Update 2022
Kazoku no Moribito
Gardien de la famille
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Partie II
Chapitre 14
Un endroit sécuritaire
À Grotte des Chasseurs, Tomoe brossait les cheveux noirs de Motoko qui commençaient à devenir long.
« Maman, aujourd'hui je voudrais avoir deux mini-lulus..., avait-elle sorti avant de s'arrêter brusquement, prenant conscience de la façon dont elle avait appelé Tomoe et la crise de larmes de sa mère. »
Tomoe ne dit rien alors que Motoko se levait et allait pleurer dans une pièce isolée. Émue, à la fois surprise, la jeune femme Yakue ne sut quoi répondre en retour. Elle décida donc d'aller voir Tanda et de lui expliquer ce qui s'était passé en pleurant.
« Je te demande pardon Tanda, je ne voulais pas...
- Tu n'as pas à t'inquiéter, Tomoe.
- Mais ta femme...
- Motoko est très maladroite, il ne faut pas lui en vouloir. Ma fille a cette habitude que, lorsqu'une femme prend soin d'elle, elle la considère comme une figure maternelle et l'appelle automatiquement "maman". »
Il essaya de la prendre dans ses bras pour la réconforter, mais elle recula et essaya de se calmer. Tanda se montra compréhensif et se contenta de caresser que son dos. Motoko ne prononça aucun autre mot de la journée, regrettant ce qu'elle avait dit plus tôt.
J'espère que Maman ne m'a pas entendu..., s'effraya-t-elle.
Tomoe était allée la voir et lui avait dit que ce n'était pas grave. Qu'elle pouvait toujours l'appeler Tatie Tomoe, mais pas "maman" par respect à Balsa.
« Maman, c'est juste pour ta Maman d'amour, d'accord ?
- D'accord... je suis désolée... Tatie Tomoe...
- Aucun problème, ma cocotte. »
Motoko lui sauta au cou et elles se firent un gros câlin.
Balsa ne savait pas combien de temps elle était restée là, étendue dans la neige. Elle reprit peu à peu conscience avec la réalité, mais n'avait pas la force d'ouvrir les yeux. Tout ce qu'elle sentait, c'était que quelqu'un l'avait soulevé de terre et la tenait désormais dans ses bras, un peu balloter de droite à gauche. Elle n'entendait que des brides de conversations. Deux voix graves d'hommes et une petite voix d'enfant. Elle reperdit connaissance.
Avec les espions Talsh qui se confondaient parmi la foule de roturiers, le Mikado avait ordonné à tous ceux qui quittaient le Palais d'avoir une raison valide de quitter l'enceinte. La demande devait avoir été signée par Hibitonan, le Saint-Sage lui-même. Mais était-ce vraiment prudent pour Shuga de dire qu'il partait enquêter au Bas Ougi en trouvant comme excuse que des espions Talsh avait été aperçu ?
Il avait reçu la réponse de Torogai la journée même où Aozora était soi-disant portée disparue. Il n'y avait aucune façon pour lui de pouvoir communiquer avec les esprits, à l'exception d'un petit pendule, mais l'objet en question ne donnait pas beaucoup de réponses concrètes en dehors ses mouvements avant-arrière, gauche à droite et en cercle.
Torogai lui était apparue sous forme d'appel d'âme et avait fait en sorte que son deuxième apprenti puisse la voir. Assise sur le bord de sa fenêtre, la chamane communiqua par télépathie avec Shuga.
« J'ai reçu la question de Nanaï le jour-même, expliquait-elle. Mais avec les enfants à surveiller, je n'ai pas trouvé de temps libre avant aujourd'hui.
- Non, je comprends parfaitement, dit-il à voix basse. »
Sentant sa peur de se faire entendre, Torogai l'invita à lui parler par télépathie.
« Comment je fais ça ?! s'exclama-t-il.
- Fais juste penser comme si tu me parlais.
- Vous voulez dire..., hésita-t-il en fermant sa bouche puis en pensant, comme ça ?
- Parfaitement ! Voilà qui est mieux ! Bon, mon temps est compté, mais si tu te cherches une place où te cacher avec la petite Princesse Aozora, tu peux venir nous rejoindre à la Grotte des Chasseurs.
