Update 2022

Kazoku no Moribito

Gardien de la famille

.

.

.

Partie I


Chapitre 5

La prunelle de mes yeux

Dans un petit logis, au Bas-Ougi, une autre famille vivait paisiblement, ne craignant aucunement la guerre. Tohya gagnait sa vie en marchandant et en vendant des commandes tandis que Saya entretenait leur maison tout en s'occupant de leur boutique au rez-de-chaussée appelé « la boutique n'importe quoi », réservant certaines commandes à des clients. Bien qu'elle ait définitivement atteint sa taille adulte vers l'âge de quinze ans, Saya ne dépassait pas 5'0". Tohya, quant à lui, avait atteint sa taille définitive, étant presque de la même taille que Balsa.

Tohya et Saya avaient enfin mis leurs sentiments sur table quand ils avaient compris qu'ils s'affectionnaient l'un l'autre après que le mariage arrangé de Saya fut annulé. Ils avaient grandis et habités ensembles alors qu'ils n'étaient que des orphelins et que Balsa leur avait sauvé la vie depuis. Ils n'étaient pas mariés, mais tous leurs gestes et énergies montraient à quel point l'amour régnait entre eux.

Ils avaient appris à gérer leur couple et ce fut également de cette façon qu'ils apprirent à faire l'amour pour la première fois, n'ayant aucun adulte – sauf Balsa et Tanda – pour leur enseigner comment.

« Tu veux qu'on arrête ? demanda-t-il dans la pénombre alors qu'ils étaient assis face à face, la lueur d'une chandelle éclairant faiblement la chambre. »

Saya hocha négativement de la tête.

« Non...

- Mais tu trembles.

- Je n'ai pas peur... parce que c'est toi... mais… vas-y doucement…

- Ne t'en fais pas. Nous prendrons tout notre temps. »

Tohya la prit dans ses bras et l'embrassa tendrement.

Le lendemain, quand Saya se réveilla, elle prit un moment pour se souvenir de ce qu'elle avait fait la veille. Tohya avait été formidable, elle n'avait presque pas eu mal, mais n'avait pas encore éprouvé de plaisir relié à l'acte. Elle regarda son petit-ami dormir profondément à ses côtés en ronflant. Elle leva les yeux, fixant le mur un instant avant de sourire et de se blottir contre l'homme qu'elle aimait. Il lui fallut un moment pour s'habituer à avoir du plaisir quand ils unissaient leurs âmes et leurs corps. Les journées se ressemblaient, mais à chaque fois que Tohya revenait le soir, Saya éprouvait une joie immense de le revoir.


Saya, qui préparait du thé et était occupée à plier le linge, se redressa rapidement et partit s'enfermer dans les latrines. Inquiet, Tohya alla lui jeter un œil.

« Saya ? Tu ne te sens pas bien, mon amour ? s'inquiéta-t-il en caressant son dos.

- Ça ira..., le rassura-t-elle bravement. Ça me fait ça depuis un moment. Je crois que je travaille trop et que mon corps ne suit plus la cadence.

- Va te coucher, je vais m'occuper de tout.

- Tu es sûr ? Tu reviens de travailler...

- Mais oui, vas-y, ne t'inquiète pas pour moi. »

Il lui baisa tendrement le front. Les jours qui suivirent ne plurent pas à la jeune femme de seize ans qui devait dormir avec un petit bac en bois à ses côtés pour ses nausées nocturnes et qui, le matin, la reprenaient d'assaut. Elle pouvait passer ses journées à dormir. Le jeune homme, désemparé, ne savait plus quoi faire. À bout de ressource, il alla chercher Tanda. Ce dernier arriva avec sa fille Alika, âgée de dix ans.

« Bonjour Alika-Chan ! Bonjour Tanda-San ! les accueillit Tohya.

- Allô Tonton Tohya ! Où est Tatie Saya ?

- Elle est couchée, elle ne se sent pas bien et...

- Je suis là, résonna sa petite voix. »

Elle portait une couverture par-dessus ses épaules. Son visage était blême.

