Disclaimer : L'univers d'HP appartient à la grande JK Rowling.

Dur dur de tenir le rythme avec un bébé. Je suis en train de rédiger la troisième partie de l'histoire. Je devrais bientôt pouvoir me dégager un peu de temps pour écrire plus vite… J'espère pouvoir terminer avant l'été, c'était l'objectif que je m'étais fixée à la base.


Chapitre 15 : Saint Sévytain.

- Tu croyais que j'avais oublié ?

- Non, pas du tout, je…

- Quand pensais-tu tenir parole ?! Tu as dû te dire que les fantômes (et les lecteurs) n'ont pas de mémoire ?!

- Mais enfin, je n'ai simplement pas eu le temps de…

- CLARISSE BLACK ! Je veux mon baiser !

La pauvre serdaigle se faisait remonter les bretelles par le fantôme de Mimi Geignarde, au sein même de la salle commune de sa maison. Les autres élèves présents ne purent s'empêcher de rire à l'idée d'un french kiss avec le spectre aux lunettes proéminentes. Cela faisait une semaine que la situation s'était réglée : la grève des élèves avaient cessé, le sort de Néréis et Madurei avaient fonctionné à la perfection. La jeune serdaigle avait cru sa tranquillité retrouvée et gravée dans le marbre…

- Peut-on parler de cela en privée ? s'enquit Clarisse.

- Je n'ai rien à cacher.

- Ecoute, Mimi… Pour que tu puisses avoir ce que tu veux, il faudrait que je sois en mesure soit de trouver un sort, une potion ou je ne sais quoi d'incarnation, qui te permette de prendre corps si je puis dire pendant quelques minutes, soit de…

- Ne me raconte pas ta vie et trouve un moyen !

- J'ai cherché à la bibliothèque, il semblerait que certaines plantes très rares…

- Grouille !


- Voilà, vous savez tout : Mimi geignarde me harcèle dans l'espoir de pouvoir joindre ses lèvres transparentes à celles d'un beau garçon, et sans cette herbe interdite que vous seuls détenez…

- J'm'en fous ! cria Rogue avant de claquer la porte.

Morgane, qui se tenait aux côtés de la serdaigle, fit cligner ses yeux éberlués :

- Mon père me refuse de plus en plus de service en ce moment ! Il se rebelle, tu crois ? La crise de la soixantaine ?

- Ton père n'est pas si vieux, Morgounette, enfin… Je crois… Il a bien été à l'école avec le mien ? (Leurs histoires ne m'intéressent tellement pas…)

Morgane se hissa sur la pointe des pieds pour tapoter l'épaule de Clarisse, d'égale à égale :

- Viens ma belle, on va oublier autour d'une bonne camomille.

Elles gagnèrent les quartiers des serpentards. Dans la salle commune, Syd lisait mollement un livre moldu du 19ème siècle, et de plus de 600 pages, punition trouvée par sa mère, et Lachésis dessinait, allongé sur le ventre au milieu d'un tapis couleur d'émeraude. Elle remuait ses petites jambes au rythme de son crayon.

Clarisse s'installa dans un fauteuil :

- Bon… de toute façon, même si ton père me donnait cette herbe, nous n'avons pas le niveau pour réussir une potion pareille… Ce serait trop dangereux. Il y a un autre moyen qui est dans nos cordes mais dont je n'avais pas trop envie…

Morgane agitait sa baguette vers le service à thé et préparait une bonne infusion à base de vanille. Elle en servit une tasse à son amie :

- Je pense savoir où tu veux en venir, dit-elle en acquiesçant, la possession ?

- Yep… soupira Clarisse.

La serdaigle pouvait tout simplement proposer à Mimi Geignarde de prendre le contrôle de son corps le temps du baiser.

- J'ai qu'à lui prêter ma bouche… Et pour cela, il me suffira de faire le vide dans ma tête –Syd, si tu ajoutes quoi que ce soit, je te verse cette tisane sur tes parties intimes -, et Mimi pourra s'imposer en moi quelques minutes.

- Oui, c'est un plan qui a la vertu d'être simple et efficace. Mais il reste un détail. Il faut le beau garçon.

Lachésis releva la tête et les trois paires d'yeux féminins de la pièce se braquèrent sur Syd.

- Quoi ? s'enquit celui-ci, l'air un tantinet méchant.

- T'es pas moche, dit Clarisse,

- On pourrait même dire que tu n'es pas dégueu, ajouta sa sœur.

- Je n'ai aucune envie d'embrasser Mimi Geignarde !

- Ce serait elle sans être elle, répliqua Lachésis.

- Je te promets, Syd, ajouta la serdaigle, que j'ai une hygiène dentaire irréprochable !

