Update 2022

Kazoku no Moribito

Gardien de la famille

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Partie II


Chapitre 8

Une lueur d'espoir

Alika était penchée au-dessus du petit étang, s'observant le reflet sur la surface de l'eau alors qu'Amaya cueillait des fleurs sauvages avec Motoko.

« 'Maya-Chan ? l'interpella l'enfant.

- Oui, cocotte ?

- Hier soir, j'ai entendu Maman et Papa... ils faisaient des drôles de bruits, même si ce n'était pas fort. Ils jouaient beaucoup dans leur lit, parfois... tu penses qu'ils s'entraînaient aux arts martiaux, eux aussi ? demanda-t-elle avec innocence. »

Oh non..., pensa Amaya. Tout comme l'enfant, la jeune adulte avait aussi entendu ses beaux-parents faire l'amour la veille, sans doute parce que Balsa partait pour un temps indéterminé et qu'elle désirait gâter son mari le temps de son absence. Amaya sourit de côté et reprit son air naturel et enjoué.

« En fait... comment t'expliquer ça. Hum... tu sais ce qu'il faut pour faire un bébé ?

- Un Papa et une Maman ?

- Oui... et hum... en fait, quand les deux parents s'aiment, bin, ils enlèvent leurs vêtements et se collent très proches. Ça s'appelle faire l'amour, car il y a beaucoup d'affections dans ces gestes.

- Alors je vais voir un autre petit frère ou une autre petite sœur ? s'égaya Motoko. Une petite sœur ce serait bien !

- Hum... il faudrait demander à ta Maman.

- Je vais lui demander ce soir avant qu'elle ne parte ! »

Eh merde..., se désespéra Amaya.

« Et pourquoi ils poussaient des cris ? Ça fait mal ?

- ... eh, je...

- Bon ! intervint enfin Alika. J'ai fini de me préparer ! J'ai encore oublié des choses pour le voyage au Bas Ougi... alors nous allons faire des courses de dernière minute, encore une fois.

- Je veux venir avec vous !

- Aller viens, cocotte, invita Amaya en prenant la main de la petite belle-sœur. »

En route, la jeune femme Kanbalese chuchota à l'oreille de sa bien-aimée :

« Tu as fait exprès parce que tu ne voulais pas lui expliquer, hein ? Avoue-le, Alika.

- Bingo..., s'amusa-t-elle, un regard remplit de triomphe.

- C'est... cruel !

- Non, Amaya. Tu as des mots plus doux que moi, et tu t'entends à merveille avec les enfants. C'est pour ça.

- Quand même, je dois t'avouer que j'ai entendu tes parents faire l'amour même s'ils voulaient être discrets...

- Je sais, moi aussi. C'est arrivé plusieurs fois. Je trouve ça drôle à tous les coups.

- Je ne te pensais pas à ce point "scéneuse", Alika-Chan. »

Alika exécuta un sourire amusé.

« Mais, reprit Amaya, il ne faut pas oublier qu'ils sont un couple aussi... alors ils ont en masse le droit de faire l'amour chez eux quand ils en ressentent l'envie.

- C'est bien vrai... après tout, comment penses-tu qu'ils nous ont eu ?

- Hey Alika-Onee-ny-chan ! l'appela soudainement Motoko. Tu crois qu'on va pouvoir aller rendre visite à Tomoe ?

- Tomoe ? questionna-t-elle.

- Il s'agit d'une de tes amies ? demanda Amaya.

- Non, c'est une femme qu'on a rencontré, Papa et moi, les aida Motoko. Papa veut pas que je dise à Maman qu'il la voit. Mais moi, je veux que Maman et elle se rencontrent et prennent le thé ensembles. »

Le couple se regarda, un regard remplit d'appréhension comme si c'était quelque chose mal.

« Hum... Motoko, est-ce que... depuis combien de temps la voyez-vous ? se renseigna la grande sœur.

- Une à deux semaines je crois. Je sais plus !

- Papa et elle ont une proximité... disons-le, proche ?

- Non. Ils se sont pas embrassés. On a juste mangé au restaurant et prit des marches. Tomoe m'achète souvent des hekimooms. Mais elle fait toujours un regard gentil à Papa. Elle est Yakue elle aussi, de Yashiro. Et elle est très gentille. Pourquoi ?