- La Grotte des Chasseurs ? s'étonna Shuga. Est-ce un endroit que les hunters connaissent ?
- Non, s'amusa Torogai. Ils ne sont pas censés le connaître, car il s'agit d'une cachette que seul moi, Tanda et Balsa connaissons. Nous y allons quand nous allons chasser le gibier. Si le hunter qui t'accompagne sait tenir le secret professionnel et jure de ne la révéler à personne, je suis disposée à te donner les directives.
- Il gardera ce lieu secret. Et je ne vois pas pourquoi il en parlerait, alors qu'il a déjà une maison de riche pour lui seul.
- Je sens l'honnêteté dans ton énergie. C'est d'accord, alors prend des notes, je te donne les directives. »
Shuga se précipita à son bureau et prit un parchemin avec un pinceau. Torogai lui donna des points de repère avant de lui souhaiter un bon succès.
« S'il y a quoique ce soit, tu peux toujours envoyer Nanaï me contacter.
- Merci Maître Torogai ! On se revoit là-bas dans ce cas. »
L'âme du chamane se changea en oiseau de lumière doré et fila vers le plafond où elle disparut aussitôt. Le liseur d'étoile en profita pour mettre ses directives dans son sac et finaliser ses préparatifs. Il ne savait pas s'il s'agissait d'un coup de chance ou d'un simple hasard, mais le Saint-Sage Hibitonan avait commencé à être malade plus régulièrement et récemment, il ne sortait plus de ses appartements. Tous ceux qui avaient demandé une autorisation pour sortir des murs du palais ces derniers mois s'étaient vus accepter leur demande et Hibitonan ne leur demandait pas de se justifier davantage quand ils lui disaient leur motif premier. Normal, car tout ce qu'il désirait faire était de dormir pour se reposer de sa maladie chronique. Shuga inspira profondément puis cogna à la porte. Un invisible vint lui ouvrir.
« Bonjour Maître Shuga.
- Bonjour. Puis-je vois le Saint-Sage ?
- C'est pour quoi ?
- Une demande. »
L'invisible ne le questionna pas plus. De toute façon, son statut ne lui permettait pas de remettre en question les rendez-vous du Saint-Sage. Shuga pénétra la pièce respectueusement et se rendit au chevet d'Hibitonan.
« Pardonnez-moi de vous déranger, Saint-Sage. »
Le conseiller du Mikado ouvrit doucement les yeux et se redressa tranquillement sur son lit, vite soutenu par des servantes. Il poussa un profond soupir de lassitude quand il déposa son dos sur une pile d'oreiller qui le maintenait dans une position plus confortable.
« Qu'y a-t-il, Shuga ? questionna-t-il en l'invitant à en dire plus.
- J'aurai besoin d'une autorisation pour sortir des murs du palais, annonça le liseur d'étoile.
- Pour quelles raisons ?
- Il se trouve qu'il se passe des choses très étranges en Nayug qui pourraient changer le cours de l'histoire du Nouvel Empire de Yogo. Ça a un lien avec l'empire Talsh. Le Prince Héritier défunt Chagum est venu me voir dans mes rêves dernièrement alors qu'il guidait la Princesse défunte Aozora. Il m'a demandé d'enquêter dans un endroit où les dimensions sont très minces entre nos deux mondes afin d'ouvrir une porte céleste qui donnera à notre Mikado une plus grande puissance qui renversera et purifiera cet ennemi corrompu. »
Shuga s'arrêta, nerveux. Il avait l'impression d'en avoir trop dit pour se justifier. Il savait qu'il avait une grande imagination et une curiosité débordante, mais à ce point pour dire un aussi gros mensonge ? Heureusement que le Saint-Sage ne pouvait lire dans les pensées de ses sujets.
« Pour combien de temps seras-tu parti ? demanda finalement Hibitonan, mordant étrangement à l'hameçon.
- Je l'ignore encore. Mais je ferai de mon mieux pour me dépêcher. Si par malheur je ne suis pas revenu d'ici deux mois, c'est que les espions Talsh m'auront trouvé et assassiné... si cela venait à arriver, s'il vous plait, prenez Ozuru et remplacez-moi par lui. »
Il avait failli proposer Gakaï, mais depuis que ce dernier était le tuteur officiel de Tugum, Shuga ne trouva pas que c'était une bonne idée. L'ancien tuteur de Sagum aurait tôt fait de souiller sa réputation et de détruire son droit. Il y avait assez de jalousie et de rivalité entre eux.