Le serpentard poussa un soupir long et empreint d'une nette exaspération, il sembla chercher ses mots, la mâchoire serrée, puis son visage se fit plus doux, plus narquois et il lança d'un ton de velours :

- Nul doute qu'en me tapant dans le nez, Clarisse, ma belle, tu m'aies aussi tapé dans l'œil. Mais vois-tu, quel est l'intérêt de t'embrasser sans vraiment t'embrasser ?

Clarisse leva un de ses sourcils, perplexe.

- Tu n'auras aucun problème à trouver un autre candidat. Seul un aveugle ou un fou pourrait se refuser à toi, et chacun sait que je n'ai pas toute ma tête.

Il lui adressa un sourire vénéneux et retourna à sa lecture, ombrageux. Clarisse haussa les épaules et reporta son attention sur Morgane.

- Nous trouverons bien un candidat, Clarisse… D'autant plus que c'est la saint-Valentin demain… (Tiens, d'ailleurs, ton père va bientôt revenir?)

- Je ne m'en fais pas pour ça… (… Va te faire soigner…)


La chose n'était pas aisée… Il s'avérait quelque peu « malaisant » de soumettre pareille proposition à n'importe quel beau mâle de l'école… Ni Clarisse, ni Morgane n'avaient d'amis garçons suffisamment proches d'elles pour demander ce genre de service. Et quant à prendre un parfait inconnu et lui expliquer la situation… Eh bien, elles avaient tenté et les garçons en question avaient pris la mouche. Le prétexte du baiser leur paraissait suspect, quoi que Clarisse ne fût pas désagréable à regarder, sa réputation d'asociale jouait en sa défaveur. Le fait qu'elle soit accompagnée de Morgane Rogue aussi : cela sonnait comme un piège. Enfin, quand elles parvenaient à raconter l'histoire jusqu'au bout et expliquait que le fantôme en question était Mimi Geignarde (car elles se gardaient bien de le citer dès le départ), leur interlocuteur tournait fissa les talons sans espoir de retour.

- Ils réagissent tous comme mon frère, s'énerva Morgane. Toi, ça ne les dérangerait pas, mais personne ne veut embrasser Mimi !

- Tu oublies ceux qui étaient d'accord mais à condition que je passe aussi dessous la ceinture…

- Heeeuuurk ! (Le narrateur a délibérément censuré ces passages odieux, n'en parlons plus !)

Elles poussèrent un lourd soupir plein de désespérance, assise toutes les deux sous un portique à l'abri des regards.

- Bon, fit Morgane, son regard s'assombrissant, on n'a plus le choix. On va devoir cracher la monnaie !

- Pardon ? fit Clarisse, croyant avoir mal entendu.

- Nous allons payer un mec pour qu'il t'embrasse !

- … Fausse bonne idée.

- C'est le seul truc qu'on n'ait pas encore essayé. Si Mimi était encore vivante, nul doute qu'elle aurait certainement eu recours à un gigolo pour assouvir ses basses pulsions !

- Fausse bonne idée.

- Allons-y, j'ai pioché dans la tirelire serpent de mon frère justement ce matin !

- P'tain de foutue de fausse bonne idée !

Morgane se leva d'un bond et attrapa vigoureusement son amie par la main afin qu'elle la suive. La bouche de Clarisse s'était figée dans un rictus perplexe. Merlin ! Mais pourquoi Morgane l'écoutait-elle aussi peu qu'un sourd ?!


- Trois galions et vous ferez ce que vous voudrez de ma bouche, mes jolies…

Mais que c'était glauque au possible ! Au fond d'une cours du château, elle avait trouvé un serpentard à la mine ténébreuse, patibulaire, pas mal du tout dans le genre bad boy. Elles conversaient avec lui, dans un coin baigné par la pénombre. Clarisse avait la détestable impression de mener quelques sombres et illégales affaires. « C'est fou comme la situation pourrait prêter à confusion » songea-t-elle, infiniment dubitative.

- On n'en fera pas grand-chose, rassure-toi, dit Morgane un brin dégoûtée.

Elle sortit les gallions de sa poche et les lui tendit. Il ne restait plus qu'à aller chercher le fantôme et…

- PAS UN GESTE !

Un flash avait illuminé leur visage en même temps que ces paroles : deux élèves avaient surgi d'on ne sait où pour la prendre en photo, en train de tendre ses galions. Deux poufsouffles !

- Mais…

Clarisse, tout aussi étonnée que Morgane, n'eut pas le temps de placer le moindre mot de défense.

- Nous sommes, commença l'un des poufsouffles, membre de la Fédération de la Lutte contre la Discourtoisie, vous avez essayé de plonger un jeune homme innocent dans la prostitution !

- Quoi ?! Mais non…

- Silence, gourgandines ! Vous avez affaire à Uno…

- Deusio… ajouta l'autre garçon.

