Titre : Ad extremum tempus diei, chapitre 7.
Base : Gundam Wing.
Auteurs : Shakes Kinder Pinguy et Meanne77.
Couples : L'Apocalypse nous guette. (Meanne : Et bien sûr, personne ne nous croira si on dit qu'aucun couple n'était prévu à l'origine… C'est pénible, ces persos qu'en font qu'à leur tête ! Shakes : hoche la tête d'un air tragique : Nous sommes incomprises et irrespectées. Solo : Et moi, qu'est-ce que j'devrais dire !)
Genre : Deathfic. Humour. OOC. Kawaii. Angst. Shônen ai (alors celui-là, il aura vraiment lutté pour se faire reconnaître ! Oui, nous sommes faibles, nous avons fini par capituler… v-v)
Disclaimer : Les perso ne nous appartiennent pas ; le scénar s'appartient à lui-même. It's alive ! Alive ! Nous ne sommes que la Voix de sa Parole Sacrée et Temporelle.

Note : Les makis, c'est bon. Mais qu'est-ce que c'est salé, la sauce soja !
Duo : Le rapport avec le chapitre étant ?
Meanne : La mise en condition, Duo, la mise en condition. On a peur de ce que vous nous réservez.
Shakes : Epelez avec moi, les gars : P-L-A-T-O-N-I-Q-U-E. Avec les yeux !
Trowa : L'important, c'est qu'elles y croient.

Ad extremum tempus diei
Chapitre 7

Trowa releva la tête en entendant des pas se rapprocher. Heero, le visage fermé, vint s'asseoir à côté de lui en silence. Cela arrivait de plus en plus souvent. Leur redouté leader avait encore dû faire des siennes.
− Une mission ?
− Hn.
− Solo ?
− …
− Je vois. Tu devrais lui en toucher deux mots, tu sais ?
− Parce que tu crois qu'il m'écouterait ? rétorqua Heero avec une pointe d'amertume.
Trowa eut une grimace intérieure. C'était effectivement peu probable si l'on considérait le comportement de Solo ces derniers temps. Il les avait définitivement tous pris sous son aile et avait tendance à oublier qu'ils se débrouillaient sans lui avant. Trowa devait reconnaître qu'il y avait quelque chose d'agréable et de rassurant à ce que quelqu'un joue de la sorte les grands frères avec eux. Mais si l'on exceptait Duo, Heero était définitivement son préféré, à tel point que Solo poussait peut-être un peu trop loin l'attention protectrice qu'il leur accordait à tous. Heero ne sortait pas en mission s'il n'était pas avec Solo, et même en dehors des combats, ce dernier ne perdait pas son attitude mère poule envers l'Asiatique. Trowa se demandait parfois d'où cela pouvait provenir : était-ce parce que Heero avait été le premier pilote à être "ramené" par Solo ou bien y avait-il une autre raison ? Quoi qu'il en fut, Heero semblait visiblement commencer à étouffer sous l'affection du blond.
Contre toute attente, Heero reprit la parole :
− Solo m'envoie seul en mission.
Trowa tourna la tête vers lui et étudia avec attention son expression.
− C'est plutôt une bonne nouvelle. Non ?
− Il s'agit d'une mission préventive : détruire une base encore en construction. Wing ne sera pas nécessaire : d'après nos informations, il n'y aura aucun Mobil Suit là-bas.
Trowa hocha la tête. Une mission vacances, quoi…
Alors qu'eux autres auraient pu accueillir cette pause avec plaisir, il se doutait que ce n'était pas le cas pour Heero. Le manque d'action rendait le brun fébrile et nerveux, et Trowa suspectait que cette mission trop facile resterait insuffisante.
− Tâche de profiter de ces quelques jours d'indépendance…
Heero lui lança un regard noir avant de fixer le sol avec mauvaise humeur. Ils restèrent côte à côte en silence pendant plusieurs minutes puis Solo fit son entrée dans la pièce.
− Ah, vous v'là ! lança-t-il en s'approchant d'eux. Heero, tu devrais aller te coucher, tu dois être en forme pour ta mission demain ! Trowa, les gars et moi on va à terre, tu veux v'nir ?
Trowa déclina poliment, non sans un regard rapide à Heero qui s'était renfrogné.
− Tu manques quec'chose !
Solo se tourna vers Heero avec un large sourire et lui ébouriffa les cheveux affectueusement :
− J'te verrai demain avant qu'tu partes, okay ? Repose-toi bien ! J'vous laisse, on m'attend !
Le blond sortit, son rire résonnant dans le couloir à mesure qu'il s'éloignait avec ses amis.
− Il t'aime vraiment beaucoup, commenta doucement Trowa.
Heero ne répondit rien. Odin et J eux aussi l'aimaient beaucoup, mais ils ne l'avaient jamais couvé de la sorte.

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Duo remontait de la cuisine en râlant : Bernie lui avait cette fois encore refusé un dernier snack, prétextant que Duo s'était déjà goinfré au repas et qu'il allait être ballonné. Le châtain ne doutait pas un seul instant que s'il s'était agi de Quatre, voire de Trowa, leur cuisto en chef ne se serait pas fait prier.
Comme tous les soirs, il se rendit au hangar jeter un dernier coup d'œil aux Gundams et vérifier que tout était bien en place. Il fronça les sourcils en constatant que le cockpit de Wing était entrouvert. Heero avait bien une mission le lendemain mais il n'était pas censé y aller en Gundam… sauf changement de dernière minute ? Intrigué, Duo grimpa avec agilité le long de la machine et s'apprêtait à appeler Heero lorsqu'il remarqua que celui-ci dormait à poings fermés.
− Je rêve, murmura-t-il. Wu Fei t'a jeté dehors ou quoi ?
Le siège de Wing devait être inconfortable. Duo songeait à réveiller le brun pour qu'il retourne dans son lit lorsque Heero marmonna quelque chose dans son sommeil, se recroquevillant d'avantage sur lui-même. Duo eut un sourire attendri.
− Pas étonnant qu't'aies froid, t'as même pas pris ta couverture ! Ah la la, faut toujours qu'on s'occupe de toi !
Duo redescendit silencieusement et se rendit rapidement dans sa cabine. Solo ne poserait pas de question puisqu'il était absent. Duo se doutait même qu'il ne rentrerait pas de la nuit, aussi sa propre couverture ne lui manquerait-elle sûrement pas…
Lorsqu'il rejoignit Heero, celui-ci n'avait pas bougé et Duo plaça la couverture sur lui avec délicatesse. Cette fois, Heero ne se réveilla pas. Vaguement émerveillé, Duo s'installa plus confortablement sur la porte du cockpit. Il n'avait pas si sommeil que ça et pouvait bien rester encore un peu…

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Heero posa son sac sur le lit. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas servi d'écoles comme couverture. Il parcourut la pièce du regard avec désintérêt, elles se ressemblaient toutes, mais au moins il ne partageait sa chambre avec personne. Il n'avait pas encore eu le temps de repérer les lieux mais la mission que Solo lui avait confiée ne poserait pas de problème : il était clair que le grand blond ne faisait que l'éloigner pendant que les quatre autres s'occupaient des choses sérieuses. Même si cette fois il était seul et non pas simplement là pour assurer les arrières du pilote 02, on était loin des missions qu'avaient Quatre, Trowa et Wu Fei. C'était comme ça depuis New Edwards… Les doigts de Heero se crispèrent sur la lanière de son sac. Malgré ce que le grand blond voulait lui faire croire, il était persuadé que Solo ne lui avait pas pardonné son erreur et qu'il s'efforçait de lui confier des missions qu'il ne risquerait pas de faire échouer. Depuis, Heero n'avait pas une seule fois eu la possibilité de se racheter et il devait avouer intérieurement que ne pas être reconnu au même niveau que les autres pilotes le blessait. Il se sentait complètement inutile.
Il ferma les yeux, sentant presque de nouveau la neige tomber sur lui. Ce jour-là aurait dû être son dernier : comme toujours, le Docteur J lui avait offert trois choix et Heero avait choisi, choisi de s'opposer à la fondation Barton et de protéger le vice-ministre des affaires étrangères Darlian. Une fois accomplie ce qui aurait dû être sa dernière mission, il était revenu sur les ruines de sa première erreur, là où gisait le chiot. Il avait pensé en finir ce jour-là, après avoir enfin rendu à la petite fille sa fleur, mais J était venu le trouver pour lui proposer une alternative. Et bien sûr, faire un massacre dans les Colonies tout comme tuer le vieil homme était pour Heero inacceptable, et c'était finalement la confiance que le scientifique lui portait qui l'avait poussé à continuer à se battre. Le jeune homme avait alors vraiment pensé pouvoir faire une différence. Mais en le cantonnant à des missions somme toute inutiles, Solo lui faisait douloureusement sentir que ce n'était pas le cas. Avec ou sans lui, les autres se débrouillaient tout aussi bien. S'il n'avait pas été là, peut-être que Wu Fei serait arrivé à temps, peut-être que Noventa et les pacifistes seraient encore en vie. Heero en venait à se demander s'il n'aurait véritablement pas mieux fait de se suicider au milieu des ruines ce jour-là…

