École de sorcellerie Poudlard, Grande Salle, dimanche 30 octobre 1994, 20h
Derek observait silencieusement la Grande Salle. Les élèves des écoles étrangères venaient d'arriver, et il les avait regardés un à un. Viktor Krum avait vraiment un air renfrogné, pire que sur les photos, affiches et magazines qu'il avait vus jusque-là. Peut-être était-ce parce qu'il faisait toujours froid dans son pays ?
Les Françaises avaient mis les garçons dans tous leurs états. Surtout la grande blonde, entourée de ses amies qui babillaient sans cesse. Les sourcils froncés, Derek se disait qu'elle ne devait pas être à cent pour cent sorcière, ce n'était pas possible d'expliquer autrement les réactions de ses congénères. Ses yeux glissèrent à la table des professeurs et se posèrent quelques instants sur la directrice française et celui de Durmstrang. Ils détonaient au milieu des autres : l'une beaucoup plus grande que ce qu'il aurait pu imaginer (était-elle de la même famille que Hagrid ?!) et l'autre l'air tellement… froid, distant. Il lui rappelait les Serpentards.
Derek fut interrompu dans sa réflexion par une main qui tirait sur sa manche. Depuis un moment apparemment, Terry essayait de capter son attention. Il haussa un sourcil pour inciter son ami à parler.
- Tu as des nouvelles de Rose ?
Le grand blond considéra son ami, le temps de choisir ses mots.
- Pas vraiment. Elle sera probablement bientôt de retour.
- Oh… Quel dommage, elle a raté l'arrivée des autres élèves ! s'exclama Padma en louchant sur Krum.
- Oui, c'est vraiment bête, renchérit Michael en soupirant d'extase, les yeux fixés sur la Française qui semblait l'avoir hypnotisé… sans jamais l'avoir regardé.
- L'essentiel, c'est qu'elle soit là rapidement, conclut Anthony d'une voix calme. Qu'elle ne manque pas tous les cours du premier semestre.
- Oui, répondit Derek distraitement, l'esprit toujours ailleurs.
Il patouillait dans son assiette, absent.
Où était-elle, en effet ?
Malade depuis quatre mois. C'était tout ce qu'il savait, l'unique information que sa famille avait bien voulu lui donner. Il ne savait pas si elle allait mieux, si elle était chez elle, à l'hôpital, ni même dans le même pays que lui… Après avoir reçu un mot écrit à la hâte, notifiant qu'elle était malade, ne pourrait pas donner de nouvelles pendant quelque temps et qu'il ne fallait ébruiter cette information, il n'avait plus reçu aucun courrier. Toutes ses lettres envoyées étaient restées sans réponse. L'angoisse le rongeait et il songeait de plus en plus à contacter le directeur de l'école. Il n'allait pas laisser une de ses élèves s'évanouir dans la nature sans rien faire, par Merlin !
Ami le plus proche et le plus ancien de Rose, c'était vers Derek que les autres se tournaient, régulièrement pour lui demander des nouvelles. Malheureusement, la réponse était toujours la même : pas de nouvelles.
Derek jeta un regard à ses camarades Serdaigle. Mandy et Padma ne cessaient d'observer la table des Serpentards où étaient assis Krum et les autres. Lisa levait les yeux au ciel dès qu'elles gloussaient, et réprimait un sourire moqueur à chaque fois que Michael ratait sa bouche avec sa fourchette, trop concentré sur les étudiantes de Beauxbâtons – enfin, une en particulier. Anthony jetait des coups d'œil à Lisa, peut-être anxieux de la voir glousser en regardant les nouveaux venus aussi. Il discutait avec Terry des cours de Défense Contre les Forces du Mal, plutôt mouvementés. Derek participait à peine, trop enfermé dans son inquiétude. Il adorait ses amis, ils passaient la plupart de leur temps ensemble, mais sans Rose… il lui manquait une pièce essentielle du puzzle. Sa vivacité manquait à la dynamique du groupe – peut-être moins sa rancune tenace, pensa Derek en esquissant un sourire.
Lorsque le repas fut terminé, et que Dumbledore leur eut présenté le Tournois des Trois Sorciers, les étudiants furent invités à rejoindre leurs dortoirs. Derek et Anthony firent un salut aux Poufsouffles qu'ils connaissaient, puis les sept Serdaigles retrouvèrent rapidement leur aile ouest et leur salle commune décorée de bleu. Elle avait toujours le même effet sur Derek : il se sentait plus apaisé, plus chez lui. Les quatre garçons laissèrent les filles en bas de l'escalier et s'engouffrèrent dans leur dortoir.
- Michael, râlait gentiment Anthony, cette Fleur est beaucoup trop vieille pour toi ! Elle n'a même pas vu que nous existions !
- Oui, redescends sur terre, renchérit Terry.
Michael n'avait pas l'air de se rendre compte qu'on lui parlait. Il était plongé dans son monde, des cœurs plein les yeux – c'est du moins ce que Derek imagina.
- Manque plus que le filet de bave, lança-t-il d'un air amusé.
- Pauvre Michael, va falloir qu'il prenne une douche froide pour se remettre, continua Anthony avec un sourire malicieux.
Leur future victime ne se doutait de rien, l'esprit trop ailleurs.
- J'crois qu'elle l'a envouté, murmura Terry.
- Alors… on va l'exorciser !
Michael ne sembla même pas se réveiller une fois agrippé par ses camarades, et marmonna simplement :
- Mais qu'est-ce que vous faites…
- On va t'aider à mieux dormir !
Anthony le tenait par les bras, Derek par les jambes, et Terry courut ouvrir la porte de la salle de bains. En moins de deux, il était dans la douche, fermement maintenu, tandis que Terry ouvrait l'arrivée d'eau froide sur la tête de Michael. Il finit par pousser un cri de stupeur, et se dégageant d'un bond, il coupa aussi sec l'eau.
Son regard allait de l'un à l'autre de ses amis, hébété.
- Exorcisme réussi ! se réjouit Derek.
- Michael est redescendu parmi nous !
- Une petite déclaration ? demanda Terry façon journaliste.
- Mais… qu'est-ce qui s'est passé ?
Il conservait un air plutôt… stupide sur le visage.
- Pourquoi je suis mouillé ? On n'était pas dans la Grande Salle ?
Les trois autres s'entreregardèrent, intrigués.
- Ben, Michael… ça fait un moment qu'on l'a quittée !
- Et comme tu ne nous écoutais pas, on t'a aidé à te réveiller !
- Je ne m'en souviens pas…
- Elle t'en a fait un drôle d'effet cette fille !
- Cette fille ? Fleur ?
- Oui, opina Derek. Depuis que tu l'as vue, tu as changé de planète.
- Vous croyez qu'elle l'a vraiment envoûté ? interrogea Terry.
- Je ne sais pas, répondit Anthony en haussant les épaules tandis que Derek tendait une serviette à Michael.
Ce dernier secoua la tête, puis déclara d'une voix pâteuse :
- C'est vrai que quand je l'ai aperçue, j'ai eu l'impression d'être littéralement attiré vers elle. Comme s'il n'y avait plus personne d'autre autour de moi.
- Ce n'est pas un coup de foudre ça, c'est un enchantement, souffla Terry.
- Elle ne doit pas être entièrement sorcière, c'est ce que je me suis dit quand je l'ai vue, annonça Derek d'un ton docte.
- En tout cas, conclut Anthony, il va falloir qu'on surveille Michael !
Tout en discutant, ils étaient revenus vers leurs lits, presque prêts à se coucher.
- Vous ne trouvez pas que le directeur de Durmstrang fait froid dans le dos ? demande subitement Terry.
- Si j'ai bien laissé trainer mes oreilles, il me semble avoir entendu « Mangemort » quand on parlait de lui…
Ils regardèrent Anthony d'un air étonné.
- Tu crois vraiment ?
- Pourquoi pas après tout ? On ne sait jamais ce qui se cache sous la manche d'un sorcier.
Après quelques hochements de tête convaincus, ils se couchèrent sans plus dire un mot. Les bras derrière la tête, Derek pensait à Rose, à son lit vide. Demain, il essaierait à nouveau de lui écrire.
Une semaine plus tard, il n'avait toujours pas de nouvelles. Les autres commençaient à s'inquiéter, et ils multipliaient leurs questions à Derek.
- Tu crois qu'elle a changé d'école ? demanda Mandy pour la millième fois.
- Je ne pense pas, répondit-il avec lassitude.
- Elle nous aime trop pour nous abandonner, affirma Terry.
- Si tu le dis…
Michael semblait apparemment moins convaincu.
- Ça m'étonnerait fortement qu'elle disparaisse définitivement sans donner des explications à Derek, lança Anthony.
- Pourtant, elle ne m'en a pas donné.
- Oh, regardez ! interrompit Mandy.
Ils étaient devant leur salle de cours à attendre le professeur, et ce que Mandy montrait du doigt était un attroupement de filles, se dirigeant droit sur eux.
- Vous croyez… qu'elles sont dangereuses ? demanda Terry d'un air faussement effrayé.
- Pas de danger pour nous, déclara Anthony. Regardez qui elles suivent.
- Bah tu m'étonnes, grinça Michael en apercevant Krum à son tour. Une star de Quidditch à l'école, quelle idée.
- Il faut avouer qu'il est plutôt bien fichu, apprécia Derek, joueur de Quidditch également.
Terry lui lança un regard étrange.
- Mais bon, il n'a vraiment pas l'air aimable, ajouta soudainement le blond.
- Tous les joueurs de Quidditch sont bien bâtis de toute façon, c'est logique.
- Ça c'est sûr, approuva Michael en roulant des mécaniques.
- Crétin prétentieux, siffla Mandy tout en souriant.
Derek et Terry se lancèrent un regard de connivence : il n'y avait que Michael pour ne pas voir que Mandy était amoureuse de lui. Batteur dans l'équipe de Quidditch, il avait un certain succès auprès des filles et était trop occupé à papillonner à droite et à gauche. Ce qui n'était pas une raison d'après Anthony, puisque Derek était Poursuiveur et bien moins séducteur. Les deux joueurs étaient d'ailleurs un peu déçus que le championnat de Quidditch n'ait pas lieu à cause du Tournoi des Trois Sorciers.
Leur cours commença enfin : Sortilèges avec le professeur Flitwick. Une matière dans laquelle Rose excellait, nota Derek, toujours plus déprimé. Ce cours était en commun avec les Gryffondors.
- Bonjour Hermione, salua-t-il en s'asseyant.
- Oh bonjour Derek ! Je ne t'avais pas vu.
Hermione Granger, avec qui Derek étudiait les Runes, lui adressa un sourire aimable. Potter lui fit un signe amical de la tête, avant de froncer les sourcils :
- Rose n'est pas là ?
- Non, elle est euh… absente.
- Mais elle n'est pas là depuis la rentrée ? demanda Hermione d'un air affolé.
Potter haussa les épaules d'un air indifférent.
- Tant qu'elle revient pour assister au Tournoi ! dit-il avec enthousiasme.
Avec un sourire entendu, ils se tournèrent vers le tableau où leur professeur inscrivait le sujet du jour.
Encore une fois, les pensées de Derek se tournèrent vers Rose. C'était grâce à elle qu'ils discutaient, de temps à autre, avec le célèbre Harry Potter et ses amis. Ils s'étaient rentrés dedans un jour au détour d'un couloir, et s'étaient aperçus qu'ils avaient un point commun évident : la couleur de leurs yeux. Du même vert éclatant, même si Derek persistait à dire que celui de son amie étaient un tantinet plus sombre. Potter avait également reconnu Derek comme un de ses adversaires au Quidditch, et ils discutaient régulièrement de leur sport favori.
Le Serdaigle fut tiré de ses réflexions lorsque Flitwick fit l'appel.
- Miss Wayne ? Miss Wayne n'est toujours pas là ?
- Non, professeur, répondit-il comme tous les jours depuis la rentrée.
Son esprit divagua et il cessa d'écouter. Rose et lui avaient traversé tellement de choses depuis leur enfance que son absence lui paraissait contre-nature.
Lisa lui lança un regard inquiet : le cours était terminé et le grand blond n'avait pas bougé de sa chaise. Ce fut Terry qui réagit en lui attrapant le bras.
- Hé Derek… c'est terminé. Encore dans les nuages ? Viens, on a Botanique, il faut qu'on traverse le parc. On va être en retard.
Tout en parlant, Terry avait rassemblé ses affaires, les avait fourrées dans son sac et lui tendait sa cape.
Soudain éveillé par son regard interrogatif, Derek se leva en lui adressant un sourire forcé.
- Derek, qu'est-ce qui se passe ? demanda brusquement Terry alors qu'ils longeaient un couloir désert.
L'intéressé soupira sans répondre.
- C'est Rose c'est ça ?
- Oui, lâcha-t-il d'un air morne.
- Tu sais pourquoi elle est absente n'est-ce pas ? Mais je suis prêt à parier que tu n'as pas de nouvelles depuis un moment.
Derek haussa un sourcil, Terry opina du chef.
- Gagné, c'est ça ? Depuis quand tu n'as pas eu de nouvelles ?
Son ami s'arrêta brutalement, et se tourna vers lui avec agacement.
- Mais qu'est-ce que ça peut te faire ?
