Chapitre quatrième
La nuit avait été déposée tel un voile sombre sur la ville de Londres. Johnson se trouvait sur le balcon et comme à tous les soirs, elle observait la ville. Cette fois-ci, V était avec elle… Pour la première fois, ils étaient liés dans un silence presque religieux. Ils avaient été bouleversés par ce qu'ils avaient lu dans le document. Il n'y avait rien de choquant mais il est toujours difficile de s'identifier à quelqu'un lorsqu'on a été perdu toute notre vie…
- V… Je vais devoir partir… dit la jeune femme.
L'homme eu un pincement au cœur. Elle avait dit la même phrase… Il devait sûrement avoir quelque chose dans son caractère qui les faisait tous fuir…
- Je ne peux vous gardez ici contre votre gré… dit-il en guise de réponse.
- Je le sais… Mais sachez que je ne compte pas couper les ponts, c'est juste que… Je vis sous votre toit depuis près de deux mois et je suis prête à risquer de retourner là où je vivais…
- Je sais… dit-il en fixant le vide.
Le silence retomba entre eux mais cette fois-ci, il n'y avait rien de complice; il y avait un étrange malaise. Johnson se sentait bien là où elle était, mais les sentiments qu'elle commençait à ressentir pour V devenaient de plus en plus grands. Elle savait très bien que ses sentiments, encore jeune, n'étaient certainement pas réciproque. De plus, le musée des ombres lui avait servi de refuge après le crime commit contre le reste de sa famille. Tous exilés de Londres pour avoir supposément joué un rôle dans la découverte de d'autres informations à propos du gouvernement. Elle ne pouvait continuer à vivre en ces lieux… Elle ne pouvait pas continuer à se cacher. V lui avait ouvert ses portes parce qu'elle était une des seules à être au courant qu'il était encore en vie et qu'elle le laissait venir fouiller dans la bibliothèque de Londres…
- Je… je vais me trouver un petit logement et je vais essayer de continuer ma vie… J'envisage peut-être même retrouver ma famille, s'ils sont encore vivants… Mais je tiens à garder contact avec vous… Vous… Vous ne pouvez vous imaginer à quel point vous êtes quelqu'un d'important pour moi… prononça la jeune femme au bout d'un moment.
Ouch… Encore les mêmes mots…
Oh, bien sûr… Je vous rendrai peut-être même quelques visites si vous m'en donnez la permission, dit V en posant un regard douloureux sur elle.
Ma porte vous sera toujours ouverte… répondit Johnson en lui souriant tristement.
Ils échangèrent un regard plein de tristesse et Johnson quitta lentement le balcon pour aller rassembler ses choses afin de pouvoir partir le lendemain.
V la regarda partir puis reporta son regard sur la ville… Pourquoi sentait-elle absolument le besoin de partir…? Il ne l'avait jamais empêché de sortir ni de travailler; elle aurait pu rester et continuer à voir des amis. Se sentait-elle obligée de l'accompagner dans ses journées longues et solitaires? Sûrement, ça venait de lui… V se secoua et décida qu'il était temps pour lui de faire enfin preuve d'un peu de résistance. Il se sentait bien et apprécié avec elle, il n'allait pas la forcer de rester, mais au moins lui faire comprendre qu'elle était agréable et qu'il ne voulait pas la voir partir. V tourna le dos à la ville et s'engouffra dans l'escalier.
Il arriva silencieusement à la porte de Johnson et celui-ci se racla la gorge pour signaler sa présence.
- Oh, V… dit-elle en tentant de cacher le fait qu'elle venait tout juste de pleurer.
- Je… Je voulais juste vous dire… En fait… Je suis venu insister sur le fait que vous ne partiez pas… Je ne vous obligerai pas à rester, mais je tiens tout de même à mentionner que je ne vous ai jamais empêché de sortir ou de faire comme bon vous semble. J'ai une impression, arrêtez moi si je me trompe, que vous vous sentiez obligée de rester avec moi toute la journée… Vous savez que je ne sors que très rarement et seulement la nuit… commença-t-il.
- V?
- Oui? répondit-il en arrêtant soudainement de parler.
- Je ne m'en vais pas parce que vous êtes quelqu'un de lourd ou quoique ce soit… C'est juste que j'ai besoin de voler de mes propres ailes. Vous avez été trop bon pour moi et j'ai l'impression de profiter de vous… avoua-t-elle.