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Quatre, Duo et Trowa discutaient tranquillement autour d'un paquet de chips quand Solo les rejoignit :

− Bernie m'a dit que vous aviez fait un raid à la cambuse, j'viens superviser tout ça ! lança-t-il en s'asseyant, volant le paquet de chips au passage.

− Remets ce paquet au milieu, Solo !

− Mais vous avez pris d'l'avance, faut bien que j'rattrape mon r'tard ! …Oooh, vous avez aussi des biscuits au chocolat !

− Pas touche ! répliqua Duo en cachant le paquet dans son dos.

− T'es cruel, Crevette ! J'ai b'soin d'regagner des forces, moi ! Au fait, Trowa, c'est dommage que tu sois pas venu hier soir, on s'est bien amusés ! Viens avec nous un d'ces quatre, en plus les filles réclament de la chair fraîche !

Trowa tenta de cacher une certaine gêne. Les yeux de Quatre s'étaient écarquillés et le châtain n'avait pas envie que son ami entende ce genre de commentaires de la part de Solo, ou de qui que ce soit d'ailleurs.

Duo se tendit légèrement. Solo avait voulu emmener Trowa à terre… ?

− Merci pour ta sollicitude mais je me débrouille très bien tout seul, marmonna le pilote 03.

Il réalisa ce qu'il venait de dire lorsque Duo s'étrangla sur son biscuit et que Quatre devint écarlate. Solo prit un air navré :

− Mais c'est triste, tout seul ! Moi à ton âge…

− Ouais, ouais, c'est bon Solo ! intervint rapidement Duo. Garde l'histoire de tes exploits pour les grues, nous on s'en passera…

− T'as tort, tu pourrais apprendre pleins d'trucs ! J'suis sûr que Heero…

− Laisse Heero là où il est ! Et en parlant d'mission, Wu Fei était pas censé revenir hier soir ?

− Je lui ai demandé d'aller établir des contacts avec les rebelles qu'il a rencontrés la dernière fois, lui répondit Quatre avant que Solo n'ait eu le temps de faire une remarque sur le brusque changement de sujet.

− Des rebelles ? Quels rebelles ? demanda Duo.

Mais Solo accapara l'attention du petit blond :

− Ah ouais, au fait, on en est où d'cette histoire ?

− Sally Po, l'une d'entre eux, a des contacts avec plusieurs groupuscules en Asie. J'ai fait passer le mot aux Maganacs pour l'Afrique du Nord, on devrait pouvoir établir tout un réseau de connexions.

Solo hocha la tête avec un sourire :

− J'vois qu'tu t'débrouilles comme un p'tit chef ! Continue de t'en occuper, t'es plus diplomate que moi ! Tiens moi juste au courant, ça pourrait servir pour les missions.

Quatre acquiesça, baissant la tête pour cacher un début de rougeur et un sourire ravi. Trowa lui donna un petit coup moqueur sur la tête, content pour lui. Aucun d'eux ne se rendit compte que Duo regardait Quatre, les yeux légèrement plissés.

− Au fait, Trowa, reprit Solo, puisque tu glandes rien et que j'vois qu'tu t'ennuies, va m'rejoindre Heero. Il a deux ou trois aut' bases à faire sauter tant qu'on y est. Tu pourras lui amener des explosifs en rab au passage.

− Pourquoi Trowa ? s'empressa d'intervenir Duo. J'veux dire, vaut mieux qu'tous les pilotes restent là, une mission pourrait arriver comme ça, à l'improviste ! Les Gundams sont archi opérationnels et puis même si Pierrot nous bousille encore un moteur, les gars sont capables de l'réparer sans moi, quand même ! Et puis j'voulais aller à terre m'acheter des nouveaux bouquins, j'peux très bien m'occuper de Heero au passage !

Trowa haussa un sourcil et Solo se retint difficilement d'éclater de rire. Et après ce genre de déclaration, Crevette osait encore protester que tout le monde se faisait des idées !

− Puisque t'as l'air de tellement y tenir, vas-y… mais n'oublie pas que Heero est en mission, pas en vacances ! Faut qu'y reste en forme !

− C'est une bonne chose que Duo et Heero ne partagent pas de cabine à temps plein, ça nous immobiliserait un pilote, commenta Trowa l'air de rien.

− Et le mécanicien en chef… renchérit innocemment Quatre.

Duo décida de quitter la pièce dignement :

− Médisez, médisez ! J'ai du boulot, moi !

− T'épuise pas à la tâche ! lança joyeusement Solo alors que sa crevette disparaissait dans le couloir.

Une fois hors de vue, l'expression du visage de Duo s'effondra. Le malaise qu'il ressentait depuis quelques temps allait en grandissant. Au départ, il avait été heureux de voir débarquer les autres pilotes, des garçons qui avaient son âge, mais plus le temps passait et moins il se sentait des leurs. Il était juste celui qui accompagnait Solo, parce que Solo était un pilote, lui, et que Duo n'était pas assez bon pour l'être, à peine assez pour s'occuper de la maintenance, le vilain petit canard de la famille. Il ne faisait pas vraiment partie de l'équipe et la conversation qu'ils venaient d'avoir l'illustrait parfaitement. Trowa s'était intégré à une telle vitesse que parfois on pouvait croire qu'il avait toujours été un Sweeper. D'un sourire, Quatre mettait tout le monde dans sa poche. Savoir que Solo avait proposé à Trowa de descendre avec lui à terre était particulièrement douloureux ; non pas que d'aller aux putes tentait vraiment Duo mais jusqu'à présent, c'était toujours lui qui avait été le complice en tout de Solo. Et Trowa prenait cette place. C'était aussi douloureux que de voir Solo faire de Quatre son bras droit, son futur successeur. Même lorsqu'ils étaient encore sur L2 et que Duo n'était pas le plus âgé des ratons, il avait toujours été "le second". C'était de là que venait son nom, "Duo", parce qu'il avait toujours été celui de Solo. Et c'était ce qui rendait les minauderies de Quatre aussi énervantes.

Pourtant, l'ambiance avait été bonne avant l'arrivée de Solo…
Maintenant qu'il y pensait, en l'absence de Solo, leur différence de statut semblait disparaître pour ne plus laisser qu'un groupe d'amis. C'était Solo qui faisait la distinction, l'éliminant automatiquement de l'équation dès qu'il s'agissait de boulot. Pourtant, Duo connaissait les Gundams mieux que personne et avant que Solo ne ramène les autres, il lui disait toujours où il allait et pourquoi. Depuis l'arrivée des autres, il ne le tenait plus vraiment au courant, Solo l'oubliait. Même lorsque Duo demandait, les réponses restaient évasives, parce que le seul soucis de Duo devait somme toute être les Gundams, pas les missions. Même pour jouer les simples messagers, Solo préférait faire appel à l'un des pilotes plutôt qu'à lui, parce que ça concernait les missions, et que donc ça ne le concernait pas vraiment. Duo se sentait comme un enfant capricieux, réclamant l'attention de son grand frère lorsque celui-ci était avec ses amis, sauf que c'était Solo qui était avec les amis de Duo. Solo avait les Sweepers pour être "entre adultes", mais il traitait aussi les pilotes comme ses égaux, alors que Duo restait le petit frère, que Solo passait son temps à taquiner. Ils n'avaient plus de réels moment de complicité, de moments qui n'appartenaient qu'à eux, comme par le passé.