Le vent froid siffla et rabattit son écharpe sur son visage, faisant voler en éclat toute crédibilité. Terry sourit avec douceur, remit l'écharpe en place d'un geste habile et reprit leur marche.
- Tu es si inquiet. Tu ne suis pas en cours, tu ne participes pas à nos conversations – pourtant passionnantes –, tu es absent, enfermé dans le monde que Rose et toi avez construit. Sauf que Rose n'est pas là, alors tu erres, seul. Tu es différent, maussade, triste et toujours fatigué. Je sais que tu ne dors pas bien la nuit, tu tournes en rond pendant des heures.
Un sourire triste passa sur son visage.
- Alors voilà ce que ça me fait Derek, que Rose ait disparu : je m'inquiète. Pour elle bien sûr, mais surtout pour toi. Ton comportement a changé, tu es malheureux. Et je n'aime pas quand tu es comme ça.
Derek ne sut pas quoi répondre, alors il dit simplement :
- Merci.
- De quoi ?
- De me dire ça. Tu es le premier à le faire, alors merci. Oui, Rose a disparu depuis quatre mois. Je n'ai eu aucunes nouvelles, à part une lettre au début de l'été pour me dire qu'elle était malade et qu'il valait mieux que je n'en parle pas. Mes lettres restent sans réponse.
- Tu as essayé de contacter ses parents ?
- Oui, mais son père voyage en permanence, et j'imagine que c'est lui qui a ordonné de ne pas me répondre.
- Et sa mère ?
Derek fit une grimace équivoque et Terry n'insista pas. Ils étaient arrivés à la serre numéro 7, et la professeure Chourave leur lança un regard énervé.
- Boot et Dent ! Vous avez plus de dix minutes de retard. J'enlève vingt points à Serdaigle. Allez vous installer, et en vitesse, siffla-t-elle.
Ils s'exécutèrent en grimaçant. Derek rejoignit Lisa qui haussa un sourcil interrogateur.
- J'ai raconté à Terry pour Rose, expliqua-t-il simplement.
Elle hocha la tête, apparemment ravie. Lisa était la seule avec qui Derek avait partagé ses informations sur l'absence de Rose. Les deux filles étaient très proches et Derek s'était senti coupable de ne pas lui en parler.
- Et Dumbledore, tu as pensé à parler à Dumbledore ? s'exclama Terry en se retournant vers ses amis.
- Oui, mais…
- Dent ! Boot ! ça fait deux fois ! Maintenant c'est la retenue ! Vous viendrez me voir à la fin du cours.
Devant l'air dépité des garçons, Lisa leur adressa un grand sourire, apparemment satisfaite. Décontenancé, Derek fronça les sourcils avant de hausser les épaules. Impossible de comprendre pourquoi son amie semblait se réjouir de leur retenue.
Le cours se terminant, Derek traîna des pieds jusqu'au bureau de la professeure Chourave, faisant une grimace à Terry.
- Jeunes hommes, en présence de nos invités, je ne tolèrerai aucun écart. Jeudi soir prochain, vous irez dans le bureau de Monsieur Rusard à 20h. Il vous donnera vos retenues. Que ça vous serve de leçon.
La perspective de passer la soirée avec le concierge de l'école n'avait rien de réjouissant. Ils sortirent en soupirant.
- Alors ? demanda Lisa.
- Jeudi soir, 20h, chez Rusard, résuma Terry.
- Ça ne sera pas long, les rassura leur amie.
- Tant qu'il ne nous envoie pas dans la Forêt Interdite…
- Je n'espère pas non plus. Alors, pour Dumbledore finalement ?
- J'en ai parlé d'abord à Flitwick, mais il m'a dit de ne pas m'inquiéter, que Dumbledore était au courant. Il m'a même conseillé de ne pas m'en faire, en disant que Rose reviendrait tôt ou tard.
- S'ils disent ça, alors fais-leur confiance, assura Terry d'une voix apaisante. Combien tu paries que Dumbledore sait où elle est, et qu'elle va bien ?
Ses paroles rassurèrent presque Derek. Le sourire confiant de Lisa ajouta du poids à la déclaration de leur ami.
- Bon. Alors je vais essayer d'y croire aussi.
- Tu as l'air tellement convaincu !
Lisa se mit à rire légèrement, suivie de Terry. Leur calme et leur assurance eurent le don de détendre Derek, au moins pour quelques heures.
Jeudi 10 novembre, 19h55
- Terry ! Dépêche-toi ! On est en retard !
Essoufflés, les deux Serdaigles galopaient dans les couloirs sans s'arrêter. Ils dérapèrent devant le bureau de Rusard, s'arrêtèrent enfin, le souffle court.
Courbé en deux, Terry haletait, tandis que Derek essuyait son front du revers de la main.
Une fois remis, ils se redressèrent et frappèrent à la porte du concierge. Elle s'ouvrit à la volée, Rusard sortit tout en lâchant un acide :
- Suivez-moi.
Pas les cachots, pensa Terry désespérément.
Pas la Forêt Interdite, supplia Derek.
Mais le concierge les amenait droit à Salle des Trophées.
- À l'huile de coude, sans magie et en silence. Je reviendrai quand vous aurez terminé.
Sans un mot de plus, il les laissa là, avec un seau de chiffons et deux flacons de Nettoie-Tout magique de la Mère Grattesec. Les deux Serdaigles se regardèrent d'un air étonné : la sentence n'était pas terrible que ça.
- Bon ben…
- Il n'y a plus qu'à…
Ils se mirent au travail, en papotant de tout et de rien. Une heure passa ainsi, dans un nuage d'odeur âcre du produit ménager.
- Derek ?
- Mmh… ?
- C'est vrai que tu trouves Krum bien foutu ?
Surpris, Derek leva les yeux de la Coupe qu'il nettoyait.
- Oui, il l'est… comme tous les autres joueurs de Quidditch pro, même s'il est bien plus jeune que je croyais. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Oh, pour rien…
Un silence gêné s'installa entre eux. Quelques instants plus tard, Derek lança :
- Tu sais, ce n'est pas parce qu'il est musclé qu'il me plairait forcément… c'était plutôt une constatation en tant que joueur, et une explication à l'engouement qu'il suscite.
Terry marmonna dans son coin.
- Quoi ?
- J'ai dit, tu n'es pas obligé de te justifier.
- Mais je ne…
Il s'interrompit, pensant que c'était exactement ce qu'il était en train de faire. Perturbé, il ne dit plus rien.
Après trois heures de nettoyage, Rusard refit son apparition et les libéra enfin. En chemin vers leur dortoir, Derek ronchonna :
- J'ai l'impression d'avoir pris un bain de nettoyant magique…
- Moi aussi. Une douche et au lit !
- Oui…
En montant un escalier, Terry glissa sur une marche et tenta de se rattraper à ce qui lui tombait sous la main : le bras de Derek. Mais ses doigts glissèrent, et cela déstabilisa Derek. Le blond chancela avant de se rattraper à la rambarde, passant rapidement son bras autour de la taille de Terry pour stopper sa chute, car il avait malgré tout dégringolé quelques marches d'un coup.
Une fois immobiles, les garçons se retrouvèrent nez à nez, hébétés.
- Wow…
- Merci.
- De rien.
En reprenant leur route, Terry poussa un cri de douleur.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je crois que je me suis tordu la cheville, grimaça Terry. Ça fait mal.
- Appuie-toi sur moi, proposa aussitôt Derek.
Le soutenant à nouveau par la taille, le Serdaigle clopina avec son camarade jusqu'en haut des marches. Le blond sentait le cœur de Terry battre contre lui. Il ferma les yeux un instant.
- Derek ? ça va ? Je suis trop lourd ? demanda le blessé d'un ton naïf.
- Non, non, ça va, assura-t-il d'un large sourire.
Il dominait son ami d'une tête. Ils atteignirent enfin leur salle commune, montèrent dans leur dortoir. Arrivés à bon port, Derek mena Terry jusqu'à la salle de bain.
- Merci Derek.
Un blanc.
- Tu peux me lâcher, je ne vais pas tomber, ajouta doucement le brun.
Mais Derek semblait hypnotisé.
- Derek ?
Enfin, il réagit.
- Je heu… tu… ta main… enfin, c'est… ce n'est…
- Pas très cohérent ? proposa Terry, un sourire en coin.
- Si, enfin non, mais… tu as ta main sur la mienne, enfin, mais voilà, je ne peux pas te lâcher, débita le Poursuiveur en un souffle.
- Oh… euh, désolé, s'excusa-t-il en retirant précipitamment sa main.
- Ce… n'est pas grave du tout, conclut Derek en fuyant son regard.
Ils se sourirent maladroitement, et Derek sortit de la salle d'eau pour aller s'écrouler sur son lit, le cœur battant. Immobile un instant, il retrouva un souffle régulier. Puis, éreinté de fatigue et d'un trop-plein d'émotions, il s'endormit sans crier gare.
Terry sortit de la douche et appela doucement son ami.
- Derek, tu peux y aller, j'ai fini. Derek ?
Il retrouva le Poursuiveur endormi, un sourire bienheureux sur les lèvres. Se prenant à sourire à son tour, le brun se dirigea vers son lit, où il sombra, un air béat sur le visage.
Sortie à Pré-au-Lard, samedi 12 novembre 1994
- On doit aller chez Gaichiffon, annoncèrent Mandy et Lisa dès leur arrivée dans le village.
Après la promesse de se retrouver aux Trois Balais à seize heures, les filles se fondirent dans la foule d'élèves excités qui se promenaient de magasin en magasin dans le froid mordant de novembre. Anthony partit en direction de la librairie, comme à son habitude, Padma avait rejoint sa sœur, et Michael se dirigeait vers Megan Jones, avec qui il avait rendez-vous – au grand désespoir de Mandy.
Terry et Derek se retrouvèrent donc seuls, pour la première fois depuis leur retenue. De toute évidence, le grand blond était plus doué sur le terrain de Quidditch qu'en conversation : il ne savait pas quoi dire. Il avait trop peur de réveiller le malaise de jeudi soir. Heureusement pour lui, Terry était bien plus doué en relations humaines.
- On va chez Honeydukes ? Je voudrais voir leurs nouveautés. Après, on pourra faire un tour chez Zonko si tu veux.
Reconnaissant, le Poursuiveur acquiesça et le duo se mit en route. Par chance la boutique n'était pas loin, et Derek n'eut pas d'efforts de communication à faire.
Le petit local était bondé d'élèves de Poudlard et il était difficile de s'y frayer un chemin. Terry s'arrêta un instant devant les Souris Glacées, grimaça devant le prix et regarda l'étagère suivante. Toute une rangée de Dragées Surprises de Bertie Crochue lui tendait les bras. Il prit un paquet et se retourna pour demander à Derek s'il en voulait.
- Tu es fou ? Je ne mange pas ça, moi.
- Je ne suis pas fou, je suis courageux. J'aurais pu être à Gryffondor rien que pour ça ! affirma-t-il d'un air sérieux.
Derek leva les yeux au ciel et manœuvra entre les élèves pour atteindre les Chocogrenouilles, bien plus comestibles d'après lui.
- Tu en prends… pour tout le dortoir… ? demanda Terry, hésitant.
- Non, non, juste pour moi, répondit-il nonchalamment.
Ils naviguèrent dans la boutique avec difficulté, prenant au passage ce dont ils avaient envie, faisant main basse sur les diverses sortes de chocolat qui s'étalaient devant leurs yeux, puis firent enfin la queue pour payer.
- À ce rythme-là on ne pourra jamais aller chez Zonko, bougonna le plus grand. Il me faut des Bombabouses et des Savons Sauteurs, et puis je veux voir les nouveaux arrivages.
- T'as fini de râler ? le taquina Terry. Tu crois que c'est quoi, la première épreuve du Tournoi ?
- Je ne sais pas… mais j'ai entendu une rumeur comme quoi les participants n'auront droit qu'à leur baguette. Je me demande comment Potter va s'en sortir, vu qu'il a nettement moins d'expérience que les autres.
- Tu as remarqué, depuis qu'il a été élu par la Coupe ? Tout le monde l'évite.
- J'ai entendu Ernie l'autre jour : ils ont l'air convaincu que Potter a trafiqué la Coupe pour y mettre son nom… mais ça me parait impossible, Dumbledore l'a dit au banquet…
- Je suis d'accord. Tu sais quoi, j'ai même l'impression que ses amis l'évitent… sauf Granger. Ça fait un moment qu'on n'a pas vu Weasley assis avec eux pendant le cours de Sortilèges. Tu crois qu'ils se sont fâchés à cause de ça ?
- Ah, toi aussi tu as remarqué ? C'est étrange non ? On était tous persuadé que c'était son meilleur ami.
- Ça me ferait bizarre que mes meilleurs amis me tournent le dos s'il m'arrivait un truc pareil, conclut Terry d'une voix triste.
Derek ouvrit la bouche pour le rassurer et amorça un geste pour lui presser l'épaule. Mais c'était à leur tour de régler leurs achats alors il se contenta de lui faire un sourire réconfortant.
Après un passage chez Zonko, qui s'avéra décevant pour Derek qui n'y trouva pas tout ce qu'il voulait pour cause de rupture de stock, les deux garçons se dirigèrent vers les Trois Balais.
