CHAPITRE 5

Été 1993

- Rose…

Elle l'écarte d'un geste lent, puis entre dans la petite chambre. Tout est blanc, froid. Stérilisé. Elle s'approche lentement, fixant le corps allongé. Puis elle est suffisamment proche pour toucher la main inanimée. Prenant soudainement conscience de la situation, elle plaque sa main gauche contre sa bouche. Son estomac se tord, elle a envie de vomir.

- Olivia… murmure-t-elle, la voix cassée.

Sa gouvernante ne répond pas. Elle semble dormir, mais c'est artificiel. Un sommeil donné par sortilège. Olivia sort juste de la salle d'opération. Rose se laisse tomber sur une chaise, sans lâcher Olivia. Les larmes lui montent aux yeux.

- Nanny… mais qu'est-ce qui s'est passé ?

En réalité, elle le sait. Alors elle se souvient.

Rose est dans sa chambre, finit de s'habiller. Comme elle n'arrive pas à lacer sa robe dans le dos, elle va jusqu'à la chambre d'Olivia. Elle sait qu'elle est là. Elle frappe légèrement puis, n'obtenant pas de réponse, elle glisse sa tête dans l'encadrement :

- Nanny ? Tu pourras m'aider à… Nanny ?!

Olivia est à genoux par terre, la main crispée sur sa poitrine. Rose se précipite, affolée.

- Nanny, qu'est-ce qu'il t'arrive ?!

La gouvernante a du mal à respirer, des gouttes de sueur perlent sur son front. Rose la soutient un instant, puis sa nourrice glisse dans ses bras, évanouie.

- BENSON ! hurle Rose. BENSON ! AU SECOURS !

Des pas se précipitent à l'étage. Le majordome met des heures à arriver aux yeux de Rose.

- Miss, que… par Merlin !

Le vieil homme se précipite. Il attrape le bras d'Olivia, cherche son pouls. Rose lui lance des regards affolés, désespérés. Puis sans un mot, le majordome agrippe sa jeune maîtresse et la gouvernante et transplane. Ils arrivent dans le hall des urgences de l'hôpital Sainte Mangouste.

- Aidez-nous ! s'entend brailler Rose.

Aussitôt, une véritable armée de Guérisseurs les entourent.

Rose se souvient à peine de cet instant, il reste flou.

Ils allongent Olivia, tentent de la ranimer, leurs baguettes brandies autour d'elle. Le brancard parcourt des couloirs, Rose court à côté, infatigable. Elle ne veut pas laisser sa Nanny toute seule. Puis elle est écartée par une Guérisseuse qui lui assure que tout va bien se passer.

Trou noir.

La voilà face au Guérisseur en chef, qui lui parle en une langue inconnue. Voyant l'air abattue et les yeux voilés de la jeune fille, il résume :

- Ses bronches se sont obstruées. Heureusement que vous étiez là.

- Pourquoi ?

C'est la seule question qui lui traverse l'esprit. L'homme soupire.

- Écoutez, Miss, je dois vous dire quelque chose de difficile.

Il hésite. Avant qu'il ne puisse parler, une main ferme se pose sur l'épaule de Rose. L'homme dans son dos a le visage fermé et sévère. Elle se retourne d'un bond.

- Père... je comprends rien…

Elle voit son père hocher la tête vers le Guérisseur. Ce dernier la trouve si jeune, la fille en face de lui. Et il va falloir qu'elle grandisse plus vite que prévu.

- Allez ! presse Rose, retrouvant sa hargne.

- Mme Alejo a un cancer.

Vertiges. La main de son père la retient plus fermement.

- Un cancer ? où ? comment ?

- Nous avons trouvé des métastases un peu partout… Principalement dans les poumons. C'est là que le cancer s'est installé en premier.

- Mais vous allez tout enlever, n'est-ce pas ?

Elle se tourne vers son père.

- N'est-ce pas ?

- C'est trop tard, Miss. C'est un type de cancer très agressif, et il est trop installé pour que nous puissions tenter quoi que ce soit sans blesser Mme Alejo.

Elle chancèle, son père la retient encore, l'aide à s'asseoir sur un siège en plastique froid. Les yeux perdus, elle relève la tête et trouve la force de demander ?

- Alors quoi ?