Finalement, Solo le mettait constamment à part ou mal à l'aise, la meilleure illustration étant ses continuelles blagues au sujet de sa "relation" avec Heero. Ce qui n'avait été au départ que des plaisanteries douteuses avait fini par devenir lourd, et à présent presque blessant. Parce que Solo, et tous les autres à sa suite, se moquait, même sans penser à mal, de quelque chose qui n'existait pas… encore. Et Duo ne savait même plus si les pensées qu'il avait pour Heero venaient de lui ou si elles n'étaient que les conséquences des sous-entendus de Solo. A partir de quel moment il avait cessé de vouloir simplement être l'ami de Heero pour être troublé par lui ? A partir de quel moment ça avait cessé de n'être qu'une plaisanterie à ses yeux ? Il n'était pas prêt à avoir les images qui lui venaient parfois à l'esprit lorsqu'il pensait à Heero. Il n'arrivait pas à rester naturel avec Heero lorsque d'autres étaient présents, et pour les faire taire, il repoussait Heero, refusant par tous les moyens de leur donner raison. Et l'attitude de Heero aussi était blessante, parce qu'ils auraient dû être deux à se défendre ; mais rien de ce qui pouvait être dit ne semblait atteindre le brun, les remarques le laissaient totalement indifférent, alors que ça touchait Duo parce qu'elles contenaient un fond de vérité, se moquant de quelque chose qu'ils n'avaient pas mais que Duo commençait à désirer. Duo se sentait perdu, rejeté, touchant du doigt ce qui aurait pu être mais qui lui était refusé : Heero aurait dû être son premier ami, simplement, leur relation aurait due évoluer d'elle-même sans être pervertie. Le brun aurait dû lui servir de passerelle vers les autres, lui permettre d'avoir sa place à part entière dans le groupe. Les discussions littéraires qu'il avait avec Wu Fei auraient dû ne pas se cantonner à ça, Quatre aurait pu devenir son meilleur ami, son confident, et Trowa, le "Solo" de son âge, celui avec lequel il aurait dû partager les plaisanteries douteuses. Mais il ne pouvait que les regarder à distance, sans parvenir à concrétiser les liens qu'il avait commencé à tisser avec chacun d'eux. Aller à terre était autant une tentative d'être utile aux pilotes qu'une fuite, ce qui paradoxalement l'isolait encore plus.
Les épaules basses, Duo alla se réfugier au hangar, auprès des Gundams. Là, au moins, il était sûr d'être à sa place.

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Le front ombrageux et les yeux lançant des éclairs, Wu Fei s'extirpa du cockpit de Nataku et descendit au sol. Quelques Sweepers le fixèrent avec un amusement mal dissimulé et Wu Fei les fusilla du regard, jurant intérieurement que le premier à commenter son apparence gagnerait un aller simple pour l'infirmerie.
Il avait faim, froid, il était fatigué, il n'avait pas envie de supporter l'humour douteux des mécaniciens. Il se dirigea vers la sortie, pestant. Arrivé à l'entrée du couloir, il tomba sur Barton, sec, lui, avec son satané sourire en coin et un sandwich à la main !
Le châtain leva un sourcil.
− Tu es couvert de boue, Wu Fei, fit-il remarquer avec sollicitude.
Le pilote 03 n'eut la vie sauve que parce qu'il ajouta immédiatement :
− Va prendre une douche et rejoins-moi à la cuisine, je te prépare un sandwich et du jus de chaussette. Promis, ce sera meilleur que la soupe de Catherine.
− Barton, dans l'état dans lequel je suis, je pourrais boire deux litres de la soupe de Catherine.
− Je ne te savais pas si suicidaire.
− Rappelle-le moi la prochaine fois que j'accepte une mission de Winner, lança Wu Fei en s'éloignant dans le couloir.
Il frappa par habitude à la porte de la cabine qu'il partageait avec Yuy, mais le brun n'était pas là. Sans perdre d'avantage de temps, il s'accapara la douche, consommant l'eau chaude sans aucun remord. Propre et réchauffé – comme il ne l'avait pas été depuis trop longtemps – mais toujours aussi affamé, il se rendit ensuite à la cuisine, espérant que Barton aurait tenu parole.
Le châtain devait être un homme d'honneur puisque café et sandwich l'attendaient, posés sur la table. Le Chinois remercia son camarade d'un signe de tête et mordit dans son repas à belles dents.
− La mission a été dure ?
La série de jurons qui suivit impressionna même Trowa, qui pourtant en avait entendu d'autres !
− Winner et ses rebelles ! La prochaine fois qu'il lui prend l'envie d'établir des contacts, qu'il aille lui-même patauger dans la boue ! Je vais t'en donner des missions de diplomatie, moi ! Qu'il aille donc sur le terrain rencontrer ses futurs amis ! Après tout, c'était son idée ! Sous le vague prétexte que je comprends la majorité des dialectes chinois, et personne d'autre ici, il m'envoie parlementer avec des gens qui ne se comprennent même pas entre eux ! Y'en a pas un qui parle le même dialecte qu'un autre alors ils utilisent tous la langue universelle !
Trowa s'étranglait presque de rire dans son café. Contrôlant difficilement un sourire moqueur, il dit d'un ton compatissant :
− Eh oui, nos deux blonds sont de vrais tyrans...
− Winner est le plus vicieux, il vous commande avec le sourire !
Cette fois-ci, Trowa ne retint pas son amusement.
− Il est difficile de refuser quelque chose à Quatre.
Wu Fei poussa un long soupir épuisé :
− Ne m'en parle pas…
Trowa haussa un sourcil intéressé.
− D'autres réclamations à faire à son sujet, Wu Fei ?
Le Chinois, réalisant ce qu'il avait laissé échapper, lança au châtain un regard d'avertissement, dont l'effet était gâché par quelques rougeurs au niveau des pommettes.
− Ce n'est pas le jour, Barton.
− Demain si tu préfères, j'ai un emploi du temps très libre en ce moment…
− Emploie-le donc à quelque chose de constructif !
− Ce n'est pas ma faute, Duo m'a volé ma dernière mission.
− Duo ? Une mission ?
− Rien de spécial, juste un message à porter à Heero.
Wu Fei fronça les sourcils.
− Solo et Yuy sont en mission ? Qui a envoyé Duo ?
− Non, Heero est parti seul.
Wu Fei regarda Trowa avec incrédulité :
− Solo a laissé Yuy partir en mission seul ?
− Rien de dangereux, juste quelques bâtiments vides à faire exploser.
Le Chinois prit une gorgée de café.
− Je vois, fit-il d'un ton significatif.
Trowa hocha la tête :
− Ce qui me laisse donc libre pour recueillir tes confidences.
Wu Fei s'étrangla.

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Heero regagna sa chambre avec lassitude. Il avait consacré une partie de la nuit en repérage et effectivement la mission promettait de ne poser aucun problème. L'évènement le plus marquant de la journée avait été l'arrivée inattendue de Relena Darlian. La jeune fille avait encore une fois cherché à lui parler et Heero hésitait quant à la marche à suivre.

J lui ayant dit de "faire ce qu'il avait à faire" s'il venait à la recroiser, Heero avait réduit le nombre de possibilités envisageables à trois : une fois sa mission accomplie il pouvait retourner sur le navire des Sweepers sans plus s'occuper de la jeune fille ; il pouvait envisager de la protéger et ainsi lui permettre de peut-être poursuivre l'œuvre de paix de son père ; enfin, il pouvait se faire sauter avec les hangars, mettant un terme à son existence comme il avait été sur le point de le faire la veille de l'Opération Meteor.

S'il rentrait, la situation actuelle perdurerait et il serait d'avantage un poids qu'une aide pour les Colonies. S'il restait auprès de Relena Darlian, Solo viendrait de toute façon le chercher et il en revenait à la possibilité numéro une. Au vu de ses réflexions de la veille, la dernière alternative lui semblait la plus logique.