Mandy et Lisa étaient déjà à une table, discutant gaiement, plusieurs paquets disposés à leurs pieds.
- Mais vous avez fait des folies ! s'exclama Terry en prenant une chaise.
- Tout à fait, lança Lisa d'un ton joyeux.
- Vous aussi, ajouta Mandy en désignant les sacs de friandises qu'ils portaient.
- Terry a pris des Dragées Surprises ! Il est fou, conclut Derek.
- Il n'en démord pas depuis tout à l'heure. Vous avez acheté quoi ? demanda Terry avec curiosité.
- Moi, une nouvelle paire de chaussures, et un gros pull pour l'hiver, fit Mandy.
- J'ai acheté le même pull, enchaîna Lisa, mais en bleu. Un nouveau jean…
- Qui lui fait un très joli derrière ! coupa malicieusement la blonde.
Lisa rougit légèrement pendant que Terry riait. Peu intéressé, Derek ne disait rien, se contentant de boire sa Bièraubeurre.
- Et de nouveaux gants, acheva la rousse. Puis…
Elle lança un regard à Mandy, guettant son approbation.
- On a acheté un troisième pull. Pour Rose.
- Il est vert, précisa son amie. Pour quand elle reviendra.
- Oh, vous serez assorties ! se ravit Terry en souriant. Ça va être marrant. Hein Derek ?
Le concerné avait redressé la tête quand il avait entendu parler de Rose. Il regarda les deux filles d'un air sérieux.
- Quand elle reviendra, oui. C'est une bonne idée.
- Une bonne idée de quoi ? demanda Anthony qui venait juste de faire son entrée.
- D'avoir acheté trois pulls identiques pour que les filles soient assorties, résuma Terry. Tu es chargé dis donc.
- Tu comptes faire un feu de joie ? interrogea Derek en haussant un sourcil.
- Non, répondit le lecteur en souriant. J'ai trouvé des romans que je cherchais, et un livre sur le Tournoi des Trois Sorciers.
- Mais tu ne l'avais pas emprunté à la bibliothèque celui-là ? le coupa Lisa.
- Si, mais j'en voulais un exemplaire pour pouvoir l'annoter sans me faire assommer par Madame Pince. Oh, et j'ai trouvé ça pour toi, Lisa.
Il farfouilla dans le sac quelques instants.
- Tiens.
Il tendait un livre épais avec une belle couverture de cuir rouge sombre à la jeune fille, intitulé « Encyclopédie des Créatures Magiques – Édition revue et augmentée ».
- Oh ! ça alors ! Mais comment tu…
- Je t'ai entendue en parler avec Terry à table. Je suis un peu en retard, mais c'est pour ton anniversaire, expliqua le jeune homme.
- Merci beaucoup ! Je suis si surprise que tu t'en sois souvenu ! Merci, répéta la Serdaigle, étonnée et ravie.
- Mais je t'en prie, marmonna Anthony à moitié rouge.
Mandy regardait fixement ses ongles, Derek avait perdu son air morose et Terry regardait tour à tour Lisa et Anthony en souriant, évitant prudemment Mandy pour ne pas éclater de rire.
Anthony se leva brusquement et déclara qu'il allait chercher d'autres Bièraubeurres. Lisa, toute à la joie de son cadeau, feuilletait le livre et ne remarquait pas le sourire moqueur de Mandy qui avait enfin relevé la tête.
- Pourquoi vous ne dites plus rien ? demanda Lisa innocemment.
- Oh, je ne sais pas… La couleur du visage d'Anthony quand il est parti qui nous a coupé la parole peut-être ? proposa Terry.
Lisa fronça les sourcils avant de comprendre :
- Oh mais qu'est-ce que tu t'imagines ? Enfin, je veux dire, ce n'est pas… il ne… enfin ! acheva-t-elle, troublée.
Mandy éclata de rire.
- Voyons Lisa, tu n'as rien remarqué ?
- Il fait toujours attention à toi, continua Terry.
- Il parle souvent de toi, enchaîna Derek.
- Il t'aide en cours, il ne se vexe pas quand c'est toi qui as raison, poursuivit Mandy.
- Je t'en prie ! acheva Terry.
- Vous croyez que…
- Et voilà, cinq Bièraubeurres toutes fraîches ! s'exclama Anthony qui revenait, coupant la réflexion de Lisa.
Elle le regarda étrangement.
- Quelque chose ne va pas ? lui demanda le grand brun.
- Si, si, tout va bien, affirma-t-elle en le considérant d'un œil nouveau.
Contents de ce progrès, les trois autres se jetèrent des regards complices et satisfaits.
Lisa feuilletait toujours son livre en coulant des regards vers Anthony qui buvait sa Bièraubeurre en parlant Quidditch avec Derek. Terry discutait avec Mandy du prochain cours de Potions, que la jeune fille redoutait.
- Tu ne devrais pas autant t'en faire pour Rogue. D'accord, il fait peur, mais il n'a pas le droit de te manger.
- Je sais bien, se défendit-elle avec un sourire. Mais il me stresse tellement que je perds tous mes moyens… déjà que j'ai quelques difficultés…
Lisa leva le nez de son bouquin.
- Tu sais quoi ? La prochaine fois, mets-toi avec quelqu'un qui est très doué en Potions. C'est-à-dire, pas moi, acheva-t-elle en un sourire.
- Avec Derek alors, suggéra Terry.
L'intéressé leva les yeux en haussant un sourcil. Après un résumé de la part de Lisa, il accepta sans hésiter. Terry sauta aussitôt sur l'occasion.
- Alors je me mettrai avec Michael et Anthony avec Lisa. C'est bien comme ça non ?
- Impeccable ! approuva Mandy avant que Lisa ne puisse ouvrir la bouche. Merci Derek.
Lisa lança un sourire à son futur binôme.
- Il va falloir gérer mes catastrophes. Tu t'en sens capable ?
- Tout à fait, répondit posément Anthony, un sourire en coin.
Terry et Mandy étaient visiblement ravis de leur arrangement.
- Il ne vous en faut pas beaucoup, conclut Derek en se levant. On y va ? C'est bientôt l'heure.
Le petit groupe quitta le bar, les cinq amis se couvrant de leurs écharpes pour affronter le vent froid.
Finalement, Anthony n'eut pas de grosse catastrophes à gérer. En fait, c'est plutôt lui qui commit quelques maladresses, à force de loucher sur Lisa. De son côté, Derek avait été désespéré par l'ampleur des dégâts que Mandy réussissait à commettre en une heure de Potions. Il lui avait promis de l'aider à nouveau, à condition « qu'elle évite de prendre des initiatives et que jamais elle ne lui fasse quoi que ce soit à manger ».
Assez étrangement, la date de la Première Tâche du Tournoi arriva rapidement, et tout le château était sous tension. Certains s'inquiétaient d'une possible victoire bulgare ou française, tandis que d'autres s'inquiétaient surtout des risques encourus par les quatre Champions. Hermione Granger n'avait pas abandonné sa lutte pour la libération des elfes de maison – oui, même les Serdaigles en avaient entendu parler tellement la Gryffondor avait fait de tapage dans l'école.
Vendredi 25 novembre, Grande Salle de Poudlard, 19h47
Hier à la même heure, les trois écoles avaient fêté la fin de la première épreuve. Les Champions ressentaient encore la fatigue des efforts qu'ils avaient fournis, et la Grand Salle était calme ce soir-là ; beaucoup d'élèves l'avaient d'ailleurs déjà quittée. Pourtant, un événement s'apprêtait à animer la soirée d'une poignée de Serdaigles. Les lourdes portes de la Grande Salle s'ouvrirent sans bruit, et une élève s'y glissa discrètement. Le regard vers la table des Serdaigles, elle s'y dirigea d'un pas résolu.
Dès son entrée, Derek lâcha son gobelet, qui répandit son contenu sur la nappe et se fracassa au sol. Il bondit de son siège et se jeta à une vitesse surprenante sur la nouvelle arrivante, l'enfermant entre ses bras. Il était difficile de voir qui était qui tellement les deux élèves s'étreignaient.
Dans le même temps, à la table des Serpentards, un élève se redressa brusquement sur son siège, les pupilles rétrécies.
- Rose ! s'exclama une voix féminine.
Lisa sauta de son banc et se précipita pour serrer Rose dans ses bras.
- Vous m'étouffez, s'étrangla cette dernière.
- C'est pas grave, murmura Derek qui ne la lâchait plus.
- Où étais-tu ? demanda Lisa d'une voix étouffée.
- Moi qui voulais une entrée plus discrète, marmonna l'intéressée. Je vous promets que je vous raconterai tout. Mais par pitié, arrêtez de m'écraser…
Quand ils se décidèrent à la laisser respirer, Rose adressa un immense sourire à ses deux meilleurs amis.
- J'ai faim, déclara-t-elle simplement.
Les Serdaigles de quatrième année s'étaient serrés pour faire une place à leur camarade, tandis que des couverts et une assiette apparaissaient magiquement. Derek s'installa à sa gauche.
- Bonsoir, bonsoir ! lança Rose aux visages familiers.
Terry se pencha par-dessus la table pour lui serrer le bras.
- Tu es revenue !
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? questionna Anthony de sa voix calme.
- J'étais malade. Hospitalisée.
- Oh, lâcha Mandy. Mais tu avais quoi ?
- Et pourquoi on n'a pas eu de nouvelles ?
- On s'est inquiétés, tu sais !
La jeune fille balaya les reproches d'un geste de la main.
- Je vous dirais bien, mais honnêtement… ils ne savent pas vraiment ce que j'ai eu.
Face à leurs visages perplexes, elle ajouta :
- Ça n'a pas de nom quoi…
- Alors tu as eu une maladie… inconnue ? proposa Terry.
- Voilà. Ils avaient peur que ce soit contagieux, alors j'étais isolée dans une chambre spéciale et j'avais interdiction de contacter qui que ce soit.
- Drôle de truc… tu es guérie maintenant ?
- Oui. Ils m'ont gardée un mois de plus, par mesure de sécurité, mais il semblerait que j'étais rétablie fin octobre.
Elle lui fit un sourire rassurant.
- Je suis contente d'être de retour. Et surtout, de vous revoir, tous.
Lisa lui pressa la main avec affection. Derek ne l'avait pas lâchée, sa grande main posée sur la sienne.
- Alors… Racontez-moi ! je veux savoir ce que j'ai manqué !
Ce fut Anthony qui se chargea de lui faire le récit de leur rentrée, de la Coupe des Trois Sorciers, dont Rose avait entendu parler via la Gazette du Sorcier, et des événements qui étaient survenus depuis trois mois. Le reste du groupe ajoutaient les détails qu'il oubliait et Rose écoutait, fascinée, les yeux pétillants.
Les conversations reprirent leurs cours, la jeune fille participait peu et observait ses amis bavarder avec satisfaction. Derek se pencha vers elle et murmura de façon qu'elle soit la seule à entendre :
- Rose, il va falloir que tu m'expliques pour ton visage. Pour tout.
Elle lui fit un sourire mystérieux.
- Oui. Plus tard, ajouta-t-elle alors que Terry les regardait d'un air interrogateur, voulant attirer l'attention de Derek.
Rose pensait étrange que personne lui ait encore posé frontalement la question. Peut-être étaient-ils gênés ?
Elle préféra laisser couler et s'en préoccuper plus tard. Pour l'instant, elle décidé de goûter à la joie de revoir ses amis.
Une fois le repas terminé, Derek fit signe à Rose de prendre son temps. Il voulait lui parler seul à seule. Le duo resta à l'arrière, tentant de discuter.
- J'étais vraiment malade, chuchota-t-elle. Et ce n'était pas une petite maladie.
- Hé Rose ! Tu crois que tes affaires sont sur ton lit ? la coupa Mandy.
- Euh… oui, Flitwick m'a dit que mes bagages seraient dans le dortoir.
- Je te raconterai, promit-elle à Derek à voix basse.
Il opina, résolu à patienter. Enfin, les Serdaigles se scindèrent en deux, filles et garçons montèrent vers leurs dortoirs respectifs.
- Rose ? appela Lisa.
- Je vais rester un peu dans la Salle Commune. Avec Derek. Il faut qu'il me raconte tout en détail ! ajouta-t-elle avec un clin d'œil.
Lisa lui fit un sourire entendu et monta se coucher.
- C'était quoi ça ? demanda Derek en haussant un sourcil.
- Ça quoi ? répondit Rose innocemment.
- Ce clin d'œil avec Lisa ! Qu'est-ce que vous mijotez ?
- Rien du tout. Bon, tu veux savoir ou pas ?
Oubliant momentanément leurs cachotteries, il se laissa tomber sur un divan, entrainant Rose avec lui. Elle se blottit dans ses bras rassurants et plongea ses yeux dans les siens.
- Tu disais donc…
- Que j'ai dû rester tout ce temps à Sainte Mangouste. Ils ne savent pas ce que j'ai. C'est quelque chose de très violent et imprévisible.
Il lui fit une moue inquiète.
- Tu te souviens des crises de douleurs, des sortes de migraines que j'avais l'an dernier ? On pensait que c'était les Détraqueurs.
Il était suspendu à ses lèvres.