- Je suis désolé, Miss. On ne pourra que soulager sa douleur maintenant.

Rose laisse échapper un gémissement d'animal blessé. Le fidèle Benson se tient debout à ses côtés, lui presse l'épaule, pendant que son père reste près d'elle, assis.

- Combien de temps ? murmure-t-il.

- Son état va empirer comme le cancer se propagera. Avec un traitement magique, deux ans, peut-être trois.

Elle sent son souffle s'arrêter. Elle suffoque, puis comprend que des larmes lui coulent des joues. Encore une fois, son visage se tourne vers son père. Il ne pleure pas mais sent son cœur se déchirer en voyant son enfant détruite. Il l'attire contre lui et l'installe au plus près, sur ses genoux. Elle ne sait pas combien de temps elle reste prostrée contre lui, secouée de sanglots.

Puis quelqu'un vient les chercher. On leur dit qu'Olivia est dans une chambre et qu'ils peuvent aller la voir. Son père essaie de lui parler avant qu'elle n'entre, mais elle ne veut plus attendre. Elle le repousse doucement et entre.

Rose renifle. Elle s'aperçoit qu'elle s'est remise à pleurer. Une migraine commence à lui tourner dans la tête.

Deux ou trois ans. Et sa vie va s'arrêter. C'est inéluctable.

Les machines autour émettent des ronronnements légers et constants. Olivia se réveille. Rose se compose un visage, malgré ses yeux rouges.

Deux ou trois ans. Il faut profiter de chaque instant à présent.

La gouvernante tourne la tête vers « son » enfant.

- Salut, Nanny.

Été 1995

Les semaines qui suivirent furent très floues pour Rose. Elle sut que son père refusa en bloc qu'on la transfère à Sainte Mangouste. Elle resta à l'infirmerie, entourée de personnes et d'autres. On la laissa sortir pour le banquet de fin d'année.

À bien y réfléchir, elle aurait préféré ne pas y aller. Ce fut horrible. Cédric Diggory était mort, la Grande Salle était tendue de draps noirs à sa mémoire. Rose n'entendit qu'à peine les hommages faits au Poufsouffle et à Harry Potter par Dumbledore.

Elle peinait à revenir sur terre. Tout était difforme dans son esprit, les visages, les bâtiments, elle-même. Il fallait qu'elle s'habitue. Elle était perdue et avait constamment envie de pleurer. Elle ne rêvait que d'une chose : se terrer au Manoir et ne plus jamais sortir.

Enfin, ce fut terminé, on les laissa rentrer chez eux. Rose quittait l'horreur surréaliste de ces dernières semaines pour se replonger dans la vie réelle. Qui n'était guère mieux, tout compte fait.

Le Seigneur des Ténèbres était de retour. Quoi que pourrait en dire le Ministère, elle croyait Dumbledore, et Potter. Pas ces ministres corrompus.

Et Olivia était toujours malade.

Cette réalité la frappa de plein fouet lorsque Benson ouvrit la porte du manoir Wayne pour l'accueillir.

Les premiers jours, Rose avait du mal à quitter le chevet de sa gouvernante. Olivia semblait en forme, mais elle avait interdiction de quitter son lit.

La maladie, décelée presque deux ans plus tôt alors que Rose commençait sa troisième année, ne le lui permettait plus. D'abord, la tumeur avait été localisée, mais impossible à enlever. Puis elle s'était développée, comme prévu. Les traitements magiques l'aidaient, mais ce ne serait pas suffisant pour la sauver. Maintenant, Olivia n'avait plus le droit de marcher, ni même de respirer correctement. La situation avait empiré depuis le départ de Rose en septembre dernier.

Les handicaps physiques de la gouvernante n'altéraient en rien ses facultés mentales, et Rose passa des jours à tout lui raconter de la fin de son année : la dernière crise qui l'avait presque tuée, la mort de Diggory, le retour de Vous-Savez-Qui nié par le Ministère de la Magie… elle emprunta beaucoup aux récits de ses amis. Et la transformation.

Olivia savait déjà tout du reste, les crises précédentes, Blaise, William. Elle avait reçu des lettres chaque semaine pendant l'année scolaire.