« C'est d'accord. Sois prudent et offre aux fils de Ten no Kami le pouvoir qui leur revient de droit. »
Une servante apporta un rouleau de parchemin avec des cachets de cire. Hibitonan, de sa main tremblante et faible, signa la feuille et apposa le sceau sur la cire encore chaude comme quoi il acceptait la demande de Shuga. Ce dernier s'inclina en prenant le précieux rouleau et se retira. Partir lui sera dorénavant plus accessible et moins suspect.
Au petit matin, Zen montra à Aozora comment se purifier le visage et à enfiler le kimono par elle-même. Il lui refit une tresse unique dans son dos et elle choisit, cette fois-ci, le ruban en satin de couleur bleue.
« Quand est-ce que nous allons aller chercher ma future amie ? questionna l'enfant, continuant d'utiliser son langage royal et articulant parfaitement chaque mot.
- Après avoir pris le petit-déjeuner, bien sûr. »
Le hunter sortit de la demeure et mena l'enfant à un petit restaurant où la nourriture était délicieuse. Le bruit des bavardages entre roturiers, les charrettes qui circulaient à travers la rue ainsi que l'allée des marchands était quelque chose de nouveau pour la princesse. Zen remarqua qu'elle se bouchait facilement les oreilles.
« Tu n'aimes pas les bruits de la basse cité ? demanda-t-il.
- ... Non...
- Tu finiras par t'y habituer. C'est sûr que c'est une adaptation au départ, je le concède, mais ce n'est que passager. »
Après avoir reçu leur plateau de nourriture, il s'assit aux côtés de l'enfant et lui passa le bol qui contenait un petit poisson frit, couché sur un nid de riz aromatisé et nappé d'une sauce brune sucrée. Encore une fois, la fillette se montra réticente à y goûter. Zen trouva très comique qu'elle soit portée à renifler tout ce qu'on lui donnait à manger. Nokomi avait sans doute dû lui rappeler combien de fois les personnages royaux étaient décédés, empoisonnés par leur nourriture. Au lieu de la forcer à manger, le guerrier commença à manger son repas. L'enfant finirait bien par laisser son ventre parler et le réflexe de manger viendra de lui-même. Comme prédit, Aozora finit par se laisser tenter et mangea tout le petit poisson et laissa la moitié du riz. Ne désirant pas voir de gâchis, Zen se fit un plaisir de manger sa portion restante.
Enfin, ils trouvèrent le kiosque qui vendait de magnifiques poupées au visage de porcelaine et dont la chevelure était tissé avec du vrai crin de cheval. Aozora était trop jeune pour observer la différence de qualité des poupées de riches à celles roturières. Tout ce qu'elle voulait c'était une amie qui pouvait l'accompagner pendant son voyage, à qui elle pouvait se confier et dormir avec elle.
« Elles sont toutes très jolies, dit Zen en se penchant à son niveau.
- N'est-ce pas ? confirma la vendeuse. Vous avez une très belle enfant, Monsieur. »
Zen sourit. Il était drôle de voir qu'on l'avait pris pour le père de la princesse. L'enfant regardait attentivement les poupées et semblait beaucoup hésiter avec toute la gamme de variétés. Mais enfin, l'une d'entre elles attira son attention, plus que les autres. C'était aussi la seule qui portait une petite grue en papier, cousu sur son vêtement. Les bras d'Aozora étant trop petits, elle ne parvint pas à la saisir. Le hunter vit son geste et pointa la poupée, pour être sûr que c'était elle qu'Aozora désirait avoir.
« Oui, répondit-elle simplement. »
Il la rapprocha et la déposa dans ses petits bras. Toute de suite, la princesse serra la poupée contre elle. La vendeuse s'attendrit devant la scène.
« Elles étaient faites l'une pour l'autre, s'émerveilla-t-elle. Cette poupée a été baptisée sous le nom de Kiyomi. Elle plie très souvent des grues en papier.