- Eh... pour savoir. »

Alika savait qu'elle n'avait pas à s'inquiéter à ce niveau, car son père aimait sa mère plus que tout au monde. Il l'avait attendu tellement longtemps et ils se connaissaient si bien. Tellement, qu'ils avaient beaucoup de différends, et ce, avant même qu'elle ne vienne au monde. Son père avait le droit d'avoir des amis de sexe féminin en dehors de sa mère, après tout. Ce n'était pas interdit.

Comme elles étaient pressées de partir, elles retournèrent au refuge directement après les emplettes, disant à Motoko que la visite pour Tomoe ira à une autre prochaine fois. L'enfant fit la moue et les suivit, grincheuse.


Son maître et son fils préparant leurs bagages pour leur visite à Toumi, et sa femme avec sa bru et sa fille aînée de l'autre côté, Tanda soupira en se disant que la maison allait être bien vide sans ces personnes qui déplaçaient beaucoup d'air. Balsa arriva proche de lui, une main posée sur son bas-ventre.

« Tout va bien, chérie ? demanda-t-il.

- Ouf, souffla-t-elle. Je crois que j'y suis allée un peu fort la nuit dernière.

- Tu as mal aux hanches ? Je te les ai trop défoncée ?

- Pas aux hanches. J'ai mal à mon ventre...

- Ah ! j'ai été trop loin...

- Ce n'est pas grave, s'amusa Balsa. Ça fait partie des plaisirs intimes. Le temps est bon... je sais que j'avais dit que je partirai demain, mais je pense sincèrement qu'aujourd'hui serait l'idéal. Plus vite nous serons parties et plus vite nous reviendrons. »

Une lueur de déception passa dans les yeux de Tanda. Mais il savait que Balsa était fait comme ça et était toujours prête à aller à l'aventure, à n'importe quel moment. Alika entra dans la maison avec Amaya et Motoko.

« Les filles, annonça la lancière. Changement de plan.

- Hein ? s'étonna Alika. Qu'est-ce qui se passe ?

- Nous ne partons plus ? se désola Amaya.

- Non au contraire, nous partons aujourd'hui.

- Vraiment ?!

- Oui. Le temps est propice et plus vite nous serons parties, plus vite nous serons revenues. »

Motoko, ayant entendu les paroles de sa mère, commença à protester.

« Moi aussi je veux vous accompagner !

- Non, Motoko, c'est trop dangereux, la dissuada Alika.

- Mais Maman t'emmenait pareil dans ses voyages quand tu avais mon âge !

- Pas pour son boulot.

- C'est pas juste !

- Quand tu seras plus âgée, tu le pourras et— »

Voyant que l'enfant était sur le point de faire une crise, Balsa allait intervenir quand Amaya fut plus rapide qu'elle. Elle força Motoko à la regarder. L'enfant était agitée et ripostait contre la poigne de sa belle-sœur.

« Motoko, l'appela-t-elle. Motoko, écoute-moi.

- Moi aussi je veux être avec vous ! pleurnicha-t-elle.

- Je sais que tu veux nous suivre, mais ce que nous faisons est bien trop dangereux.

- Je sais me battre !

- Savoir se battre n'est pas synonyme de prudence, ma belle. Il ne sert à rien de risquer notre vie, même si on sait se battre. Je sais que tu veux venir avec nous, mais nous sommes en temps de guerre. Si un espion venait à croiser ton chemin, il n'hésiterait pas à te faire mal. S'il te plait, mon cœur, c'est beaucoup plus sécuritaire pour toi de rester avec ton père et tes petits frères.

- ... Vous allez revenir ?

- Mais bien évidemment ! s'exclama Amaya en ébouriffant ses cheveux. En attendant, entraînes-toi pour surpasser ta grande sœur aux arts martiaux. Tu seras, toi aussi, un garde du corps exceptionnel et une guerrière hors pair. »

Motoko sembla se calmer, même s'il fallut une bonne demi-heure pour qu'elle s'apaise totalement contre Amaya qui ne la lâchait pas.


Leurs lances et leurs arcs sur le dos, Balsa salua sa famille et Torogai avant de prendre le chemin qui menait vers une ville plus à l'ouest du Nouvel Empire de Yogo. Amaya, Alika et Balsa traversèrent les forêts avec prudence.