Le serpentard se décolla du mur où il s'était tenu tout du long dans sa posture de bad guy et ôta sa cravate verte pour révéler… une cravate jaune.

- Et Tertio ! lança-t-il avec véhémence.

- Un autre poufsouffle ?! s'étonna Morgane.

- Oui, j'étais l'appât ! Cela fait trois heures que vous arpentiez les couloirs en faisant des propositions indécentes aux garçons, il était temps que cela cesse !

Uno, qui était le plus petit de la bande, reprit la parole :

- Ce n'est pas parce que tu es fille de profs et toi –il se tourna vers Clarisse -, fille d'un héros de guerre, que vous devez vous croire tout permis !

- Ashtag balance ta sorcière, perverses !

- C'est vraiment un gros malentendu, tenta Clarisse, je suis vraiment harcelée par Mimi Geignarde !

- Ashtag balance ton spectre !

- Mais c'est quoi ce ashtruc ? s'enquit Morgane très agacée.

- Je t'expliquerai, lui dit Clarisse.

- Ashtag balance ton inculture moldue ! lança Tertio, qui était un sang-mêlé.

Les deux amies observèrent un silence de circonstance. Enfin la serpentarde pesta :

- Je n'en reviens pas ! On s'est fait piéger par des Poufsouffles ! Par Ishtar, le dernier de leur maison à avoir accompli un exploit, on sait comment il a fini !

- Sarcasmes ! s'énerva Deusio qui tenait l'appareil photo vétuste qui détenait toutes les preuves.

Soudain, la jambe de Clarisse vola et débarrassa le Poufsouffle de son objectif qui tomba à terre avant de finir fracassé par un nouveau coup de pied.

- Ashblag balance ton pied dans leur tronche ! s'extasia Morgane en en brandissant ses petits poings vengeurs.

- Et voilà, dit la serdaigle, et son visage prit un air sombre qu'elle ne montrait pas souvent, maintenant c'est votre parole contre la nôtre. Et je ne crois pas que nous ayons quelque chose à craindre de trois rigolos qui se cachent sous des pseudonymes ridicules !

- Il y a plein de témoins, tout ce que vous avez tenté de corrompre, cracha Uno, nous…

- La ferme ! intervint Morgane, allez donc vous plaindre et recueillir des témoignages si cela vous chante, mais gare à vous, les gars, on n'est pas du genre à se laisser faire dans la famille.

Elle avait achevé cette réplique avec un accent sicilien. Clarisse lui agrippa le bras et tourna les talons vivement.


Une fois suffisamment éloigné du trio imbécile, elles s'arrêtèrent à l'abri des regards pour faire le point.

- Tu sais, Morgane, j'ai l'impression qu'on a tendance à se laisser emporter sans réfléchir, toi et moi… Il faut qu'on trouve un moyen de nous tempérer, de prendre le temps de méditer avant d'entamer des actions de ce genre…

- Un peu comme le proverbe tourner sept fois sa queue avant de…

- Un peu oui, s'agaça Clarisse… (Elle est en chaleur, ou quoi ?) Ecoute… faisons l'arbre !

- Pardon ?

- L'arbre, c'est très bien l'arbre… Quand nous avons une idée à la mords-moi l'nœud, faisons l'arbre dix secondes, sas bouger, sans parler, histoire que notre esprit fasse le tour de la question et détermine le degré de stupidité de notre entreprise !

Un sourire ravi parut sur le visage de la serpentarde :

- Chère Clarisse, tu ne manques pas d'imagination ! J'adhère ! Et j'ai d'ailleurs une nouvelle idée pour ton histoire de baiser…


Syd finit par poser son livre, au comble de l'ennui. Il se demandait où sa sœur et Clarisse pouvaient bien en être dans leur projet d'SOS fantôme. Elles avaient l'air de bien s'amuser… Il trouvait Morgane plus posée, plus sereine, et Clarisse affirmait peu à peu sa personnalité. Il ressentit comme une pointe d'envie.

Il rechercha la compagnie de sa cousine : il se sentait très seul depuis quelques jours. C'était venu après la sortie du trio à Pré-au-lard et continuait quelque peu. Le calme était revenu à Poudlard, comme si rien ne s'était passé, il était le seul à avoir l'esprit toujours fulminant et toujours en guerre. Mais en guerre contre quoi ? Il était las. En plus, il avait remarqué que des élèves pouffer dans son dos depuis le coup de poing de Clarisse. On marmonnait souvent le mot « carton » dans son sillage sans qu'il ne comprenne de quoi il en retournait…

Il retrouvera la petite Lachésis affairé en bibliothèque. Il lui demanda ce qu'elle faisait :

- Je recherche des recettes de gâteau au chocolat, dit-elle distraitement. Morgane a de grands… -elle baissa sa voix- projets cette nuit.