Heero ouvrit la porte de sa chambre et sentit immédiatement que quelqu'un se trouvait déjà à l'intérieur. Alors qu'il commençait à peine à distinguer une silhouette assise sur le lit, une voix s'éleva :

− Bah alors, Pimousse, qu'est-ce t'as foutu ? Ça fait des heures que j't'attends !

Heero ferma la porte. C'était la voix de Duo. Une tension dont il n'avait pas eu conscience jusqu'alors quitta ses épaules.

− Qu'est-ce que tu fais là ?

− Bonjour l'accueil ! Tu pourrais au moins faire semblant d'être content d'me voir !

− Je ne te vois pas.

− Si j'te connaissais pas, j'pourrais presque croire qu'tu viens d'faire une blague…

Duo alluma la lampe de chevet.

− Tu m'vois, là ? dit-il avec un sourire.

− Qu'est-ce que tu fais là ? répéta Heero moins brusquement. Et comment es-tu entré ?

− Tu apprendras, cher Pimousse, que les serrures n'ont aucun secret pour moi !

Pendant que Duo parlait, Heero s'était rapproché. Il s'assit sur le lit au côté du châtain souriant.

− Et j'suis venu pour t'donner du boulot en plus !

Duo lui tendit un disque.

− V'là tes nouvelles instructions. Veinard, ça va t'faire voyager ! C'est l'même principe, t'as juste à bouger d'école ! J't'ai mis un nouveau stock d'explosifs sous ton lit.

Heero prit le disque, légèrement dépité. Il allait falloir qu'il recule son projet.

− Oh, ça a pas l'air de t'enchanter… Pourtant, c'est plutôt cool ce genre de mission peinard ! Tu peux profiter d'ton temps libre, te balader un peu… C'est quand même mieux que d'être coincé sur un bateau toute la journée à tourner en rond et à regarder l'eau défiler !

− … tu es là parce que tu t'ennuyais.

Duo prit un air outragé.

− Pas du tout ! Tu m'manquais, c'est tout.

Heero eut l'air déstabilisé et Duo, lui-même déconcerté par la réaction du brun, déclara d'un ton défensif :

− Bah quoi, ça t'surprend tellement qu'tu puisses manquer à quelqu'un ?

− Je…

Heero ne pouvait pas manquer à quelqu'un, il allait mourir dans quelques jours !

− Pourquoi je te manquerais ? demanda-t-il avec une curiosité sincère.

− Bah, heu, enfin… Mais c'est quoi cette question ! s'exclama Duo.

− Je ne comprends pas, dit seulement Heero d'un air adorablement confus.

Odin lui manquait parfois, ils avaient passé trop de temps ensemble pour que ce ne soit pas le cas et aujourd'hui encore, Heero se demandait souvent ce qu'Odin aurait pensé ou fait dans telle ou telle situation. Mais Duo et lui n'avaient pas ce genre de relation, il n'apportait rien au châtain et ne comprenait pas en quoi il pouvait lui manquer.

− Y'a rien à comprendre ! C'est comme ça, c'est tout ! C'est normal quand deux personnes passent du temps ensemble !

Duo ne voyait pas comment Heero pouvait ne pas comprendre. Qu'est-ce qu'il ne comprenait pas au juste ? C'était à croire que Heero n'avait jamais manqué à personne, voire même que personne n'avait jamais manqué à Heero.

− Tu penses pas parfois à quelqu'un qui n'est pas là en te disant que tu aimerais bien que cette personne soit là… ?

Genre maintenant, par exemple, histoire que j'ai pas à m'enfoncer encore plus ?

− … si, répondit Heero avec hésitation.

Duo n'avait pas vraiment répondu à sa question mais il sentait confusément que tous deux n'avaient pas la même conception du terme "passer du temps ensemble".

− Ah, fit Duo en baissant le visage. Ben tu vois, ajouta-t-il d'une voix un peu éteinte.

Des personnes manquaient bien à Heero, mais de toute évidence, il n'en faisait pas partie. Légèrement abattu, Duo s'empara de l'oreiller pour se donner quelque chose à faire. Il était incapable de regarder Heero à cet instant.

Une tâche blanche sous l'oreiller attira son attention. Il écarquilla les yeux.

− Mais c'est mon t-shirt ! Qu'est-ce que tu fais avec mon t-shirt ?

− Je dors avec.

− Tu… dors avec mon t-shirt ? répéta Duo avec stupéfaction.

Heero haussa les épaules, un peu mal à l'aise. Il ne voyait pas où était le problème… Peut-être que Duo voulait le reprendre ? Après tout, il n'avait fait que le lui prêter et son bleu à l'épaule avait disparu depuis longtemps. Duo attendait peut-être que Heero lui explique pourquoi il ne le lui avait pas rendu plus tôt.

− Il est confortable, répondit Heero, et Wu Fei ne veut pas que je dorme nu.

Duo frisa la crise d'apoplexie.

Heero dormait nu ? Il comprenait que Wu Fei veuille qu'il mette quelque chose, enfin, Duo aurait été à sa place, peut-être que… Mais ce n'était pas le problème ! Est-ce que Heero ne se rendait pas compte de ce qu'il était en train de dire !

− Mais Wu Fei n'est pas là, si tu veux, je peux te le rendre.

Duo sentit sa mâchoire s'écraser sur le sol. Non, apparemment, aussi incroyable que ça puisse paraître, Heero ne se rendait définitivement pas compte ! …Mais alors, toutes les remarques qu'on leur faisait devaient lui passer également au-dessus de la tête ! …Qu'on leur faisait ? Maintenant qu'il y réfléchissait, c'était à lui que s'adressaient les sous-entendus et même lorsque ce n'était pas le cas, par le biais de Heero, c'était vers lui qu'ils étaient dirigés. D'ailleurs, lorsque Duo lui avait prêté le t-shirt, le brun n'avait pas eu l'air de comprendre son commentaire au sujet de "cacher les marques"…

Toutes ces fois où Heero ne réagissait pas, ne venait pas à son aide, ce n'était pas parce que les plaisanteries le laissaient indifférent mais tout simplement parce qu'il ne comprenait pas de quoi on parlait !

Duo ressentit un soulagement si intense que la tête lui tourna.

− Tu veux ? insista Heero.

Duo eut besoin d'un moment pour se souvenir de la question que Heero lui avait posée. Il lui adressa un sourire lumineux.

− Nan, vas-y, garde-le ! J'te l'donne, puisque tu l'trouves confortable !

− … merci.

Il y eut un instant de silence pendant lequel Duo regardait Heero en souriant. Sa main se leva d'elle-même en direction de la chemise de Heero pour jouer avec, comme avec l'oreiller quelques instants plus tôt. Mais il réalisa son geste à temps et, le cœur battant, se leva brusquement et fit quelques pas, s'éloignant de la lumière. Il fallait vraiment qu'il cesse d'avoir ce genre de pulsions envers Heero ; dans un premier temps il devait essayer de revenir au début d'amitié qu'il avait commencé à établir avec le brun. Il avait besoin de faire le point au niveau de ses sentiments, et de toute façon, Heero était de toute évidence encore moins prêt que lui à envisager quoique ce soit entre eux…

− Bon, c'est pas tout ça mais j'suis complètement vanné ! C'est pas un p'tit voyage de v'nir te débusquer ! Faut qu'j'reparte tôt demain matin, j't'emprunte un coin de chambre. T'as une couverture en rab ?
Heero acquiesça.

− Prends le lit puisque tu es fatigué, dit-il.

− Quoi ? Non, ça va ! Je dormirai très bien par terre, t'inquiète pas pour moi !

− Mais tu as dit que ton retour allait être fatigant. Il reste peu d'heures avant le matin. J'ai l'habitude de dormir dans toutes les conditions.

− Ça j'en doute pas, mais c'est ton lit ! J'veux pas qu'tu dormes par terre à cause de moi !

− Partageons le lit, proposa Heero.

Les yeux de Duo s'écarquillèrent.

− Tu plaisantes !

Il était hors de question qu'il se retrouve avec Heero dans ce tout petit lit ! Et sa nouvelle bonne résolution, alors ? Heero n'allait porter qu'un tout petit t-shirt !