« Maman ? l'interpella sa fille.

- Oui ?

- La nuit...

- Oui ? La nuit, continue ?

- ... S'il te plait, baisse le volume. Juste un peu. »

C'était un message discret qui indiquait à Balsa qu'elle avait été entendue la nuit dernière avec Tanda. Se doutant qu'Amaya et Alika avaient déjà goûté à des relations intimes dans le même genre, la lancière décida de ne pas se sentir gênée.

« Excusez-nous si vous nous avez entendus, se désola-t-elle. Parfois, nous sommes enivrés par la passion et nous oublions tous nos soucis.

- Ce n'est pas grave ! la rassura sa bru en essayant de détendre l'atmosphère. Tant que vous avez eu du plaisir et avez pu échanger votre amour, c'est l'important. Les adultes ont du sexe. C'est bon pour la santé et le moral. C'est une partie naturelle de l'espèce humaine. »

Balsa s'étonna de voir à quel point Amaya semblait à l'aise de parler de sexualité aussi ouvertement. Il fallait sans dire que les personnes de Kanbal étaient beaucoup moins pudiques et gênés à ce niveau.

« Je suppose que tu as raison, concéda Balsa. »

Ils arrivèrent dans une ville où se tenait plusieurs gardes et clients. Amaya n'était pas habituée à une telle atmosphère et elle avoua que l'odeur de la sueur, les chevaux et le fumier lui levait le cœur. Elles étaient aussi les seules femmes à être reconnue pour être garde-du-corps. Il y avait un grand bâtiment couvert de bardeaux rouges vif. Autrefois, il s'agissait d'une agence de placement qui mettait en relation des gardes du corps et des gardes de caravane avec des clients. Mais depuis que la guerre avait commencé et que les frontières étaient fermées, cet endroit était devenu le point de rassemblement des marchands étrangers qui se cherchaient des gardes pour les aider à rentrer chez eux.

La cour et la route à l'extérieur du bâtiment étaient encombrées de charrettes et grouillaient de monde malgré l'heure de l'avant-midi. L'entrée était assez grande pour que plusieurs personnes puissent passer à la fois. Il n'y avait pas de lumière à l'intérieur, mais le soleil était suffisamment brillant pour que Balsa puisse voir des gens marcher devant les comptoirs, attendre et s'asseoir sur des bancs. Balsa donna son nom aux registres. L'homme dévisagea Alika et Amaya le quart d'un instant.

« Hmmm, dit-il d'une voix rauque. Vous semblez venir de Kanbal.

- Nous sommes nées à Kanbal et avons grandi à Yogo. Ces deux jeunes femmes m'accompagneront. Y a-t-il des marchands qui cherchent à regagner leur domicile ? »

L'homme regarda les clients qui grouillaient dans une masse de gens et pointa une petite famille, au loin.

« Sain, sa femme Toki et leur fille Raï cherchent à partir d'ici.

- Merci. »

Sans plus en rajouter, Balsa fit signe aux filles de les suivre et elle alla rencontrer les marchands Rotan. Plusieurs gardes la saluèrent respectueusement et même Alika, qui avait fait son nom et une place parmi cette profession qu'elle exerçait depuis quelques années déjà. Lorsque Sain avait entendu parler pour la première fois que quelqu'un guidait des gens au-delà des frontières, il s'était attendu à ce que cette personne soit un guerrier d'âge moyen, grand et fort. Quelle fût sa surprise en y apercevant Balsa, accompagnée d'une copie conforme légèrement plus petite en taille et d'une jeune femme décidemment Kanbalese d'origine.

Il ne s'attendait pas à y rencontrer une femme relativement jeune et légèrement bâtie. Elle devait avoir dans la quarantaine, avait les cheveux attachés en queue de cheval haute. Le manche de sa lance était aussi noir que l'ébène et lisse après de longues années d'utilisation. Dès qu'Amaya rencontra le regard de l'enfant, Raï, elle ne put s'empêcher d'aller à sa rencontre et former un lien avec elle.

« C'est une blague ? s'étonna Sain.

