Chapitre 31 : Hermione toujours première

Il n'y avait rien à ajouter. Ron quitta la pièce sans un mot. Harry et Hermione fixèrent la porte que Ron venait de franchir, complètement décontenancés. Quelques secondes plus tard, Hermione tourna la tête vers Harry, le regard incertain. Incapable de dire quoi que ce soit, elle préféra sortir à son tour. Harry ne chercha pas à la retenir. Il s'assit par terre et prit sa tête entre ses mains, réfléchissant à ce qui venait de se passer.

Il fut impossible cependant d'ignorer ce qui venait de se passer. Ron leur en voulait plus que tout en ce jour.

- Salut, dit une voix interloquée.

Ginny se tenait devant lui, sourcils froncés. Il ne l'avait même pas entendu entrer.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Harry d'un ton un peu brusque en voyant son air sceptique.

- Tu dois descendre. Maman et papa veulent vous parler, à toi Ron et Hermione.

- J'arrive.

Ginny et Harry descendirent à la cuisine où Molly et Arthur et les attendaient.

- Assieds-toi Harry, dit Arthur en tirant une chaise vers lui. Ginny… cette conversation ne te concerne pas.

- Mais papa je…

- Tu sors d'ici jeune fille ! gronda M. Weasley.

Molly lança un regard anxieux vers Ginny, puis l'accompagna. Une minute plus tard, Ron et Hermione firent leur apparition, l'air braqué. Sans plus attendre, Arthur les somma de s'installer autour de la table.

- Bien. Je ne sais pas ce qui vous arrive à tous les trois depuis quelque temps mais vous avez tout intérêt à CALMER VOS NERFS ! Vous vous êtes comportés de manière irresponsable et dangereuse en allant à l'encontre des Mangemorts ! A quoi jouiez-vous ? Qu'est-ce qui vous a fait croire que pouviez aller là-bas, bravant fièrement le danger, malgré les recommandations de Dumbledore et les nôtres par la même occasion ? Bon sang, vous rendez-vous compte que le ministre de la magie est mort il y a à peine plus de deux heures ! Les Mangemorts l'ont eu, un sorcier de sa renommé et qui était beaucoup plus expérimenté que vous trois réunis ! Il s'en est fallu de peu avant que les membres de l'Ordre ne vous trouvent ! Et toi, Ron ! Tu aurais dû recevoir le sort dont Remus t'a protégé ! OUI JE SUIS AU COURANT RON ! Une chance pour toi qu'il ait été là ! Maintenant il se trouve à Sainte Mangouste, en train de lutter pour survivre ! Quant à toi, Harry… personne ne t'as jamais demandé autant… tu n'es pas obligé d'aller te battre pour nous faire comprendre que tu es prêt à LE défier !

- Monsieur Weasley, mon parrain est mort, je n'ai plus mes parents, par SA faute ! Comment pouvez-vous imaginer que je reste sagement sans rien dire, alors qu'IL ne désire qu'une chose, c'est de me voir mort ! Vous connaissez la prophétie… vous savez ce que je dois faire ! Osez me dire le contraire.

Harry regretta aussitôt les derniers mots qu'il avait prononcé mais à son grand étonnement, M. Weasley ne semblait pas offensé. Il se pencha sur Harry, un bras sur son épaule.

- Préserve-toi au lieu de t'enfoncer dans la haine pour satisfaire ton désir de revanche.

- Et prends du bon temps pour trahir ton meilleur ami… murmura Ron d'une voix suffisamment audible pour que Harry puisse l'entendre.

- Je suis désolé mais je ne peux pas ignorer ce qui se passe… poursuivit Harry, ignorant la remarque de Ron. Après tous ceux qu'IL a tués, après tout ce que j'endure à cause de LUI… je vis avec ça au quotidien. Tout ce que je veux, c'est en finir.

- Tu entends ce que je te dis ? Laisse-toi souffler de temps en temps, l'Ordre est là pour l'action ! répliqua M. Weasley d'un ton ferme.

Harry se leva de sa chaise et tourna le dos à tout le monde.

- M. Weasley, intervint Hermione, où sont Dumbledore, les professeurs et les membres de l'Ordre ? Sont-ils encore à Poudlard ?

- Oui certainement, enfin, nous n'avons pas encore eu de nouvelles, répondit-il avec gêne.

Soudain Molly entra dans la cuisine en poussant des petits cris excités.

- ARTHUR ! Arthur… Alastor vient d'arriver, il, il… haletait-elle avec difficulté. Lupin… à Sainte-Mangouste… Tonks l'accompagne et… pff, Dumbledore, tout le monde… ils arrivent… les Mangemorts sont partis mais Poudlard est dans un piteux état… Dumbledore dit que ce n'est pas bien grave mais…

- Calme-toi Molly. Vous trois, dit M. Weasley en les désignant un par un, vous montez et vous attendez qu'on vous appelle pour redescendre. On avisera quand nous aurons davantage d'informations.