− C'est la solution la plus logique. En se serrant, on tiendra.

Duo pâlit à l'image mentale.

− Non, non ! Le matelas est trop mou, d'façon, j'ai l'habitude des sols durs ! Allez, file-moi une couverture que j'me crashe, tant qu'j'tiens encore debout !

Heero lui tendit une couverture, ainsi que son oreiller malgré les protestations de Duo puis il commença à déboutonner sa chemise, mais s'arrêta brusquement.

− Je me déshabille, annonça-t-il.

− Pourquoi tu m'dis ça ? s'exclama Duo d'une voix blanche.

− Wu Fei préfères que je l'avertisse avant.

− Euh, ok, balbutia Duo.

Il s'absorba avec nervosité dans la confection de son lit de fortune puis se coucha, essayant d'ignorer les bruits de vêtements. Il entendit Heero se glisser dans son lit et put enfin respirer. Le brun éteignit la lumière.

− Bonne nuit, lui souhaita Duo.

− Bonne nuit, lui répondit Heero avec hésitation.

Heero ferma les yeux et entendit Duo se retourner. Le châtain recommença plusieurs fois, ayant clairement du mal à trouver le sommeil, le sol n'était pas confortable. Mais Duo était têtu et Heero était presque sûr que s'il lui proposait de nouveau de changer, le châtain refuserait. Mais peut-être que si Heero n'occupait pas le lit, Duo finirait par venir s'y coucher ? Le brun prit sa couverture et se leva.

− Qu'est-ce que tu fais ? demanda Duo avec un début de panique alors que son compagnon s'installait à ses côtés.

Heero ne répondit pas et s'appliqua à faire semblant de dormir malgré quelques appels successifs du châtain.

Duo sourit dans le noir. C'était gentil de la part de Heero mais il ne bougerait pas. A cet instant, le sentiment d'exclusion qu'il traînait depuis plusieurs semaines disparut. C'était presque comme sur L2, à l'époque où ils dormaient tous ensemble, les uns à côtés des autres, pour se tenir chaud ou simplement savoir qu'ils n'étaient plus seuls.

Heero s'y connaissait mieux en amitié qu'il ne semblait le croire.

− Eh, Pimousse… Tu sais, j'me disais, j'pourrais p't-être venir te chercher après ta prochaine mission, comme ça on pourrait rentrer tous les deux. Et si on a le temps on pourrait en profiter pour se balader un peu en chemin ?

Heero ne répondit pas. Il était censé dormir après tout. Mais Duo montra qu'il n'était pas dupe en roulant sur le côté. Appuyé sur le coude, le châtain le regardait dans la pénombre, attendant visiblement une réponse.

Heero ne savait pas quoi décider. Il ne voulait pas mentir à Duo en acceptant sa proposition alors qu'il avait l'intention de se tuer avant, mais pour une raison qu'il ne s'expliquait pas, il ne voulait pas non plus décevoir Duo. Duo avait envie de se promener et rien ne l'avait obligé à lui proposer de l'accompagner. Quelque part, Heero avait l'impression que Duo comptait sur lui…

− D'accord, lâcha-t-il sans vraiment y penser.

− Cool ! répondit Duo avant de se recoucher.

Duo finit par s'endormir mais Heero resta éveillé, regardant la forme assoupie à ses côtés. Il avait pris l'habitude de dormir avec Wu Fei. Le Chinois était tendu et agité jusque dans son sommeil, mais la respiration de Duo était apaisante. Heero se sentait étrangement en sécurité, comme si rien ne pouvait troubler le calme qui les entourait ; une atmosphère similaire à celle qu'il ressentait lorsque Odin était encore là.

Heero ferma les yeux et s'endormit.

¤¤¤¤¤¤¤

Wu Fei frappa à la porte de la cabine de Quatre et Trowa. La voix enjouée du blond l'invita à entrer. Quatre était assis sur son lit un livre à la main. Quand il vit qu'il s'agissait de Wu Fei, son visage s'éclaira. Il était rare que le Chinois vienne lui rendre visite.
− Bonjour Wu Fei ! Je peux t'aider ?
− Il faut qu'on discute de quelque chose.
Quatre marqua sa page et posa son livre sur la table de chevet.
− Tu as l'air bien sérieux. Assieds-toi. Que se passe-t-il ? demanda-t-il alors que Wu Fei s'installait à ses côtés. Un problème avec les rebelles ?
− Ne remue pas le couteau dans la plaie, fit Wu Fei avec un regard noir. Je suis là pour parler de Yuy, ou plutôt du comportement de Solo envers Yuy.
Le visage de Quatre se fit plus grave.
− Oui, Trowa et moi en avons déjà un peu discuté.
− Tu as l'intention de faire quelque chose ?
− Mais que veux-tu que je fasse ? Solo…
− On ne peut pas continuer avec quatre pilotes vaguement et demi, le coupa le Chinois. Ça fait un moment que je partage ma cabine avec Yuy et je commence à le connaître un petit peu ; crois-moi, il ne va pas supporter cette situation pendant encore longtemps. J'ignore quelle est la raison du comportement de Solo à son égard mais je sais que Yuy est un excellent pilote dont les compétences sont loin d'être totalement exploitées. Comme tu l'as dit, nous ne sommes que cinq ; si nous continuons de nous priver des qualités de Yuy, nous avons encore moins de chance de réussir. Ça, ce n'est pas un travail d'équipe, et Nataku sait combien Solo – et toi – nous a rabattu les oreilles avec ça !
Quatre écouta Wu Fei avec attention. Le fait que le Chinois soit venu le trouver rien que pour lui parler de ça montrait déjà à quel point la situation devenait problématique, mais le discours de Wu Fei finit par le convaincre totalement qu'il fallait au moins qu'il essaye d'en parler à Solo. Il espérait juste que ça n'allait pas empirer les choses. Quatre avait beau aimer Solo comme le grand frère qu'il n'avait jamais eu, il devait admettre que le grand blond avait un comportement instable sur certains sujets et il craignait que le cas de Heero n'en fasse partie. Mais pour Heero, il tenterait probablement sa chance.
Toujours aussi grave, Quatre hocha la tête.
− Je lui parlerai, mais je ne suis pas sûr de pouvoir y faire grand-chose.
− Si Solo doit écouter quelqu'un, ça ne peut être que toi, affirma Wu Fei avec conviction.
− Ta confiance m'honore, dit Quatre en baissant légèrement les yeux, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit justifiée…
− Qu'est-ce que tu racontes ? Tout le monde sait que Solo te fait confiance. Après tout, c'est avec toi qu'il discute des détails des missions. Nous, on n'a pas notre mot à dire.
− Ce n'est pas vrai ! protesta Quatre. Vos opinions sont importantes ! Je ne fais rien qu'aucun de vous ne puisse faire aussi !
− Mais même sans le vouloir tu te poses en leader, c'est comme une seconde nature chez toi.
Quatre eut un rire bref.
− Je suppose que l'attitude de mon père a déteint sur moi, j'ai appris à prendre mes responsabilités. Mais toi aussi, Wu Fei, tu sais prendre les tiennes.
Wu Fei secoua la tête.
− Chez moi ce n'est pas naturel, je le fais parce que je le dois… parce que Nataku est morte.
Il y eut un instant de silence, puis Quatre demanda doucement :
− Qui était Nataku ?
− Nataku était l'héritière de la famille Long qui dirige mon clan, le Clan du Dragon. Nous avons été mariés l'un à l'autre avant même notre naissance. Nataku était très forte. Elle est morte pour défendre le Clan, alors que c'était à moi de le faire.
− Je comprends mieux ton combat, murmura Quatre. Finalement nous ne sommes pas si différents. Nous nous battons tous les deux pour ceux que nous aimons.
− Il ne s'agit pas d'amour, mais d'honorer la mémoire d'un valeureux guerrier.
Quatre leva les yeux vers le Chinois.
− Vraiment ? demanda-t-il. Tu n'étais peut-être pas amoureux d'elle, mais je pense que tu l'aimais. Tes paroles, tes actes démontrent bien plus qu'un simple respect.
Wu Fei ouvrit la bouche pour répondre mais la porte s'ouvrit à cet instant et Trowa entra. Le Chinois et le châtain se figèrent et Quatre se tourna vers son ami avec un sourire.
− Je ne vous dérange pas, j'espère ? dit Trowa en regardant Wu Fei.
Le Chinois rougit un peu, toussota et se leva avec raideur.
− Bon, et bien, voilà. Tiens-moi au courant pour Solo.
− Euh, oui, oui, répondit Quatre après une seconde de déstabilisation.
− Je ne te dérange pas plus longtemps.
− Mais tu ne nous déranges pas, Wu Fei, intervint Trowa avec un sourire fin.
Wu Fei le fusilla du regard et sortit. Quatre fronça légèrement les sourcils, se tournant vers le châtain d'un air accusateur.
− Trowa…
− Oui ? fit le châtain, faussement innocent.
− Quoique tu aies en tête, n'embête pas Wu Fei… Si tu t'ennuies tant que ça, je peux te trouver quelque chose à faire. Il parait qu'il y a un réseau de rebelles en Antarctique…
Trowa pâlit légèrement.