- Ils m'ont dit que c'était plutôt la maladie qui se manifestait pour la première fois. Ils pensent même que c'est la présence des Détraqueurs qui a tout déclenché. Au début de l'été, j'ai fait une crise… horrible. C'est pour ça que j'ai été emmenée à Sainte Mangouste. Et j'en ai fait… encore et encore… toujours pire. Ils ont essayé plein de sorts, de remèdes, mais rien… ça s'est calmé de soi-même en septembre.
Elle soupira doucement. Le souvenir des crises de souffrance était toujours présent.
- Mais alors, pourquoi tu n'as pas donné de nouvelles ?
- Je te l'ai dit, ils avaient peur que ce soit contagieux. Ils ne savent pas ce que c'est, et ils ne voulaient pas l'information filtre avant de comprendre, pour éviter la panique j'imagine. Enfin, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est ni contagieux ni mortel.
Derek digérait le flot d'informations.
- Tu sais, si je suis de retour, c'est grâce à mon père.
- Ah bon ?
- Oui. Il a fait tout un cirque pour que je sois rapatriée à Poudlard, mais à l'hôpital, ils m'auraient bien gardé un peu plus. Je ne m'attendais pas à ce qu'il s'implique.
- Oh… c'est grâce à ta famille. T'es pistonnée en fait, se moqua Derek.
Elle lui tira la langue d'un air enfantin.
- Et… ta cicatrice ? demanda-t-il enfin. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Rose soupira pour ce qui lui semblait être la millième fois de la soirée.
- C'était au début de l'été, pendant une crise. J'étais toujours surveillée par quelqu'un, mais un soir, je me suis retrouvée seule plusieurs heures. Ma crise a dû être particulièrement violente, et un des instruments autour du lit était en verre. Je l'ai percuté, il s'est brisé et m'a griffée au visage. Enfin, c'est l'hypothèse que les Guérisseurs ont formulée, car je n'en ai aucun souvenir.
Elle marqua une pause.
- Elle se voit beaucoup, hein ?
- Non. Pas tant que ça.
Derek leva le visage de son amie vers la lumière. La fine cicatrice, large d'un ou deux millimètres tout au plus, était presque droite. Elle débutait en haut du sourcil droit, traversait l'œil et semblait scinder la bouche en deux, pour s'arrêter au milieu du menton. Une fine ligne blanche.
- Je t'assure qu'elle est discrète. Au fait, tant que j'y pense, tu as ton emploi du temps ? enchaîna-t-il dans l'espoir de changer de sujet devant l'air peu rassuré de Rose.
- Oui, oui, Flitwick me l'a donné quand je suis arrivée. Alors, dis-moi : quoi de neuf avec Petite Feuille ?!
- Arrête de l'appeler comme ça, marmonna Derek en se tortillant.
- Mais c'est toi qui voulais lui donner un nom de code ! protesta-t-elle. C'est pas ma faute !
- Tss… Mais Petite Feuille, ça fait indien. Il est anglais, pas peau-rouge !
Elle se mit à rire devant l'air révolté de son ami.
- Tu évites ma question là, tu en es conscient ?
- Tout à fait. Cependant, je consens à dévoiler quelques détails.
Elle battit des mains comme une enfant à qui on promet une énorme glace.
- Il y a eu contact physique.
Devant l'air avide de la Serdaigle, il précisa aussitôt :
- Rien d'extraordinaire hein !
Derek résuma brièvement leur retenue dans la Salle des Trophées, insistant sur la discussion étrange qu'ils avaient eue, leur fameux contact physique à la suite de la chute de Terry dans les escaliers. Les yeux de Rose pétillaient d'excitation.
- Il est jaloux, conclut-elle, évoquant leur conversation durant la retenue.
- J'espérais que tu me dirais ça, souffla l'amoureux d'un air soulagé. Je ne voulais pas y croire.
- Pourtant c'est évident. Comme Mandy pour Michael.
- Hein ?
- Mon chou, Petite Feuille t'a badé toute la soirée ! Il buvait tes paroles, il bavait presque dans sa soupe et je suis sûre qu'il écrit ton prénom avec des petits cœurs autour partout sur ses parchemins.
- Arrête, protesta Derek en rougissant.
- C'est très drôle de voir un mec comme toi rougir, se moqua Rose. Un mètre quatre-vingts de muscles et c'est tout rouge quand on parle de Petite Feuille.
Elle riait franchement, et il n'arrivait pas à se fâcher vraiment.
- Gnagnagna. Si tu continues à m'embêter, je te parle des lettres d'amour enflammées de Dave.
- Non pitié, pas ça ! supplia la Serdaigle. Non, t'es méchant, j'y pensais presque plus !
- Bien fait. Tu sais qu'il est venu me voir plusieurs fois pour avoir de tes nouvelles ?
- Berk. Tu as dit quoi ?
- Qu'en fait tu étais là, mais que tu te cachais dès qu'il était dans les parages pour ne pas le voir.
Ils rirent à l'unisson. Derek jeta un œil à sa montre.
- Il est minuit passée. On devrait aller se coucher.
Rose opina, ils se séparèrent.
En rentrant dans son dortoir, elle se sentit chez elle. Même si quelque chose, au fond d'elle, avait définitivement changé.
Au petit-déjeuner le lendemain, Rose prit les devants et aborda le sujet de sa cicatrice, leur racontant la même histoire que la veille, ajoutant quelques détails sur ses crises de douleur, qui s'étaient calmées puis avaient disparu depuis quatre bonnes semaines.
Les quelques élèves – principalement des quatrièmes avec qui ils avaient cours – qui avaient entendu parler de son absence la regardaient avec curiosité ; mais tous, sans exception, ne pouvaient s'empêcher de la dévisager, fixant la cicatrice qui lui barrait le visage.
Il lui fut inévitable de croiser le célèbre Harry Potter, accompagné de son amie Hermione Granger, en se rendant dans la même salle de cours.
- Rose ! Bonjour, commença le survivant.
- Salut Harry. Comment vas-tu ? J'ai entendu parler de tes exploits avec le dragon. Quel dommage que j'ai raté ça !
- Tu seras là pour la deuxième épreuve ?
- Bien sûr ! En tête de file pour te soutenir !
Il sourit. Elle s'apprêtait à ajouter quelque chose quand un groupe de Serpentards les dépassa.
- Tiens, tiens, deux balafrés ensemble ! Quel joli couple ! lança l'un d'eux, pendant que tous ses amis s'esclaffaient bruyamment.
Harry eut un mouvement vers sa baguette.
- Laisse-les, tempéra Rose en posant sa main sur son avant-bras. Si ça les amuse… les imbéciles se divertissent comme ils le peuvent.
Il lui lança un regard étonné, puis désigna son visage et demanda sans curiosité malsaine :
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Rose expliqua une version condensée de ce qu'elle avait dit à ses amis, évoquant l'accident lors d'une soirée sans surveillance. Quand Hermione s'enquit de sa santé, elle répondit qu'elle était totalement rétablie, et surtout, pas contagieuse.
Harry lui lança un regard pensif et les élèves entrèrent enfin dans la salle de cours. Quelques filles jetèrent au passage des regards meurtriers à la Serdaigle.
- Elles sont jalouses, murmura Derek.
- Il y a des choses qui ne changent pas, apparemment. Il a toujours son fan-club et il ne s'en est toujours pas aperçu ?
- Exactement.
Ils se mirent à rire en s'installant à leurs bureaux.
Jeudi 8 décembre 1994, Salle Commune des Serdaigle
Ce soir-là, Mandy, Padma et Lisa firent une entrée fracassante dans la salle commune.
- Ils sont où ? rugit Mandy, le passage à peine franchi.
- Là-bas ! s'écria Padma en montrant un coin près du feu où leurs cinq amis étaient installés.
Elles se précipitèrent vers eux, s'attirant quelques regards amusés des autres élèves. En les voyant débarquer comme des furies, Rose releva la tête du devoir de Métamorphoses qu'elle achevait et donna un coup de coude à Terry, qui lisait son manuel d'Histoire de la Magie. Les trois garçons près du feu fixaient les trois arrivantes avec des yeux ronds.
- Qu'est-ce qui s…
- Devinez quoi ! coupa Mandy, surexcitée.
- On vient juste de le voir, il y a un monde fou en bas.
- Tout le monde ou presque est au courant ! s'exclama Padma, enthousiaste.
- Mais quoi ? les pressa Anthony.
Les filles se jetèrent un regard, puis Lisa expliqua enfin :
- En l'honneur du Tournoi des Trois Sorciers, il va y avoir…
- Un bal ! acheva Mandy, triomphante.
- Rhooo, tu as gâché mon effet de suspense !
- Oups, pardon.
- Alors, alors, vous en dites quoi ?
Rose leur lançait un regard amusé, tandis que Michael et Derek étaient partis dans un fou rire silencieux en voyant dans quel état leurs amies étaient. Anthony avait perdu tout intérêt pour leur déclaration : un bal, ça ne servait à rien pour les examens de fin d'année. Terry, lui, se montra plus enjoué que les autres et répondit avec sagesse :
- C'est bien… ça peut renforcer les liens avec les écoles étrangères. C'est une bonne idée, non ?
Lisa le regarda comme s'il était un peu lent.
- Mais on s'en fiche des écoles étrangères !
Il parut désarçonné et ne sut que dire.
- Voyons Terry, ce qui compte c'est la robe qu'on va mettre ! et les chaussures ! et le maquillage ! révéla Mandy.
- Et le cavalier, fit malicieusement Padma.
- Et de critiquer les autres ! termina Lisa avant de partir à rire avec les deux autres.
- Allez les filles, asseyez-vous, respirez un bon coup et donnez-nous les détails de ce bal, pressa Rose avec un sourire.
Elles se laissèrent tomber sur le canapé, captant enfin toute l'attention des cinq autres.
- Le bal aura lieu le 25 décembre, à partir de vingt heures. Il se termine à minuit.
- Seuls les élèves à partir de la quatrième année ont le droit d'y aller ; les plus jeunes doivent avoir un ou une cavalière de quatrième minimum s'ils veulent venir.
Lisa approuva vigoureusement.
- Tenue de soirée exigée, bien sûr. On n'est pas obligé d'avoir un cavalier, ou une cavalière. Il y aura un repas avant le début de la soirée.
- Et ce sont les Champions qui ouvriront le bal avec une première danse, compléta Anthony à la surprise générale. C'est écrit dans mon bouquin sur le Tournoi, ce bal est une tradition.
- Tu le savais ?! s'écria Mandy. Mais pourquoi tu n'as rien dit ! On n'a plus que quinze jours pour trouver une robe potable maintenant !
- Euh, ben, désolée, bredouilla le Serdaigle devant l'air à moitié furieux de la blonde. Je ne pensais pas que c'était si important…
- Tss, tss…
- Mais, sur la liste des fournitures pour cette année, il y avait bien écrit qu'il fallait une tenue de soirée non ? lança Michael. Donc pourquoi vous avez besoin d'une robe ? Vous n'en avez pas pris ?
- Si, si, mais… je ne pensais pas que c'était pour un bal… répondit Lisa.
- Moi non plus, avoua Mandy. Je ne peux pas porter ce qu'il y a dans ma valise pour un bal, acheva-t-elle sur le même ton que Lisa.
Rose ne disait rien, toujours amusée par le comportement des filles. Et légèrement inquiète aussi, car elle n'avait pas lu la liste des fournitures, et n'avait certainement pas vu de robe de soirée quand elle avait déballé ses bagages en arrivant à Poudlard.
- Il y a une sortie à Pré-au-Lard samedi non ? demanda-t-elle enfin.
- Oui.
- Alors, on ira se chercher des robes. Ça va être la ruée chez Gaichiffon, il faudra être rapide.
- Vous voulez qu'on vienne avec vous ? proposa Terry.
Michael, Anthony et Derek lui firent des gestes désespérés pour qu'il se taise, la perspective de se retrouver au milieu de la « ruée chez Gaichiffon » les ayant définitivement refroidis. Le spectacle n'avait pas échappé à Rose, qui répondit calmement :
- Si tu veux venir, ce sera avec plaisir. Mais ne te sens pas obligé. Vous non plus, ajouta-t-elle à l'adresse des trois garçons qui semblèrent soulagés.
- Alors je viendrai. Il me faut une nouvelle cape, avec un peu de chance, j'en trouverai une.
- Les Champions sont obligés d'avoir un ou une cavalière alors ? questionna Derek, voulant faire dévier la conversation.
- Oui, répliqua Anthony en sautant sur l'occasion. Je me demande qui Potter va inviter…
- S'il veut faire simple, il invitera Granger, elle sera sûrement d'accord, ils sont amis.
- Pourquoi « s'il veut faire simple » ? interrogea Lisa. Ce n'est pourtant pas compliqué de demander à une fille si elle veut venir avec vous au bal non ?
Les garçons se mirent à rire vertement.
- Facile ! s'exclama Michael. C'est toi qui le dis ! D'abord, pouvoir prendre la fille à part. rien que ça, ça mérite une médaille !
Mandy haussa un sourcil.
- Vous êtes toujours en groupe ! même pour aller aux toilettes, expliqua Derek. Comment tu veux faire ça discrètement ?
- Discrètement ? mais c'est pas important ça.
- Ah si ! renchérit Anthony.
- Pourquoi ?
Padma semblait désarçonnée.