- Aimes-tu le nom de ta nouvelle amie ? se renseigna Zen.
- Oui, s'égaya Aozora. »
Zen paya la vendeuse, heureux d'avoir fait la journée de la princesse. Ils déambulèrent par-ci, par-là dans la ville. Il avait envie de rendre visite à Tohya pour voir ce qu'il était devenu, mais il fut surprit de voir que son magasin était fermé pour un temps indéterminé.
Le gamin aurait-il fait faillite ? se questionna-t-il, éberlué.
Une autre journée s'écoula. Zen apprit à Aozora comment plier des grues en papier pour faire comme Kiyomi et jouer au « berceau du chat » qui était un jeu de ficelle. La petite n'avait plus eu de crise de larmes depuis le premier soir et elle s'amusait beaucoup. C'est alors qu'on cogna à la porte. Redevenue craintive, l'enfant se jeta rapidement dans les bras de Zen, serrant Kiyomi contre elle, alors que l'homme allait vers la porte.
« Sir Zen, êtes-vous là ? résonna la voix de Shuga. »
Le guerrier ouvrit aussitôt la porte. Shuga fut surprit de voir la petite princesse habillée dans des vêtements roturiers et, surtout, accrochée au cou de Zen. En voyant le tuteur de son grand frère, les prunelles sarcelle d'Aozora pétillèrent.
« Shuga ! s'écria-t-elle.
- Bonjour petite princesse, la salua Shuga en entrant dans la pièce. »
Zen déposa la fillette qui s'empressa d'enlacer le liseur d'étoile.
« On va pouvoir commencer le voyage ! s'exclama-t-elle.
- Oui, bientôt. Laissez-moi le temps d'arriver.
- Regarde ! »
Elle lui présenta Kiyomi fièrement. Shuga la complimenta alors que l'enfant retournait s'asseoir à la petite table basse. Le hunter indiqua à Shuga qu'il avait tout ce qu'il fallait pour survivre au temps froid de l'hiver, en attendant de trouver un abri sécuritaire.
« J'en ai déjà trouvé un ! s'égaya le tuteur de Chagum.
- Ah ? Vraiment ? Où ça ? interrogea Zen.
- Au cœur des Montagnes de Brume Bleue. Nous y serons en sécurité là-bas.
- Comment peux-tu en être aussi sûr ? Qui dit que ce n'est pas un piège ? »
Shuga devint légèrement embarrassé, mais comme Zen assurait leur protection à tous les deux, il céda à lui dire la vérité.
« Je le sais car le chamane Torogai m'a dit d'aller là-bas. Elle s'y trouve en ce moment et Aozora pourra socialiser avec d'autres enfants de son âge.
- Je vois. Tu as donc gardé contact avec elle pendant toutes ces années, comprit-il.
- Navré de vous l'avoir caché aussi longtemps. Rien n'était plus sûr ces derniers mois et avec la relation tendue qu'avaient le Mikado et l'ex Prince Héritier Chagum, je ne pouvais pas me permettre de troubler la paix intérieure de notre dieu à tous. »
Il frissonna en voyant qu'il plaçait le Mikado au-dessus d'eux tous. Après avoir mis les nouvelles à jour, Shuga s'empara d'une dague qu'il avait apportée avec lui. Lorsque la princesse lui demanda ce qu'il voulait faire, elle poussa un hoquet de surprise en le voyant approcher la lame de ses longs cheveux blancs. Il inspira et coupa ses longs cheveux argentés pour qu'ils lui arrivent au-dessus des épaules. Il emballa ses cheveux coupés dans du papier.
« ... Vous auriez pu me demander de vous couper les cheveux, ajouta Zen, prêt à lui égaliser les cheveux et lui offrir une coiffure plus adapté.
- J'ignorai que vous saviez comment peigner les gens, admit Shuga. »
Zen pointa la princesse.
« C'est moi qui l'ai peignée. Et je lui ai aussi dit que dorénavant, elle s'appellerait uniquement "Aozora". C'est plus sécuritaire pour elle.
- Je vois... et j'ignorai que vous saviez peigner.
