Comme un retour au bercail
Harry se crut en plein cauchemar le jour où il vit Severus Rogue en plein milieux de la cuisine. Quelle sorcellerie était-ce ? N'y avait-il aucune zone tranquille en ce bas monde ? Se tournant un peu, il remarqua que son parrain était aussi présent, crispé comme jamais ainsi que l'illustre directeur qui lui proposa gentiment une tasse de thé.
— Euh non merci, grogna Harry avec un temps de retard.
Il préférait attendre que les deux invités plient bagage pour pouvoir questionner son parrain allègrement. Il ne voyait pas ce qui l'aurait poussé à ouvrir sa porte à Rogue. Peut-être quelque chose en rapport avec l'Ordre du Phœnix... Si c'était le cas, il n'obtiendrait aucune réponse.
— Mais si Harry, joins-toi à nous, insista Sirius en relevant la tête.
Le ton était poli mais il se doutait qu'il avait expressément besoin d'un allié contre Rogue. La confiance que Dumbledore lui accordait était rageante quand on votait le peu d'efforts du Maître des potions.
— Vos vacances se passent bien M. Potter ? questionna son professeur d'une voix douce et mesquine.
Harry hocha vaguement la tête, se servant seul sa tasse de thé. Ils n'étaient pas à l'école, il n'était pas obligé d'être poli avec ce type. Durant leur expédition au Ministère, tous les membres de l'Ordre étaient accourus pour les aider mais pas lui. Il n'avait pas besoin de preuves de plus.
— J'ai une bonne nouvelle pour toi, commença Dumbledore d'un ton joyeux, j'ai parlé à Mrs. Weasey et Ron et Hermione pourront te rejoindre d'ici quatre jours. Nous avons convenu que vous passeriez une semaine ici et deux chez les Weasley, est-ce que cela te convient ?
Le large sourire que l'adolescent afficha suffit à répondre à son mentor. Il tourna rapidement la tête pour observer son parrain, inquiet à l'idée qu'il retombe dans la morosité de la solitude. Ce dernier le rassura cependant :
— Elle saura mieux que moi vérifier si ta malle est prête.
Harry s'empressa d'hocher la tête. Après un mois au 12 Square Grimmaud, il commençait à éprouver des pensées curieusement haineuses pour la vieille tapisserie et les miroirs méprisants. Les Weasley et leur superbe maison lui manquaient.
Les trois adultes finirent leur discussion tranquillement. Dumbledore donna un long parchemin à Sirius, des informations sur les personnes qu'il devrait approcher une fois sa couverture établie. Rogue les salua mollement en annonçant qu'ils se reverraient dans trois jours.
— Tu vas avoir des tête à tête avec Rogue ? se moqua Harry dès que les deux hommes furent partis.
— Jeune homme tu es très mal placé pour te moquer, le rembarra son parrain les yeux rieurs.
Ils petit-déjeunèrent ensemble comme un rituel. Harry ne pouvait pas dire qu'il était triste de partir bientôt à Poudlard mais il était certain que son parrain lui manquerait. Ils avaient vraiment passé de chouettes moments ensemble. Remus et Tonks l'avaient aidé pour les cours où il avait du mal, principalement les potions et la botanique. Sirius lui avait appris plein d'injures et des sorts loufoques. Il s'était exercé à lancer pleins de sorts différents et à reconnaître les pièges.
Harry se sentait plus sorcier que jamais, loin de l'aspect policé de Poudlard ou du Terrier.
Ils étaient en train de faire la vaisselle - à la main car leur tentatives magiques avaient échoué - quand ils entendirent Tonks demander de l'aide dans l'entrée. Ils accoururent immédiatement de peur qu'elle oublie une fois de plus le bienveillant et maternel tableau du hall.
L'Auror croulait littéralement sous les sacs. Ils la soulagèrent quelque peu et soufflèrent bruyamment quand elle annonça qu'il fallait porter le tout à l'étage dans un des salons. Mais les deux sorciers s'exécutèrent prestement et furent dépités de voir l'Auror faire léviter le reste à leur suite.
— Vous n'y aviez vraiment pas pensé ? sourit-elle les yeux rieurs.
— Parle pour toi, qui est arrivé encombrée comme une vieille cheminée ?