- Et si elle dit non ?
Quatre paires d'yeux fixaient Michael, attendant la suite.
- Ben c'est la honte ! tout le monde le sait !
Cette idée semblait grandement l'effrayer. Anthony hochait la tête, solidaire. Rose leva les yeux au ciel, Lisa haussa les épaules.
- Va falloir vous armer de courage et demander à une fille si vous pouvez lui parler en privé, annonça doctement Mandy.
- Et pourquoi c'est le garçon qui devrait demander, d'abord ?
- On n'a jamais dit que c'était obligatoire ! protesta Padma. C'est vous qui paniquez !
- Oui, même que c'est assez marrant, glissa Rose, toute souriante.
Les garçons bougonnèrent et déclarèrent qu'ils ne voulaient plus entendre du bal avant au moins trois jours, le temps de se remettre.
Pendant ce temps, les filles avaient une de leurs discussions silencieuses. Mandy regardait Lisa fixement, jeta un coup d'œil à Anthony, puis haussa un sourcil interrogateur. Lisa lui lança un regard d'espoir, tandis que Rose et Padma faisaient un signe de tête volontaire pour l'encourager à demander elle-même à leur ami de l'accompagner au bal. La rousse fit une grimace peu convaincue, le rouge aux joues, quand Terry intercepta leur échange.
- Mais qu'est-ce que vous fabriquez toutes les quatre ? leur demanda-t-il suffisamment bas pour que les autres n'entendent pas.
- On discute, répliqua Mandy. Tu crois qu'Anthony va demander à Lisa de l'accompagner ?
- Je m'arrangerai pour qu'il percute, si vous voulez. Il faudra qu'il puisse te parler seul à seule alors, ajouta-t-il avec un clin d'œil.
Au sourire que Lisa lui lança, il sut qu'elle ferait son maximum pour aider le Serdaigle dans cette entreprise.
Le samedi suivant, la prédiction de Rose s'avéra : les élèves de Poudlard s'étaient rués chez Gaichiffon.
Padma n'ayant pas eu besoin de venir car sa robe convenait pour le bal, ils étaient quatre : Mandy, Lisa, Rose et Terry qui se frayaient avec difficulté un chemin dans les rayons, essayant de trouver trois robes et une cape. Pour plus de praticité, ils firent deux groupes : Mandy et Lisa partirent du côté des robes, tandis que Rose et Terry cherchaient pour commencer une cape neuve pour ce dernier.
- Quel monde, grommela Terry. Il y en a deux qui m'ont bousculé et une qui m'a marché sur le pied, sans s'excuser.
- Ça ne m'étonne pas. Ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion de porter de beaux vêtements à l'école ! D'habitude c'est uniforme la semaine et jean le week-end… Je comprends qu'on ait à peu près toutes envie de mettre le paquet.
- Même toi ?
Il semblait sincèrement étonné.
- Bien sûr. J'ai très envie de porter autre chose qu'un gros pull et des chaussettes montantes le 25 décembre, expliqua-t-elle avec un léger rire.
Elle fronça les sourcils.
- Et puis, ce n'est pas moi qui ai lu la liste de cette année ni qui ai fait mes bagages… alors je n'ai pas du tout de robe de soirée, ni pour un bal, ni pour rien !
Ses yeux se posèrent sur le bout de ses chaussures.
- Après ces quatre mois d'isolement… j'avoue que j'ai besoin de me sentir jolie, murmura-t-elle presque, ses doigts glissant inconsciemment sur sa cicatrice.
- Bon. Ça suffit les capes, on a une robe à trouver nous ! lança soudainement Terry, plus touché qu'il n'aurait voulu l'avouer par la vulnérabilité de Rose à cet instant.
Elle releva la tête en riant, puis le suivit comme il l'entrainait dans la foule du magasin. Mandy et Lisa avaient disparu de la boutique.
- Elles sont peut-être en train d'essayer ? avança Terry.
- Certainement. Tiens, regarde, un portant sans personne autour ! Commençons par-là.
Ses doigts pâles parcouraient les tissus, touchant de la soie, du velours, du satin, de la dentelle…
- On élimine tout de suite ce qui est noir ? proposa le brun.
- Oui, je voudrais de la couleur. Mais pitié, pas de jaune fluo, de marron ou d'orange !
- D'accord, pas ces couleurs-là. En toute logique, du vert ; ou du bleu, voire du rouge.
- C'est pas mal. Il faudrait savoir ce que les filles prennent, histoire qu'on ne se retrouve pas avec les mêmes robes.
Par chance, Mandy et Lisa arrivèrent vers eux à ce moment-là ; elles tenaient une robe chacune.
- On a trouvé !
- Vous avez fait vite.
- Oui. Regardez ! annonça Mandy avec une pointe de fierté.
Sa robe violet foncé était pourvue d'un large décolleté dans le dos et restait sage à l'avant.
- Elle est très originale, complimenta Terry. Lisa ?
- Voilà !
La robe portefeuille en satin était bleu sombre, et semblait fluide comme de l'eau.
- Sublime, commenta Rose avec appréciation. Donc, pas de bleu ni de violet foncé.
- Tu devrais en prendre une verte, conseilla Lisa.
- Oui, c'est ce qu'on s'est dit.
- On se rejoint aux Trois Balais quand vous aurez fini ? On va aller en caisse, je crois qu'il y en a pour un moment à attendre !
- D'accord ! Bon courage !
Les deux amis se replongèrent dans les portants de robes qui les entouraient. Terry releva le nez et sortit une robe rouge qui lui paraissait jolie. Rose approuva d'un signe de tête et il la mit de côté.
Ils trouvèrent une demi-douzaine de robes et ce sont les bras chargés qu'ils allèrent vers les cabines.
Après quelques minutes, Rose en avait déjà passé quatre mais aucune ne lui convenait. À la cinquième, elle se retrouva coincée d'une drôle de manière dans la robe en voulant l'enlever et appela Terry au secours.
- Terry à l'aide, je suis coincée ! Pitié, viens m'aider !
Il passa la tête dans la cabine et regarda le drôle de spectacle qui s'offrait à lui. Rose avait les bras levés, résolument bloqués dans la robe et totalement immobilisés. Sa tête avait disparu sous l'amas de tissu et il entendit sa voix étouffée supplier à nouveau.
- Terry par pitié, sors-moi de là ! S'il te plaiiit !
- Heu Rose, tu veux l'enlever la robe ?
- Voui. Il faudrait que tu tires dessus pour me décoincer.
- Mais euh, si je te l'enlève, tu vas te retrouver à moitié nue… devant moi…
- Honnêtement là, je m'en fiche, je veux juste être libérée. Et puis je t'en prie, marmonna-t-elle après un silence, pas de ça avec moi. Comme si un corps de fille t'intéressait.
Surpris, Terry ne fit pas de commentaire et entra dans la cabine.
- Bon, par où j'attrape ça moi ?
Il finit par trouver et tira d'un coup sec, libérant les bras et la tête de son amie, qui put enfin respirer. Elle remit ses cheveux ébouriffés en place, tout en gardant un pan de la robe plaqué contre son buste.
- Merci beaucoup ! C'est l'enfer cette robe, conclut la Serdaigle.
Terry tripotait l'ourlet d'une robe bordeaux sans rien dire, puis se décida :
- Tu euh… Comment tu sais que je…
- Que tu es homo ? compléta Rose simplement. Je le sais, c'est tout. Peut-être que c'est parce que je ne t'ai jamais vu baver devant Fleur Delacour comme Michael, ajouta-t-elle d'un ton léger.
Il lui fit un sourire sincère et rassuré, puis sortit de la cabine.
Rose se dit qu'elle n'allait certainement pas lui avouer qu'elle était au courant après l'avoir vu regarder son meilleur ami Derek de la façon dont Mandy regardait Michael. Ou qu'Anthony, qui était plus discret, avec Lisa.
Elle enfila la sixième robe, qu'elle retira aussitôt car elle la démangeait. Désespérée, Rose sortit la tête de la cabine en gonflant les joues. La vendeuse qui était dans les parages se rapprocha d'elle et lui demanda si tout allait bien. La jeune fille grimaça et lui rendit les six robes. Tandis que la vendeuse s'éloignait, Terry se leva et déclara qu'il allait faire un tour supplémentaire au cas où il trouve une robe, en attendant que Rose se rhabille et le rejoigne.
Elle était en train d'enfiler ses collants lorsque la voix de son ami l'interrompit.
- Rose, Rose, regarde ce que j'ai trouvé ! Elle était dans la cabine d'à côté, souffla Terry d'un ton émerveillé quand Rose passa la tête pour voir la robe.
Elle resta muette. Ça pour être belle… cette robe l'était. Son vert émeraude éclatant allait s'accorder à merveille aux yeux de Rose. Elle la prit et la passa ; Terry l'aida à remonter la fermeture invisible du dos. Rose se regardait dans le miroir, admirant le tissu et la coupe du corsage au décolleté en cœur, à peine retenu par des manches courtes placées en-dessous des épaules, les laissant nues. La dentelle du haut s'arrêtait à la taille, dissimulée par une ceinture cousue à la robe ; puis venait le jupon, une mousseline légère doublée de satin qui descendait jusqu'aux pieds, s'évasant pour permettre à Rose de marcher avec aisance.
Rose sortit dans la lumière de la boutique et se planta devant leur immense miroir.
- Parfaite, murmura Terry. C'est elle.
- Oui, fit simplement Rose, sous le charme.
La jeune Serdaigle tourna lentement sur elle-même, la robe se déploya avec grâce, touchant le sol. Elle releva ses cheveux pour simuler un chignon et leva légèrement les talons, permettant à la robe de frôler le sol sans y trainer. Terry la regardait faire sans rien dire, puis rompit leur silence :
- Les chaussures ?
- Avec un peu de talon tu vois, sinon elle irait trop par terre et s'abimerait. Noires ou couleur peau peut-être ; de toute façon on ne les verra pas beaucoup.
La vendeuse qui était restée près d'eux avait écouté la réflexion de Rose et, s'exclamant qu'elle avait ce qu'il fallait, disparut dans l'arrière-boutique. Terry marmonna quelque chose et repartit dans les rayonnages. Restée seule, Rose s'admira encore une fois : la robe faisait pétiller ses yeux verts et elle se sentit belle.
La vendeuse reparut, armée de deux boîtes à chaussures. Elle fit asseoir Rose sur le tabouret puis les lui fit essayer. Les deux paires étaient identiques : l'une noire, l'autre d'un beige rosé clair discret. Elle enfila une couleur de chaque et s'observa dans le miroir, indécise.
- J'aime bien les deux…
- Les deux quoi ? demanda Terry qui revenait.
- Regarde.
Elle lui montra les deux couleurs de chaussures, faisant la moue. Terry hocha la tête et tendit une étoffe rose pâle à Rose.
- Tiens, c'est une simple étole, mais je me suis dit que ça irait bien avec la robe. La couleur est assez complémentaire… et elle est assortie à ces chaussures !
Il pointait les escarpins beige rosé du doigt.
- Merci. C'est parfait comme ça.
La tenue était parfaite et complète. La vendeuse approuvait de la tête et Terry souriait, satisfait. Rose hocha la tête et entreprit de retirer sa robe pour remettre ses vêtements.
Quand elle ressortit, la boutique était presque vide. Elle rassembla ses articles et se dirigea vers les caisses en discutant avec Terry.
- Merci pour ta patience et ton aide. Je suis contente d'avoir trouvé ! Et toi, ta cape ?
- J'en ai pris une qui me plaisait pendant que tu te rhabillais.
- Très bien, hocha-t-elle avec satisfaction. Nous allons pouvoir rejoindre les filles au bar. J'ai hâte de leur montrer ma robe !
- Et moi j'ai hâte de vous voir avec !
Ils payèrent leurs articles et enfin sortirent à l'air libre. Ils se hâtèrent de rejoindre les Trois Balais, le froid était mordant.
En entrant, ils cherchèrent leurs amis des yeux un instant, et les trouvèrent attablés dans un coin reculé de la salle.
- Coucou ! s'exclama Mandy en les apercevant. Alors, tu as trouvé ?
- Oui, tout est là, dit Rose en désignant le gros sac.
- Quelle couleur ? demanda Lisa.
- Verte bien sûr ! lança Terry avec enthousiasme.
- Vous avez toutes les trois des robes alors ? demanda Derek en regardant les filles.
Mandy approuva de la tête, joyeuse.
- Où est Michael ? fit Rose en s'asseyant entre Lisa et Terry.
- Avec Miss Jones, marmonna Mandy.
Lisa grimaça et fit signe à Rose de ne plus aborder le sujet. Après avoir commandé deux Bièraubeurres supplémentaires, Terry demanda à Anthony et Derek :
- Alors, vous avez des cavalières ?
Anthony bredouilla quelque chose d'incompréhensible sans lever le nez de son bouquin. Seul son front rouge dépassait.
- Quoi ?
- Il dit que nous allons au bal ensemble, répondit Lisa à sa place, tout heureuse.
Anthony lui jeta un regard et sourit avec douceur.
- Ah, très bien, très bien.
Terry se retenait de hurler sa joie.
- Et toi Derek ? ajouta-t-il sans oser le regarder dans les yeux.