- J'ai des enfants, moi aussi, le renseigna-t-il soudainement. Quatre adorables filles et un fils. Assez les formalités, allons-y de façon informelle. »
Cette révélation stupéfia Shuga, mais il se remit bien vite du choc et accepta que Zen lui refasse une belle coupe de cheveux en égalisant les mèches. Il changea aussi ses vêtements pour un kimono sobre noir et une cape beige.
Les voyageurs enfin réunis, les deux hommes décidèrent qu'il était temps de partir et de se rendre à la Grotte des Chasseurs. Le liseur d'étoile utilisa la boussole pour s'orienter dans les bois. Zen s'occupa de la sécurité des lieux et de vérifier que les chemins empruntés soient sûrs. Il effaça aussi toutes traces possibles après leurs passages pour limiter les possibles attaques surprises des espions et des voleurs. Pour la première fois de sa vie, Aozora dormit à l'extérieur d'un bâtiment. Bien sûr qu'elle dormait dans une petite grotte extérieure, mais il faisait froid et elle avait peur, sursautant au moindre bruit dans la forêt. Zen réussit à la faire manger un peu, même si elle n'avait pas d'appétit. La fillette avait trop peur et était trop nerveuse pour avaler deux bouchées de plus.
« Tu as besoin d'énergie, Aozora, lui rappela Shuga. C'est le seul moyen de pouvoir survivre dans ce froid. Tu ne pourras plus manger pendant un moment dès que l'on quittera le secteur. Aller, petite Princesse, s'il te plait, une bouchée de plus. »
Elle força à ouvrir la bouche et tenta d'avaler un morceau de viande séchée de peine et de misère. Aozora s'endormit dans les bras du hunter, entourée par la peau d'ours qui les gardait bien au chaud.
Lors du troisième jour de marche, alors qu'ils avaient dépassé le village de Toumi, il se mit à neiger. D'abord faible, la neige s'intensifia et se changea en tempête. Ils devaient faire vite. La Grotte des Chasseurs, indiquée par Torogai, était proche. À tour de rôle, Shuga et Zen prenaient Aozora sur leur dos quand elle était trop fatiguée pour marcher à travers la neige et les obstacles. Cependant, même si le guerrier avait un côté paternel très fort, il ne cédait pas aussi facilement quand il sentait qu'elle faisait un caprice. Ce qui était un comportement fort normal chez un enfant.
« Il faut que tu t'endurcisses, la sermonna gentiment Shuga. Nous arrivons bientôt. Tu vois le pic de montagne se trouvant là-bas au loin ?
- Non. Il neige trop, répondit Aozora.
- Ah oui bien sûr... nous y sommes presque. C'est la grotte des chasseurs. Encore un petit eff— »
À ce moment, ils entendirent un bruit semblable à une avalanche. Aozora resserra son emprise sur Zen, en proie à la panique. Zen avait analysé le bruit de la chute. Il déposa l'enfant au sol et se concentra. Ce n'était pas une avalanche qui avait fait ce bruit-là, mais bien une personne en train de débouler le flanc d'une montagne enneigée. Du coin de l'œil, rapidement, il avait vu une ombre rouler avant de s'échouer dans un nuage de flocons.
« C'était quoi à ton avis ? questionna Shuga.
- Je ne sais pas, mais c'est à proximité de la grotte...
- Crois-tu que ça pourrait être un piège ?
- Non. Mon intuition de hunter me le confirme. Ce "quelque chose" me convainc qu'il s'agit bel et bien d'une personne qui a perdu pied et a déboulé la pente par mégarde. Restez ici, par précaution. C'est peut-être une personne qui a essayé de fuir la guerre, mais ça pourrait être un leurre. »
Zen s'éloigna de Shuga et d'Aozora et dégaina son épée. Il atteignit rapidement la place où s'était échouée le corps de la personne. Au premier coup d'œil, il pensa qu'elle était morte, mais en s'approchant de plus près, les traits de son visage lui semblaient étrangement familiers.
Pourquoi elle semble me dire quelque chose..., pensa-t-il.
Il approcha son oreille de sa bouche pour écouter sa respiration et, doucement, retira la neige de son visage. Son expression démontra une surprise totale. Il fit signe à Shuga qu'ils pouvaient venir le rejoindre et qu'il n'y avait aucun danger.