« Tatie Saya ! s'écria Alika. »

Malgré sa fatigue, Saya eut la force de donner un câlin de bienvenu à l'enfant, avant de s'asseoir à la table. Alika avait déjà sorti ses petits papiers pour faire de l'origami. Tanda ausculta Saya et lui posa différentes questions quant à son état.

« Dis-moi ce que tu as ? Quels sont tes symptômes ?

- Je vomis le matin principalement et durant la nuit, mais ça me suit aussi en journée. Je n'ai plus d'appétit, tout me donne la nausée, j'ai mal à la tête et je suis fatiguée. Oh, et je sens des nouvelles odeurs... constamment. »

Le visage de Tanda s'illumina. Bien sûr ! Des orphelins de base n'avaient jamais reçu une éducation à ce niveau ignorait tout de ce phénomène naturel quand un homme et une femme unissaient leurs corps. Tohya s'inquiéta de l'attitude changée de Tanda.

« Qu'est-ce qu'elle a ?!

- Oh ! ce sont des symptômes que je reconnais bien, répondit joyeusement l'apprenti chamane.

- Que tu reconnais bien ?

- Oui. Si je puis me permettre, j'aimerai vous poser une question un peu personnelle. »

Saya et Tohya échangea un regard et hochèrent la tête pour confirmer.

« Avez-vous fait l'amour récemment ? »

Alika arrêta de plier ses papiers, surprise. Timidement, le jeune couple hocha oui la tête.

« Saya, as-tu remarqué quelque chose d'anormale dans tes mois ? continua Tanda.

- Mes règles ne sont pas arrivée ce mois-ci... est-ce grave ?

- Non. Je crois deviner de quels maux tu souffres. Je crois que tu es simplement enceinte.

- En-enceinte ?! paniqua Tohya.

- Si vous voulez, je peux vous parler un peu plus de...

- De comment on fait les bébés ?! s'exclama Alika. Maman m'a tout dit !

- Ils savent déjà comment, ma puce. Ce que je veux dire, c'est à propos des mois.

- Ah... c'est moins amusant... »

Après avoir expliqué à Saya pourquoi elle avait ses mois et qu'ils s'étaient arrêtés le temps de la grossesse, Tanda sortit de sa valise des herbes médicinales todo à boire sous forme de thé.

« Ça aide pour calmer les nausées, expliqua-t-il. Pour avoir un bébé en santé, il faut que la maman le soit aussi et sente bien. Mais les premiers mois sont les plus pires, après, ça ne sera que du bonheur.

- Merci, Tanda-San, le remercia Tohya.

- On va avoir une famille ! s'écria Saya soudainement.

- Je pourrais être Tatie moi aussi ? questionna l'enfant.

- Mais bien sûr, Alika. Tu seras la Tatie de notre enfant. »

En retournant à la maison, Tanda apprit la nouvelle à Balsa qui tenait dans ses bras un petit Nao de un an. Elle promit avec joie de faire apprendre davantage à Saya les hauts et les bas de la grossesse. Au fils des mois, le ventre de Saya s'arrondit doucement, confirmant qu'ils allaient bel et bien être trois dans quelques temps. Tohya eut même peur qu'elle explose. La jeune femme, déjà sensible de base, était devenue hypersensible et un rien de travers pouvait lui faire verser un torrent de larmes, même sans explication rationnelle.

Sa petite poitrine, douloureuse avec les changements hormonaux avait grossi et changé pour l'arrivée du futur petit. Balsa lui conseilla vivement de continuer à faire l'amour avec son homme et qu'il n'y avait aucun risque pour le bébé. Voyant que Saya était encore confuse et incertaine, la lancière lui partagea qu'elle-même avait eu un niveau de libido plus élevé pendant le deuxième trimestre.

« Balsa, dit Saya.

- Oui ?

- J'ai peur de l'accouchement, avoua-t-elle. Je suis douillette et je suis pudique... j'ai peur d'avoir très mal et de ne pas pouvoir supporter la douleur. J'ai aussi peur de mourir. »

Balsa l'attira dans ses bras et caressa son dos.

