pas des démons le cyclope et toi ? Vous êtes censés être des sortes d'experts en âme. Bon, bref…
Le garçon se racla la gorge avant de reprendre.
- Les âmes ont une signature, une longueur d'onde unique. C'est ce qui les distingue, commença le sorcier, débutant toute une leçon. La longueur d'onde permet de les identifier. On peut s'y prendre en utilisant quelque chose où l'âme a résidé, comme un corps, parce qu'elle y laisse une sorte d'empreinte. C'est comme ça que le revenant a réussi à invoquer l'âme d'Alois.
- Oui, nous connaissons déjà cette partie, dit un certain bleuté d'un ton quelque peu agacé.
Il croisa les bras.
- Comment l'a-t-il « reprise » - ?
- J'y viens ! interrompit Dafydd. L'âme était bloquée entre deux réceptacles, l'un étant le corps d'Alois, et l'autre celui du revenant. C'est pour ça qu'Alois était toujours capable d'être Alois, mais que ses pouvoirs étaient affaiblis, et c'est pour ça que le revenant pouvait avoir accès aux anciens souvenirs d'Alois. Cependant, de ce que vous m'avez dit sur lui, sa fin était encore plus faible que celle d'Alois, puisqu'il ne pouvait voir que jusqu'à un point donné, et il avait aussi un comportement… étrange ? C'est ça ? Bref. Il n'agissait pas vraiment comme « Alois », mais il pensait quand même être « Alois », voilà ce que j'essaye de dire. Le reste est très simple, - il se frotta le menton -, Une des longueurs d'onde était plus forte, l'autre était plus faible, alors dès que les réceptacles sont entrés en contact…
Il marqua une pause afin de faire comme s'il aspirait quelque chose.
- ...Le reste de la faible longueur d'onde a été aspiré par la plus forte. La raison pour laquelle l'espèce de zombie ne pouvait pas tout prendre est qu'Alois est un démon, et les démons ont juste des âmes plus puissantes, la plupart du temps.
- Cela n'explique toujours pas comment il était capable de continuer à se mouvoir et pourquoi il est encore envie après s'être fait tirer dessus avec des armes anti-monstre, dit Ciel.
- Tu n'as aucune patience, hein ? demanda le sorcier en réponse. Sérieusement, attends que je finisse. En plus, c'est évident. Un revenant est un esprit qui possède un corps et lie l'âme du propriétaire du corps pour prendre sa revanche sur quelque chose de mal qui lui est arrivé de son vivant.
- Alors tu es en train de dire qu'il a deux âmes ?
- Exactement ! répondit Dafydd, claquant des doigts. Le revenant est un être à part entière, c'est pourquoi il était toujours capable de bouger. Son comportement étrange après avoir touché Alois était probablement dû au fait qu'une âme venait de lui être arrachée, et parce que les corps réanimés ont tendance à ne pas être très brillant. Sans offense, Trancy.
- T'inquiète.
- Alors, comment a-t-il fait ? demanda le bleuté. Comment a-t-il… comment cette chose a survécu ?
Dafydd se retourna, collant son dos contre la vitre, croisant les bras. Il se frotta le menton, brièvement, comme s'il réfléchissait.
- Dur à dire, répondit le garçon. Mon hypothèse est que l'âme du revenant n'est pas forcément « maudite », mais pas non plus « sacrée ». C'est une sorte d'entre-deux. Les balles anti-monstre ne fonctionnent que sur les « damnés », et les humains, parce que les humains sont faibles contre les balles. Logique.
- Mais H.E.L.L.S.I.N.G a éliminé des revenants par le passé, dit le Docteur Ackerman, observant la scène.
La femme était davantage une chercheuse, alors la chirurgie n'était définitivement pas son terrain d'expertise.