L'été qui s'annonçait allait être long, Rose se sentait coupable de laisser sa Nanny seule, alors elle ne quittait pas le Manoir. Après avoir terminé ses devoirs – activité qui avait le mérite de lui occuper l'esprit-, la Serdaigle se préoccupa de savoir comment la maisonnée se débrouillait sans Olivia à la gérance.

Benson avait tout mené de main de maitre. Le Manoir tournait au ralenti en l'absence continu de Rose et de son père, mais il tournait.

Cela faisait des semaines maintenant qu'elle ne l'avait pas vu, son père. Derek lui avait pourtant affirmé qu'il était venu la voir à l'infirmerie, mais elle n'en avait aucun souvenir. Elle se souvenait seulement de sa présence lors d'un bref entretien avec Dumbledore, Pomfresh et Flitwick, puis plus rien. Mais ses souvenirs étaient épars, flous et compliqués à rassembler.

Désœuvrée, Rose tournait en rond, le plus souvent dans le jardin. Elle évitait mentalement de penser à ce qui la préoccupait le plus. Elle n'en avait parlé à personne après l'entretien, s'empêchait de se remémorer les scènes.

Fin juillet, allongée dans l'herbe en plein soleil, Rose posa son livre et dut se rendre à l'évidence : il fallait qu'elle fasse le point. Elle s'autorisa enfin à repenser à la réunion qui s'était tenue dans le bureau de Dumbledore, juste avant la fin de l'année. Malgré la mort de Diggory et les événements récents, le directeur avait tenu à recevoir Rose afin de lui parler.

Tout d'abord, Rose avait cru qu'il allait la renvoyer. Qui voudrait d'un monstre ? D'une sorcière terrassée par un animal qui prenait son contrôle ? Elle devait forcément être dangereuse.

C'est un peu tendue qu'elle entra dans la vaste pièce. Elle eut la surprise d'y retrouver son père, qui se leva d'un bond à son arrivée.

- Rose !

Il se dirigea vers elle, et, semblant réfréner l'envie de la serrer dans ses bras, se contenta de lui presser l'épaule.

- Le professeur Dumbledore souhaitait absolument nous parler avant que tu ne quittes l'école.

Elle frissonna en entendant ces mots. Elle allait devoir quitter l'école… est-ce qu'une autre académie voudrait bien d'elle ? Peut-être, à condition qu'elle cache sa… particularité suffisamment longtemps. Comme son père l'entrainait avec lui, elle le suivit docilement et s'assit prudemment dans l'un des fauteuils face au grand bureau en bois. Elle laissa trainer son regard sur la multitude d'objets qui l'entouraient. Elle attendait que le directeur prenne la parole. Pourtant le vieil homme la regarda jusqu'à ce qu'elle lève la tête et lui prête attention.

- Miss Wayne. Je conçois que les récents événements puissent être perturbants, mais il faut que nous parlions de votre situation.

Rose n'avait pas grand souvenir de ce qui s'était passé, à part ce qui la concernait directement. Et encore.

- Il y a un temps pour les grands discours, un autre pour les vérités brutes. Aujourd'hui est un de ces jours. Poppy ?

- La maladie que tu portes a un nom, annonça l'infirmière après une seconde de silence.

Erwan et sa fille ouvrirent des yeux ronds. Son père s'exprima le premier :

- N'était-ce pas une maladie inconnue ?

Rose lança un regard noir à Pomfresh.

- Vous m'avez menti, siffla-t-elle, en colère. Vous m'avez dit que personne ne pourrait me soigner !

Le directeur leva deux mains apaisantes.

- Personne ne vous a menti sur cela, Miss Wayne. Personne ne peut vous soigner.

Il se tourna une nouvelle fois vers l'infirmière, qui prit la parole, regardant tour à tour Rose et son père, qui avait adopté une position protectrice derrière elle.

- Il y a une vingtaine d'année, un Guérisseur allemand a fait face à une maladie inconnue. La même que la vôtre. Malgré ses efforts, il n'a pas pu trouver de remède, ou même l'origine du mal. Il a fait appel à une équipe de scientifiques anglais. Ils ont travaillé plusieurs années dessus, fait des tests, inoculée la maladie à des cobayes, mais ils ne trouvaient rien. Puis, un jour, une des chercheuses a trouvé d'où venait le virus. Elle a été obligée de quitter le pays pour continuer ses recherches. Elle avait presque trouvé, et elle avait besoin d'étendre ses recherches à l'échelle mondiale.