« Tu ne mourras pas. Parce que Tanda et moi allons être là pour te supporter et s'assurer que tout se passera bien. Si tu le souhaites, Madame Torogai pourrait même être là. La douleur, bien que vive et lancinante, s'estompe rapidement.

- ... Et si je n'arrivais plus à me redresser après avoir donné naissance ?

- Tu as peur que ton bassin se fracture ?

- J'ai surtout peur de la douleur... comment un bébé arrivera à passer par-là ?!

- La nature est bien faite. Mais crois-moi, si tu utilises la bonne position et que tu t'écoutes, ton enfant t'aidera à passer au travers et tu l'aideras à venir au monde. Ce n'est pas grave si tu pleures ou que tu cries. Au contraire, ça peut être très bénéfique.

- Merci d'être là, la remercia Saya les yeux brillant.

- Je serai toujours là pour vous, quoiqu'il advienne. Je ne vous laisserai pas tomber.

- ... J'ignore si Tohya va m'accompagner...

- En général, très peu d'hommes assistent à la naissance des enfants. Tanda a été l'unique exception comme il est apothicaire et mon soignant personnel. Encore, peut-être que Tohya ne sentira pas à l'aise de te voir être dans un tel état. Il faudrait que vous en discutiez. Il pourra sortir de la pièce s'il ne se sent pas bien. »

Suite à sa discussion avec Balsa, Saya décida d'en parler avec Tohya.

« Je ne suis pas certain si je serai capable de te voir dans un tel état..., avoua-t-il, l'oreille collée contre son ventre. Mais si je peux sortir à n'importe quel moment, alors je pense que ça ira.

- Nous pourrions appeler notre enfant Chagum ! proposa Saya.

- En hommage au prince ? s'étonna Tohya.

- Oui.

- ... Laisse-moi y réfléchir. Je n'en suis pas certain pour tout dire.

- Pourquoi ?

- Des enfants, ça peut être méchants... et comme Chagum est un nom qui est relativement lié à la famille royal, peut-être que ça posera un petit problème. J'aime bien le nom Nanda, par contre.

- Nanda ? Ça ressemble énormément à Tanda.

- Oui, mais je ne sais pas pourquoi, je le trouve joli. De toute façon, il nous reste encore quelques mois pour réfléchir à un merveilleux prénom.

- Ça peut être une fille aussi. J'aime beaucoup le nom de Rinko ou Fuyuko.

- Ils sont très jolis également. »


Le temps des cerisiers en fleur était arrivé. Et c'est au même moment que Saya, un petit matin, luta contre une douleur atroce dans son ventre. Elle était incapable de se lever, paralysée par la douleur soudaine. Balsa lui avait parlé des contractions, mais entre imaginer et le vivre, il y avait une grande différence.

« Tiens bon Saya ! Je vais aller chercher Balsa !... tiens bon ! paniqua Tohya. »

Elle ne lui répondit pas et continua de lutter contre la douleur qui revenait par vague. Balsa s'entrainait avec sa fille lorsque la voix paniquée de Tohya leur écorcha les tympans.

« BALSA-NEESAN !

- Tonton Tohya ? s'étonna Alika en déposant sa lance.

- Du calme. Que se passe-t-il ? se renseigna Balsa.

- Saya ! Elle ne va pas bien !

- Qu'est-ce qu'elle a ?

- Elle dit qu'elle ressent d'énormes crampes au ventre... et elle refuse de sortir du lit. »

Balsa comprit aussitôt le message et tenta de l'apaiser.

« Le travail a sûrement dû commencer, ce qui veut dire que la naissance aura lieu sois aujourd'hui, ou pendant la nuit si tout va bien. Ne t'inquiète pas, le bébé n'est pas prêt de naître toute de suite. Je vais me préparer avec Tanda et nous allons vous rejoindre sous peu. Continue de soutenir Saya jusqu'à notre arrivée. C'est très important qu'elle ne reste pas seule dans sa douleur.