- Peut-être pas ? Peut-être que vous avez juste exterminé la partie maudite ? théorisa Dafydd. Avec l'exemple d'Alois, on sait que les âmes qui reviennent des Limbes ont tendance à être démoniaques. Si une âme de démon se trouve dans le même corps, la « tuer » détruirait le corps, mais pas forcément le revenant. Il n'y avait aucune apparition démoniaque dans ce corps, alors ça pourrait être l'explication…
- Dafydd… commença la femme, remettant ses lunettes sur le haut de son nez.
- Oui ?
- … Voudriez-vous un poste dans notre unité de recherche ?
- Quoi ?! s'écria le bleuté, fronçant les sourcils avec désapprobation. Vous ne pouvez pas être sérieuse !
- Monsieur Blake peut nous fournir des connaissances autrement inaccessibles ! protesta le docteur. Pensez aux avancées que nous pourrions faire !
- Est-ce que j'aurais une super blouse de labo ? demanda le sorcier, souriant narquoisement face au regard noir que le Phantomhive lui lançait.
- Oui, répondit le Docteur Ackerman.
- Quand est-ce que je commence ?
Malgré l'exaspération du bleuté, les négociations pour que le sorcier casse-pieds rejoigne le personnel de recherche de H.E.L.L.S.I.N.G étaient en cours, et il n'y avait rien qu'il puisse dire pour les arrêter. Mais cela n'avait pas d'importance. Il y avait bien plus grave pour l'heure. Alois était toujours le dos contre l'épaisse vitre entre eux et la table d'opération, le regard triste. Le blond fixait le sol alors que rien d'autre ne semblait l'intéresser à cet instant à part pour ce qu'il se passait derrière lui. Mais, il n'avait pas la force de regarder.
Le corps était une vraie boucherie, recouvert de sang et de chair déchirée. Les échardes du bureau y étaient enfoncées, et il y avait encore plusieurs balles de part et d'autre. Le visage était particulièrement pénible à voir, les dents étant visible à cause d'une balle ayant fait exploser la lèvre. Une balle avait été trouvé dans la bouche du blond, et de nombreuses dents avaient été cassé en résultat. Alois était incapable de regarder. C'était trop.
Il ne remarqua pas le bleuté s'approcher de lui, et fut surpris en sentant un bras chaud autour de ses épaules. Lorsqu'il releva les yeux, il vit l'autre garçon faisant semblant de ne pas être en train d'essayer de réconforter le blond, mais le Macken le vit bien jeter des coups d'œil dans sa direction plusieurs fois, et il comprit ainsi ses intentions. Avec un petit sourire, il mit un bras dans le creux du dos de l'autre garçon, et posa sa tête sur l'épaule du bleuté.
- Tu es un gland, dit-il en gloussant, et le Phantomhive leva un sourcil.
- Et en quoi suis-je un « gland » ? demanda le bleuté.
- Tu en es un, répondit Alois. Tu es le roi de tous les glandus !
- Alors je suppose que tous ceux qui vivent dans ma demeure en sont aussi, songea Ciel, souriant lorsque le blond rit légèrement.
- Oui, on est tous des glands, et tu es notre maître, parce que tu es le plus grand des glands, plaisanta le Macken.
- Tu es au courant que « gland » est un synonyme de « pénis », n'est-ce pas ? demanda Ciel.
- Alors tu es le plus mignon des pénis sur cette planète, Ciel.
- Charmant, dit le Phantomhive, essayant de ne pas sourire face au ridicule de cette affirmation. Je me sens si honoré.
- YYYYYYYAAAAAAAaaaaaarrrrrgggghhh ! hurla le blond, du moins, ce fut ce que Ciel pensa, jusqu'à ce qu'il regarde le garçon pour voir ce qui n'allait pas et qu'il constate que ce dernier regardait sur le côté, observant à travers la vitre les yeux écarquillés.
Le revenant était réveillé.
La créature gesticulait et se débattait contre ses liens tout en criant et hurlant. Elle montrait les dents aux docteurs dès qu'ils s'approchaient un peu trop, et se tortillait afin qu'ils ne puissent rien faire d'autre. Le duo de démons regardait avec horreur la scène, essayant de choisir la bonne marche à suivre. Mais bien vite, la menace blonde décida que cela suffisait, et il quitta le bleuté, momentanément.