Madame Pomfresh reprit sa respiration, regarda le directeur.

- Avant de partir, elle a eu le temps de me faire parvenir ses notes.

Les pupilles de Rose s'étrécirent.

- Pour résumer, la scientifique a pu déterminer quatre stades d'évolution de la maladie. L'infection, le développement, la métamorphose… et la mort.

Cette fois, Rose sentit la main de son père presser son épaule.

- Vous aurez compris que Rose est passée par les trois premiers stades. Pourtant, dans les rapports, le troisième et le quatrième stade étaient indissociables. L'un entrainait forcément l'autre, pour tous les tests effectués.

Elle leur laissa le temps de considérer ces révélations. Erwan soupira et raffermit sa prise sur sa fille, comme si elle risquait de lui échapper.

- Comment pouvez-vous être sûre qu'il s'agit de la même maladie ? demanda-t-il brusquement.

- Les symptômes. Ils correspondent tous. Ainsi que les antécédents.

- Les antécédents ?

Père et fille haussèrent un sourcil en parfaite harmonie.

- Cette maladie est rare, car elle ne peut se développer que si le ou la malade a un Animagus parmi les membres de sa famille. Il a aussi été avancé que cela ne pouvait se produire que d'un sujet féminin à un autre, mais ce n'est pas certain. Il est difficile de prouver les hypothèses, car à notre connaissance, aucune malade n'a jamais franchi le stade trois sans mourir.

Erwan se laissa finalement tomber sur une chaise. Rose semblait réfléchir, puis se tourna vers lui :

- Mais, Père… un Animagus ? qui ? ma mère ? toi ?

Il secoua la tête.

- Non. Pas que je sache…

- Je comprends pas…

- Moi non plus, avoua-t-il en lui touchant de nouveau le bras.

Elle ne protesta pas. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait sur la même longueur d'ondes que lui. Dumbledore produit un parchemin et le leur tendit :

- J'ai pris la liberté de vous amener la liste de tous les Animagi enregistrés.

Il les regarda par-dessus ses lunettes le temps qu'Erwan prenne la liste et la lise avec Rose.

- Tabitha Lestrange, née Travers.

Ils se regardèrent, éberlués.

- Ta grand-mère, précisa-t-il inutilement.

Secouant la tête, il reprit, pour l'infirmière :

- Quel est le nom de la maladie ?

- La Pathologie de l'Animagus.

Un blanc s'installa.

- C'est pourri comme nom, murmura Rose.

Son père esquissa un sourire malgré lui. Elle réfléchit un instant supplémentaire, le temps que les connexions se fassent.

- Je suis une Animagus, alors.

Son père ne la quittait pas des yeux. Elle soupira, puis reprit, le visage éclairé et plus enthousiaste :

- Je ne vais plus faire de crise ?

- Personne ne peut le certifier, mais c'est probable, confirma Madame Pomfresh. Puisque le virus a terminé son cycle sans que tu périsses, il est possible que désormais, tu ne sois plus qu'une Animagus « classique ».

Elle repartit dans ses réflexions.

- Vous n'allez pas me renvoyer alors ?

- Non. Je n'ai aucune raison de faire ça.

Pour la première fois depuis le début, la Serdaigle se détendit. Elle n'allait pas devoir quitter son école et ses amis. Elle soupira. Une autre idée lui traversa l'esprit, encore plus perturbante. Elle plaqua ses mains sur ses joues, soudainement affolée.

- Mais ! je suis une Animagus non déclarée alors ! Comment on va faire ?

Elle se tourna tour à tour vers les quatre adultes présents. L'idée d'être hors-la-loi la terrifiait.

Dumbledore prit la parole.

- Justement. Vu les circonstances actuelles, j'estime plus… sage que vous gardiez ce nouveau statut secret.

Erwan ouvrit des yeux toujours plus ronds. Rose resta coite.

- Je vous autorise à en parler à vos amis, vos camarades de dortoir. Il me semble inévitable qu'ils soient vite mis au courant, ajouta le directeur avec un sourire indulgent. Mais faites en sorte de ne pas l'ébruiter. Vos camarades de quatrième ont été déjà été informés de l'importance de garder le silence.

Son regard très sérieux fit opiner Rose et son père, de concert encore une fois.

