Update 2022

Kazoku no Moribito

Gardien de la famille

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Partie I


Chapitre 6

Une attirance non-commune...

Amaya fut si excitée à l'idée de s'entraîner au tir à l'arc qu'elle avait eu de la difficulté à trouver le sommeil. Alika était un mystère pour elle, car à peine avait-elle posé la tête sur son oreiller, qu'elle s'était endormie profondément. Amaya pouvait dormir n'importe où, mais elle n'avait pas un sommeil de fer. Si elle entendait un bruit plus ou moins fort, ou était entourée de personne, elle ouvrait les yeux instantanément. Les marches de l'étage du haut grincèrent, ce qui retira Amaya de son sommeil. Elle attendit que Balsa verse l'eau dans le seau prévu à la purification du matin et choisit de se montrer la tête hors du rideau.

« Bon matin, Balsa, salua-t-elle.

- Bon matin. Tu es déjà debout avant ma fille ?

- Je ne pouvais pas attendre pour m'entraîner au tir à l'arc. Ça fait tellement longtemps !

- Je suis heureuse de te voir aussi motivée.

- Devrais-je réveiller Alika ?

- Si tu en as envie. Sinon, elle se lèvera d'elle-même et viendra nous rejoindre. »

Amaya réfléchit un moment. Il est vrai qu'elle pourrait passer plus de temps avec sa belle-mère et Alika pourrait se montrer moins grognonne le matin. En murmurant à voix basse, elles sortirent à l'extérieur. Balsa lui attacha un gant de cuir au bras gauche pour la protéger. Elle installa ensuite une cible fait en bois avec différent rond.

« Essayons avec l'arc Kanbalese pour commencer. J'aimerai savoir avec lequel tu es plus à l'aise. »

Son élève temporaire prit une flèche et l'installa sur la corde avant de la tendre. Elle ferma un œil pour se concentrer et la décocha. La flèche se planta sur une cible bleue, un peu à droite. Elle réessaya trois autres coups.

« Comme dis hier soir, l'arc Kanbalese est parfait en terrain découvert, analysa Amaya. Il est plus petit et plus pratique à transporter.

- Ça parait que tu es habituée au modèle de notre pays d'origine.

- Vraiment ?

- Oui. Ta posture montre que tu es très à l'aise à tenir un arc Kanbalese.

- Je dois aussi avouer que je ne me suis jamais habituée à l'arc Rotan... je me sens coincée, c'est étrange à dire.

- Veux-tu l'essayer quand même ?

- Je peux très bien ! »

Elles échangèrent d'arc. Amaya sentit son poids et observa la taille. Quelque chose ne lui était pas familier, mais si elle ne l'essayait pas le temps qu'une experte en art martiaux – sa belle-mère – la formait rapidement, elle ne saura jamais comment s'adapter à une arme comme celle-ci. Avant qu'Amaya n'installe la première flèche, Balsa décida de tâter le terrain tout doucement concernant sa possible relation.

« Dis-moi, belle Amaya... avec ta belle personnalité, as-tu un partenaire dans ta vie ?

- Un partenaire... tu veux dire comme un petit-ami ?

- Oui.

- Hum... non. Mais je suis en relation, effectivement. C'est une personne merveilleuse.

- Tant que tu es heureuse et que c'est réciproque, l'important c'est que vous soyez heureux. »

Amaya se doutait que Balsa essayait d'avoir des réponses concernant son lien avec Alika, mais elle avait promis à cette dernière qu'elle attendrait qu'elle soit prête. Sur cette pensée, elle décocha une première flèche qui se ficha dans l'herbe. Elle avait peut-être été déconcentrée un instant.

« ... Oups.

- Ce n'est pas grave ! On recommence ! l'encouragea Balsa. Nous sommes là pour se pratiquer, après tout.

- Tu as bien raison. »

Elle décocha de nouvelles flèches. Balsa trouva son premier point faible : elle était tendue. Ensuite, elle était tellement habituée à l'arc Kanbalese, qu'elle ne parvenait pas à changer ses habitudes de tirs ainsi que la tension à utiliser.