- D'accord ! »

Il venait tout juste de repartir quand Tanda sortit à l'extérieur avec son fils dans les bras. Il questionna sa femme du regard.

« Le bébé de Saya et Tohya va naître, l'informa-t-elle. Préparons-nous. »

Tanda prépara sa trousse et Balsa dénicha un long morceau de tissus en apportant la corde à laquelle elle aimait se suspendre et tirer dessus lors de ses accouchements. Alika les accompagna et se mit en tête de se faire le plus discrète possible avant de mettre Nao sur son dos, tenu par un long foulard. Après trente minutes de marche, ils entrèrent à la maison de Tohya – dont le magasin était fermé pour l'occasion – et allèrent retrouver Saya. Tanda se mit en tâche de faire chauffer l'eau et de désinfecter les instruments à l'aide de sa fille aînée. Balsa monta les escaliers et arriva près de son amie, couchée sur le côté gauche. Tohya peinait à rester calme malgré le fait qu'il lui tenait la main.

« Tu t'en sors bien, Saya, l'encouragea Balsa. N'oublie pas de bien respirer. Calque ta respiration avec la mienne. Voilà. Laisse-moi toucher ton ventre. »

D'un mouvement de tête, la jeune femme lui accorda cette permission et Balsa sentit son ventre devenir dur. Saya gémit en poussant une plainte sourde. Alika entra en douceur dans la pièce et déposa le plus silencieusement que possible le seau d'eau froide avec une serviette propre. Puis, elle se retira lentement dans un coin isolé. Balsa prit le linge, le mouilla et retira les mèches de cheveux de Saya qui pleurait de fatigue pour lui rafraichir le front. La lancière passa la serviette en douceur sur sa joue, dans son cou puis la déposa sur sa tête, pliée. Elle détacha avec son accord son kimono et lui massa le ventre tout en essayant de deviner la position du bébé.

« J'ai senti venir cette contraction, s'enjoua Balsa. Ne reste pas couchée ni immobile, bouge même si ça fait mal. Ça aide. Garantis.

- Aide-moi... s'il te plait.

- Bien sûr. »

Saya se redressa doucement et se mit ses pieds. Tohya délaissa sa main. Alika le pria de la suivre, comme il semblait très proche de la crise de nerfs. La mère en devenir marcha de long en large de la pièce. Balsa s'empara du long morceau de tissus qu'elle avait apporté avant d'en nouer les deux extrémités ensembles et de l'accrocher à un solide crochet en fer, sur une poutre du plafond.

« Assied-toi dessus, comme si tu allais te balancer. Ainsi, tu suspendras ton poids et la gravité va aider.

- Es-tu sûre que ça ne lâchera pas ?

- Je te promets que le crochet va supporter ton poids. »

Timidement, Saya acquiesça et Balsa l'aida à s'asseoir.

« Comment te sens-tu ?

- Mieux...

- C'est bien.

- Où est Tohya ?

- Sortit hors de la chambre... je crois qu'il a de la difficulté à te voir dans cet état. Ce n'est pas facile pour lui et puis, tu auras l'esprit tranquille quand viendra le temps de pousser, sans être gênée de crier. Je te sais timide.

- Oh !

- Il faut lâcher prise dans ces moments-là. »

Tanda entra à son tour dans la pièce, avec un bac d'eau chaude. Il ouvrit aussi la fenêtre pour faire aérer la pièce jusqu'au moment de la naissance du petit. Sa femme trempa la serviette humide dans l'eau avant de l'appliquer sur le bas du dos de son amie. Saya remarqua que c'était la première fois qu'elle avait autant de proximité avec Balsa. Toujours suspendue grâce au morceau de tissu, elle se colla contre la guerrière, se laissant dorloter.

« Balsa-San, c'est normal que ce soit long ?

- Pour un premier bébé, oui.

- J'ai envie de pousser...

- Pousse doucement, l'invita-t-elle en posant sa main sur son ventre. Comme ça. »

Saya descendit du linge, inconfortable et demanda à se reposer malgré la douleur des contractions.

« Repose-toi, conseilla Balsa. Tu auras besoin d'énergie prochainement. Profites-en pour ménager tes forces.