- Non, ce n'est pas une blague, se vexa Alika. Nous serons vos gardes pour que vous puissiez retourner sain et sauf à votre maison. Je suis Alika Yonsa, garde du corps et voici ma mère, la fameuse Balsa Yonsa.

- Balsa Yonsa ?! »

Sain avait d'abord été dubitatif de confier la vie de sa famille à trois garde de sexe féminin, mais il se souvint que les autres gardes du corps et guides qu'il avait rencontré au fil de son séjour à Yogo respectait cette dite personne. Cela ne faisait que prouver encore plus sa réputation stellaire quand la fille qui l'accompagnait était parvenue à se forger une place dans ce monde froid et cruel.

Raï avait commencé à discuter un peu avec Amaya et Toki lui dit qu'ils avaient laissé leur fille plus jeune aux soins des grands-parents à Yogo, pendant qu'ils se rendaient à Rota avec elle. Ils étaient prêts à abandonner presque tout pour retourner dans leur patrie maintenant. Après avoir payé la moitié de la somme demandée, Balsa leur dit qu'ils partiraient au coucher du soleil, là où les gens étaient moins visibles.


Ça faisait maintenant deux jours qu'ils avaient quitté la place pour traverser les montagnes. La lumière de la fin de soirée passait à travers les feuilles au-dessus de leurs têtes. Il ferait bientôt trop sombre pour que Balsa puisse voir ses propres pieds alors qu'elle se déplaçait dans les sous-bois denses.

Elle essuya la sueur de son front et vérifia l'orientation de l'étroit chemin forestier devant elle. Elle avait l'habitude de marcher dans les montagnes et elle était déjà venue ici auparavant, mais la végétation était si épaisse qu'elle étouffait presque le chemin. La voie à suivre devenait de plus en plus difficile à discerner. Amaya se débrouillait comme une championne, restant auprès de Raï et de sa mère. Jamais elle n'avait montré une once de frayeur et elle prenait beaucoup sur elle. Alika entendit les branches se briser derrière elle. Sain l'appela d'une voix calme. Il s'était coincé les jambes dans les hautes herbes. Toki avait essayé de le dégager, mais il était resté coincé, même après que leur fille et Amaya eurent essayé de l'aider.

Alika recula et attrapa le bras de Sain. Elle tira vers l'avant. Malgré sa petite taille, sa force physique impressionna l'homme Rotan.

« Merci, déclara-t-il. Désolé, je suis resté coincé.

- Ce sont des choses qui arrivent... »

Sain était un homme légèrement en surpoids qui transpirait beaucoup. Il replaça son sac de façon plus confortable sur ses épaules et prit quelques respirations profondes.

« Nous ne pouvons même plus voir le chemin. Nous devrions probablement trouver un endroit où nous arrêter pour la nuit. »

Balsa le fit taire.

« Vous entendez ça ? chuchota-t-elle.

- Entendre quoi ? s'effraya Sain.

- ... La rivière. »

La petite famille se tint complètement immobiles et tendirent l'oreille.

« Ah oui, je l'entends aussi, confirma Sain. Cette pente doit sans doute descendre jusqu'à la rivière. C'est assez haut pour donner une bonne vue sur les environs. Il pourrait donc y avoir des soldats et des patrouilles autour. J'espérais que nous les dépasserions dans le noir. »

Il plissa les yeux.

« Peut-être devrions-nous attendre la tombée de la nuit. Ils ne nous verront pas alors.

- Si nous attendons qu'il fasse complètement noir, nous ne serons pas plus avantagées comme nous ne pourrions rien voir non plus.

Le visage de Sain s'assombrit. Il se tourna vers sa fille de six ans. Raï aussi semblait déçu et un peu effrayée. Amaya lui sourit pour la rassurer.

« Attends juste un peu plus longtemps, Rai, la rassura Amaya. Tu seras de retour à la maison après-demain. »

L'enfant hocha la tête alors qu'Amaya utilisait son énergie pour l'apaiser. Balsa fit face aux parents.

« Concentrez-vous, dit-elle calmement. Personne ne doit rester coincé dans les sous-bois pendant que nous voyageons ce soir. Ça va nous ralentir, et en plus, nous risquons d'être séparés. Peu importe la lenteur avec laquelle nous allons, nous devons continuer à avancer et faire de notre mieux pour ne pas faire de bruit. Cette zone grouille de soldats. »

Sain et Toki acquiescèrent en signe de compréhension. Balsa tourna les talons et continua à descendre le chemin forestier. La petite famille leva les pieds bien hauts pour ne pas se prendre dans les hautes herbes, Amaya et Alika fermant la marche.