« Comment je fais, alors ? demanda Amaya, désespérée. »

Au lieu de prendre l'arc que la jeune femme lui tendait, Balsa se plaça derrière elle en repositionnant ses mains. Elle ajusta la bonne tension.

« Ça devrait faire l'affaire. Maintenant inspire un bon coup et vise ta cible. »

La flèche se décocha et atterrit pile dans la cible en forme de cœur. Amaya resta stupéfaite. Un applaudissement se fit entendre. Les deux femmes tournèrent la tête vers le chemin du refuge qui donnait sur la forêt dans laquelle elles se tenaient. Alika se tenait accoté contre un tronc d'arbre. Ses mains étaient recouverte de gants fait en cuir avec de la fourrure sans doigts et elle portait de nouveau son chapeau de fourrure sur lequel des oreilles de loups empaillées avaient été cousues sur le dessus de sa tête. C'était encore une fantaisie qu'Alika avait inventé, inspirée par les esprits.

« Maman qui entraîne mon amie, hein ? Wow !

- As-tu l'intention d'aller à la chasse ? questionna Amaya.

- Non. C'est un nouveau style vestimentaire que j'essaie... et je suis bien comme ça, honnêtement.

- Hum ! J'espère que tu n'auras pas trop chaud, dans ce cas. Même si l'automne approche, il y a quand même des vagues de chaleur intense parfois. »

Alika regarda Amaya tirer des flèches. Lorsque Nao se réveilla, il s'habilla avant de sortir à l'extérieur. Il entendait les bruits de combats à mains nues derrière la maison. Il fut surpris de voir Amaya désarmer Alika et la plaquer sur le sol. Elle étouffa un cri de surprise.

« Qu'est-ce que vous faites ? demanda-t-il, surpris.

- On s'entraîne ! répondit Alika en roulant sur son ventre.

- Avec Amaya ?

- Oui. Elle va m'accompagner dans mon boulot prochainement. Même si elle n'a pas mes années d'expériences, elle veut faire sa part dans cette guerre, elle aussi. Alors Maman a accepté de lui donner des leçons de base pour se défendre, attaquer avec un poignard et tirer avec différents arcs. »

Amaya rougit et détourna le regard.

« C'est seulement la base, rectifia-t-elle. Je ne suis pas une guerrière née... Les hommes Yakue et Yogoese qui sont enrôlés dans l'armée non plus d'ailleurs. C'est très cruel.

- Mais au moins, tu as une base, tenta Balsa. Ce qu'eux n'ont pas... alors tu as déjà un bonus en surplus.

- Je sais, et je reconnais combien je suis chanceuse d'avoir croisé votre chemin.

- Je suis heureuse d'enseigner mes compétences à de nouvelles personnes autres que mes enfants. »

Les trois jours suivant le début de ses entraînements, Alika conclut qu'il était temps pour elles de se préparer à guider de nouveaux clients à travers les montagnes. Amaya se sentit nerveuse soudainement, elle avait hâte de se montrer utile tout en sachant qu'elle n'avait qu'une base. Elles iraient préparer les choses à la maison d'Amaya avant de retourner au refuge pour partir en même temps que Balsa. Et juste à ce moment-là, Alika se sentirait prête à annoncer à ses parents qu'elle formait un couple avec sa bien-aimée. C'était son plan initial.

Elle marchait avec Amaya main dans la main, dans la forêt. Elle n'avait cependant pas prévu ce qui allait arriver. Elles s'embrassaient passionnément sur le sentier de la forêt, quand elle brisa leur baiser en tournant la tête, se sentant observée. Le monde arrêta de tourner autour d'elle. Elle éloigna rapidement Amaya d'elle comme si une guêpe l'avait piquée.

« PAPA ?! s'écria-t-elle. »

Tanda, qui tenait Motoko par la main ne s'attendait visiblement pas à croiser sa fille aînée dans la forêt. Et il était encore figé d'avoir vu ce qui s'était passé. Sa fille aînée se figea et imagina tous les pires scénarios. Alors, au lieu de s'expliquer, elle prit la fuite vers le Bas Ougi, dans un autre sentier, prise d'une effroyable terreur.