Harry, Ron et Hermione s'exécutèrent. Ils croisèrent Maugrey Fol-Œil qui les gratifia d'un rire moqueur « Rebelles, hein ? » avant de s'enfermer de nouveau dans la cuisine avec Arthur et Molly.

Ron devança les deux autres et s'enferma dans la pièce la plus proche. Ginny, qui attendait non loin de là, s'empressa d'embarquer Hermione avec elle dès qu'elle la vit, probablement pour qu'elle lui raconte le contenu de la conversation, mais à sa surprise, Hermione refusa de la suivre et se précipita dans l'escalier.

- Qu'est-ce qu'il lui prend ? dit Ginny en se tournant vers Harry. Et Ron s'est encore enfermé. Ils se sont disputés, je présume ?

- On peut dire ça, répondit-il d'un air maussade.

- Vivement de les voir ensemble !

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Fais l'innocent… tu as très bien compris, lança Ginny d'un air enjoué. Je vais aller voir Ron, j'espère qu'il me laissera entrer.

Harry ne savait que faire. Il n'arrivait plus à réfléchir normalement, se sentant complètement perdu et se demandant pourquoi le soleil s'était levé au matin. Tout allait mal aujourd'hui. Il se sentait perdu. Ses yeux se tournèrent vers l'escalier.

Hermione s'était réfugiée jusqu'au bout du couloir du deuxième étage de la maison, face à une grande fenêtre. Harry, qui se trouvait à quelques pas d'elle, se demandait s'il devait la rejoindre ou non mais ses jambes lui donnèrent immédiatement la réponse. A mesure qu'il s'approchait un sentiment de mélancolie s'empara de lui. Hermione avait les bras croisés, la tête baissé, et semblait tout aussi perturbée.

- Hermione ? Est-ce que je peux rester avec toi ?

- Bien sûr, dit-elle d'une petite voix, le regard toujours fixé sur la fenêtre.

- A quoi penses-tu ?

- A tout et à rien en particulier.

Harry posa ses mains sur ses épaules. L'un et l'autre restèrent silencieux. Harry ne sut combien de secondes s'étaient écoulées avant qu'il ne l'entoure complètement de ses bras. La serrant contre lui, il avait le sentiment de la protéger et cela l'aidait à reprendre son calme. Lorsqu'elle posa sa main sur la sienne, à son épaule, tous deux profitèrent de cet instant offert pour s'échapper de la triste réalité. Harry regardait à travers la fenêtre, le regard au loin, tandis qu'Hermione avait fermé les yeux. Harry rompit le silence.

- Je voudrais te demander quelque chose.

- Oui ?

- Qu'est-ce que tu as vu dans la sphère de Malefoy ? Quelle était cette faille en toi ?

- Tu tiens vraiment à parler de cela ? soupira Hermione qui n'avait aucune envie de ressasser leur expérience.

- Si ce n'était pas aussi important je ne te le demanderai pas.

Hermione sembla hésiter.

- Tu peux commencer, toi ?

- Si tu veux… je vous ai vu, toi et Ron, succomber aux sortilèges impardonnables. Jusqu'à ce que Dumbledore nous renvoie ici, j'ai cru que c'était réel, je vous voyais, par terre, devant moi, en train de… d'agoniser. Mais quand Ron et moi nous sommes disputés, j'ai compris que ça n'avait pas pu se passer réellement. Cependant c'était horrible. Vous êtes les deux êtres auxquels je tiens le plus au monde.

- Oui c'est assez étrange comme expérience… bien sûr que ce n'était pas vraiment réel. J'ai plutôt l'impression que cette sphère nous renvoie à nos peurs les plus secrètes, et que selon la personne elle se caractérise d'une certaine manière. Bien entendu, tout cela est de la magie noire. On contrôle ton esprit qui matérialise tes craintes.

- Un peu comme un Détraqueur, souligna Harry.

- Oui, sauf que là tu ne fais pas face à ta peur, tu es plongé dans un monde qui masque ta réalité en la bafouant.

- Pourtant, ce que Ron a vu existait vraiment.

- Je pense que c'était également le cas pour moi.

- Alors crois-tu que ce que j'ai vu était l'avenir ? Un avenir que je refuse de voir se réaliser ?

- Je n'en connais pas suffisamment sur le sujet pour t'éclairer Harry.

- Dire que je vous perdais, pour toujours… murmura-t-il.

Hermione prit sa main.