Un sourcil perplexe se souleva sur le visage de Syd.

- Oui, continua l'enfant, c'est la Saint-Valentin, on va s'infiltrer dans les cuisines pour préparer quelques mets à base de chocolat et les offrir à ceux qu'on aime.

- Vous allez vous faire prendre…

- Non, j'ai eu une vision. Il y aura un problème ceci dit, mais aucune victime…Enfin, je n'étais pas censé en parler… N'interviens pas, tu changerais ma vision…

Syd ne préféra pas creuser la question.

- Tu as vu Morgane d'ailleurs ?

- Ben, je l'ai vue avec Clarisse, immobiles toutes deux les bras en l'air, puis elles sont parties vers Pré-au-lard.

- On ne peut y aller que le week-end…

- Non, pas si tu exerces une activité extra-scolaire, Morgane fait du piano. Clarisse l'a accompagnée.

- Elles ont l'air de bien s'entendre…

Il se leva et laisser sa cousine vaquer à ses occupations.


Clarisse et Morgane, le duo improbable mais qui fonctionnait à merveilles. Cette nuit-là, Syd se cala en salle commune, caché derrière un fauteuil, pour poursuivre son livre et surveiller : il vit bien sa sœur et Lachésis, accompagnées de l'affreux Sevy junior, traverser la pièce en catimini avant de sortir tout aussi discrètement.

Il soupira : avec l'aide du nimbus et le don de la petite fille, elles ne risquaient rien. Il avouait cependant être titillé par cette histoire de « problème » qui ne ferait aucune victime. Il tâcha de se coucher mais ne trouva pas le sommeil. N'y tenant plus, il décida d'aller jeter un coup d'œil… Lachésis l'avait averti, mais il ferait attention, personne ne le verrait.

C'est pour cela qu'il revêtit sa forme d'animagus. Il arpenta les couloirs, souple, habile, se fondant dans les ombres. Il se dirigera vers les cuisines. Une odeur suspecte avertit ses sens de félin : du feu ! Il se précipita vers la porte et reprit forme humaine avant d'ouvrir. Un déluge de flammes l'aveugla, et le reste fut silence.

Le lendemain, Syd était de retour à la case infirmerie. Allongé sur le ventre, il présentait un visage des plus fermés et des plus austères. Sa tête était au pied du lit afin de pouvoir regarder ses visiteuses. Un drap le recouvrait mais flottait au niveau du fessier afin de ne pas toucher sa peau à vif mais de la dissimuler quand même aux regards. Devant lui, Lachésis, Morgane et Clarisse semblaient très mal à l'aise.

Elles avaient mis le feu aux cuisines en préparant leur chocolat. Un sinistre muffin aux vertus amoureuses était à l'origine du phénomène : des flammes magiques en avaient échappé, se répandant à une vitesse folle. En ouvrant la porte, le serpentard avait créé un appel d'air et s'il avait esquivé une boule de feu de justesse, point n'était le cas de son séant : la déflagration avait rebondi sur un mur pour revenir sur lui par derrière.

- L'infirmière a dit que la peau de tes fesses allait repousser avec ses onguents… dit doucement Morgane.

Pas de réponse.

Il s'était évanoui à cause de la douleur. Clarisse et Morgane avaient triomphé du feu à coup de « pluvium incantatem ! », avaient effacé les traces de leur passage puis avaient traîné Syd jusqu'à l'enclos des scrouts à pétard. Une idée de Lachésis… Il fallait faire passer ses brûlures pour un accident. Leur stratagème avait marché, bien que Hagrid avait tiqué : quelle idée de vider leurs glandes anales en pleine nuit !

Les trois filles se sentaient quand même quelque peu coupables… Mais le serpentard s'était muré dans un silence étrange et déroutant.

- Je suis désolée, fit Lachésis dans un petit murmure, si je ne t'avais rien dit… tu n'aurais… pardon…

Pour essayer de le dérider, Clarisse posa une petite boîte devant lui.

- Tiens, des chocolats, pour toi, de la part de nous trois…

Mollement, la main de Syd plongea dans la boîte, en retira un élément et le fourra dans sa bouche. Ce qu'il avait vécu ces derniers jours étaient plus que son orgueil ne pouvait en supporter. Il ne parlait plus du tout depuis l'accident, l'œil torve, la bouche plissée.

Les trois amies décidèrent de prendre congés, mais elles croisèrent Madurei et Rogue sur le seuil de l'infirmerie.

- Aouch ! fit Morgane quand la porte se fut refermée. C'est la série noire… Il n'est pas sorti du sable !

- Il faut qu'on écoute ! lança Clarisse, un tantinet fébrile.

- C'est risqué ! répliqua Lachésis.