— Simplement parce que je viens du côté Moldu voyons. Et puis ne commence pas, j'accomplis simplement la mission que tu m'as confiée !
Sirius grogna, elle ne lui laissait jamais le dernier mot c'était épuisant ! Il se laissa tomber dans un fauteuil observant les lourds sacs. Il était incapable d'estimer combien sa cousine avait dépensé en vêtements de tout genre.
— C'est une mission de l'Ordre ou bien... ? questionna Harry d'une voix incertaine.
Ils échangèrent un large sourire.
— Du tout, je me suis dit que ça te plairait peut-être de changer un peu de vêtements. Et puisqu'on ne peut pas aller faire les boutiques...
— Les boutiques sont venues à toi ! finit Tonks avec énergie.
Harry sourit largement sans pouvoir s'en empêcher, si ce n'était pas pour l'attention, ça lui venait naturellement en voyant Tonks réellement enjouée. Il avait la sensation de retrouver un peu de celle qu'il avait rencontré l'année dernière. Au regard de Sirius, il n'en pensait pas moins.
Le jeune étudiant était tout de même gêné qu'ils soient tombés d'accord pour changer de garde-robe. Il avait beau être riche dans le monde des sorciers, il n'avait jamais trouvé très agréable de faire les courses et il s'était simplement contenté des vieux habits de Dudley. Ce n'étaient pas très seyants mais il n'éprouvait aucune peine à les abîmer ou les salir. Et il était toujours ravi d'enfiler sa robe d'uniforme scolaire.
— Ne prend pas peur, ajouta la métamorphe, certains vêtements sont pour le petit vieux qui nous accompagne. Et oui, ça va être important pour créer ton personnage, précisa-t-elle à l'attention du concerné.
L'après-midi défila à toute vitesse. Sirius posa un paravent dans un coin et Harry passa un long moment à essayer des vêtements. Ses deux comparses leur donnaient leur avis et appuyaient ses préférences : il réussit sans difficulté à se faire une valise de vêtements à sa taille et à son goût.
Sirius eut beaucoup de mal à réussir son exercice. Dumbledore lui avait donné des premières indications sur le domaine qu'il voulait voir espionner : ce serait la Gazette du Sorcier. Nymphadora avait essayé de lui expliquer l'importance de la démarche et des autres menues détails du langage corporel et c'était de toute évidence facile à comprendre et dur à maîtriser. D'autant plus que Sirius n'avait pu se livrer à l'observation de ses congénères depuis longtemps.
Tonks lui fabriquait des identités express et il devait trouver une manière de marcher et de parler cohérente. Cela lui explosa le cerveau sans qu'il sache si ses efforts auraient une utilité quelconque. Sa cousine était une professeure exigeante et il n'osa même pas la charrier pour cela. Elle ne lui avait peut-être pas sauté au cou quand il avait repassé ce fichu portail mais il savait qu'elle tenait à lui. L'énergie qu'elle mettait à le préparer pour sa mission n'était qu'une preuve de plus.
Il n'aurait pas le droit à l'erreur ce coup-ci.
Cette fois, elle lui ordonna d'enfiler une cape sobre et classe rebrodée sur l'intérieur d'un serpent étrange.
— Tu seras un mec de la haute, va falloir prendre le pli.
Sirius se regarda via le miroir en pied. Ce n'était pas un simple serpent car l'animal avait de tête. Contrairement aux représentations habituelles, une des têtes était étranglée par le corps commun ce qui était assez effrayant. Les mots de son précepteur lui revenait en tête, quand il devait regarder des armoiries et des devises familiales, les retenir, les comprendre, les décrypter.
L'animal représentait souvent la victoire du bien sur le mal mais cet étranglement augurait quelque chose de bien plus sombre. Un geste haineux et suicidaire difficile à arrêter... Cela n'augurait rien de bon et sa mission lui apparut lui brutale que jamais. Il allait avoir des dommages à tout ça. L'héritier Black détourna la tête, mais il voyait encore les antiques tapisseries, le mobilier des ancêtres et des bannis. Il allait devoir renouer avec eux, comme un retour au bercail.
Défi : Nuit du Fof (Salle de jeux)
Thème : Amphisbène