- Mais voyons! Vous éclairez toutes les pièces juste en étant présente dans cette lugubre demeure! C'est moi qui a l'impression de profiter de vous… dit V en lui prenant les mains.
- V… Laissez-moi partir au moins un mois… dit-elle en lui souriant aimablement.
- Mais je ne vous retiens pas! Je… Oh… je m'excuse… C'est votre dernière nuit ici alors?
- Oui… du moins pendant un mois, on verra ce qu'il se passe après… conclu-t-elle.
V prit une profonde inspiration puis se lança dans le vide. Au sens figuré, bien sûr…
- Je vous demande donc humblement de la passer à mes cotés…
- Vous êtes sérieux…? demanda la jeune femme, complètement désarçonnée.
- Oui… répondit-il en tentant de garder le rythme de sa respiration normale.
- Oh et bien… J'accepte… Vous… Allez dormir avec le masque?
V sentit un sourire se dessiner sur son visage et celui-ci laissa échapper un petit rire.
- Bien sûr que non, mais je suis désolé de vous apprendre que la pièce est plongée dans l'obscurité totale… Vous ne verrez donc rien… lui avoua-t-il.
- V… Hum… Vous connaissez mon manque de tact légendaire alors… Êtes-vous amoureux de moi? demanda Johnson avec amusement.
La question heurta V de plein fouet (au sens figuré, bien sûr) et celui-ci tenta de rassembler ses esprits pour répondre correctement à cette question.
- Je vais vous dire en toute honnêteté que vous certifier mon amour absolu serait une exagération mais le renier serait le pire des mensonges… répondit-il en bon gentleman.
Johnson tenta de dissimuler l'élan de joie qui venait de s'emparer d'elle et un large sourire vint tout de même se tracer sur son visage. Il l'aimait bien! Il n'en était pas complètement et follement amoureux, mais qu'importe, il ne voulait surtout pas la voir partir. Elle plongea son regard dans celui de V et le soutint pendant quelques bonnes secondes avant de reculer d'un pas.
- Je vais me changer et… je vais allez vous rejoindre… dit-elle en souriant.
- Puis-je manquer de tact à mon tour? demanda V en s'inclina légèrement.
- Faites comme vous voulez… répondit-elle en espérant une déclaration des plus romantiques.
- Partez-vous parce que vous m'aimez?
Adios le romantisme…
- Bien sûr que non… En fait… Un peu, oui, disons que je n'avais pas envie de m'attacher et de me retrouver en lambeau… Mais dites-moi, avez-vous peur de montrer votre visage parce que vous m'aimez? lui lança-t-elle avec un sourire narquois.
- Oui… répondit V, honteux.
- N'ayez pas honte… Si un jour vous êtes prêt, eh bien, ce jour là sera le bon… je ne vous fais pas pression… dit-elle en caressant du bout des doigts le visage froid du masque.
- Je vais vous attendre dans ma chambre, vous viendrez lorsque vous serez prête… conclut V en tournant le dos à Johnson.
Celle-ci eut peur de l'avoir blessé pendant un bref instant mais elle tenta de ne pas s'en faire et se changea immédiatement après le départ de V. La jeune femme tentait de contenir toute son excitation et après avoir attendu quelques instants, elle prit la direction de la chambre de V. Son cœur battait de plus en plus vite au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de la chambre. Elle arriva devant la porte et cogna délicatement.
- Entrez…
Johnson ouvrit la porte et se retrouva plongée dans le noir. La pièce était tellement grande que même l'éclairage du salon n'arrivait qu'à éclairer une petite partie de la salle. La jeune femme entendit la porte se refermer derrière elle et elle sursauta légèrement. Elle avança un peu lorsque quelqu'un la prit par la main et la guida jusqu'au lit.
- C'est par ici… dit la voix de V en menant Johnson jusque sur le lit.
Celle-ci se glissa sous les couvertures et sentit que V hésitait. Il finit par se décider et il la rejoint. Johnson se mit à fouiller le lit des mains et tomba sur un torse nu et musclé. Celle-ci jubilait à l'idée de toucher enfin la vraie peau de V.
- Ne vous gênez surtout pas pour me tripoter pendant la nuit… dit V avec sarcasme.
- Oh! Voyons, laissez-moi profiter de ce moment unique…
- J'en profite autant que vous… dit-il en entourant Johnson de ses bras fort et musclés.
- Je peux vous embrassez? demanda Johnson en souriant.