Elles s'éloignèrent à l'autre bout du couloir. Clarisse sortit sa baguette :

- Tu me fais confiance, Morgane ?

- Plus qu'à tout autre ! répondit la jeune fille.

- Alors soit ! Membrum dispersum !

Sans douleur, l'oreille droite de la serpentarde se sépara de la tête où elle était fixée et tomba à terre. Là, deux petites pattes lui poussèrent et les oreilles trottèrent jusqu'à la porte de l'infirmerie. Elles glissèrent sous la porte et coururent se cacher sous le lit de Syd.

- Je peux faire la même chose avec ton œil si tu veux aussi l'image, commenta Clarisse.

- Mmmh, apprécia Morgane, on se contentera de l'oreille aujourd'hui. (Pas sûre qu'il passe sous la porte en fait…)

Alors la fille Rogue écouta attentivement, faisant des commentaires de temps à autre pour ses deux comparses qui l'observaient sans mot dire.

On n'entendait pas de réponse de la part de Syd pour le moment. Les voix de Madurei et Rogue prenaient le relais pour le mettre plus bas que terre.

- Tu t'es donc trouvé une passion pour la vie au grand air après celle pour le bain des filles ? s'enquit Madurei d'une voix de velours.

- Visiblement, vu ton manque de répartie, tu as été touché directement au cerveau, gronda Rogue.

Morgane agita sa petite main d'un air de dire « oh la la la ! » mais d'un coup, Syd se fit entendre. Mais trop bas pour qu'elle puisse distinguer ses paroles.

- Ecoute, Syd, ne nous prends pas pour des idiots ! l'interrompit Madurei. Après ton arrivée tardive à Poudlard, ta petite sortie avec un miroir et ton escapade de cette nuit, cela fait beaucoup… Essaies-tu de rentrer en contact avec quelqu'un à l'extérieur de l'école ?

- Ces gens louches que tu as croisés durant ta fugue à Noël par exemple… acheva Rogue.

Morgane arbora un rictus perplexe :

- Mes parents sont partis sur une fausse piste…

- On devrait peut-être se dénoncer pour sauver ton frère, proposa la serdaigle.

- Non, gardons ce joker pour plus ta… aaaaaaaarrrd !

Morgane se crispa et poussa des gémissements terribles :

- On me pince l'oreille !

- Un sort de dispersion des membres ? constata Rogue.

La serpentarde courut vers l'infirmerie et ouvrit la porte en trombe pour voir son père en train de triturer sa pauvre petite oreille :

- Arrête papa !

- Morgane, lança sa mère, tu n'as pas encore vu pareil sort en classe !

Clarisse parut derrière Morgane.

- J'aurais dû m'en douter, lâcha Rogue d'un sourire mauvais. 20 points en moins pour Serdaigle.

- Severus ! soupira son épouse en levant les yeux au ciel.

Le directeur de serpentard lâcha l'oreille rougie par ses manipulations et celle-ci courut jusqu'au bras de Morgane pour s'y réfugier avec l'air malheureux d'un chihuahua maltraité. Les filles déguerpirent sans demander leur reste.


Après le départ de sa sœur et de ses acolytes, Syd avait vu son calvaire abréger par l'arrivée inopinée de l'infirmière. Ses parents le laissèrent à son triste sort. Plus tard, dans la soirée, il avait suffisamment récupéré pour rejoindre les cachots. Il s'efforçait de marcher normalement, nul n'était au courant de sa mésaventure à part son cercle, il n'avait pas envie de paraître suspect.

Il se retrouvait dans une situation fortement désagréable : certes, il avait envie de creuser dans les zones d'ombre du passé de son père, mais il n'avait pas recroisé la fille ni l'homme qui l'accompagnait. La première avait été désignée comme fille d'un Mangemort, le second comme un Mangemort lui-même. Mais rien n'était moins sûr. Syd avait gardé un souvenir étrange de leur rencontre : ils avaient seulement joué avec lui.

Allongé sur son lit, il soupira : il était revenu à Poudlard dans l'idée d'en faire voir des vertes et des pas mûres à son paternel, mais à quoi bon ? Il avait juste envie de quitter ces murs et de prendre l'air. La vie insouciante que menaient Morgane et ses amies lui faisaient envie en même temps qu'il en ressentait une sorte de répulsion. « Bande d'idiotes… » songea-t-il.

Clarisse, surtout, l'agaçait.

Il en était là de ses réflexions quand il entendit un petit bruit. Il se trouvait seul dans la pièce, ses compagnons de chambrés devant dîner. Il s'était tant goinfré de chocolats qu'il avait sauté le repas du soir (il ne souhaitait pas en outre croiser ses parents…) Un petit sifflement, donc… Il se leva : le miroir qui trônait dans un angle de la pièce crépitait. Syd fronça les sourcils : son père avait pourtant fait bloquer tous les miroirs du château… se pourrait-il…

Une boîte jaillit de la surface lisse et tomba à ses pieds puis les bruits cessèrent tout à fait. Syd s'en saisit avec prudence et l'ouvrit : des chocolats, accompagnés d'un mot :

Avec affection et dévotion, L. N.