Le concerné regarda Rose qui faisait semblant de ne pas remarquer le trouble dans la voix de Terry. Le grand blond haussa un sourcil en la fixant. Ce fut elle qui répondit :
- Si je ne demande à personne, ou n'accepte la demande de personne, on ira ensemble.
Le Poursuiveur opina de la tête, satisfait.
- Et moi, j'y vais avec Megan Jones ! annonça d'une voix forte Michael qui venait juste de débarquer dans l'échoppe.
Mandy eut une mine abattue, bien qu'elle s'y attendait. En la voyant ainsi, Rose eut une furieuse envie de secouer l'imbécile joueur de Quidditch qui venait de claironner ça, tandis que Lisa glissait à la blonde « elle n'a accepté que parce qu'il joue au Quidditch », tentant de lui remonter maladroitement le moral. Terry essaya de sauver la situation :
- Mandy, ça te dirait qu'on y aille ensemble ? ça me ferait plaisir si tu voulais bien accepter.
- Bien sûr que je veux bien y aller avec toi Terry ! Merci.
Elle était bien décidée à ne pas se laisser abattre et sourit à son ami.
- On devrait y aller, lança Derek. Les autres élèves commencent à repartir vers le château.
- Tu as raison. Il est déjà dix-huit heures, poursuivit Anthony.
Ils rentrèrent au château aussi vite que possible pour se mettre au chaud dans leur salle commune. En montant leurs paquets au dortoir, les filles en profitèrent pour admirer une nouvelle fois leurs tenues.
- Il est écrit que nous serons les plus belles, affirma Lisa en souriant largement.
Dans les quinze jours qui suivirent, les filles reçurent – à leur grande surprise – plusieurs demandes pour aller au bal. Étrangement, Anthony se trouvait toujours dans les parages dès qu'un garçon voulait proposer à Lisa de l'accompagner à la fête, et le grand brun se contentait de fixer le prétendant d'un air glacial. Inévitablement, la demande tournait court et le prétendait fuyait. Mandy et Rose déclinèrent les invitations aussi gentiment que possible, préférant largement rester avec Terry et Derek.
Cependant, le groupe attendait une demande avec impatience : celle que Dave ne manquerait pas de faire à Rose. Elle redoutait cet instant. Mais elle n'y coupa pas, malgré toutes ses précautions pour éviter le Poufsouffle. Il l'intercepta au détour d'un couloir, et au grand bonheur des autres, ils purent y assister. Ils s'adossèrent au mur, attendant le spectacle.
- Rose ? Hé, Rose !
Essoufflé, Dave se planta devant la jeune fille. Derek et Anthony affichaient déjà un sourire goguenard.
- Je heu… je pourrais te parler un instant s'il te plait ?
Rose soupira et approuva sèchement de la tête, se plantant en plein milieu du couloir.
- Je t'écoute.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, mais Dave ne saisissait jamais ses messages corporels.
- Je voulais euh te demander si… si…
- Si quoi ?
- Jevoulaistedemandersituvoulaisalleraubalavecmoi, débita le jeune homme sans respirer.
- Non.
Son ton était sans appel.
- Pourquoi ? s'exclama son prétendant, désespéré.
- J'y vais déjà avec quelqu'un.
- Oublie-le ! Viens avec moi Rose, je t'en prie.
- Ah, chuchota Michael. Enfin, le vrai spectacle commence.
- J'ai promis à cette personne de l'accompagner, continua Rose. Je ne peux pas lui faire faux bond maintenant.
- Rose, il n'en vaut certainement pas la peine ! Regarde-moi, je suis tellement mieux !
Il s'était redressé et bombé le torse, un sourire charmeur aux lèvres. Rose, comme toujours, y resta insensible.
- Non.
Il ne semblait même pas entendre ses refus.
- J'ai pris des cours de danse dès que j'ai sur que le Tournoi aurait lieu, rien que pour toi. Je ne te marcherai pas sur les pieds, ne t'inquiète pas.
- Oh mais je ne m'inquiète pas, puisque je ne vais pas y aller avec toi, lâcha Rose d'un ton cassant.
Elle esquissa un pas de côté pour partir, mais l'acharné élève lui barra le chemin.
- Rose ! S'il te plait !
- Là, c'est le bouquet final, chuchota Lisa en se retenant de rire.
- Rose ! Tu sais qu'il faut que tu viennes au bal avec moi, réprimanda-t-il avec beaucoup de sérieux.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que c'est écrit !
Elle haussa un sourcil, hésitant entre la colère et le rire.
- Notre destin est écrit : nous finirons notre vie ensemble… parce que nous sommes des âmes sœurs ! Je le sais depuis si longtemps maintenant ! J'ai remarqué qu'il t'est difficile de l'accepter, mais après quelques années de mariage, tu sauras que j'avais raison. Je t'en prie Rose, accompagne-moi au bal, je suis sûr que ça t'aidera à accepter les sentiments qui se cachent au fond de ton cœur.
Il fit un geste pour la toucher, mais Rose l'en empêcha en levant la main à une vitesse fulgurante pour le repousser vivement. Elle tenta une fois de plus de lui expliquer, sans prendre de pincettes :
- Nous ne sommes pas des âmes sœurs. C'est à toi d'ouvrir les yeux. Je ne t'aime pas le moins du monde, ni maintenant ni dans quelques années. Tu n'es pas intéressant, tu ne m'importes pas, alors arrête de t'accrocher. Tu m'importunes sans cesse, tout ça en vain. Fais-toi une raison, Taffin et lâche-moi ! Trouve-toi une gentille fille, de préférence sourde, qu'elle n'entende pas ta voix geignarde et tes discours à la noix sur l'amour. Fiche-moi la paix. Définitivement.
Sa voix était restée glaciale et tranchante. Elle contemplait la portée de ses paroles dans les yeux de Dave, qui était au bord des larmes, immobile. Assez étrangement, Rose sentait une colère diffuse monter dans tout son corps, se répandre dans ses veines, lui tourner dans la tête, lui vriller les tympans. Lorsqu'elle ouvrit la bouche pour intimer au Poufsouffle de retourner en cours, elle eut un vertige, sa vision s'obscurcit et elle chancela.
Derek se précipita entre Dave et elle, cachant son amie qui s'accrocha à lui, puis il tonna d'une voix basse :
- Allez, va-t'en. Quand une fille dit non, ce n'est pas correct d'insister. Surtout si c'est celle-là.
Sans vraiment comprendre, Dave fit demi-tour et partit d'un air qu'il espérait digne. Pendant ce temps, Rose avait eu le temps de reprendre ses esprits. Elle secoua la tête et marmonna :
- Ça, c'était pas normal.
- Joli coup Rose ! s'exclama Michael avec du respect dans les yeux.
- Un peu rude j'avoue, mais là il devrait avoir compris le message, continua Lisa.
Pendant leurs cours d'Histoire de la Magie, Rose glissa à son meilleur ami qu'elle irait voir Madame Pomfresh le soir même, puisqu'il lui avait été demandé de le faire au moindre changement. Elle avait peur que ses crises de douleur ne recommencent.
Elle attendit impatiemment la fin des cours et fila directement vers l'infirmerie. Madame Pomfresh était informée de la situation de Rose et de son hospitalisation de quatre mois.
Rose avait atteint son bureau et frappa doucement. Elle entra lorsqu'elle y fut invitée, et l'infirmière eut une expression de surprise en la voyant.
- Miss Wayne ? Un problème ?
La Serdaigle raconta son sentiment de colère et le tournis qui l'avait prise, sans mentionner le nom de Taffin. Son aînée l'écouta patiemment, prenant note sur un parchemin. Elle posa la plume à côté lorsque Rose eut terminé.
- Vous avez bien fait de venir me voir, comme convenu.
- Je ne comprends pas, souffla l'élève. Je croyais que c'était terminé, que j'étais guérie… Pourquoi ils ne trouvent pas ce que j'ai ?
Son air désespéré fit soupirer l'infirmière.
- Puisque votre maladie est inconnue, je crains que vous deviez vous attendre à d'autres possibilités qu'une simple guérison… Je ne peux pas vous donner le détail de ce qui peut vous arriver ; peut-être rien de plus, peut-être d'autres crises… je suis vraiment désolée, ajouta-t-elle en voyant l'expression de Rose. D'après ce que vous m'avez dit, vous sembliez ressentir une émotion assez forte à ce moment-là, une émotion négative. Cela peut être une piste pour savoir quand vos crises se déclenchent.
Rose opina sans rien dire.
- Pour le moment, je peux vous conseiller d'éviter les émotions trop vives, continua-t-elle avec un sourire léger. Et de prendre note de ce qui peut ressembler à une manifestation de la maladie, dès que vous le pouvez. Tenir un journal pourrait vous aider.
La jeune fille buvait ses paroles, et malgré un tic agacé lorsque Madame Pomfresh lui conseilla d'éviter les émotions fortes, elle ne fit aucun commentaire. Avec la promesse de tenir un journal et de revenir la voir si nécessaire, Rose prit congé et rejoignit ses amis pour dîner.
La dernière semaine de cours parut durer une éternité à tous les étudiants qui restaient pendant les vacances, et ils étaient très nombreux cette année. L'excitation était à son comble et le château n'avait jamais été aussi beau.
Consciencieux avant tout, les Serdaigles firent leurs devoirs afin d'en être débarrassés et de pouvoir profiter des festivités la conscience tranquille. Avec Anthony qui les fustigeait en permanence, ils n'avaient de toute façon pas vraiment le choix. Même Lisa finit par lui dire que c'était les vacances et qu'ils avaient bien droit à un peu de repos. Ils purent donc quand même faire des batailles de boules de neige dans le parc, dont ils revenaient trempés, frigorifiés mais heureux. Rose n'eut plus de « crise de personnalité » comme disait affectueusement Derek.
Le jeudi, la tension dans le petit groupe montait très rapidement, opposant souvent Anthony à Michael, le premier reprochant au second de ne penser qu'à s'amuser. Même Mandy, qui pourtant brûlait d'envie de défendre Michael, ne disait rien. Dans ces moments, Rose usait d'un stratagème lâche : elle simulait une migraine, un mal de tête, ou même des vertiges, et elle filait se cloisonner derrière les rideaux de son lit. Elle n'avait pas envie d'être mêlée aux disputes de ses amis, ou même d'en déclencher une. Ce que Madame Pomfresh avait dit la faisait réfléchir et elle ne voulait courir aucun risque.
Rose revenait à pas de loup de sa chambre, quand en entrant dans la salle commune, elle vit Mandy et Derek se disputer à propos d'une sombre histoire de plume cassée et Lisa s'en prendre à Michael qui lui avait fait une bosse sur le front en lui lançant une boule de neige. Elle les évita prudemment pour ne pas être prise à parti et se laissa tomber sur son fauteuil préféré sans regarder. L'ennui, c'est que quelqu'un était déjà assis dessus.
- Aïe !
- Oups, oh pardon Terry, oh je suis désolée, s'excusa précipitamment la Serdaigle.
Elle le considéra d'un air inquiet. Terry était d'un naturel très calme, mais avec l'ambiance qui régnait, elle se méfiait.
- Je ne t'ai pas fait mal au moins ?
- Non, non, c'est bon, lui répondit-il enfin.
Elle vit qu'il souriait et fut soulagée.
- Toi aussi ça t'angoisse hein ? demanda-t-il.
- De quoi ?
Il fit un geste vers leurs amis qui se crêpaient le chignon.
- Oh ! Oui, un peu. J'essaie surtout de ne pas me retrouver impliquée, avoua Rose en s'asseyant dans le fauteuil voisin.
- Moi aussi. Je ne sais pas ce qui leur prend. Le réveillon ? le bal ? les cadeaux de Noël ?
Elle se mit à rire doucement.
- Peut-être un peu de tout ça mélangé, au point où on en est…
- Probablement ! Une partie d'échecs ? Je te promets qu'on ne se disputera pas, ajouta-t-il en souriant.
- D'accord ! Peut-être que ça va inspirer les autres…
Terry alla chercher son vieux jeu qui tombait en miettes.
- Il est dans un sale état mais il tient la route ! affirma le jeune homme en s'installant.
La partie se déroula sans anicroche, grâce au calme des deux joueurs. Petit à petit, comme à chaque fois que deux d'entre eux jouaient, les Serdaigles les rejoignirent, cessant leurs disputes et chamailleries, pour les regarder. Ils savaient d'expérience que Rose ne supportait pas qu'on lui donne des conseils pendant qu'elle jouait, donc ils se turent.
Puis, comme la partie s'éternisait, Derek demanda à Mandy si elle voulait de l'aide pour terminer son devoir de Potions, ce qu'elle accepta avec joie. Lisa se plongea pour la millième fois dans le livre qu'Anthony lui avait offert, tandis que lui finissait un devoir en jetant de petits coups d'œil à la rousse qui faisait semblant de ne rien voir. Michael sourit à Lisa, toute rancune envolée, et lui prêta une pommade magique contre les coups et blessures qu'il utilisait pour le Quidditch. Il entreprit ensuite de relire son devoir de Botanique.
Rose et Terry, qui s'étaient débrouillés pour que la partie dure un peu, se lancèrent des regards complices.
Le 24 au soir, le repas du réveillon fut vite expédié ; les vraies festivités auraient lieu le lendemain à l'occasion du bal. Après un dîner agité de conversations sur le 25, les élèves rejoignirent leurs salles communes.