¤¤¤¤¤¤¤

Wu Fei descendit à terre avec une satisfaction non dissimulée. Ça faisait longtemps qu'il avait envie de faire escale pour son plaisir personnel, aussi la proposition de Duo d'aller faire les brocantes de livres avait été la bienvenue. Les pilotes avaient échangé un sourire lorsque le châtain leur avait appris qu'il n'avait pas eu le temps de le faire pendant sa courte mission auprès de Heero.
Ce n'était pas la première fois que Duo et Wu Fei allaient faire le plein de livres ensemble. Quatre les aurait bien accompagnés mais une visite de Rashid au sujet du réseau de contacts d'Afrique du Nord l'en avait empêché. Solo et Trowa étaient descendus avec eux mais le grand blond avait décidé de faire découvrir les vrais plaisirs de la ville au pilote 03. Trowa avait eu beau leur lancer un regard à la limite du suppliant, Solo l'avait entraîné à sa suite sans tenir compte de ses protestations, prétextant que les rats de bibliothèques iraient d'un côté et les incultes de l'autre.
Visiblement, Solo et Duo connaissaient déjà bien cette ville et le châtain le guida sans peine dans le dédale des rues et dans plusieurs boutiques regorgeant de trésors littéraires. Parcourant des yeux une étagère, Wu Fei eut un léger sourire en coin et s'empara d'un livre précis. Il rejoignit Duo, qui fouinait un peu plus loin, et le lui tendit. Le châtain releva le visage vers lui, interrogateur.
− Tiens, tu devrais prendre celui-là : Les amours interdites de Mishima, je suis sûr qu'il te plaira. C'est l'histoire de…
− Ça va, merci, j'l'ai déjà lu, le coupa Duo d'une voix inhabituellement tranchante.
Le châtain reposa le livre qu'il tenait lui-même en main et se leva, les épaules tendues.
− J't'attends dehors, fit-il en se dirigeant vers la sortie.
Wu Fei, figé par la surprise, le suivit des yeux. Il ne s'était pas attendu à cette réaction-là ; en général Duo poussait de hauts cris indignés mais il n'avait pas vraiment l'air d'en être… blessé. Un horrible soupçon naquit en lui.
Wu Fei lâcha le livre sur une pile en désordre et se rua à la poursuite de Duo. Une fois à l'extérieur, il le saisit par le bras pour l'obliger à lui faire face.
− Ne me dis pas que tu es vraiment amoureux de lui ?
Duo chercha à se dégager, le visage à présent complètement fermé. Il n'avait aucune envie d'entendre quel commentaire Wu Fei projetait de sortir ensuite.
Mais la poigne du Chinois se raffermit, le maintenant en place.
− Tu ne peux pas être amoureux de Yuy ! s'exclama-t-il avec incrédulité. Ce serait comme… comme… enfin… Vraiment ?
Duo le dévisagea à son tour, surpris par la propre réaction de Wu Fei.
− Je peux savoir quel est ton problème, Chang ?
− Je… commença Wu Fei avant de reprendre plus sérieusement : Je n'ai aucun problème, mais toi, peut-être bien que oui.
Duo voulut de nouveau se dégager mais Wu Fei l'arrêta :
− Attends, laisse-moi t'expliquer : tomber amoureux de Yuy, c'est comme… tomber amoureux d'un personnage de roman.
− Mais qu'est-ce que tu racontes ?
− Toi, tu es trop romantique. Tu lis trop, Duo, tu n'as pas une vision réaliste de ce genre de choses, et Yuy, lui, il… Il ne vit pas sur le même plan de réalité que nous. Crois-moi, je cohabite depuis des semaines avec lui maintenant, je le vois véritablement au quotidien, pendant et en dehors des missions. J'ai eu le temps de m'en rendre compte.
− Tu délires, Wu Fei, dans tous les sens du terme. Et lâche-moi, tu m'fais mal.
Wu Fei obtempéra.
− Duo, écoute… Si je t'ai… si nous t'avons blessé, pardon. Ce n'était pas volontaire, je ne pense sincèrement pas que qui que ce soit s'imagine que tu éprouves réellement quelque chose pour Yuy.
Duo haussa les épaules, le regard fuyant. Wu Fei eut une grimace intérieure, songeant à la fréquence à laquelle l'équipage tout entier plaisantait à leur sujet et le calvaire que ce devait être pour Duo de voir tous ses amis se comporter de la sorte, sans que quiconque ne réalise qu'en fait il en souffrait. Ce n'était pas normal que lui-même, qui ne connaissait pas Duo si bien que ça après tout, soit le premier à s'en rendre compte.
− Je puis t'assurer que tu n'entendras plus un seul commentaire de ma part et que je m'efforcerais de faire en sorte que ça s'arrête. Mais Duo, je pense aussi sincèrement qu'être amoureux de Heero n'est pas raisonnable.
Duo eut un rire sec et releva les yeux vers lui.
− J'vais presque finir par croire qu't'es jaloux, Wu Fei mon ami…
− Duo, je suis sérieux.
Ils se fixèrent un moment en silence puis Duo eut un petit sourire, sincère mais encore fragile. Il leva la main et lui donna une chiquenaude sur le front.
− T'en fais pas pour moi, va, chuis un grand garçon. Je sais c'que j'fais.
− Comme tu voudras…
Duo lui sourit de nouveau.
− Merci, Wu Fei.
Le Chinois hocha simplement la tête.

¤¤¤¤¤¤¤

Duo regrettait de ne pas être arrivé au début du match de basket. Il aurait pu dire que l'équipe de Heero gagnait, mais en vérité, Heero gagnait. Dans les gradins, des groupes de filles scandaient son nom sans que le brun ne paraisse s'en soucier. C'était étrange de voir Heero populaire…

Duo sortit des gradins, cherchant à s'éloigner de la foule. Sur le terrain, Heero était en train de sauter pour dunker quand le regard du brun accrocha le sien une fraction de seconde, juste avant que le ballon n'entre dans le panier et que l'arbitre ne siffle la fin de la rencontre.

Ses coéquipiers, fous de joie, l'entraînèrent vers les vestiaires et Duo eut tout juste le temps de lui faire signe qu'il l'attendrait là où il était.

Resté seul, le châtain fit quelques pas sur le terrain, regrettant que les joueurs aient emporté le ballon. Il aurait bien essayé de faire ce que Heero venait de faire. Imitant le mouvement du dribble, Duo s'élança vers un panier et sauta comme pour marquer. Sa main n'atteignit pas le cerceau. Il fronça les sourcils. Heero était plus petit que lui, mais il sautait beaucoup plus haut.

Duo passa quelques minutes à s'entraîner à sauter jusqu'à ce qu'une voix de fille attire son attention. Il se retourna, voyant Heero arriver… accompagné. Duo eut une moue mécontente. Heero était décidément très populaire… Mais c'était étonnant qu'il se laisse suivre par une fille comme ça, surtout alors qu'il s'apprêtait à quitter la ville. Et puis, elle lui disait vaguement quelque chose… Plus les deux adolescents se rapprochaient, plus Duo était sûr de l'avoir déjà vue quelque part.