L. N…. Larendutia Nenza ? Ou Normon ? L… quelque chose Normon ?

Il y avait une inscription derrière la carte : une adresse de Pré-au-Lard et une date avec une heure précise… le samedi qui suivait à 16H00. Un rendez-vous ?

Il serra les dents, il avait bien l'intention d'aller à la rencontre de ces deux-là, ils avaient un compte à régler. Mais toute sortie lui était proscrite ad vitam aeternam… Et vu les récents évènements, tromper la vigilance de ses parents ne serait pas une mince affaire. Il eut alors une idée.

Le lendemain, dans l'après-midi, il choppa Clarisse et Morgane, en compagnie de Lachésis (mais il avait toute confiance en sa discrétion naturelle) à la bibliothèque. Elles pensèrent d'abord qu'il allait leur faire des reproches mais il présentait un visage qu'il n'offrait pas souvent : la tête de celui qui a un service à demander.

S'étant assuré qu'ils étaient seuls, il attrapa Clarisse par les épaules et s'exprima ainsi :

- Clarisse, je n'en peux plus de rester enfermé tous les jours entre ces murs ! Il me faut sortir d'ici, ne serait-ce que quelques heures, et je ne peux le demander qu'à toi…

La serdaigle, qui avait légèrement rougi, s'éloigna d'un pas afin qu'il la lâche. Mais elle ne coupa pas la conversation pour autant et l'encouragea à continuer. Morgane les observait avec des yeux ronds, imaginant déjà sa meilleure amie en qualité de belle-sœur.

- J'aimerais m'aérer un peu samedi prochain… Je pensais échanger nos places avec du polynectar, je pourrais ainsi faire un petit tour à Pré-au-lard pendant que… pendant que tu…

- Pendant que je m'ennuie enfermée à l'école ?

- Voilà. Tu acceptes ?

Elle se mit à rire, ce qui crispa Syd. Il faillit tourner les talons mais elle le retint :

- Attends, attends… Tu réalises ce que tu demandes ou pas ? ça ne me dérange pas de passer mon samedi après-midi à la bibliothèque, j'ai mes BUSES à réviser mais du polynectar… J'aurais ton apparence, tu aurais la mienne.

A ce stade, Morgane avait déjà choisi les prénoms de ses neveux et nièces.

- C'est très intime… conclut-elle.

Les joues du serpentard se parèrent d'une légère teinte rosâtre.

- Comme je te l'ai dit… c'est pour ça que je ne peux demander qu'à toi. Echanger avec ma sœur serait bizarre… Et comme je n'ai pas d'am… enfin bref ! Veux-tu m'aider oui ou non ?

- Mais Syd, intervint Morgane, tu songes que si elle a envie d'aller aux toilettes pendant ce laps de temps, elle verra ta bistouquette ?

Le jeune homme se prit la tête entre les mains, au supplice.

- Morgane, ne sois pas si puérile, on s'en moque !

Mais Clarisse se racla la gorge : son visage, cette fois, semblait on ne peut plus sérieux :

- Tu me jures, Rogue (Syd frémit : qu'elle l'appelle par son nom de famille était mauvais signe), que tu n'as pas l'intention, une fois pourvu de mon apparence, de faire des trucs bizarres et que la morale réprouve ?!

- Bien sûr que non ! De toute façon, tu aurais aussi mon apparence en otage…

La serdaigle sembla dubitative.

- Si cela peut te décider, continua Syd, je veux bien t'aider pour ton histoire de baiser avec Mimi Geignarde.

- Oh, ça, c'est déjà réglé, fit négligemment Clarisse.

Syd sentit comme une petite pointe désagréable au milieu de son thorax.

- Mon prof de piano a accepté de nous aider… déclara Morgane en joignant ses deux mains d'un air enchanté. Bon, il est plus âgé que nous, hein… Mais quel baiser de cinéma !

- Je t'ai demandé de ne pas m'en parler ! râla Clarisse. Heureusement, quand Mimi a pris possession de mon corps, je suis tombée dans un trou noir… Je ne me souviens de rien.

- Tu exagères ! Il est beau garçon mon prof de piano…

Le Serpentard parut quelque peu blasé et voyant son air, Clarisse s'empressa de dire :

- Tu sais, Syd, je peux te rendre service par amitié et non pas par intérêt… Si tu me promets de ne rien faire d'étrange, ça ne me coûte rien…

Enfin… le jeune homme se trouva soulagé de la tournure de la conversation. Clarisse Black était décidément d'une crédulité à toute épreuve.