Les huit Serdaigles étaient excités comme des enfants et n'avaient pas la moindre envie d'aller se coucher. Ils restèrent donc jusqu'à minuit passée, à discuter de tout, de rien, du bal, de Noël, de cadeaux, du bal, ou encore du réveillon du lendemain. Lorsque la tête de Lisa tomba sur l'épaule de Terry, qui faillit s'écrouler sur Rose, Anthony déclara que tout le monde ferait bien d'aller se coucher. Ils se dirigèrent en traînant des pieds jusqu'à leurs lits, mais sombrèrent tous une fois leurs oreillers atteints. Rose fit un rêve particulièrement agréable cette nuit-là, mais elle fut incapable de se souvenir des détails. Certainement parce qu'elle s'était réveillée en sursaut à sept heures en ayant l'impression qu'une main serrait son cœur, essayant de le faire éclater. Ses battements semblaient désordonnés et Rose, le souffle court, gardait les yeux grands ouverts en silence, luttant pour reprendre le contrôle sur sa respiration.
Elle eut l'impression que ça durait des heures. Enfin, l'emprise se relâcha, et son cœur put reprendre un rythme normal. Elle resta un moment sans bouger, le regard rivé au plafond de son lit. Elle pensait à attraper son journal de bord pour noter cet épisode, quand un bruit dans le lit de Mandy l'interrompit. Après s'être étirée de tout son long, Rose s'assit finalement au bord du matelas. Elle tira les rideaux de velours, les yeux bouffis de sommeil. Lisa ouvrit son lit et elles se retrouvèrent face à face.
- Joyeux Noël ! lança sa meilleure amie d'une voix enjouée.
- Joyeux Noël à toi aussi !
- Joyeux Noël les filles ! lançaient en cœur Mandy et Padma.
- Cadeaauux, s'exclama Rose, toute contente.
Elles se précipitèrent au pied de leurs lits, vers les petits tas de paquets bien emballés. Rose découvrit le cadeau de Lisa en premier, une très jolie plume d'aigle et un flacon d'encre invisible.
- Merci Lisa !
Son amie lui sourit, déballant son cadeau : une fleur en satin bleue. Sa couleur était identique à celui de ses yeux.
- C'est pour tes cheveux, pour le bal, crut bon d'expliquer Rose.
- Merci… elle est vraiment très belle !
Rose déballa ensuite le cadeau de Derek : de nouveaux gants en cuir noir, brodés au fil vert de la silhouette d'une panthère. Elle émit un sifflement d'admiration, comprenant que son ami les avait brodés lui-même. Ils lui allaient parfaitement. Puis elle défit un paquet venant de Mandy et Terry. Un bonnet et une écharpe tricoté main, multicolores, avec de belles touches de vert. Elle sourit largement à Mandy, ravit de la surprise. Mandy quant à elle, trouva une boîte à maquillage appelée « Magical Purple Party » de la part de Rose. Les trois amies se regardaient en souriant d'un air un peu idiot pendant que Padma terminait de déballer un cadeau.
- Oh Rose, regarde, tu as oublié un paquet ! s'exclama-t-elle soudainement.
- Ah oui. Ça doit être celui de mon père.
Elle se pencha et ramassa le petit paquet rectangulaire, de la taille d'un livre. Elle déballa et découvrit une boîte pourpre, qu'elle ouvrit aussitôt. Les trois filles découvrirent en même temps le cadeau : un peigne à cheveux en argent, serti d'une vingtaine de minuscules émeraudes qui brillaient de mille feux.
- Waouh… souffla Lisa.
- Il est… continua Mandy.
- Magnifique, termina Padma.
Rose ne s'y attendait pas et ressentit une inhabituelle vague d'affection envers son père. Elle se promit de lui écrire avant la fin des vacances.
- Lisa, toi aussi tu as oublié un cadeau !
- Là, juste à côté du pied du lit.
À nouveau un petit paquet rectangulaire, une boîte argentée. Lisa souleva le couvercle pour y trouver un fin bracelet doré, léger et discret, orné d'une minuscule tête de chat. La jeune fille l'enleva de son étui, le soupesa et demanda à Rose de le lui mettre.
- Il est vraiment très léger, commenta la Serdaigle en l'attachant au poignet de son amie.
- Qui te l'a offert ? demanda Mandy.
- Je ne sais pas…
Ce faisant, elle retourna la boîte dans tous les sens, la secouant un peu.
- Oh ! Il y a écrit « AG pour Lisa » dans le couvercle de la boîte !
- Anthony Goldstein, murmura Padma. Il est vraiment amoureux alors !
Ébahies, les quatre filles ne dirent plus un mot. Soudain, Lisa eut une idée :
- Et si on allait chez les garçons ? Je suis sûre qu'ils dorment encore !
Ses compères sourirent sadiquement à l'idée de les réveiller. Elles s'habillèrent à la hâte, quittèrent leur dortoir et filèrent comme des flèches vers celui des garçons. Elles entrèrent sans faire de bruit dans la pièce, où, en effet, ils dormaient encore.
Rose et Padma poussèrent sans ménagement Lisa vers le lit d'Anthony ; puis Rose se dirigea droit vers Derek. Elle se glissa derrière les rideaux tendus, et grimpa aussi vite que possible au-dessus du jeune homme, faisant attention de ne pas le toucher. Elle entreprit ensuite de le réveiller en lui soufflant dans les oreilles, jusqu'à ce qu'il pousse un cri et se mette à râler. Il vit Rose se laisser tomber à ses côtés, un sourire victorieux sur les lèvres, et cette dernière lui ronronna :
- Joyeux Noël, Monsieur Ronchon.
- Joyeux Noël, saleté !
Elle se mit à rire gaiement et se pelotonna contre lui.
- Merci pour les gants. Ils sont vraiment sublimes.
- Ils te vont ? s'enquit-il.
- Voui, regarde !
Elle lui brandit ses mains sous le nez : elle avait gardé ses gants. Il lui fit un sourire satisfait, avant de se redresser et de brailler à l'intention de ses congénères mâles :
- Cadeaauux !
Des silhouettes émergèrent aussitôt des rideaux plus ou moins ouverts. Mandy était assise au bord du lit de Terry, Lisa quitta le coin d'Anthony, passablement rouge. Rose s'abstint de tout commentaire et se jeta sur Terry en lui souhaitant un joyeux Noël et en le remerciant pour le bonnet et l'écharpe. Il lui sourit avant de s'attaquer à son tas de cadeaux. Il y découvrit, en plus des paquets envoyés par ses parents, une boîte signée « LMPR ». Il fronça les sourcils avant de voir les quatre filles penchées vers lui, impatientes qu'il l'ouvre. Il dévoila un « Jeu d'Échecs Sorciers Deluxe ». Surpris et ravi, il leur sauta au cou en les remerciant. Derek de son côté, venait de dérouler une très longue écharpe, inégale et multicolore, tricotée des mains de ses nombreuses petites sœurs. Un mot l'assurait qu'elles l'avaient « faite avec amour en espérant qu'elle lui plairait ». Il sourit avec tendresse et émotion en les imaginant travailler sur ce projet, rien que pour lui. Ça avait dû leur prendre des mois ! Il trouva une robe de soirée neuve qui tombait à pic – il grandissait presque à vue d'œil et devait changer de vêtements régulièrement – et enfin il y eut le cadeau de Rose. Il contenait un solide sac de cuir marron, gravé à ses initiales sur la bandoulière. Son sac de cours actuel menaçait de craquer à tout moment. Il remercia chaleureusement Rose, tous les deux ravis de leurs cadeaux mutuels. Lisa avait offert deux livres à Anthony, le « Guide du Guérisseur Débutant » et « Indispositions et affections magiques les plus communes » : le jeune homme se destinait à une carrière de Guérisseur. Les deux Serdaigles se regardaient dans le blanc de yeux, un peu gênés mais heureux. Mandy, Terry et Padma devisaient gaiement en déballant les pièces du jeu d'échecs et Michael était à moitié plongé dans le livre de Quidditch offert par ses camarades chambre, la figurine de la célèbre Petrova Porskoff posée sur les genoux – cadeau de Mandy.
Rose contempla cette scène de Noël, ses amis, leur joie, et se dit que la vie valait la peine d'être vécue rien que pour ça.
Dimanche 25 décembre 1994, 20h50, Salle Commune de Serdaigle
- Alors ? Tu viens ? Les garçons nous attendent déjà.
Rose poussa un soupir à fendre l'âme.
- J'ai l'impression de ne voir qu'elle.
- Mais non. Ce que les autres vont voir, ce sont tes yeux qui brillent et ta robe qui tourne. Tu es ravissante. Allez, pressa Lisa avec douceur.
Elle fit la moue en examinant sa cicatrice dans le grand miroir installé dans la chambre, puis se tourna vers ses amies.
- Hop. C'est parti, dit-elle d'un air décidé.
- Quand même ! fit Mandy, soulagée.
- Padma est déjà partie depuis un moment pour rejoindre Weasley, rapporta Lisa d'un ton léger en descendant les escaliers du dortoir.
- Et Michael pour voir Jones, grogna Mandy.
Rose eut une grimace et tenta de la rassurer.
- Ça lui passera vite, ne t'en fais pas.
Anthony, Derek et Terry les attendaient en discutant avec animation. En entendant les voix des filles, ils se retournèrent et restèrent bouche bée. Ils n'eurent pas le cœur à leur reprocher leur léger retard, sauf Derek qui marmonna :
- C'est pas trop tôt.
- Nous sommes en avance d'au moins cinq minutes, répliqua Rose en souriant.
- Vous êtes très jolies, déclara Terry. Vous avez vraiment bien choisi vos robes.
- Merci, Terry.
Anthony tendit un bras cavalier à Lisa, drapée dans sa robe cache-cœur qui descendait jusqu'aux chevilles. Elle avait un chignon bas dans lequel la fleur de satin bleu était épinglée. Anthony se racla la gorge, incapable du moindre mot. Mandy glissa son bras sous celui de Terry, faisant voleter le bas de sa robe violette. Les deux amis se sourirent largement.
Enfin, Derek poussa l'ironie jusqu'à se courber devant Rose, qui se mit à rire.
- Allez, relève-toi, rit-elle. Allons-y.
Après avoir lié leurs bras, Rose et Derek fermèrent la marche, et rejoignirent les escaliers menant à la Grande Salle en quelques minutes.
- J'ai l'impression que c'est encore plus magique que d'habitude, murmura Mandy en apercevant le bas des marches et la foule qui s'y pressait.
Des robes de toutes les couleurs virevoltaient, un murmure grandissant parcourait la foule impatiente, des rires joyeux s'échappaient des conversations. Des couples se rejoignaient, intimidés ou très à l'aise. Le décor, tout comme l'ambiance, était féérique.
Parmi la foule, un élève dirigea son regard vers les escaliers de marbre. Il cessa aussitôt de parler, sans que les autres ne s'en aperçoivent vraiment. Le jeune homme avait les yeux rivés sur une élève qui arrivait au bras d'un grand blond. Elle portait une longue robe émeraude, dont le corsage soulignait la taille et arrondissait la poitrine. Il regardait le jupon bouger comme elle descendait les marches, hypnotisé par le tissu chatoyant. Redressant la tête vers son visage, il vit que ses cheveux auburn, savamment attachés, brillaient de vert. Ses yeux, réhaussés par du noir, éclipsaient le reste de sa tenue par leur éclatante couleur. Elle souriait en écoutant l'un de ses amis.
La vision de rêve disparut dans la foule sans avoir vu le jeune homme qui, subjugué, n'avais pas pu détacher son regard d'elle.
Quand les portes de la Grande Salle s'ouvrirent, une grande confusion régna pendant quelques minutes dans le hall de Poudlard. Tous les élèves s'engouffrèrent dans la désormais salle de bal.
Le groupe de Serdaigles trouva une table vers la gauche, et ils s'assirent autour, attendant avec impatience le début de la soirée, traditionnellement lancée par les Champions.
Mais avant, ils eurent le loisir de tester une nouvelle méthode pour dîner : il leur suffisait de lire à voix haute le menu qu'ils souhaitaient et il apparaissait sous leurs yeux. Poudlard s'était surpassée pour ses invités.
Ils mangèrent en bavardant intensément, les filles jetant des coups d'œil aux robes des autres filles, pleinement satisfaites de pouvoir les critiquer.
- Bande de langues de vipère, dit Derek d'un ton amusé. Elles ne sont pas si moches que ça, les robes des autres.
- Si, si, si, martela Lisa, approuvée par ses amies, provoquant un rire de Terry.
- Nous sommes les plus belles de toute façon, continua Rose. N'essaie pas de nous persuader du contraire, on le sait, c'est tout
Anthony leva les yeux au ciel.
- Allons, ce n'est pas toi qui vas dire le contraire ? lui demanda Terry.
En effet, malgré ses grimaces pour se moquer des filles, Anthony lâchait à peine Lisa des yeux, n'ayant, malgré toute son éloquence habituelle, pas trouvé les mots pour lui dire combien elle l'éblouissait.