- Généralement on ne pose pas la question… Mais laisse-moi vous faire remarquer que si vous m'embrassez maintenant, nous risquons de nous ennuyer horriblement des lèvres de l'autre pendant un mois…
- Vous êtes contre?
- Absolument pas, en fait, j'en meurs d'envie mais j'ai plutôt peur d'avoir rouillé un peu… avoua V
- Oh… bien sûr… Je comprends très bien, dit-elle avec sarcasme.
- Mais vous me devez toujours quelque chose…
- Comme quoi? demanda Johnson.
V ne répondit pas et se contenta d'approcher son visage de celui de la jeune femme et laissa glisser ses lèvres sur la joue de Johnson jusqu'à ce que ces dernières atteignent le cou de la jeune femme. V y déposa un baiser discret et s'éloigna de nouveau. Johnson frémit puis une chaleur réconfortante prit place dans son esprit… Il était aussi tendre qu'elle se l'était imaginée…
- Bonne nuit, Jezebelle…
- Bonne nuit, Sébastian… répondit-elle froidement.
- Vous êtes injuste… répondit V.
- Ouais… Je sais…
Puis ils se contentèrent de se coller l'un contre l'autre et puis doucement, ils s'endormirent en espérant que le matin ne viendrait jamais…
Lorsque Johnson ouvrit les yeux, la porte était grande ouverte et V n'était plus à ses cotés. Celle-ci se leva tranquillement et tenta de retrouver l'homme avec qui elle avait passé la nuit. Johnson le trouva dans sa bibliothèque en train de fouiller dans la plus grande des étagères.
- Salut… dit-elle doucement.
- Oh! Bonjour, Johnson… répondit-il en échappant un livre.
- Vous êtes debout depuis longtemps? demanda-t-elle en ramassant le livre.
- Depuis une bonne heure, mais ce n'est pas important… répondit V.
- Je vais manger, puis je vais y aller…
- Bien sûr… dit-il sur un ton de tristesse.
La jeune femme le regarda longuement puis s'éloigna en direction de la cuisine. Comme elle s'y attendait, V avait déjà préparé le déjeuner et celui-ci ornait somptueusement la table de la cuisine. Elle manga à peine et alla ensuite faire ses bagages d'un pas las.
Elle ne voulait plus quitter V après la nuit qu'elle venait de passer avec lui. Il avait bien joué sa dernière carte pour la faire rester mais Johnson était un peu trop bornée pour écouter les lamentations de son cœur… Elle se disait qu'une fois partie pendant un certain temps elle pourrait peut-être recommencer à vivre…V lui avait appris comment elle devait se pratiquer et voir si la vie en dehors des murs du musée était faite pour elle ou non. La jeune femme ferma son sac et se rendit à la porte qui menait vers l'extérieur. V sortit de sa chambre et vint la rejoindre devant la porte.
- J'vais y aller…
- Je sais… Euh… Si vous sentez l'envie de revenir ici…Ma porte vous sera toujours grande ouverte, dit V en lui prenant la main.
- La mienne aussi… J'ai laissé mon adresse et mon numéro de téléphone sur la table de cuisine… Au revoir V… prononça-t-elle en tentant de dissimuler ses larmes.
- Au revoir, Jezebelle…
Pour la première fois, elle ne ressentit ni colère ni haine, juste un sentiment de vide à l'intérieur de son âme. Bon… Elle devait partir… Pendant un mois, elle allait faire son petit déjeuner, elle allait s'entraîner seule et les murs autours d'elle ne seraient plus ornés d'œuvres d'art… Mais elle ne devait surtout pas pleurer… Pas devant lui.
Johnson leva la tête et un sourire désolant se dessina sur ses lèvres. Elle enlaça V pour une dernière fois et sortit rapidement du musée pour enfin laisser libre cours à ses larmes…
V était resté immobile, comme pour que son corps se rappelle de celui de Johnson… Ça y est, elle est partie… Dans un mois, jour pour jour, il allait se tenir devant cette porte en espérant la revoir. Pendant ce temps, il allait devoir s'occuper… Tenter de penser à autre chose qu'à elle… Comme il l'avait fait pour Evey. Il l'avait peut-être enfin oublié… Nah… Jamais. Il ne l'oublierait jamais, mais elle ne pouvait pas rester avec lui; Jezebelle était bien plus différente. Plus forte encore et plus coriace. Elle pouvait affronter avec cran ses sautes d'humeur et elle se semblait être plus apte à le comprendre… Quel défi de comprendre cet esprit aussi tordu et blessé…