- Je vous le promets, assura-t-elle. Ma famille et mes amis. Personne d'autre.

Il adressa un sourire aux Wayne et se leva, signifiant la fin de l'entrevue.

La jeune fille soupira, abandonnant définitivement son livre. Elle avait eu le temps de tourner et de retourner les paroles de Pomfresh et Dumbledore dans tous les sens. Finalement, ils en savaient plus long sur sa maladie qu'elle ne le croyait. Ça l'agaçait : pourquoi ne pas lui en avoir parlé plus tôt ?

Présentement, ce n'était pas le problème à résoudre.

- Concentre-toi, s'intima-t-elle à voix basse.

Elle résuma une fois de plus les nouvelles informations dont elle disposait.

Une fois de plus, elle avait encore failli mourir, mais là ça devient banal, pensa-t-elle.

Toutes ses crises terribles n'avaient finalement abouti qu'à une chose : Rose était devenue une Animagus.

Pomfresh avait expliqué que le nom de la maladie était Pathologie de l'Animagus, que Rose trouvait moche à pleurer.

Ils auraient pu trouver un nom plus ronflant, plus dramatique.

Bref, puisque certains parents d'Animagi pouvaient contracter cette maladie, et sa grand-mère en ayant été une (surprise !), Rose avait hérité d'un gène particulier, qui faisait d'elle un animal en puissance. Voilà un mystère de résolu.

Rose était une panthère, elle n'avait rien demandé, et en plus elle avait souffert pour le devenir.

- Point positif : plus de crise, résuma la jeune fille.

Il fallait juste qu'elle s'habitue à l'idée. Elle n'avait pas encore essayé de se transformer depuis le 24 juin, persuadée qu'avec la chance qu'elle avait, ce serait particulièrement douloureux.

Autre souci : qui savait ?

Elle n'avait pas particulièrement envie que tout le monde soit au courant, et de toute façon, Dumbledore avait été formel.

Résumons : probablement le staff de Poudlard et Dumbledore, ma famille – ça au moins, la liste est rapide-, mes amis, dont William et Blaise.

Blaise avait inévitablement mis au courant ; William parce qu'il lui avait rendue une visite prudente à l'infirmerie et que Derek lui en avait parlé, Rose étant trop dans les vapes pour le faire.

Derek en avait peut-être parlé à ses parents. Ça, ça ne la dérangeait pas le moins du monde, elle préférait qu'ils le sachent. Elle espérait que ce fut tout et que les instructions de Dumbledore leur avaient suffi pour tenir leurs langues.

Rose avait l'impression qu'un mois de sa vie avait disparu, qu'elle n'y avait pas assisté. On était le 25 juillet et ses souvenirs étaient trop flous pour en tirer quoi que ce soit de tangible.

Elle échangeait des lettres avec ses amis, bien sûr. Ils s'inquiétaient pour elle, et semblaient tous soulagés en même temps. Rose aussi l'était.

- Concentre-toi, grogna-t-elle à nouveau.

Elle avait survécu. C'était tout ce qu'elle arrivait à retenir d'important. Et c'était terminé.

Momentanément apaisée, Rose regarda les frêles nuages qui parcouraient le ciel bleu.

Blaise.

Ah non. Ça n'allait pas recommencer.

Pourtant, le Serpentard ne l'avait pas contactée depuis longtemps. Ça l'inquiétait un peu. Ses souvenirs avaient beau être enveloppés d'un épais brouillard, il lui semblait qu'il avait été présent à ses côtés, à l'infirmerie. Elle n'était plus si sûre, à bien réfléchir.

Agacée, elle secoua la tête et se leva brutalement. Elle traversa le parc dans l'autre sens, pour rejoindre le Manoir. La journée déclinait et l'ombre du bâtiment assombrissait la pelouse. Rose s'arrêta un instant et contempla sa demeure.

Les hauts murs, les trois niveaux, la tourelle et le toit de tuiles noires. Plus loin, la silhouette de la maison des employés. D'ici, elle voyait la salle à manger à travers la baie vitrée du rez-de-chaussée, puis au-dessus, de part et d'autre, trônaient les balcons des chambres. Lorsqu'elle y allait, elle avait une vue imprenable sur tout le parc – et au-delà.