- Reste proche, s'il te plait.

- Je n'avais pas l'intention de partir, rassure-toi. Tu as soif ?

- Oui. »

Elle reçut un verre d'eau et mangea quelques shuruji. C'était en fait, de la viande séchée finement coupée en dés, d'abord cuite dans du sel et du sucre, puis mélangée avec du riz fraîchement cuit avant d'être façonnés à la main en forme de triangle ou de boule. Tanda venait d'en cuisiner avec Tohya. Ce dernier rendait souvent visite à Saya, mais lorsque viendrait la naissance, il sortirait de la pièce. Non pas par panique, mais par peur de tomber lui-même dans les pommes.

Torogai se pointa telle une ninja : personne ne l'avait vu arriver ni entendu. Elle retrouva Balsa dans la chambre qui discutait à voix basse avec Saya. La chamane connaissait bien les deux futurs parents en devenir en privé, car ils lui avaient offert une place secrète où elle tenait ses rencontres en privée avec Shuga depuis quatre ans, pour qu'ils puissent échanger des informations concernant la pratique de la magie et de l'astrologie.

« Comment va-t-elle ? questionna la nouvelle arrivante.

- Elle s'en sort très bien, complimenta Balsa. Je suis si fière d'elle. Les eaux ont été rompues aussi.

- Tu aurais bien pu gérer la naissance à toi toute seule.

- Mais vous êtes quand même venue nous assister.

- Nous ne sommes jamais trop de femmes avec ce savoir. »

Saya finit par se retrouver à moitié couchée sur le ventre, soutenu par l'unique caisse en bois de la chambre. Tanda proposa à Balsa de faire la sage-femme.

« Moi ? se surprit-elle en le voyant lui tendre le savon très fort qui servait à se désinfecter les mains et les bras.

- Oui, toi.

- Mais pourquoi ?

- Car tu es la seule que Saya va te permettre d'accompagner, répondit Torogai en allant fermer la fenêtre. Et entre toi et moi, tu es celle qui a le plus récemment donné naissance. Tu sais comment ça se passe. »

Tanda se chargea de caresser le bas du dos de son amie. Ses mains étaient chaudes, douces et rassurantes. Il lui murmura qu'elle faisait bien ça et de ne pas oublier de respirer. Balsa s'empara de serviettes qu'elle étendit sur le sol, se nettoya les bras et les mains avant de prendre des compresses d'eau chaude pour protéger et assouplir les muscles. Saya ne pensait plus à rien d'autre qu'à pousser. C'était plus difficile qu'elle le pensait, quand elle sentit le bébé écraser et écarter les os de son bassin.

« Ça fait mal, grogna-t-elle, la tête enfouie dans un oreiller.

- Mais tu t'en sors bien, Saya, l'encouragea Balsa. Je peux déjà sentir sa tête.

- Tu la vois ?

- Non, je la sens. »

Elle s'empara de l'huile spéciale qu'elle utilisait à ses propres accouchements et massa vigoureusement pour détendre les muscles.

« Respire profondément, concentre-toi... »

Saya souffla et relâcha tous ses muscles en gémissant. Elle poussa plusieurs fois. Tanda mouilla une serviette et épongea son front trempé de sueur.

« Ça brûle..., gémit la jeune femme.

- C'est parfaitement normal... La tête commence déjà à se pointer, annonça fièrement Balsa. Tu fais bien ça.

- Je ne peux pas...

- Tu peux y arriver, nous y sommes presque.

- Ça fait trop mal..., pleura-t-elle.

- Courage. Tu t'en sors bien. Je sais que c'est difficile. »

À chaque poussée, le cercle de cheveux du bébé s'agrandissait. Toujours avec ses mains qui soutenaient les serviettes chaudes et les muscles, elle aida à guider la tête en faisant attention aux possibles déchirures. Il y eu une pause et Saya sentit enfin la tête se dégager. Elle lâcha un soupir et souffla.

« Et voilà sa tête, déclara Balsa en souriant. Elle est sortie.