Le chuchotement de la rivière devint progressivement un rugissement alors qu'ils descendaient plus près de son lit. Balsa fit signe d'attendre, puis s'accroupit. Elle donna sa lance à sa fille aînée, puis courut sur le chemin hors de vue. Elle se déplaçait avec le silence et la rapidité d'un renard : personne ne l'entendait bouger. Après quelques pas, personne ne pouvait la voir. Sain et Toki se regardèrent surpris.

« Comment peut-elle bouger comme ça ? murmura-t-il.

- C'est... ma mère, répondit simplement Alika. Chut, maintenant ! »

Ils lui obéirent sur le coup et plus personnes n'osa parler.

« Monsieur Sain, chuchota Balsa au bout d'un certain temps. »

Il sursauta sous le coup. Il s'était perdu dans ses pensées et n'avait pas remarqué le retour de leur garde. Raï, qui s'était endormi dans les bras de sa mère, se réveilla également en sursaut. La forme de la montagne devant eux était énorme, mais rien d'autre n'était visible dans l'obscurité. Même leurs visages étaient cachés dans la pénombre. Heureusement qu'Alika voyait les auras et pouvaient identifier n'importe qui dans cette noirceur.

« C'est comme je le pensais. Il y a des soldats ici, annonça Balsa alors que les parents se prenaient par la main. Tout va bien. Il n'y en a que trois. Je n'ai vu personne d'autre camper par ici. Je peux en combattre trois sans trop de problème, mais les dépasser sans être vu est probablement chose impossible. »

Alika regarda le couple, devinant la future question de sa mère pour eux.

« Alors qu'est-ce que vous voulez faire ? questionna-t-elle à son tour. Doit-on rebrousser chemin ? Ou continuer et risquer d'être vu ? »

La famille de Sain risquait leur vie pour retourner dans une patrie qui pourrait être attaquée et détruite par l'empire Talsh à tout moment. Toki s'avança.

« Nous allons continuer.

- Oui, l'appuya son mari. Nous sommes arrivés jusqu'ici. Nous devons rentrer à la maison. Nous ne pouvons pas rebrousser le chemin avec tout ce qu'on a parcouru. »

Il tendit la main et attrapa le bras de Balsa.

« Si... si nous ne pouvons pas nous en sortir pour une raison quelconque, s'il vous plaît, sauvez notre fille. »

La lancière plaça une main sur ses mains qui tremblaient.

« Je promets que je le ferai. Avec Amaya, Raï sera doublement en sécurité. »

Elle expliqua ce qu'ils avaient tous à faire de façon calme et facile à comprendre.

« Suivez-moi jusqu'au lit de la rivière et restez près de moi et d'Alika, suffisamment proche pour toucher nos épaules. L'endroit où nous vous conduisons est à une courte distance du camp des soldats, mais suffisamment proche pour qu'ils puissent nous découvrir. Il y a des arbres qui bordent le lit de la rivière, alors assurez-vous de vous cacher derrière eux et de les utiliser comme couverture. »

Après que Sain et Toki eurent hoché la tête, Balsa poursuivit et regarda ses deux alliées.

« Amaya va porter Raï sur son dos et traverser la rivière pour attacher son bout de corde à un arbre. Je vous laisse l'autre extrémité à attacher de votre côté, Alika sera derrière vous. Je créerai une distraction pour les soldats. Pendant que j'attire leur attention, utilisez la corde pour traverser la rivière. Ce n'est pas profond, mais le courant est très fort. Ne lâchez pas la corde quoi qu'il arrive. Si vous le faites, vous vous noierez. Je veux que vous vous concentriez sur la traversée de cette rivière, dit-elle d'une voix basse. Rien d'autre. Oubliez les soldats. Une fois que vous aurez traversé la rivière, attendez-moi dans la forêt. »

Sain et Toki acquiescèrent à nouveau. Balsa se leva alors qu'Amaya était en train de mettre Raï sur son dos. La pauvre enfant était terrifiée.