Un vrai château de princesse. Froid et vide.

Elle avala sa salive et entra par la baie vitrée qui était grande ouverte pour accueillir la chaleur de l'été.

Le 10 aout à quinze heures précises, Erwan Wayne rentra chez lui. Tout le monde était au garde-à-vous dans le Manoir. Rose vit la berline arriver par la fenêtre de la bibliothèque, où elle avait passé le début d'après-midi. Benson, le jardinier Alfonso, le cuisinier George, la femme de chambre Amalie et les deux elfes de maison étaient parfaitement alignés à l'entrée. Ne manquaient qu'Olivia et sa protégée.

La jeune fille soupira en regardant un homme sortir de la berline : élancé, plutôt grand, il portait un costume sombre et bien coupé. Ses cheveux autrefois noirs grisonnaient par endroit. Il releva sa tête et sembla apercevoir sa fille, qui ne fit pas un geste. L'homme se retourna pour attraper sa serviette à l'arrière de la voiture, puis fit signe au chauffeur qu'il pouvait aller garer le véhicule. Benson lui prit sa mallette et Erwan Wayne entra enfin dans le hall.

Sa fille, toujours au premier étage, poussa un soupir supplémentaire et quitta la vaste pièce pleine de livres. Elle se dirigea vers les escaliers et aperçut son père en bas des marches, qui allait monter.

- Rose. Comment vas-tu ?

Elle le rejoignit en bas.

- Bien. Pourquoi tu es rentré ?

Il ne se formalisa pas de l'accueil peu chaleureux de sa fille. Leur relation n'était pas toujours facile et il était habitué. Tant qu'elle lui adressait la parole…

- J'ai pu quitter la compagnie plus tôt, répondit-il sereinement.

- Tu n'as pas peur qu'elle s'écroule sans toi ? lança Rose en se dirigeant vers le salon.

Il la suivit et se laissa tomber dans son fauteuil. Il retira ses lunettes et les posa sur une table basse en chêne. Décidant de ne pas se formaliser de son ton railleur, il dit enfin :

- Ils survivront sans moi pour quelques jours.

Rose pencha la tête sur le côté, assise en face de lui sur un canapé en cuir noir.

- Quelques jours ?

Elle réfléchit un instant.

- Oh, je vois. Tu vas monter une autre boite en parallèle, c'est ça ?

Il secoua la tête.

- Non, pas cette fois. Je prends des vacances.

- Des vacances ?!

Elle en oublia son ton mordant et sa bouche s'ouvrit en grand. Erwan Wayne ne prenait jamais de vacances. Jamais, jamais. Elle fronça les sourcils, une supposition faisant son chemin dans son esprit.

- On ne va pas déménager quand même ?

Cela lui paraissait absurde mais après tout… avec les événements récents…

- Non, Rose. Je voudrais que nous partions en voyage.

- Qui, nous ?

- Nous, toi et moi, répliqua-t-il en se demandant si elle le faisait exprès ou si elle était vraiment étonnée.

Il y eut un blanc.

- Pourquoi ? fut le seul mot qui vint à l'esprit de Rose.

Erwan parut désarçonné un instant. Il pesa ses mots et expliqua :

- J'aimerais qu'on puisse passer du temps tous les deux, loin de notre environnement habituel.

Comme elle ouvrait encore la bouche, il ajouta précipitamment :

- Si tu es d'accord, bien entendu.

Elle sembla considérer la proposition en penchant de nouveau la tête sur le côté. Son père pensa qu'elle ressemblait à un chaton perdu. Il se frotta les yeux et enchaina :

- Tu as failli mourir. Je me suis rendu compte que je… je n'ai pas vraiment été présent pour toi. Je sais que tu m'en veux, et que notre relation n'est pas toujours… simple.

Il s'attendait à ce qu'elle approuve vigoureusement, mais elle se contenta de le fixer avec calme.

- Peut-être que tu vas penser que c'est trop tard pour apprendre à te connaitre vraiment, mais je veux essayer. Si tu me laisses une chance.

Ce genre de déclaration était tout nouveau pour lui, et il se sentait un peu maladroit. Il ne savait pas comment lui expliquer qu'il avait eu la peur de sa vie en apprenant que sa fille avait failli mourir, alors qu'il était si loin, trop loin d'elle. Il voulait tenter de rattraper les années manquée.