« Papa, c'était Alika-Onee-ny-chan, ça ? demanda Motoko, pas certaine.

- Oui...

- Elle a embrassé 'Maya-Chan ?

- Oui... je crois que oui. »


Lorsque Tanda termina ses commandes, il retourna à la maison avec sa fille Motoko en passant par la forêt et ses nombreux petits sentiers. Ils étaient restés quatre jours, et avaient passé deux journées complètes en compagnie de Tomoe. Lorsqu'il vit ce qu'Alika avait fait avec son amie, il n'avait pas eu le temps de glisser un mot qu'elle s'était enfuie. Il se promit d'en parler à Balsa.

Il la retrouva justement en train de préparer le repas du midi.

« Maman ! cria Motoko, folle de joie, en courant vers elle.

- Allô ma belle ! Tu m'as manquée.

- Toi aussi !

- Tu as passé un beau séjour avec Papa ?

- Oh oui ! On s'est même fait une nouvelle amie.

- Une nouvelle amie ?

- Oui. C'est Tomoe ! »

Elle déposa fille sur le plancher et regarda Tanda. Quelque chose l'avait perturbé, et il ne parvenait pas à lui cacher.

« Balsa, fais manger les enfants, nous devons parler toi et moi en privé.

- Hein ?... Tu es tellement sérieux que tu me fais peur. Bon, très bien. »

Balsa posa sa main sur l'épaule de son fils aîné.

« Peux-tu servir tes frères et ta sœur le temps que Papa et moi parlons, mon grand ?

- Oui, oui.

- Merci, mon cœur. »

Elle détacha l'élastique qui tenait ses manches de kimono, puis fit signe à son mari de la suivre dehors. Ils s'assirent sur le quai, proche de l'étang.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai croisé notre fille sur le chemin, tantôt.

- Ah ? Et tu te demandais où elle allait ?

- Je n'ai pas eu le temps de lui demander, elle m'a fui. »

Balsa arqua un sourcil.

« Pourquoi aurait-elle eu peur de toi ?

- Si elle allait toujours au Bas Ougi, et disait qu'Amaya et elle n'étaient que des amies, ce n'est pas parce qu'elle avait un béguin pour un garçon... Je les ai surprises en train de s'embrasser.

- Je le savais ! s'exclama soudainement sa femme en frappant le quasi de la main. Oh oui, j'ai toujours soupçonné de quoi entre elles ! L'instinct maternel est très fort, je le savais, mais à ce point ? Hum... je pense qu'Alika n'était pas prête à nous le dire avant, en fait. »

Le regard pétillant de la lancière déconcerta Tanda.

« Ça ne te dérange pas ? s'étonna son mari.

- Pourquoi ça me dérangerait qu'elle aime une femme ? Tant que notre aînée est heureuse, c'est le principal non ?

- Elle ne m'a rien dit. Elle est partie en courant.

- Elle a donc pris la fuite. Maintenant, je suppose qu'elle a peur de ma réaction et de se montrer au refuge. Je pense que je comprends mieux, maintenant. Tanda, ça te fait peur ?

- Pourquoi j'aurai peur ?

- ... Tu espérais avoir des petits-enfants avec elle ?

- Je—

- Il nous reste encore cinq, eh... je veux dire quatre beaux enfants. Je peux te promettre que tu auras des petits-enfants. Peut-être pas maintenant, mais un jour. Et puis, j'ai eu le temps de mieux connaître Amaya au fil de ses visites ici. Elle aime profondément Alika et j'ai vu à quel point c'était dur pour elles de ne pouvoir démontrer leurs affections une envers l'autre. Elles s'aiment à la folie. Aller, viens manger maintenant. Nous continuerons cette discussion plus tard. Sinon, tu mangeras froid... et tu n'es pas toi quand tu as faim... »

Elle fit un clin d'œil amusé avant de le pincer amoureusement. Quand ils revinrent à l'intérieur, les enfants avaient majoritairement terminé de manger. Motoko leva les yeux vers ses parents, demandant à avoir un dessert. Balsa leur servit de petits gâteaux de riz. Elle alla retrouver Tanda à l'extérieur qui classait à nouveau des commandes et s'assit sur le banc, proche du cerisier de Kasem.