« Ça ira bien, Raï. Tu es en sécurité avec moi, la calma Amaya en souriant doucement avant de regarder sa belle-mère. Nous sommes prêtes.

- Bien, déclara Balsa dans un fort murmure. Allons-y. »

Raï était généralement une enfant bien élevée, mais traverser la rivière sans ses parents l'avait fait crier d'impuissance. Et quand Amaya la déposa au sol, elle avait de nouveau crié. Grâce à cela, ses parents purent la retrouver rapidement, mais elle avait aussi attirée l'attention des soldats. Malgré tout, Balsa avait mis les soldats hors d'état de nuire facilement et les clients étaient désormais blottis sous les racines d'un grand arbre. Alika fit un signe de la main vers sa mère. Ils avaient tous réussi à traverser.

Cette nuit-là, ils campèrent à l'ombre d'un gros rocher. Faire un feu si près du camp des soldats comportait des risques, mais Balsa avait décidé qu'il valait mieux en faire un petit afin que Sain et sa famille puissent sécher leurs vêtements et prendre un repas chaud. La peur retournait l'estomac des deux parents de Raï, mais ils savaient qu'ils avaient besoin de manger pour garder leurs forces. Ils ne pourraient jamais traverser les montagnes s'ils mouraient de faim. Alika utilisa son énergie et récita une incantation qui apaisa légèrement leurs craintes. Amaya leva les yeux quand une brume apparut de nulle part.

« C'est un sortilège..., l'aida sa bien-aimée. Je nous ai couverts un peu.

- Je suppose que ça serve à quelque chose d'avoir une fille à la fois lancière et magic-weaver qui peut utiliser les énergies de la nature, fit Balsa. »

Elle mélangea du miel dans un gruau de blé chaud et le distribua. La famille de Sain s'endormit rapidement après avoir mangé. Amaya se colla contre Alika après qu'elle eut éteint le feu. Des étoiles scintillaient dans le firmament entre les branches des arbres au-dessus de leurs têtes.

Alika sentit une faible pression sur son épaule. Elle ouvrit les yeux et fut surprise d'y voir le visage d'une jeune femme proche d'elle. Elle sursauta fortement, réveillant Amaya qui se cogna la tête sur le rocher où elle s'était appuyée pendant son sommeil. Elle poussa un juron en frottant son front.

« Alika, s'il te plait...

- Pardon Amaya... »

Amaya grogna et se recoucha en se blottissant comme un petit chaton, les poignets pliés qui imitaient parfaitement les pattes des chats quand ils les repliaient sous leurs corps lorsqu'assit. Alika remarqua alors que la jeune femme n'était pas humaine. C'était une esprit. Elle se mit en télépathie sur le champ.

« Mayuna-Tan !

- Bon matin, Alika-Chan. Désolée de te réveiller de cette façon, ce n'était pas mon intention première.

- Que se passe-t-il ? Monsieur Jin est-il dans les parages ?

- Justement, il parle avec Balsa-San. »

Alika leva les yeux et se dégagea des couvertures pour y apercevoir que sa mère discuter avec le hunter Jin. Elle s'approcha, curieuse.

« Dois-je réveiller Sain et Toki ? murmura-t-elle à Balsa.

- Non, tout va bien.

- Je peux écouter ?

- Certainement.

- Je vous ai cherché partout, annonça Jin à l'intention des deux femmes. Mais vous vous déplacez comme un nuage, ne restant jamais bien longtemps au même endroit. Bien le bonjour Alika-Chan. Ça faisait un moment depuis la dernière fois que nous nous sommes vus.

- Merci et oui, avant la guerre. Que se passe-t-il ? s'enquit Alika.

- Tanda m'a dit que vous étiez peut-être quelque part dans ces montagnes, alors je vous ai suivi il y a peu de temps.

- Eh bien, maintenant que tu nous as retrouvé, qu'y a-t-il ? demanda Balsa en fronçant les sourcils.

- J'ai quelque chose pour toi, annonça-t-il de façon informelle, car Balsa n'aimait pas les formalités et lui avait souvent reproché. Je ne peux pas le remettre sans vérifier ton identité. »

Alika roula les yeux, ennuyée, et observa Mayuna.