- Elle est coincée... il ne sortira jamais !

- Ne t'en fais pas, c'est de courte durée, chuchota Torogai. S'il a de la difficulté à sortir, on va t'aider.

- Comment ?

- On va l'aider à sortir... »

Saya souffla rapidement et poussa trois autres fois en criant, espérant que son bébé passe enfin. Il fit une rotation naturelle et les épaules émergèrent, vite suivit du reste du corps. Le bébé glissa dans les bras de Balsa dans une chute d'eau. Elle tapota doucement son dos et il se mit à vagir. Tanda aida Saya à s'asseoir et se retourner pour qu'elle puisse faire face à Balsa. Torogai offrit une couverture et attendit que Saya prenne son enfant pour le couvrir. La nouvelle maman semblait être sous le choc, tellement, qu'elle ne parvint pas à verser une larme. Elle ne sembla pas reconnaître ce bébé qui venait de sortir de son ventre et observa, de façon alertée, Balsa.

« Ça ira. C'est vraiment le tiens, je te rassure, rit-elle. »

La nouvelle maman observa plus en profondeur l'enfant.

« C'est un petit garçon !

- Je vais annoncer à Tohya que le bébé est enfin là, déclara Torogai. Et à Alika aussi. »

La porte s'ouvrit sur Tohya qui se jeta presque aux pieds de sa petite-amie. Alika resta plantée dans l'entrée de la porte, joyeuse, de même pour Tanda qui tenait Nao dans ses bras.

« Tu l'as vraiment fait, s'émut Tohya. Notre bébé est enfin là...

- On a beau garçon maintenant, annonça Saya.

- Dis, Tohya, l'interpella Balsa. Veux-tu couper le cordon ?

- Non... j'ai peur de leur faire mal... je me sentirai mieux si c'était toi qui le faisais.

- Pas de soucis. »

Une fois le cordon coupé, Balsa laissa les nouveaux parents faire connaissance avec leur enfant, ne restant pas très loin pour surveiller une possible hémorragie et infection.

« Balsa-San...

- Oui ?

- Qu'est ce qui se passe avec mon bébé ? s'inquiéta Saya. »

La lancière s'approcha et rit avant de sourire.

« Je pense qu'il a faim.

- Faim ?

- Quand les bébés sortent du ventre de leur mère, souvent ils vont chercher le sein pour se nourrir. Mais parfois, il faut l'aider pour éviter que ça ne fasse mal. Attend. »

Elle rapprocha le bébé du sein de Saya et lui fit ouvrir doucement la bouche pour qu'il puisse téter. Au départ, il bougeait la tête, comme s'il refusait de boire.

« Mon sein n'est pas un peu... gros pour sa bouche ?

- Non. Le mouvement de succion sera parfait et tu n'auras pas mal. Ne touche jamais sa tête quand il tète, mais soutien son cou, expliqua Balsa alors qu'elle plaçait les mains de Saya. Comme ça.

- D'accord. Merci.

- C'est la moindre des choses voyons. Il me fait plaisir de t'aider. »

Au bout d'un moment, avec une grande patience, l'enfant finit par obéir à son instinct primitif et se mit à téter, ses petits poings fermés contre la poitrine de sa mère.

« J'ai d'autres contractions ! paniqua Saya.

- Ah, voilà le délivre qui ne devrait pas tarder à sortir.

- Le quoi ? s'exclama Tohya.

- Le délivre, s'amusa Balsa. C'est l'organe qui a permis à votre bébé de grandir dans le ventre de Saya et auquel le cordon ombilical est rattaché. Comme il est enfin né, cet organe n'a plus aucune utilité. Par contre, il est impératif que le ventre se contracte, car il laisse une cicatrice à l'intérieur de la taille d'une assiette.

- Il y a du sang avec ?