« Pouvons-nous continuer notre discussion ?

- Oui, bien sûr, l'invita-t-il. Les enfants sont occupés, donc il s'agit d'un bon moment.

- Qu'est-ce qui te dérange avec sa relation ? Dis-le-moi bien franchement... je suis sa mère après tout... et tu es mon mari.

- ... Je n'ai jamais rencontré qui que ce soit dans mon entourage qui sortait avec une personne du même sexe... je croyais qu'elle était attirée vers les hommes, mais elle est avec une femme.

Je n'arrive pas à comprendre comment deux femmes peuvent s'aimer.

- C'est la même chose que lorsque tu m'aimes et me fais l'amour. Elle aime les mêmes choses que toi : le corps des femmes. As-tu peur qu'elle soit une mauvaise influence pour Motoko, Nao, Jiguro et Karuna ?

- Pas vraiment, mais ça pourrait les choquer.

- Ils sont encore jeunes pour comprendre cette dimension... Et je ne pense pas que ça va les choquer. Serais-tu seulement capable de la jeter hors de la maison ?

- Non... »

Balsa soupira de soulagement un instant.

« Je suis heureuse de te l'entendre dire. Si tu m'avais dit oui, je t'aurais dit que tu me rejettes également. Mais fort heureusement, ce n'est pas le cas. Étrangement, je croyais qu'avec ta culture Yakue, vous étiez plus ouverts d'esprits face à des relations de même sexe.

- Je suis ouvert, mais c'est un choc... et j'ai le droit de le ressentir de cette façon.

- Je le concède. Mais ta fille aînée aime les femmes. Ça ne change rien à notre famille. Alika n'a jamais choisi d'être attirée par les femmes. Les enfants ne nous appartiennent pas, c'est nous, parents, qui les mettons au monde. Notre rôle est de les éduquer pour qu'ils puissent se débrouiller seuls plus tard.

- Je peux savoir qui t'a appris à t'exprimer comme ça ?

- Hum... c'est peut-être mon côté maternel... dans ce cas de mœurs, il n'y a rien à faire que d'accepter ce qui est et surtout de ne pas s'en mêler. Accepte-là comme elle est car c'est une personne magnifique. En tant que père, tu ne dois vouloir qu'une seule chose : le bonheur de notre fille, et si son bonheur c'est d'être avec une autre fille, quelle importance ? Laisse-les vivre heureuses. Une situation conflictuelle ne fera que provoquer une dégradation entre toi et Alika. Montre discrètement que tu as compris, que tu acceptes, sois hyper sympa avec les deux, car ta fille vit peut-être une situation "différente" vis-à-vis de toi difficilement. Peut-être qu'un jour une complicité plus grande entre toi et elle va se faire. Je te laisse mijoter sur cette pensée. »

Sa femme se redressa et prit sa lance. Elle alla voir Motoko pour lui proposer un combat amical entre mère et fille, ce que la petite accepta avec ferveur !


Une fois certaine qu'elle était loin de sa maison familiale, Alika cessa de courir. Amaya la rejoignit quelques minutes plus tard, à bout de souffle. Cette dernière n'était pas habituée à faire du cardio.

« Alichoue'... Ahhh... attends-moi ! Urgh ! »

Alika regarda Amaya arriver.

« Tu cours sacrément vite ! s'exclama-t-elle. Je n'arriverai pas à tenir ton rythme avec celui de ta mère comme ça lors de votre travail.

- Ce n'était pas censé se passer comme ça, maugréa Alika. Maintenant, j'ai peur de retourner chez moi.

- Toi ? Être effrayée ? Impossible...

- Si, tout est possible... »

Sa petite-amie semblait tellement désemparée.

« Ton petit frère est au courant de notre relation. Et je pense honnêtement que ta maman s'en doute, dit Amaya.