Pour l'instant, il ne recevait aucune réponse de sa part. Elle gardait son air impassible. Ses yeux verts étaient dans le vague, son visage fermé, sa bouche pincée. Elle portait une robe d'été légère, bleu clair. Erwan réalisa soudainement que sa fille avait beaucoup changé, en si peu de temps.

Pour être honnête, il n'avait jamais véritablement prêté attention à l'apparence de Rose, hormis le fait qu'il vérifiait si sa tenue était impeccable lorsqu'il recevait des clients ou des gens importants.

Elle avait maigri, aussi. Beaucoup pour une adolescente de quinze ans. Sa peau très pâle était à peine rosie par le soleil anglais. Des cernes violets lui mangeaient le visage. Ses yeux verts et vifs contrastaient avec cette apparence frêle, presque maladive.

Oui, décidément, une semaine de vacances dans un autre pays ne pourrait lui faire que du bien.

- D'accord.

Tout à sa rêverie, Erwan ne comprit pas et lui fit répéter.

- J'ai dit, c'est d'accord pour les vacances.

Elle ne sourit pas, ne fit pas un geste d'encouragement. Mais elle avait accepté. Son père étira ses lèvres jusqu'à ce que ses dents se dévoilent.

- Bien. Je suis content que tu acceptes.

- Je pourrai écrire à Derek ? fut sa seule réponse.

En quelques jours, il fut décidé qu'ils iraient aux Bahamas, sur l'île de New Providence, où se trouvait la capitale.

Rose ne manifesta pas plus d'émotions à l'annonce de leur destination.

Elle avait aussitôt écrit à Derek pour tout lui raconter. Elle détailla ses doutes, sa crainte que rien ne fut vrai. Elle avait envie de croire son père, qu'ils allaient devenir plus proche, mais en même temps elle restait méfiante. Son ami la rassura comme il pouvait, croyant aux bonnes intentions du patriarche. Il lui donna aussi des nouvelles de toute sa famille. Tous espéraient qu'elle pourrait leur rendre visite avant la rentrée, comme chaque année. Elle promit.

Deux jours avant le départ, Rose se préoccupa de faire ses bagages.

Tout ce temps, son père avait tenté de se rapprocher d'elle, de la faire parler de son année scolaire. Si elle répondait aussi sincèrement que possible, elle garda certains détails pour elle : William et Blaise, les altercations avec Malefoy, les rumeurs sur son compte. En trois jours, Erwan connaissait les prénoms de ses amis les plus proches, ainsi que son opinion des professeurs et des cours dispensés. Ils parlèrent aussi du Tournoi des Trois Sorciers. Il parut surpris lorsqu'il apprit que Viktor Krum était élève à Durmstrang et ne se laissait pas d'écouter sa fille parler des tâches que les Champions avait effectuées, même si elle n'avait assisté qu'à une seule d'entre elles.

Avec douceur, son père l'amena à parler de sa maladie. Elle raconta les différentes crises qu'elle avait faites, assurant qu'elle avait toujours reçu du soutien, de l'aide. Elle détailla comme elle le put la dernière, qui l'avait transformée. Rose devança la question qu'elle vit dans les yeux de son père.

- Une panthère. Je pensais que Pomfresh t'en aurait parlé.

Il haussa un sourcil, exactement comme Rose le faisait souvent.

- Vraiment ? c'est… intéressant.

- Qu'est-ce qui est intéressant ?

- Que tu ais choisi l'animal préféré de ta père.

Il y eut un silence. Toute l'attention de Rose était tournée vers son père. Elle clarifia pourtant un point :

- Je n'ai rien choisi du tout. Alors, mère aimait les panthères ?

- Elles la fascinaient, confirma-t-il. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi mais c'est ainsi…

- Je ne sais vraiment rien d'elle, tout compte fait, lança Rose.

- Il n'y a rien de plus à savoir.

Il quitta la pièce rapidement et ne reparut qu'au dîner.

Rose se nota mentalement de ne plus aborder le sujet « mère » avec son père.

Même si elle s'intéressait de temps à autre à sa mère biologique, cela lui sortit vite de la tête. Pour elle, Olivia était sa mère.

Et Olivia va mourir.

Non ! Ne pas penser à ça. Pour l'instant, elle vivait.