Duo les rejoignit et la jeune fille blonde se tut brusquement en le voyant arriver. Il crut déceler une sorte de soulagement sur le visage de Heero, mais il n'en était pas sûr. Duo sourit à la jeune fille et posa une main sur l'épaule de Heero.

− Tu es prêt ? On y va ?

Heero acquiesça sans plus prêter attention à la blonde. Les deux garçons se mirent en mouvement mais ils avaient à peine fait quelques pas qu'elle interpella le brun :

− Heero !

Ils se retournèrent tous les deux, elle parut hésiter et finit par garder le silence. Heero se détourna le premier. Duo haussa les épaules et suivit le brun.

− Elle avait l'air sympa, cette école ! lança Duo. Tu t'es fait des amis ? Vous jouez souvent au basket ?

− Les cours de sport sont obligatoires.

− Ah bon… Moi, j'ai jamais joué au basket mais j'ai fait quelques mouvements tout à l'heure, ça parait pas difficile. En tout cas les gars qui jouaient avec toi semblaient pas doués, j'suis sûr que moi j'pourrais faire mieux ! Tiens, j'te parie même que j'peux t'battre !

− Tu ne sautes pas assez haut et tu t'essouffles trop vite.

− Crois pas que j'vais t'laisser m'défier sans relever l'gant ! On a qu'à passer dans un magasin de sport, on ramène un ballon et un panier sur le bateau !

− Si tu veux.

Duo lui fit un grand sourire.

− T'as d'la chance quand même ! Même si t'y restes pas, t'as quand même l'occase d'aller à l'école. C'est un truc que j'aurais bien aimé pouvoir faire. Suivre des cours, apprendre des trucs, s'faire des copains… Quand tout ça s'ra fini j'crois qu'j'aimerai bien faire des études. Mais chais pas encore de quoi… Et toi ?

− Je n'ai jamais pensé à après, répondit Heero avec une pointe d'hésitation.

− Tu d'vrais, ça finira bien par arriver un jour ou l'autre ! Ce serait sympa si on pouvait aller en cours ensemble ! lança le châtain avec un sourire radieux.

Heero ne répondit pas et il y eut un moment de silence, puis Duo, autant pour connaître la réponse que pour meubler, reprit :

− Au fait, c'était qui la blonde avec qui tu parlais ? Y m'semble l'avoir déjà vue quelque part.

Heero se tendit, se demandant où Duo avait bien pu apercevoir Relena.

− … Eh ! fit Duo après un temps de réflexion. Elle était pas déjà dans l'autre école ? Elle te suit ou quoi ? plaisanta-t-il.

Au visage de Heero, il se figea.

− Attends, c'était sérieusement la même ? Elle te suit ? Elle sait qui t'es ?

− Elle s'appelle Relena Darlian. C'est la fille de l'ancien vice-ministre des affaires étrangères.

− Celui qu'a été assassiné ?

− Hn. Elle m'a vu arriver sur Terre et la première école dans laquelle j'ai été était la sienne.

Duo fit la grimace.

− Ouh ! Pas d'bol !

− J'ignore comment mais elle connaît aussi le Docteur J.

− Ça la met sous protection, c'est ça ?

− Hn…

− Enfin, ça explique pas pourquoi elle te suit.

Heero haussa les épaules, c'était une réponse qu'il ne possédait pas.

− Ne le dis pas à Solo, dit-il seulement.

− Encore ! s'exclama Duo. Ça fait la deuxième fois que tu veux m'faire cacher quelque chose à Solo ! Mais puisqu'elle est sous protection… ?

− Ne lui dis pas, c'est tout.

Le châtain poussa un profond soupir et dévisagea Heero.

− Toi, t'as un 'blème avec Solo. J'croyais pourtant que vous vous entendiez tous bien ?

Le regard de Heero s'assombrit.

− Solo ne me fait pas confiance. Il me tient à l'écart des vraies missions.

− Bah… c'est pas une vraie mission, ça ?

− Tu l'as dit toi-même, c'est "peinard". C'est la première mission où je pars seul, dit Heero, les poings serrés. Le reste du temps, je ne suis là que pour assurer ses arrières, même lorsqu'il n'en a pas besoin, juste pour me donner l'impression de faire quelque chose. Il surveille ce que je mange, combien d'heures je dors. Je m'étonne qu'il ne m'ait pas mis à ta place dans sa cabine.

Duo garda le silence. C'était la plus longue tirade que Heero lui avait jamais sortie. Il devait vraiment en avoir gros sur le cœur, et depuis quelques temps déjà. Ça faisait bizarre d'entendre quelqu'un critiquer Solo, surtout si peu de temps après que lui-même l'ait fait mentalement. Solo surprotégeait Heero comme il le faisait avec lui. Finalement, il n'était pas le seul à être mis à l'écart même si leur situation était différente : pour lui, ça faisait surtout mal parce que c'était Solo, alors que pour Heero, c'était comme s'il n'était pas tout à fait un pilote, qu'il en avait le nom sans en avoir le statut.
− Tu sais… Solo et moi, on est ensemble depuis aussi longtemps que j'm'en souvienne ou presque. Solo était l'chef d'une bande de gosses paumés sur une colonie de L2 avant qu'on s'casse. Tout ça pour dire qu'il a toujours protégé et pris soin de "ses gosses", tu vois ? J'te disais que pour lui, t'étais un d'ses louveteaux… J'peux pas t'dire pourquoi il a décidé qu't'étais l'plus "jeune" mais tu sais, il surveille aussi toujours c'que j'mange et mes heures de sommeil, couvre-feu et tout… Et j'commence à croire qu'il le f'ra toute sa vie…
Duo haussa les épaules.
− J'suppose que j'ai l'habitude, qu'c'est pour ça qu'j'le supporte mieux… Mais faut qu'tu saches que s'il fait tout ça, c'est pour toi. Dans sa tête, quelle que soit sa raison, y t'protège. C'est un job qu'y s'est donné et tu peux être sûr qu'y t'laissera jamais tomber. T'es d'sa meute, c'est tout !
− Mais chaque membre d'une meute a une fonction ; moi, je ne sers à rien, murmura Heero d'une voix fragile.
Duo lui attrapa le bras et l'obligea à le regarder.
− Dis pas ça, c'est complètement faux !
Heero soutint son regard.
− Dis-moi à quoi je sers alors…
− Mais… tu… tu t'bats ! Tu prends des risques et tu vas au combat alors que vous savez que c'est du cent contre un !

Duo s'interrompit pour reprendre son souffle.

Moi, je… moi, je sers pas à grand-chose, je peux qu'vous regarder partir et j'peux rien faire pour vous aider quand vous êtes là-bas…

− T'es un pilote, Heero, un pilote de Gundam ! T'es pas comme un mécanicien, t'es pas remplaçable ! Vous n'êtes que cinq ! Tu peux pas abandonner parce que t'as un coup de blues ou parce que Solo t'étouffe !
Heero secoua la tête et détourna légèrement le regard :
− Ils se battent très bien à quatre, et le cinquième membre c'est toi, pas moi. Il n'y a que toi qui puisse t'occuper des Gundams comme ça et nous… leur permettre de se battre.

− Tu t'goures, Heero, ils ne se battent pas bien. J'plaisante peut-être beaucoup au sujet des réparations, mais crois-moi y'a rien d'drôle. C'est d'pire en pire, tu t'en rends p't-être pas compte mais j'pousse mon équipe jusqu'à la dernière minute pour qu'les Gundams soient prêts pour les missions et qu'y tombent pas en pièces détachées en plein combat ! On a b'soin de tout l'monde !

On a b'soin de tout l'monde ! réalisa véritablement Duo. Ils ne pouvaient pas se permettre de se passer de Heero, et si Heero lui-même en arrivait à croire qu'il n'était pas indispensable, ils couraient à la catastrophe !

Mais putain, Solo, qu'est-ce que tu fous !

− Tu es important, Heero, dit-il avec gravité. On a besoin de toi.