« Qui est-ce ? s'empressa de demander Shuga.
- Il s'avère que cette personne est Balsa, la lancière, annonça Zen.
- Balsa ? La garde du corps ? se surprit-il. Mais que fait-elle dans un tel endroit ?
- La grotte... C'est la seule explication que je suis en mesure de trouver. Elle a dû débouler la pente, et diable, je ne sais pas ce qui lui a pris de sortir à une telle température, mais qu'importe. Si nous ne nous en occupons pas maintenant, elle mourra certainement d'hypothermie. »
Il vit sa lance un peu plus loin et demanda à Shuga d'aller la chercher. Il la prit tranquillement dans ses bras et ils marchèrent vers l'entrée de la grotte des chasseurs.
Lorsque la grosse pierre qui bloquait l'entrée de la grotte roula sur le côté, Shuga se racla la gorge et annonça leur venue. Tanda apparut en catastrophe avec tous les autres habitants de la grotte, adultes et enfants confondus.
« Qui êtes— allait-il dire. Shuga-San ?!
- Vous m'avez reconnu malgré mes cheveux coupés, vous m'en voyez ravi, dit le liseur d'étoile. Je suis en compagnie du hunter Zen – avec qui vous avez combattu la Ralunga, et de la Princesse Aozora. Nous avons retrouvé Balsa, échouée au pied d'une falaise.
- Balsa ?! »
Tanda jeta un œil à sa femme.
« Mais que faisait-elle dehors à une température pareille ?! Premièrement, entrez, vite. »
Ils descendirent dans le vestibule et Torogai leur fit signe de déposer Balsa dans une chambre isolée. Alors que Tanda sortait ses instruments de médecines et ses bandages pour soigner sa femme, Tohya reconnut instantanément le chef à qui il avait pardonné depuis bien longtemps maintenant.
« Chef ! s'écria-t-il en allant le voir.
- Ah ! Tohya ! J'ai vu l'affiche sur ta boutique. J'ai été surpris de voir que c'était fermé, je croyais que tu avais fait faillite.
- Non, rit-il, pas du tout. Je me suis caché ici avec ma famille et ma conjointe, Saya. »
Torogai avait été voir Shuga.
« Je suis contente de voir que tu es parvenu à nous rejoindre, se soulagea-t-elle.
- Oui. Mais tout ça, c'est grâce à l'aide des esprits et je n'aurai jamais cru que je me serai jeté à l'eau comme ça, à la demande la Seconde Impératrice. »
Le chamane jeta un œil à la petite princesse qui accompagnait les deux hommes. Le liseur d'étoile en profita pour faire un long résumé de leur aventure jusque-là. Motoko s'approcha de la petite fillette aux yeux sarcelle avec ses petits frères jumeaux, et les trois enfants de Saya et Tohya. En dehors de Nanda, Motoko était la deuxième plus âgée. Son instinct de grande sœur se réveilla et elle tenta de dé gêner la nouvelle arrivante.
« Bonjour toi, la salua-t-elle doucement. Comment tu t'appelles ?
- ... Aozora, répondit timidement la princesse.
- C'est un beau nom ! Et ta poupée est magnifique. »
Aozora sourit au compliment en serrant plus fortement Kiyomi dans ses bras.
« Viens jouer avec nous, lui proposa Rinko, la deuxième enfant de Saya. Je vais aussi te présenter nos poupées. Elles pourront être amies avec la tienne ! »
La fillette regarda Zen comme si elle attendait une approbation. Ou peut-être était-ce simplement pour se rassurer que ses protecteurs n'étaient pas loin et ne l'abandonneraient pas ici ? Le hunter lui sourit tendrement et fit un signe de tête d'aller jouer avec les autres enfants alors qu'il continuait à discuter avec Tohya. Aozora prit la main de Motoko et alla rejoindre la petite bande d'enfant.
Balsa ouvrit les yeux lentement. La lumière d'une bougie lui fit mal aux yeux. Elle évalua avant tout son état physique : un mal de tête horrible, une fièvre qui commençait à la prendre d'assaut et sa cheville droite lui faisait mal. Heureusement, son abdomen ne semblait pas trop meurtri, si ce n'est qu'une énorme ecchymose qui se formerait dans les jours à venir. Elle remua un peu et laissa sa vue s'ajuster à l'éclairage de la pièce dans laquelle elle reposait.