- Ouvrez la porte ! ordonna-t-il, et le docteur Ackerman utilisa sa carte pour permettre au garçon d'accéder à la salle d'opération verrouillée.
- Qu'allez-vous faire ? demanda-t-elle, ne recevant qu'une réponse non verbale alors que le démon fit irruption dans la salle d'opération, faisant sursauter les chirurgiens déjà assez troublés.
Alois se contenta de se tenir dans la pièce, regardant le pauvre revenant essayer en vain de se défendre. Il poussa un docteur sur le côté afin de mieux voir, et vit la peur, la vraie, dans les yeux de la créature alors qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait, ou de pourquoi ces gens lui faisaient du mal. Le fait que la créature soit presque nue comme un vers, à l'exception d'une petite couverture pour son entrejambe, rappelait presque au blond la première fois qu'il s'était, lui-même, réveillé après être mort dans le sous-sol du Manoir Phantomhive, mais ce n'était pas l'heure d'être nostalgique.
C'était la peur qui toucha réellement la menace blonde au plus profond de son être, pas la blessure. Le revenant avait peur de ce qui lui arrivait, alors que la pauvre chose ignorait tout de la situation. Il avait peur de mourir, Alois pouvait le comprendre. Il savait ce que cela faisait d'être torturé, et de craindre pour sa vie, et le fait que la créature ait le même visage que lui ne l'aidait pas non plus. Le blond regarda la main du revenant, la prenant dans la sienne afin de lui offrir ne serait-ce qu'un peu de réconfort. La main du revenant était gelée, une poigne de fer, mais Alois s'en fichait. Il se contenta de sourire à la créature lorsqu'elle le regarda, confuse.
- Tout va bien, dit-il. Ils essayent d'enlever les balles et les échardes et compagnie dans ton corps pour que tu puisses guérir. Merci d'essayer de me venger, mais je n'en ai pas besoin. La vengeance ne fait pas tout. Tu peux garder le corps, par contre, si tu veux. Je ne m'en sers pas.
A sa grande surprise, le revenant arrêta de crier et de grogner pour le regarder.
- Jiiiimmm… Maaa… ck… eeen… ? réussit-il à articuler avec son état facial.
La menace blonde se contenta de hocher la tête.
- Ouaip. Je suis Jim Macken, répondit-il. Et tu es « Revy ». « Revy… Macken » ? Boh, allez, disons ça. Bienvenu dans la famille, Revy~ !
Le revenant fut silencieux, mais lentement, il acquiesça afin de montrer qu'il avait compris, et le blond sourit. Il se rallongea, sifflant comme s'il était en souffrance. Ainsi, le blond demanda aux docteurs s'ils pouvaient utiliser de l'anesthésie avant de continuer, une demande que les chirurgiens furent bien contents d'accepter.
Alors que l'opération reprit, Alois ne quitta pas le revenant afin qu'il ne prenne pas peur, exactement comme Ciel l'avait fait pour lui cette dernière semaine pendant son sommeil. Ciel devait l'admettre, il était quelque peu surpris par les actions inhabituelles du blond, et il ne put s'empêcher de se demander ce qui allait arriver au revenant après. Il ne voulait pas vraiment qu'il vive chez eux, mais si les choses devaient arriver à cela, alors il accepterait. Pour l'instant, il observait affectueusement le blond de l'autre côté de la vitre, étant témoin d'un acte inhabituel de gentillesse de la part du blond, alors que ce dernier continuait à grandir et à surpasser son passé la tête haute avec un sourire sincère.
Peut-être que, un jour, il aurait lui aussi une chance de surpasser ses propres regrets. Mais cela semblait peu probable. Pour l'heure, cependant, Ciel était content de pouvoir aider la menace blonde avec ses soucis. S'il ne pouvait pas faire au moins cela, quel genre d'amant serait-il ?