- Que ma mère s'en doute ?

- Oui. Vois-tu, il y a quelques jours, elle m'a demandée si j'avais une personne qui partageait ma vie et m'a demandé si c'était un homme. J'ai dit que oui, mais que ce n'était pas un homme, mais une personne merveilleuse. Elle n'a pas posé plus de question à ce sujet.

- Je ne sais plus quoi penser ou quoi faire... »

Amaya lui proposa alors d'aller visiter ses propres parents et avoir un second avis sur la question avant de commencer leur travail pour ramener les marchands étrangers à leurs pays d'origine. Les parents d'Amaya, Meiko et Juro, étaient de vraies perles rares et ils chérissaient leur fille unique. S'il y avait bien des personnes qui étaient disposées à écouter les cris du cœur des amies d'Amaya, c'était bien eux. Elles se dirigèrent plus en campagne et arrivèrent devant une maison en bois qui ressemblait un peu à l'ancien moulin à eau dans lequel Alika avait déjà vécu avec Chagum et sa mère.

Juro était un homme grand, avec les cheveux bruns et des yeux foncés. Il portait une barbe bien trimé. Amaya avait le même sourire que lui. Meiko était environ de la taille d'Alika. Ses longs cheveux étaient bruns – une coloration typique des personnes Kanbalese – et sa peau était pâle. Ses yeux étaient couleur ambre et elle portait constamment des robes kanbalese de couleur mauve, avec le biais du collet blanc. Sa ceinture était bleue marine.

« Bonjour Amaya ! Bonjour Alika ! salua Meiko en Kanbalese.

- Allô Maman ! Est-ce que nous dérangerons ? voulut savoir Amaya.

- Non, ma chérie. Pas du tout. Venez, entrer. »

Elles retirèrent leurs sandales et prirent place à la table. Juro lisait un parchemin. Elles parlèrent du beau temps et Amaya lui fit part de son nouvel intérêt pour les arts martiaux. Ses parents ne semblaient pas inquiets en sachant que les Kanbalese étaient des gens coriaces. Enfin, Amaya en vint à son principal sujet de discussion.

« Le père d'Alika a découvert que nous étions ensembles, expliqua-t-elle. Alika avait l'intention de l'annoncer à sa mère quand nous allions retourner chez eux après avoir préparé nos choses pour son boulot... mais maintenant, nous ne savons plus vraiment comment réagir.

- Je vois. »

Meiko regarda Juro, mais ce dernier ne dit rien. Elle comprit qu'elle avait le devoir de rassurer sa bru.

« Tu sais, Alika, ton père fait peut-être un peu de surprotection. Il pense probablement t'éviter des ennuis. Montre-lui que tu es responsable et il devrait comprendre. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais c'est déjà ça.

- De la surprotection ? Mais enfin, j'ai dix-huit ans. Il a encore ma petite sœur et mes petits frères à veiller comme un papa-poule. Je suis assez grande pour prendre soin de moi. Je suis majeure si on se fît aux lois Kanbalese.

- Hélas, ça fait partie des mœurs trop bien ancrées. Les couples de même sexe, c'est encore très difficile à surpasser pour beaucoup de gens – dont ton père. Ton père t'aime beaucoup, mais comme tu fais quelque chose qui est contraire à l'éthique Yakue… eh… c'est bien ça ?

- Oui...

- En laquelle il croit depuis sa naissance, ça pourrait prendre beaucoup d'efforts pour que l'acceptation soit complète.

- Je n'ai plus rien à ajouter... C'est juste que ça me fait mal... Ça me déprime... Et je me sens coincée...

- Et c'est normal. Tu ne te sens ni respectée ni acceptée. C'est un moment pénible et tu prends conscience que ce qui aurait pu être facile va demander plus de travail et beaucoup d'efforts... Aller, guerrière. Vous allez réussir toutes les deux. »

Rassurée et apaisée, Alika et Amaya quittèrent la maison familiale et allèrent préparer leurs bagages pour le voyage. S'il y avait bien une chose qu'Amaya avait encore de la difficulté à gérer était de devoir voyager léger et n'emmener que le nécessaire. Elle ne comprenait pas comment Alika voyageait qu'avec un baluchon qui ne contenait qu'une robe de rechange, des sous-vêtements, sa brosse à cheveux et un savon pour faire sa toilette... sans compter un peu d'argent et ses outils pour raccommoder et aiguiser sa lance.