« Oh ! Voilà Maman qui se réveille, s'exclama la voix de Nao. Papa ! Maman se réveille ! »
Balsa entendit des pas se précipiter dans la pièce. Trop pour n'être que ceux d'une seule personne. Tanda apparut dans son champ de vision avec sa fille Motoko. La lancière se frotta les yeux.
« Te voilà enfin réveillée ! s'écria-t-il. Qu'est-ce qui s'est passé ? Et pourquoi diable étais-tu dehors, à traînasser dans la tempête du siècle ?!
- Je n'ai pas retrouvé Alika..., avoua-t-elle en essayant de se redresser lentement, dont une serviette humide posée sur son front plus tôt tomba sur ses cuisses.
- Je te l'ai pourtant déjà dit, non ? Elle sait qu'elle doit revenir à la Grotte des chasseurs.
- Non, murmura-t-elle d'une voix rauque. Tu ne comprends pas Tanda, tu ne comprends rien...
- Oh que si. Oh que je comprends ton inquiétude face à son absence, mais tu la connais : Alika est capable de survivre et de se débrouiller dans la nature. Fais-moi confiance, je suis sûr qu'Alika va revenir saine et sauve. »
Elle voulait tellement s'en convaincre, mais sa peur refusa de se taire au fond de son être.
« Tanda, hier j'ai...
- Je sais. Saya m'a tout expliquée.
- Tu te préoccupes tellement de mon état en ce moment, c'est fou, murmura-t-elle tout bas pour elle.
- Hein ?
- Non, laisse.
- Ensuite, remercie Monsieur Zen et Shuga. Ce sont eux qui t'ont retrouvée, étendue au pied d'une falaise en piteux état alors que la neige t'ensevelissait. S'ils ne t'avaient pas retrouvé, je pense que...
- Tu ne peux pas me laisser finir— allait-elle commencer, à demi en colère avant de sursauter. Tu as dit... Zen et Shuga ?
- Oui. Un des hunter qui a aidé à combattre la Ralunga et le liseur d'étoile du Palais Impérial.
- Mais que font-ils ici ?
- Tu devrais leur demander en personne. Ils ont aussi apporté une autre protégée. Elle s'appelle Aozora. C'est la petite sœur de Chagum.
- Elle est avec moi, annonça Motoko en se tassant. »
Balsa put enfin mettre un visage sur le prénom d'Aozora. Elle tenait sa poupée Kiyomi contre elle. Ses yeux bleus sarcelles frappèrent la guerrière de stupeur tant leur couleur semblait presque surnaturelle.
« Bonjour, Aozora. Moi, c'est Balsa. Je suis celle qui a sauvé ton frère, il y a douze ans.
- Vous êtes vraiment si forte que ça ? demanda-t-elle. Oniisama n'arrêtait pas de vanter vos exploits. »
La guerrière rougit intérieurement.
« J'ai aussi des faiblesses, rit-elle.
- Balsa, tu devrais te reposer, conseilla Tanda. Tu fais de la fièvre.
- Comme si je ne le savais pas... dans quelques minutes, laisse-moi terminer de m'expliquer. »
Tanda afficha une expression de colère qui ne passa pas inaperçu aux yeux de Shuga qui n'avait pas eu le temps d'avancer pour s'annoncer. Il n'avait peut-être jamais été en couple, mais il savait que quelque chose n'allait pas dans la relation de Balsa et Tanda : une atmosphère tendue régnait entre les deux.
« Parfait ! Fais-en à ta tête, continue de croire ce que tu veux ! explosa-t-il sans retenu devant tout le monde.
- Parfait, mais moi, au moins, j'ai essayé de retrouver Alika... Contrairement à toi, qui n'a pas bougé le petit doigt depuis sa disparition ! »
Elle se retourna de dos, grimaça intérieurement de douleur à son abdomen et fit feint de s'endormir rapidement. Aozora était trop abasourdie pour sortir un quelconque mot. Motoko l'attira hors de la pièce avec Nao, en excusant le comportement de ses parents et que la fillette ne devait pas en avoir peur.