Les trois filles pouffèrent en voyant les grimaces que Derek enchainait pour les faire rire. Enfin, les tables furent à nouveau immaculées, et elles se rangèrent d'elles-mêmes le long des murs, pour laisser place à une large piste de danse. Et les Champions entrèrent en scène.
Lorsque la première danse prit fin, la salle éclata en applaudissements ravis, et quelques téméraires s'élancèrent sur la piste.
Mandy ne pouvait s'empêcher de surveiller Michael, qui tenait Megan Jones dans ses bras en souriant. L'air morose de la Serdaigle fit hausser un sourcil à Anthony, qui semblait enfin sortir de sa contemplation muette de Lisa. Cette dernière était absorbée par Dumbledore dansant avec la directrice de Beauxbâtons. Derek suivit le regard de Lisa et lui adressa un sourire amusé, pendant que Terry fixait d'un air qu'il espérait nonchalant le col de Derek. Rose, qui s'en aperçut malgré tout, se pencha vers le brun et souffla :
- Non Terry, non, ce n'est pas comestible !
Le concerné rougit jusqu'aux oreilles, et se leva brutalement en invitant Mandy à danser, la faisant enfin sortir de son nuage noir. Derek lança un regard profond à Anthony, qui finit par percuter et invita sa cavalière sur la piste de danse.
Les deux amis de toujours se retrouvèrent seuls un instant.
- Je pense qu'il va essayer de te manger avant la fin de la soirée. Je ferai en sorte qu'il ne prenne pas un morceau trop important. Un lobe d'oreille, ça te va ? T'en as déjà deux, alors un de plus, un de moins…
- Arrête de dire des bêtises un peu. Moi je veux bien qu'il me mange, acheva le blond en un soupir.
- Derek. Je ne VEUX PAS savoir !
- Tu l'as bien cherché. Rose, au fait, ta robe te va à merveille. J'imagine que tu vas bientôt te faire assaillir de demandes à danser…
Un éclair sombre passa sur le visage de Rose. Elle se reprit rapidement.
- Tant que ce n'est pas Dave…
Avec un sourire, Derek se leva et lui tendit la main :
- Viens ma belle, allons leur montrer ce qu'on vaut !
Elle le suivit parmi les danseurs.
La musique était entraînante et Rose se laissa mener par Derek, ravie.
Elle adressa un grand sourire à Lisa et Anthony en les croisant, fit un léger signe de main à Mandy et Terry qui retournaient s'asseoir, essoufflés mais rieurs.
Derek la força à accélérer le rythme pour voir jusqu'où il pouvait la pousser. Le couple tournoya élégamment en riant, et la chanson s'acheva. Rose adressa un sourire félin à son ami, et déclara qu'elle avait soif. Ils retournèrent à leur table vide, où elle prit place tandis que Derek partait leur chercher à boire.
Dès qu'il eut disparu, une silhouette sembla glisser vers la jeune fille. Une fois à sa hauteur, il se pencha et murmura d'une voix ferme :
- M'accorderais-tu cette danse, Wayne ?
- Seulement si tu m'appelles par mon prénom.
- Rose, voudrais-tu me faire le plaisir de danser avec moi ?
- La rumeur veut que tu sois un excellent danseur. Je veux bien le vérifier par moi-même.
Il sourit et lui proposa son bras, qu'elle attrapa sans hésiter.
Le couple se fondit dans la foule de danseurs. Le cavalier glissa son bras autour de la fine taille avec fermeté et lia sa main droite à celle de Rose, plaçant leurs bras à la hauteur de l'épaule de la Serdaigle. Ainsi placés, le grand cavalier pouvait mener sa partenaire sans difficulté. La valse se déroulait et le cavalier esquissa leurs premiers pas, suivit par une Rose enchantée. Le couple, en mesure avec la musique, évoluait gracieusement sur la piste de la Grande Salle. La jeune fille regardait son partenaire droit dans les yeux, pendant que lui gardait un énigmatique sourire aux lèvres en suivant les contours du visage de Rose. La robe émeraude tournoyait délicatement, la grande main s'était posée en bas du dos de la Serdaigle qui n'avait émis aucune objection.
Quelques personnes, parmi celles qui n'étaient pas sur la piste, les suivaient des yeux, certaines par pur réflexe, comme on regarde des gens qui dansent en attendant d'y être à son tour invité. D'autres, peu nombreuses, avaient un air de franche surprise sur le visage. La musique, leur parfaite harmonie, les centaines de bougies flottant au-dessus de leurs têtes, diffusant leur douce lumière ; la scène semblait presque irréelle pour Rose, qui en savourait chaque instant. Derek et tout le groupe de Serdaigles fixaient leur amie d'un air incrédule, qui elle n'avait d'yeux que pour son cavalier. Ils ne remarquaient rien d'autre qu'eux, abîmés dans leur contemplation de l'autre. Leurs doigts s'étaient entrelacés et le cavalier avait imperceptiblement rapproché sa cavalière de lui. Après un dernier tour où la robe de Rose sembla s'ouvrir comme une fleur scintillante, le couple s'immobilisa. La jeune fille libéra l'épaule de son cavalier alors qu'il relâchait la pression en bas de son dos. Leurs mains se délièrent, et pour clore cette danse, il s'inclina légèrement, portant la main de Rose contre ses lèvres.
- Ça fait très cliché. Merci pour la valse, murmura-t-elle.
Les yeux de son cavalier pétillèrent et il disparut dans la foule qui les dissimulait déjà aux regards des autres. Rose resta quelques secondes en plein milieu, les yeux rêveurs, avant de partir alors qu'elle se faisait bousculer par Roger Davies et Fleur Delacour.
Une fois la surprise de voir Rose danser avec son mystérieux cavalier passée, Terry fit signe à Mandy qu'il sortait prendre l'air ; la chaleur de la Grande Salle commençait à l'étouffer. Son amie le laissa faire et fila rejoindre un élève de cinquième année sur la piste.
Le brun se faufila jusqu'au hall, et une fois sorti, une brise froide l'enveloppa. Même l'extérieur avait changé : une sorte de grand dôme semblait relier le carrosse de Beauxbâtons et le navire de Durmstrang au château de Poudlard. La neige ne pouvait donc pas entraver les allées et venues des invités. Terry franchit la limite de la protection et se retrouva dans la neige jusqu'aux chevilles, le visage fouetté par un vent glacial. Il resserra les pans de sa cape toute neuve autour de lui, soulagé de respirer de l'air frais. Perdu dans ses pensées, il sursauta et se retourna brutalement en entendant des pas étouffés.
- Derek ? Qu'est-ce que tu fais dehors ?
- Je te cherchais. Il fait trop chaud dans la salle.
Terry opina et sourit à son ami.
- Je n'arrive pas à croire qu'elle ait dansé avec lui, lança-t-il.
- Moi non plus. Elle m'étonnera toujours.
Les deux amis étaient à présent côte à côte, faisant face au vent, le visage tourné vers la cabane de Hagrid. Un silence apaisé s'installa.
Derek voulut dire quelque chose, mais au moment où il ouvrit la bouche, une porte claqua quelque part, et il se ravisa. Son regard erra sur le paysage enneigé. Curieux, Terry se tourna vers le Poursuiveur, murmurant son prénom qui s'envola dans la nuit. Derek se pencha vers lui, pour mieux l'entendre, et plongea son regard noir dans celui gris de son voisin. Le brun eut l'impression de s'immerger dans un océan sombre. Leurs nez n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Le cœur de Terry s'affolait plus que d'ordinaire, et il priait pour que ça ne s'entende pas. Derek réduisit la distance qui les séparait et posa ses lèvres glacées sur les siennes. Le blond avait fermé les yeux, et Terry n'eut même pas conscience qu'il enroulait ses doigts autour de l'avant-bras de son compagnon. Leur baiser dura à peine quelques secondes, et ils y mirent fin en même temps, essoufflés autant que surpris par leur audace.
Les deux garçons se contemplèrent un instant sans rien dire, avant que Terry ne murmure :
- Regarde… il neige.
Ils regardaient avec sérénité les flocons immaculés tomber du ciel, le bras de Derek passé autour des épaules de Terry, leurs corps plus proches que ce qu'ils n'avaient jamais osé espérer.
Ce fut ainsi que Lisa et Rose les trouvèrent ; elles se regardèrent en souriant sans dire un mot. Elles attendirent que le couple se décide à rentrer au chaud et fasse demi-tour vers le château pour se manifester. Derek lança un regard profond à Rose, un de ceux dont il avait le secret. Ils furent bientôt rejoints par Mandy, qui brisa le silence :
- Ah, vous êtes là ! Je vous cherchais. Vous devriez venir voir ça, McGo dans le twist avec Hagrid, c'est tordant.
Les deux garçons rentrèrent rapidement, ne voulant surtout pas rater ça. Les filles se retrouvèrent seules et de concert, se laissèrent tomber sur un banc de pierre, à l'abri du dôme.
- Fouf, lâcha Mandy.
- Fouf quoi ? s'étonna Lisa.
- Quelle soirée. Granger et Krum font un très beau couple.
- Oui c'est vrai. Padma n'avait pas l'air de beaucoup s'amuser, nota Rose.
- Maintenant, si, précisé la rousse. Elle est en train de danser avec sa sœur et deux élèves français.
- C'était Weasley le problème alors, conclut doctement la blonde. C'est moi ou Terry et Derek avaient subitement disparu ?
Rose confirma, sans ajouter de détails.
- Ils voulaient prendre l'air, comme nous.
- Tiens au fait Lisa, pendant que j'y pense ! Tu en es où au juste avec Anthony ? interrogea soudainement Mandy.
- Il m'a embrassée, avoua l'accusée en un souffle.
Ses deux amies eurent de larges sourires, attendant les détails.
- C'était à la fin de notre première danse. On était cachés entre Hagrid et Fol-Œil. Je crois que personne ne nous a vus. Il s'est juste penché vers moi et m'a embrassée… termina la Serdaigle rêveusement.
- Décidément, c'est la soirée, marmonna Rose.
Sa remarque fut noyée par des applaudissement venant de l'intérieur.
- Des applaudissements ?
- Peut-être que les Bizarr'Sisters font une pause…
Quelques dizaines d'élèves qui sortaient confirmèrent la supposition de Lisa.
- On rentre après ? demanda Mandy. Je commence à avoir froid.
La rousse approuva et les filles patientèrent en parlant des couples qu'elles avaient vus dans la soirée. Quand elles entendirent à nouveau de la musique, Mandy et Lisa se levèrent en jetant un regard interrogateur à Rose.
- Je vais rester encore un peu, dit-elle.
Ses deux amies disparurent dans le château en lui souriant. Rose se leva et fit quelques pas sans quitter le dôme, restant à l'abri de la neige. Elle resserra son étole autour d'elle, mais peine perdue : l'étoffe était bien trop fine pour lui tenir chaud. Elle regarda distraitement vers la Forêt Interdite. Un grand buisson à sa droite la dissimulait aux regards venant du château. Elle repensa à la danse qu'elle avait partagée avec son inattendu cavalier. Sa surprise restait intacte ; jamais elle n'aurait pensé qu'il viendrait lui demander de danser avec lui. Rose avait à peine réfléchi avant d'accepter. Lorsqu'il s'était planté devant elle, très formel et majestueux dans sa tenue de soirée noire et soyeuse, elle n'avait pas pu résister.
- Tu vas attraper froid, annonça une voix tandis qu'une lourde cape se posait sur ses épaules, coupant court aux réflexions de Rose.
Elle leva les yeux vers son interlocuteur, posté sur sa gauche.
- Merci. Tu devrais t'occuper de ta cavalière, tu sais. Elle s'ennuie.
- Peu importe. J'aurais préféré que ce soit toi, ma cavalière, ajouta-t-il en soutenant le regard vert.
- Pourquoi ne pas m'avoir demandée de t'accompagner ? s'étonna-t-elle.
- Après la façon dont tu as renvoyé Taffin dans ses buts, certainement pas, affirma le jeune homme en souriant.
- Tu as trop d'orgueil, se moqua-t-elle gentiment. Ça te perdra.
Il lui répondit par un nouveau sourire.
- La rumeur se confirme, au fait. Tu danses très bien.
À son regard interrogateur, elle développa :
- Rumeurs qui couraient, captées par-ci, par-là en entendant des filles parler.
- Toi aussi, tu te débrouilles admirablement.
- Merci.
Un silence s'installa, troublé par quelques éclats de voix au loin. Le grand cavalier se racla légèrement la gorge et quitta la forêt du regard pour se tourner vers Rose.
- Je voudrais être franc avec toi, Wayne.
- Rose, corrigea-t-elle machinalement.
- Rose, reprit-il. Je préfère être sincère dès le début. Tu me plais.
Elle haussa un sourcil, attendant une suite, plus d'explications. Mais il ne fit que relever délicatement son visage vers lui, frôlant sa joue de ses doigts froids.
- Tu vois, je ne suis pas si orgueilleux que ça, chuchota-t-il finalement sans quitter son regard.
Puis il relâcha Rosa pour tourner les talons, disparaissant de la vision de la jeune fille. Elle resta immobile quelques instants, frissonnante maintenant que la chaleur de son cavalier avait disparu. Enfin la Serdaigle bougea et se dirigea vers le château, sans même se rendre compte qu'elle était toujours enveloppée dans la grande cape au parfum masculin.