- Très bien, c'est entendu… Je m'occupe de la potion…

Il se détourna d'elles pour la seconde fois mais…

- Pas si vite…

Clarisse arborait une mine suspicieuse. De même que Morgane qui entraîna la conversation sur un sujet plus délicat :

- Les parents pensent que tu cherches à fréquenter des gens louches, non ? C'est quand même bizarre que ton envie d'évasion intervienne juste à ce moment-là…

- Tu cherches à fuir Poudlard ? demanda Clarisse. Qui nous dit que tu ne vas pas fuguer à nouveau ?

- Nous aurions cela sur la conscience, renchérit sa sœur.

Syd tenta de dissimuler la colère qui pointait en lui : elles n'étaient pas aussi sottes qu'il l'avait cru.

- Non, vous avez tout faux, je veux juste sortir d'ici ! J'étouffe depuis qu'on m'interdit de mettre le nez dehors !

- Qui sont ces gens louches, d'ailleurs ? demanda Clarisse.

- Cela ne vous regarde pas, et ce n'est pas le sujet de notre discussion de toute façon.

Lachésis, qui lisait tranquillement, leva finalement la tête pour intervenir :

- J'ai le sentiment pourtant que tu devrais nous parler d'eux…

- Une vision ? s'enquit Syd de mauvaise humeur.

- Non, une intuition… Comme quoi si tu nous parlais d'eux, eh bien ça rendrait service à tout le monde…

- Ecoute, Lachésis, si tu n'as rien de concret comme information, on se passera de tes conseils ! lâcha le serpentard, cinglant.

Il n'avait aucune envie de mêler sa sœur et son amie plus en avant dans ses problèmes. Il leur jouait déjà un sale tour avec sa demande. Il devait les tenir à distance le plus possible compte tenu des circonstances. Il serait souhaitable que, ayant l'apparence de Clarisse, il se rende seul à Pré-Au-Lard, mais il se doutait bien que Morgane le suivrait. Il faudra lui fausser compagnie pour ne pas la mettre en danger…

- Je vous promets qu'il n'y a rien de sournois dans ma demande, je veux juste boire une bierraubeurre dans un endroit où je ne risque pas de croiser ni mon père, ni ma mère, ni ma folle de tante…

- Dans ce cas, proposa Clarisse, ça ne te dérangerait pas qu'on fasse ça plutôt dimanche. Samedi, ça ne nous arrange pas.

Le serpentard risqua de s'étouffer sur place : il avait pris la mine affreuse de son père quand il apprend une mauvaise nouvelle (genre : Sirius Black s'est évadé, Potter a ressuscité…).

- Mais il faut que ce soit samedi, hein ? dit doucement Clarisse, et un fin sourire joua sur ses lèvres.

Les yeux du jeune homme s'étaient plissés en deux fentes meurtrières. Il fit tout son possible pour garder un timbre de voix aimable, presque neutre.

- Dimanche, tous les commerces de Pré-au-Lard ne sont pas ouverts. Ce serait un peu dommage.

- Syd Rogue et sa passion du shopping, la paire inséparable, approuva ironiquement Clarisse.

Il y eut un silence très lourd que Morgane rompit avec un petit rire amusé :

- Va, mon frère, ta demande est entendue… Elle sera exaucée : samedi après-midi, tu feras ton tour à Pré-au-Lard.

- Par contre, intervint Lachésis, je vous conseille de garder des habits de rechange avec vous… au cas où l'effet du polynectar cesse brutalement. Je dis ça, j'dis rien…


- On est bien d'accord que ton frère nous ment ? s'enquit Clarisse.

Finalement, c'était Morgane et elle qui se chargeaient du polynectar. Elles s'étaient cachées dans les toilettes de Mimi Geignarde qui, depuis son baiser, vouaient une affection sans borne aux deux donzelles. La jeune serpentarde possédait une réserve secrète d'ingrédient qu'elle avait dérobée au fur et à mesure dans le local de son père.

- Oui, oui… Mais bon, Lachésis n'a pas de vrais mauvais pressentiments, rien de mortel en tout cas… Moi j'trouve que ça vaut le coup de voir ce qu'il trame. Et puis, c'est excitant toute cette aventure !

- Toi, tu vas t'amuser… mais moi je vais rester cloîtrer à la bibliothèque…

La serdaigle remuait paisiblement la potion qui mijotait :

- Non, franchement, je me fais du souci… s'il vous arrive quelque chose… On devrait en parler à tes parents.

Morgane fit non de la tête :

- Ne cédons pas si vite… Essayons de nous débrouiller sans eux.