« C'est une question de sécurité, Alika-Chan, tenta de l'apaiser la jeune esprit.

- Lorsque vous étiez sur le point de commencer votre voyage avec le Prince Héritier Chagum, qui as-tu envoyé à ta place pour acheter des fournitures ? demanda Jin.

- Tohya, chuchota Balsa. »

Les épaules de Jin se détendirent immédiatement.

« Je le savais déjà, mais comme il s'agit d'une question de sécurité, je n'ai pas eu le choix, s'expliqua le hunter en sortant une épaisse enveloppe de sa poche de poitrine avant de la tendre à Balsa. J'ai navigué avec le Prince Héritier Chagum jusqu'à Sangal et j'ai également été fait prisonnier. Le Prince Héritier Chagum m'a libéré, moi et bien d'autres. Mais avant que nous soyons tous arrivés à la maison, il a quitté le navire en secret avec l'aide d'un marin, Oru, et de son serviteur, Ruin.

- Alors il n'est pas mort ! s'égaya Alika dans un couinement. Je trouvais étrange aussi les circonstances nébuleuses autour de son décès...

- Je ne l'aurai jamais laissé mourir, déclara Jin, solennellement. J'aurais pu vous le dire de vive-voix, mais comme on dit : les paroles s'envolent et les écrits restent. »

Balsa se mit à lire la lettre. Les premières lignes la firent sourire, mais au moment où elle atteignit la fin, elle fronça les sourcils. La guerrière regarda la lettre pendant un long moment après avoir terminé sa lecture. Alika pensa un instant que sa mère avait l'air un peu incertaine, peut-être même un peu effrayée. Trois grandes pièces d'or étaient jointes à la lettre. Balsa les serra fermement dans sa paume.

« Je savais que tu comprendrais la situation, murmura Jin. »

La mère d'Alika leva les yeux de la lettre en hochant la tête.

« Alors dépêchez-vous d'aller à Rota aussi vite que vous le pouvez, s'il vous plait.

- Je me dirige définitivement vers Rota, déclara-t-elle. Mais je dois d'abord m'assurer que cette famille rentre à la maison.

- Ne pourriez-vous pas laisser cette tâche à votre fille ?

- Nous allons dans la même direction. Que nous nous séparâmes ou y allâmes en même temps ne change pas grand-chose à la destination finale. »

Jin s'inclina.

« Je comprends et je me fie à votre bon jugement. »

Sur ce, il les quitta. Mayuna également. Alika insista pour lire la lettre de Jin et repérer les possibles petites fautes d'orthographes qu'il aurait pu faire... par simple caprice de perfectionnisme.

« Il n'y a probablement pas beaucoup d'espoir de sauver le Prince Héritier Chagum à ce stade. Peu de gens croient en lui désormais; plupart d'entre eux pensent qu'il est mort. Si ses ennemis savent qu'il est vivant, je suis sûr qu'ils en ont après lui. Le Prince Héritier Chagum ne voulait pas que quiconque sache qu'il était vivant, ni les Talsh ni notre peuple. Si les Talsh connaissaient ses plans, ils essaieront certainement de l'arrêter. La seule personne qui peut se déplacer librement ici, c'est toi, Balsa. Si le Prince Héritier Chagum vit toujours, protège-le. »

Des larmes de soulagement roulèrent sur les joues d'Alika. Elle serra la lettre contre son cœur comme si elle était Chagum, son Niisan en lui-même, avant de la remettre à sa mère.

« Que fait-on, maintenant, Maman ?

- Nous irons porter Sain et sa famille chez eux. Après quoi, nous allons nous séparer. Retourne à Yogo pour pouvoir escorter de nouveaux clients.

- Tu vas essayer de retrouver Niisan sans nous ? s'exclama Alika.

- C'est une course contre la montre, Alika. Je vais me déplacer beaucoup plus rapidement si je suis seule. S'il te plait, ne le prends pas personnel... et puis, sans m'avoir constamment sur le dos, tu pourras passer plus de temps en intimité avec Amaya. »

Elle fit un clin d'œil, démontrant qu'elle était parfaitement au courant que sa fille aînée était devenue active sexuellement. Alika baissa la tête pour cacher ses rougeurs et retourna se coucher proche d'Amaya.