Pré-scriptum : Toutes les bizarreries sont conscientes, et un mot n'existe pas, mais si quelqu'un comprend la dernière phrase… ? o.O Ce texte est étrange. Il y a longtemps que je l'avais écrit…

Inspiration : Your fingers closed my eye lids and opened my heart.

Fruits Basket volume 14, chapitre 82

Fièvre

Kyo/Tohru

Quelle est cette chose à laquelle tu tiens tant ?

« Honda-san ? tu es toute rouge. Tu as de la fièvre ? »

« Ah oui ? C'est certainement parce que j'ai plein de choses dans la tête. »

En réalité il n'y avait rien, rien de clair… Les mots étaient toujours venus, spontanément, brillant d'une douce lumière. Mais là aucune réponse. Les pensées s'étaient brusquement reculées au fin fond de l'âme, si loin qu'il ne suffisait plus de tendre le bras pour les saisir, ce petit effort ne suffisait plus. La réponse était bien là, quelque part, mais les pensées s'étaient tues, avaient déserté l'esprit, le laissant dans un silence étrange, où plane l'ombre d'un murmure, qui n'ose pas révéler son secret. C'étaient comme des connaissances d'autrefois, qui tout à coup s'éloignaient en jetant des regards masqués par-dessus l'épaule, vers le moi laissé seul avec un point d'interrogation.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? Plein de choses ? »

Que s'était-il passé à ce moment-là ? Qu'est-ce qui a fait fuir les mots ? La question ?

Non. Une image. Ils ont eu peur. D'un regard noir, comme les chaînes, d'ombre, qui nous retiennent dans le coin, sombre, au fond de cette pièce où les murs sont si hauts, le plafond si bas sur notre tête, le ciel si loin, inaccessible.

Ils seront enfermés. Il sera enfermé, jusqu'à la fin de ses jours. Ce sont les ténèbres qui l'attendent, si proches. Et un sourire, terrifiant. C'est lui qui a dérobé tous les sons de la vie dans les esprits, injecté le vide.

Non, ce n'est pas ça… ? Pas uniquement ? Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi cette réponse s'est échappée elle aussi ? Dans le conscience, il n'y a plus rien.

« Ah non, rien… »

Vraiment rien ?

Une petite fille troublée cherche désespérément autour d'elle. Elle sait que les pensées sont là. Celles-ci sont comme les enfants qui croient devenir invisibles en se cachant les yeux avec les mains. Ils pressent leurs paumes de toutes leurs forces, retenant leur souffle, pour se dissimuler aux yeux de tous. Seulement, les enfants ne disparaissent pas, les pensées si.

La petite fille les sent toutes proches d'elle, mais l'impression fait un bond dans le lointain dès qu'elle s'en approche trop. C'est bien trop difficile. Des paroles de secours sortent inconsciemment, pendant qu'elle cherche encore.

« …Mais comme j'ai pas beaucoup de tiroirs dans ma tête, ils sont tout de suite pleins et… »

POF

Une main se plaqua sur le front de Tohru, doucement, coupa les mots inutiles qui se bousculaient vers l'extérieur. À nouveau le silence s'étendit à l'intérieur, les formes qui se tortionnaient se fondirent les unes dans les autres, avec les autres. Ce n'était pas le même silence. C'était un calme.

« C'est pas la « fièvre de la sagesse » par hasard ? »

La voix gentille vint se glisser discrètement dans l'esprit immobile. Elle contenait un petit sourire, pas un rictus. Elle titillait pour déguiser son inquiétude, ses sentiments…

Du contact naquit la fièvre. Tiède, elle visita le front, les oreilles, les joues, avant de descendre réchauffer l'être entier. En passant elle fit sursauter le cœur. Elle se nicha au centre et déploya ses volutes vaporeuses jusqu'aux limites de la peau.

Les bruits étaient suspendus entre deux eaux.

« Si jamais tu as toujours de la fièvre en te réveillant… »

Se réveiller ? Quand ? Elle était endormie ? Si c'était un rêve,… elle aurait aimé ne pas se réveiller.

La fièvre ne se contenta pas d'engourdir une seule personne, peut-être portait elle trop de chaleur pour un seul corps. Elle dispersa des picotements brûlants dans la main qui avait commis l'erreur de se tendre. Les picotements se hâtèrent d'aller chatouiller la nuque du chat, le poussant en avant.

Sa main glissa. Un peu, plus bas. Le souffle effleura ses doigts, les doigts effleurèrent les lèvres. Ils avaient glissé, un faux pas ; par réflexe ils voulurent se raccrocher. Ils voulurent s'accrocher aux lèvres, celles qu'ils n'avaient pas le droit de toucher, cette sensation fine et fragile à laquelle il n'aurait jamais droit. Le bout des doigts se retira, en une caresse involontaire mais souvent rêvée, emportant des mots non prononcés, laissant à une inspiration une saveur sucrée, un peu amère, trop éphémère.

« …Tu nous le dit sans attendre ! »

Il avait ravalé le sourire, qui s'était coincé dans sa gorge. Lui aussi avait la tête vide. Les pensées s'étaient tues, surprises de la fièvre qui s'était partagée. Puis elles se taisaient, attendant un moment avant d'éclater en reproches.

Il n'aurait pas dû. Quelque chose le brûlait de plus en plus fort, une chaleur étouffante. Colère ou … ? Il ne le savait pas. Le chaud agita des bruits désagréables et fit tourbillonner les couleurs, à tel point qu'elles virèrent au marron, gris, noir. Il se prit à regretter l'instant si fugitif durant lequel tout avait été calme, baigné dans une clarté pâle et harmonieuse. Savoir que ce n'était plus qu'un souvenir flou le faisait souffrir.

Il passa son pouce contre le bout de ses autres doigts, espérant secrètement retrouver une sensation, frôlant d'abord, appuyant de plus en plus fort. Il ne faisait que l'effriter. Il serra violemment le poing, brisant un lien qui ne devait pas exister.

Pourquoi

Tohru leva la main devant le bas de son visage, ne percevant du monde que le pourpre qui teintait ses joues, et l'air si froid autour de son corps fiévreux. Elle inspira le goût de sa peau, différent…

Je n'ai rien trouvé à dire ?

Il y a quelque temps encore, j'aurais pu répondre facilement.

Mais quelque chose lui avait dérobé ses mots…

cette chose à laquelle tu tiens tant ?

Tohru se leva de son cauchemar et ouvrit la porte. Le couloir était sombre, très sombre, que des ombres. Elle était seule, derrière cette porte, dans cette partie de son monde où elle ne parvenait pas à sourire. Clac

J'espère qu'elle trouvera quelqu'un qui pourra ouvrir tendrement sa porte…

Kyo arrêta sa main avant la poignée. C'était ridicule. Il lui avait semblé entendre un cri, mais semblé… Il secoua la tête afin de chasser des idées absurdes, qui le feraient souffrir. Il fit volte-face et se recoucha.

L'amour comble les vides avec des gouttes de tiédeur, un calme sucré. Mais quand il ne peut que désirer sans atteindre, il perce trop de trous, un silence distordant.

Magie éphémère