- On va bien Harry… et je suis sûre que très vite les choses vont se calmer.

Elle parlait de Ron, bien sûr.

- En ce qui me concerne… tout se rapportait à toi, à chaque fois. Quand j'ai été confronté aux Détraqueurs auparavant, c'était toi que je voyais, c'était ta peine que je ressentais. Harry je dois te dire… je sais que ça va te paraître invraisemblable pourtant c'est la vérité. Je me sens un peu coupable parce que, dans la sphère, j'ai vu des choses que je n'aurais jamais dû voir. J'ai vu tes parents, et même Sirius.

- Mes parents ?

- Je crois sincèrement, en y réfléchissant, qu'on a eu cette fois encore, cette sorte de connexion. J'ai vu tes pensées. Enfin, tes souvenirs les plus lointains, tu sais, ceux qu'on a en bas âge et qu'on oublie en grandissant. Je suis sûre que ce à quoi j'ai été confronté était vrai, c'était un souvenir… palpable en quelque sorte. Quand je t'ai vu dans ton berceau, si petit… cela est venu instinctivement. Voyant qu'Harry faisait une drôle de tête, Hermione s'empressa de lui demander : Est-ce que ça te gêne que je parle de tes parents ?

- Non, ça m'intrigue au contraire.

- Ta mère était tellement belle Harry… et ton père, tu lui ressembles tant, dit Hermione avec une grande émotion dans la voix. Et voilà que c'est moi qui refait cette comparaison qu'on te répète depuis toujours ! Tes parents t'adoraient Harry reprit-elle après un court instant de silence.

Harry sourit avant de se souvenir l'état dans lequel il avait retrouvé Hermione dans le château.

- Quand je t'ai trouvée, au sol, tu tenais la sphère fermement contre toi, pourquoi ?

- C'était toi que je tenais.

Hermione lui raconta les scènes dans lesquelles elle fut plongée à cause du maléfice de la sphère. Elle fut à nouveau sous le choc en repensant au corps de Lily étendu sur le sol. Harry aussi était secoué par ce qu'elle lui racontait. Il aurait tellement aimé se souvenir de ses moments passés en famille, aussi bref furent-ils. Heureusement qu'il pouvait compter sur Hermione et madame Weasley pour combler ce terrible manque affectif. Car il fallait bien se l'avouer, Harry était peut-être un jeune homme mature, il avait besoin de l'attention de ses proches. L'image de Ron apparut presque immédiatement dans son esprit. Il fallait absolument qu'il leur pardonne…

- Je mentirais si je prétendais ne pas te jalouser un peu d'avoir eu droit à ces instants.

- Je donnerai n'importe quoi pour ne pas les avoir vu… j'ai l'impression d'être une voyeuriste !

- Ne te tracasse pas avec ça, c'est passé maintenant.

- C'est difficile. Il y a tant de choses qui brûlent en moi…

Hermione regarda alors Harry d'une façon différente. Elle planta son regard dans le sien, s'apprêtant à faire de signifiantes révélations. Elle se sentait prête pour cela, il ne fallait plus attendre ni perdre du temps. Car, malheureusement, le temps était compté à présent que Voldemort était revenu à la vie et avait plus que tout soif de vengeance.

- Ma pire crainte, c'est ta vie. Qu'elle ne change jamais. Qu'elle soit toujours ponctuée de malheurs.

- Hermione ma vie est comme cela, tu n'y peux rien.

- Evidemment que je n'y peux rien ! Mais Harry… je refuse qu'elle soit ainsi.

- Tu comprends pourquoi j'ai toujours mis toute mon énergie à ton service, Harry ? Je veux que tu vives… parce que je t'aime !

Harry était comme sonné, il lui sembla que le temps venait de s'arrêter, il ne saisissait plus rien sinon la force jaillissante qui venait d'éclater en lui. C'était la première fois. Hermione, en plein émoi et les yeux brillants de larmes, essayait d'interpréter l'expression de son visage.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ? souffla-t-il.

Hermione se jeta passionnément dans ses bras.

- Que je t'aime… Harry je t'aime !

Ce n'était pas la première fois qu'il entendait ces mots, c'était la première fois qu'on lui adressait directement… Il n'avait jamais entendu de tels propos à son égard… et Hermione fut la première. Défiant ses propres parents, Dumbledore et même Molly Weasley, Hermione osa prononcer les mots magiques avec une sincérité renversante. Ce qui le toucha encore plus fut que finalement ce soit elle. C'est alors que diverses images d'elle et lui se apparurent dans son esprit, retraçant les cinq dernières années passées en sa compagnie. Il sut alors qu'elle l'avait toujours aimé. Après tout, elle avait toujours été la meilleure mais, en cet instant, elle atteint son apogée.