Amaya laissa également une note à son amie, la femme qui s'occupait de la petite friperie, comme quoi elle s'absentait pour une durée indéterminée.


Même si sa plus jeune fille était allée au Bas Ougi récemment, Balsa décida de l'emmener avec elle pour essayer de retrouver Alika une journée plus tard suivant la « découverte » de Tanda. En chemin, elle aborda la question délicate entre les couples de même sexe.

« Que penses-tu de deux personnes ensembles, Motoko ?

- Ils s'aiment et font des bébés, comme toi et Papa ! répondit vivement sa fille.

- Et si ce sont deux femmes, dans ce cas ?

- Elles s'aiment et adoptent un bébé !

- Tu es adorable. »

Balsa ébouriffa les cheveux de Motoko.

« Jouons à un jeu.

- Quel jeu, Maman ?

- Essayons de retrouver Alika. Elle est sans doute cachée au Bas Ougi, à jouer à cache-cache avec Amaya.

- Oh oui, je veux bien ! »

Elles se rendirent sur la place marchande et cherchèrent partout du regard ce qui aurait pu être Alika. Cette dernière avait dû prendre toutes les précautions nécessaires afin d'éviter de se faire repérer par un de ses parents, mais surtout par Tanda. Balsa connaissait sa fille aînée comme le fond de sa poche. Elle savait également que quand une situation la menaçait, elle restait cloitrer dans son coin jusqu'à ce que la menace ait complètement disparu. C'était un instinct qui était toujours présent chez Balsa et elle l'avait sûrement légué dans l'éducation d'Alika. Quelque chose attira le regard de Motoko, et elle se libéra de la main de sa mère.

Balsa tourna rapidement la tête pour ne pas la perdre de vue. Étrangement, ce n'était pas un kiosque ou un objet qui avait convoité l'intérêt de la fillette, mais bien une personne. Une jeune femme ayant atteint la majorité Yogoese avec ses quinze ans et de style garçon manqué.

« Allô, la salua Motoko.

- Ah, bonjour petite.

- Es-tu gay ou lesbienne ? »

La lancière arriva derrière sa fille en s'excusant de son indiscrétion. Pourtant, l'adolescente fit signe que rien ne la dérangeait.

« Non, mais je suis bisexuelle, répondit-elle fièrement. »

Motoko tourna son regard vers sa mère, confuse.

« Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Ma chérie, ça veut uniquement dire qu'elle aime les hommes et les femmes.

- Tu veux dire l'amour deux fois, Maman ? »

Avant qu'elle ne puisse placer un quelconque mot, l'adolescente éclata de rire.

« Oui, l'amour deux fois, je suppose. »

Le regard de l'enfant s'illumina. Motoko regarda avec insistance Balsa.

« Est-ce que je peux aimer les filles et les garçons moi aussi, Maman ? Est-ce que je vais être dans le trouble si j'aime les deux ?

- Tu peux aimer qui tu veux, ma chérie, peu importe son sexe. Ça ne me dérange pas. Je t'aimerai toujours, la nuit comme le jour, et tant que je vivrai, mon bébé tu seras. Parce que tu es ma fille. »

L'enfant sourit à pleines dents avant de quitter la jeune adolescente alors qu'elles repartaient faire leurs recherches.

« Si je te disais qu'Alika avait une petite-amie, comment réagirais-tu ? reprit Balsa.

- Je voudrais la voir ! Je lui ferai tout plein de câlins !

- Et si je te disais que c'était Amaya ?

- Alors je vais avoir deux grandes sœurs pour le prix d'une. »

Motoko possédait une naïveté d'enfant tellement innocente que tout ce qu'elle disait était considéré comme étant mignon et adorable. Elles continuèrent leur recherche.