- Franchement, si ça ne tenait qu'à moi, on intervertirait des ingrédients de la potion pour que ton frère échange sa place avec toi et comme ça je pourrais le surveiller…

- J'veux pas voir sa bistouqu…

- C'est bon, on a compris…

Clarisse poussa un soupir presqu'exaspéré en jetant quelques peaux de serpent dans le chaudron. C'est à ce moment-là que la petite Lachésis fit irruption.

- Vous avez bientôt fini ?

- Oui, oui, répondit la serdaigle. Dis donc, puisque tu es là… Tu es sûre que ça va bien se passer ?

La petite serpentarde se caressa le menton, méditative, puis elle acquiesça doucement :

- Je n'ai pas eu de vision très nette mais j'ai vu l'essentiel… disons que dans l'état actuel des choses, Morgane et Syd à Pré-au-lard, l'issue sera heureuse…

- Seulement mon frère et moi ? s'enquit Morgane, ses sourcils se fronçant.

- Oui, c'est pour ça que je ne viendrai pas, affirma Lachésis. Et toi non plus, Clarisse, tu ne dois pas y aller. Tu ne fais pas partie de l'image que j'ai visualisée. Si tu t'y rends, tout changera…

- Il va donc se passer réellement quelque chose, conclut la serdaigle.

Elle avait beaucoup de mal à accorder du crédit au don de voyance de la fille de Néréis, elle ne l'avait jamais vue en action.

- Tu ne vas pas changer d'avis ?! s'exclama Morgane en prenant la main de son amie. On peut faire confiance à ma cousine, tu sais !

- Okay… lâcha Clarisse on ne peut plus dubitative.

Une fois la potion prête, Morgane la garda précieusement dans une fiole le temps de retrouver son frère. Ils convinrent de se retrouver le samedi matin à l'abri des regards indiscrets dans un cachot oublié des sous-sols. Le week-end arriva bien vite.

Pour éviter tout problème, Clarisse avait prévu un jean et un pull suffisamment large pour que Syd y rentre en cas d'arrêt des effets de la potion. En effet, inutile que le serpentard se retrouve à errer en jupette à l'extérieur de Poudlard. Quant à elle, elle avait prévu dans un sac sa tenue de serdaigle pour se changer vite fait où elle le pourrait.

- Je ne t'ai pas souvent vue en pantalon, remarqua Syd, d'un air de dire qu'il risquait d'attirer l'attention.

- Les filles ne sont pas obligées de porter des jupes sans arrêt… Mais si tu préfères avoir les jambes à l'air.

- Non, non, je serais plus à l'aise avec ce que tu me proposes…

Clarisse revêtit les habits de serpentard, Syd s'habilla avec les habits qu'elle lui avait fournis. Chacun prit une fiole de polynectar et s'apprêta à boire.

- Une seconde, dit la serdaigle.

Syd serra les dents :

- Quoi encore ?

La jeune fille l'observait, sérieuse :

- Tu me jures que tu ne nous caches rien.

Mais quelle gourdasse ! Elle commençait sincèrement à l'exaspérer.

- Non, Clarisse, mentit-il avec beaucoup d'aplomb, je ne vous dissimule rien !

- Très bien, de toute façon, songe que si tu nous trompes, c'est ta sœur que tu mets en péril. Tu en as bien conscience de ça ?

A côté de Clarisse, Morgane contrefaisait les mimiques d'un chat kawaï. Syd eut un léger frisson, puis il but la potion avec un rictus. La serdaigle aussi.


Cela faisait une demi-heure que Clarisse, avec l'apparence du serpentard, s'était installée à la bibliothèque. Elle révisait quelques leçons en prenant soin de dissimuler la couverture des livres qu'elle parcourait : Syd avait un an de plus qu'elle, ce genre de détail pouvait mettre à mal sa couverture. Il était à peine 14 heures. Morgane et son frère étaient partis sans se hâter, comme elles l'auraient fait toutes deux.

La serdaigle avait un peu de mal à se concentrer, elle espérait ne pas avoir commis d'erreur en acceptant d'aider Syd Rogue, malgré les prédictions de Lachésis…

« La petite nous a certifiés que tout irait bien… Je n'ai qu'à ne pas m'en mêler… C'est quand même assez frustrant… » Frustrant, oui… Qu'est-ce que Morgane allait découvrir ? Arriverait-elle à percer le secret de son frère ? Elle sourit : ces mystères étaient amusants. Mais encore fallait-il que rien de sombre ne se cache derrière.

Elle prenait des notes, armée d'un feutre à la main, quand d'un coup, une silhouette noire et imposante lui fit de l'ombre. Elle sursauta et releva la tête vers le sinistre individu qui la surplombait :

- Syd, dit Rogue d'une voix aussi froide que veloutée. Il faut qu'on parle. Lâche tes livres et suis-moi…

Et Clarisse songea avec épouvante qu'elle venait de tomber dans un incommensurable merdier.