Le regard de Duo exprimait une telle conviction que Heero en fut déstabilisé. Jusqu'à récemment, Heero avait eu l'habitude qu'on ait confiance en ses capacités : il avait travaillé d'égal à égal avec Odin et J l'avait choisi pour piloter Wing. Mais jamais encore on avait simplement cru en lui comme Duo croyait en lui à cet instant. Heero n'était pas vraiment sûr de ce qu'il éprouvait, une forme de soulagement, c'était certain – comme si Duo lui avait soudain rendu son statut de pilote – mais il se sentait aussi étrangement terrifié.

Heero hocha doucement la tête. Duo lui sourit et ils reprirent leur route. Ils marchèrent en silence, puis Heero murmura comme pour lui-même :

− Il faudrait renforcer les Gundams…

− Ouais, c'est ça qu'il faudrait faire, répondit distraitement Duo. Mais ça représenterait un boulot monstre. Cinq Gundams, en plus, chuis même pas sûr qu'ce soit réalisable !

− Mais tu es le "meilleur mécanicien du monde", non ? contra Heero, lui adressant un léger sourire. Il n'y a que toi qui en sois capable, ajouta-t-il avec sérieux.

Duo sentit ses yeux s'agrandir alors que ses lèvres s'étiraient d'elles-mêmes, en un sourire qui devait lui donner un air tout particulièrement stupide. Mais Duo s'en fichait, il était amoureux. Il ferma les yeux un court instant afin de maîtriser un minimum ses émotions puis il regarda Heero et lui adressa un immense sourire, les yeux de nouveau pétillants.

− C'est une autorisation officielle de bidouiller Wing ? J'peux t'faire signer un papier pour l'prouver ?

Heero lui rendit un sourire un peu plus assuré :

− Ne rêve pas trop.

Duo fit claquer ses doigts et prit une expression faussement dépitée :

− Mince ! J'aurai pourtant juré que ça marcherait cette fois !

− Bats-moi au basket et on en reparlera peut-être…

− C'est une promesse ? fit Duo d'un ton enjoué. Méfie-toi, Pimousse, j'suis dangereux quand j'suis motivé !

Le sourire de Heero se fit en coin mais l'Asiatique ne répondit pas.

¤¤¤¤¤¤¤

Duo driblait avec enthousiasme lorsqu'il se rendit compte qu'il n'avait plus la balle. Le temps qu'il relève les yeux, Heero l'attendait déjà auprès du panier, immobile, le ballon rebondissant rapidement dans sa main, avec au coin des lèvres un sourire discret et insupportable qu'il arborait depuis de longues minutes déjà.

− Tu es trop lent, déclara le brun.

Duo avait cru que sa grande taille aurait été un avantage mais Heero était tellement rapide qu'il se faufilait et récupérait le ballon sans que Duo ne le réalise. Il était déjà essoufflé alors que Heero qui avait déjà fait un match dans la journée ne donnait même pas de signe de fatigue.

− Je crois que tu n'es pas prêt d'avoir ton papier signé, ajouta Heero, provocant.

Duo eut un sourire irrésistible.

− J'ai pas… encore… perdu ! lança-t-il avant de se jeter sur la balle.

Ça faisait un moment que les quatre autres pilotes les observaient sans qu'aucun des deux joueurs ne s'en soit rendu compte.

− Yuy s'amuse, dit enfin Wu Fei.

Quatre confirma avec un sourire chaleureux, la main sur le cœur :

− Heero s'amuse.

− J'savais bien qu'c'étaient qu'des gosses, fit Solo, un sourire heureux et une lueur tendre dans le regard.

Quatre leva les yeux vers le grand blond, troublé. Il ne l'avait jamais senti aussi calme, aussi en paix.

− Ils sont mignons, commenta Trowa sans trace d'humour.

− Oui, renchérit Wu Fei avec un sérieux qui détonait presque. Ils ont l'air vrai.

Interpellés, Quatre et Trowa échangèrent un regard. La réponse de Wu Fei était étrange, comme s'il savait quelque chose qui leur échappait. Puis Quatre hocha la tête.

− Je les envie, dit-il.

Trowa acquiesça.

Solo s'avança alors vers les joueurs qui s'immobilisèrent en le voyant arriver, remarquant enfin qu'ils n'étaient pas seuls.

Il y eut un petit moment de flottement alors que Duo, essoufflé, regardait Solo se diriger vers eux. Depuis combien de temps les observaient-ils, tous les quatre ? La petite bulle de bonheur dans laquelle il évoluait depuis cet après-midi venait d'éclater et il appréhendait les commentaires qui n'allaient pas tarder à suivre. Mais Solo s'arrêta à l'extérieur du terrain dessiné à la craie, un sourire aux lèvres.

− Vous nous incluez dans l'jeu ? demanda-t-il.

Duo eut un sourire tout d'abord hésitant puis qui s'élargit brusquement. Soudain, ce n'était plus Heero et lui qui voulaient se joindre au groupe, mais le groupe qui voulait se joindre à eux.

− Tant qu't'es pas dans l'équipe de cette grande perche de Trowa ! Réflexion faite, pas dans celle de Quatre non plus ! Un seul blond par équipe !

− Y reste plus qu'la tienne, alors…

Duo se sentit devenir plus léger. Il lui lança la balle.

− On va les massacrer !

Ils se tapèrent dans la main et Solo se retourna vers les trois autres.

− Ramenez-vous ! Trois contre trois, mais rêvez pas, on garde Heero !

Duo se rapprocha du brun à petites foulées.

− C'est qu'partie remise, crois pas qu'ça annule notre jeu en cours ! lui dit-il. J'te l'f'rai signer, c'papier !

Heero lui adressa un petit sourire.

− Pimentons un peu l'jeu, décréta Solo. L'équipe perdante… Je sais ! L'équipe perdante portera des tutus roses et f'ra un show devant tout l'monde !

Il y eut un instant d'hésitation mais Quatre lui adressa un sourire en coin.

− Trowa et moi nous chargerons de vous accompagner en musique et je suis sûr que Wu Fei sera ravi d'immortaliser votre ballet…

Solo se planta devant Quatre, le dominant de toute sa hauteur, mais le petit blond ne baissa pas les yeux et son aîné eut un sourire carnassier.

− Ça devient sérieux, commenta alors Trowa avant de retirer son col roulé.
Il y eut un silence étranglé.

− Trowa ! s'exclama Solo, impressionné. Où est-ce que tu nous cachais tous ces muscles ? Quatre, dis-moi qu'il fait des pompes tous les soirs ?

− Des abdos, répondit Quatre en ôtant lui-même son gilet pour être plus à l'aise.

− C'est un défi, si je comprends bien, lança Wu Fei à l'intention de Solo, tout en retirant sa veste à son tour.
− Bon alors, qu'est-ce que vous faites ? s'exclama Duo. On veut jouer, nous !

Les deux équipes se mirent en place et le match commença.

Fin du chapitre 7.

Shakes, des étoiles dans les yeux : Ils s'aiment comme des enfants…
Meanne, des étoiles dans les yeux : Oui…
Shakes : Amour plein d'espoir, impatient…
Meanne : Oui…
Shakes : Et malgré les regards emplis de désespoir, malgré les statistiques, ils s'aiment comme des enfants…
Meanne : Oui…
Shakes : Enfants de la bombe…
Meanne : Oui…
Shakes : Des catastrophes, de la menace qui gronde…
Meanne : Oui…
Shakes : Enfants du cynisme, armés jusqu'aux dents…
Meanne : Oui…
Shakes : Ils s'aiment, comme des enfants, comme avant les menaces et les grands tourments…
Meanne : Oui…
Shakes : Et si tout doit sauter, s'écrouler sous nos pieds, laissons-les, laissons-les, laissons-les s'aiiiiiiiiiimeeeeeeeer !
Meanne : OUI !

Ils s'aiment, Daniel Lavoie

Pour ceux que ça intéresse : Les amours interdites (de Mishima, donc) raconte l'histoire d'un écrivain japonais fasciné par un jeune homosexuel censé épouser la jeune fille dont l'écrivain est amoureux. C'est tordu, glauque – c'est du Mishima, hein – mais ça vaut le coup d'œil, ne serait-ce que pour la description de l'univers homosexuel japonais d'après-guerre.