- Oui... alors si tu ne te sens pas à l'aise, tu peux sortir le temps que Tanda et moi vérifions que Saya n'est pas en danger. »

Tohya obtempéra sur le champ, promettant à Saya qu'il reviendrait. Il lui vola un nouveau bisou. À l'aide de Tanda, ils aidèrent à faire sortir de délivre, l'examinèrent pour être sûre qu'aucun morceau ne restait et le déposèrent dans un bac de bois conçu à cet effet. Par chance, Tanda n'eut qu'à lui faire trois points de suture. Tohya revint quand il reçut le signal que Saya ne se vidait pas de son sang. Il fut surprit de voir que sa bien-aimée n'avait pas bougé du sol.

« Tu veux le prendre, Papa ? demanda-t-elle. »

Il recula de quelques pas, soudain apeuré.

« Mais je ne m'y connais en rien aux bébés !

- Pas grave, moi non plus. La parentalité, ça s'apprend. C'est ce que Balsa-San a dit.

- Et si je l'échappais... ? Si je le cassais ?

- Voyons, il est plus résistant que ça, promis. Rapproche-toi. »

Le nouveau père se rapprocha et osa tendre les bras. Saya lui montra tout ce que Balsa lui avait enseigné et lentement, elle sépara du bébé qui avait fini de boire. Il se mit à protester et à pleurer suite au changement de bras et Tohya se mit légèrement à paniquer. Il parvint à se calmer et essaya de le bercer, maladroitement. Le bébé cessa de protester, ses pleurs diminuèrent et il se mit à observer son père. Il avait la peau aussi blanche que Saya et les cheveux noirs de son père. Mais ce qui le frappa fut le bleu profond de ses yeux : un bleu foncé métallique.

« Tu vas être capable de te lever, Saya ? s'inquiéta Balsa. »

Saya leva des yeux suppliant vers elle. Les larmes lui montèrent aux yeux. Balsa comprit qu'elle appréhendait la douleur de se redresser : elle avait tellement mal entre ses jambes. Ses jambes se mirent à trembler. Balsa se pencha à son niveau et passa ses bras sous ses aisselles, gardant son amie collée contre elle au fur et à mesure qu'elle la redressait. Saya pouvait à peine se tenir debout et avait vraiment de la difficulté à marcher. Elle échappa quelques larmes.

« Ne t'inquiète pas, Saya, toutes les femmes sont différentes après l'accouchement, la réconforta Balsa. On va y aller doucement.

- Je suis en douleur intense...

- C'est fort normal.

- Mais mon bébé est là, en santé et ça valait la peine. »

Balsa l'aida à s'asseoir sur le lit, avec des serviettes et lui apporta un jus de fruits pour lui redonner des forces. Alika vint faire son tour et fut tout attendrie. Nao ne comprenait pas grand-chose, mais il observa le nouveau bébé avec beaucoup de concentration.

Les semaines qui suivirent la naissance du bébé, le prénom fut enfin choisit : ils décidèrent de l'appeler Nanda. Pour commencer, Tohya ne se voyait pas l'appeler autrement et ensuite, ils avaient convenu que c'était un petit hommage à Tanda pour les avoir aidé tout le long de la naissance de leur enfant. Quand il apprit la nouvelle, l'apothicaire se sentait vraiment honoré.

Les premiers temps ne furent pas faciles, mais graduellement, ils finirent par s'habituer à leur nouvelle petite vie à trois.

Trois ans se succédèrent avant qu'un nouveau membre de la famille se pointe le bout du nez et fasse son entrée dans ce monde. Maintenant qu'ils savaient comment la naissance se passerait, Saya et Tohya étaient moins nerveux. Toutefois, ils firent encore appel à Balsa pour les accompagner et cette fois, Tohya osa assister à la naissance sans perdre connaissance. Saya mit au monde une belle petite fille, du nom Rinko. Elle avait les mêmes yeux que son frère, mais les cheveux noirs de Saya et un teint de peau pâle.

Lorsqu'un troisième enfant se pointa le bout du nez, Balsa venait à peine d'entamer son deuxième mois de grossesse avec ses futurs jumeaux. Le petit dernier était encore une fille, nommée Fuyuka. Elle avait le teint de peau de son père, une teinte moins foncée, mais avait les mêmes yeux bleus métalliques.