Rose monta au second pour lui tenir compagnie.

Le lendemain, au petit-déjeuner, son père lui tendit un livre.

- Tiens. Je l'ai commandé pour toi.

Elle le prit et regarda la couverture : « Animagi : l'anthologie – Méthode, avertissements, témoignages ».

- Merci.

- J'ai pensé que ça pourrait t'être utile. Pour mieux comprendre comment ça fonctionne.

Il semblait hésiter. Elle lui adressa un petit sourire, voulant le rassurer. Elle était touchée par le geste.

- Merci, répéta-t-elle. Je suis sûre que ça va être instructif.

Son père sourit à son tour et leur servit du thé.

La veille du départ, Erwan était allé au travail jusque tard, pour tout boucler avant ses vacances. Rose avait terminé les valises avec l'aide d'Amalie.

Ils dînèrent vers vingt-et-une heures. Benson vint les interrompre au milieu du repas, annonçant un visiteur pour Monsieur Wayne. Erwan se tamponna le coin des lèvres avant de se lever, les sourcils froncés.

Rose le suivit du regard, délaissant son assiette qui refroidissait. Elle entendit les éclats de deux voix masculines – son père et une autre qu'elle ne connaissait pas.

Le ton de son père semblait de plus en plus sec, plus fort aussi. L'autre semblait plus suppliant.

Elle tendit l'oreille.

Voix d'homme, ton tremblant, qui répondait à son père de manière déférente. Un subalterne de l'entreprise. Il semblait insister pour obtenir quelque chose. Agacée de ne pas entendre mieux, elle se leva et s'approcha du hall d'entrée où étaient restés les deux hommes. Elle se planta derrière la porte, invisible.

- Monsieur, je vous en prie ! Nous avons besoin de vous.

- Vous avez reçu mes instructions, Hagen. Je ne pouvais pas être plus clair.

Intriguée, elle ferma les yeux pour se concentrer davantage.

- La base de Chicago s'affole ! Les taux sont au plus bas, ils ne nous écoutent plus. Si ça continue, ils vont faire une révolution !

Elle entendit son père soupirer.

- Je viens de poser des vacances. Pour la première fois en vingt ans.

- Je sais, Monsieur, mais… on ne peut pas se passer de vous. Pas cette fois.

- Ne serait-ce que pour une semaine ?

Elle crispa ses doigts sur le chambranle de la porte.

- Je vous en prie, Monsieur. Ce ne sera l'affaire que de quelques jours. Rien que le fait d'apparaitre devant les équipes américaines devrait les calmer suffisamment pour que nous reprenions le contrôle. Vous seul avez l'autorité nécessaire afin de reprendre cette situation en main, Monsieur.

Maintenant le ton de la voix était plus stable. L'interlocuteur de son père savait que ses arguments allaient faire mouche. Et Rose aussi. Le patriarche poussa un nouveau soupir.

- Si vous ne venez pas, ils se mettront en grève. Et nous allons perdre cette entreprise.

- Très bien, très bien, céda son père d'un ton exaspéré.

- Merci Monsieur. Merci, répéta la voix réjouie. Vous ne pouviez prendre une meilleure décision.

Erwan eut un claquement de langue agacé, et Benson se chargea de raccompagner le visiter à la porte. Rose fit quelques pas en arrière et regarda son père entrer dans le salon. Il tomba nez à nez avec elle. Le masque de froideur qu'elle arborait habituellement était tombé. Elle était en colère et serrait les poings.

- Écoute, Rose…

Elle poussa un grondement animal. Il s'interrompit. Puis il aperçut ses épaules trembler tellement elle était tendue. Rose releva sa lèvre supérieure, montrant ses dents :

- Et dire que je te faisais confiance ! Se retrouver, mon œil ! Encore une fois, ton travail passe avant tout. Comment ai-je pu penser le contraire ?

Sa voix était très basse.

- Si tu savais comme je suis désolé ! Mais je t'assure, on peut remettre cette semaine à plus tard…

- Plus tard, je serai chez Derek, comme d'habitude. Tu le saurais si je ne passais pas tous mes étés toute seule depuis dix ans !

Sa repartie la faisait gronder entre ses dents. Il voulut s'approcher d'elle, mais elle fit un bond en arrière qu'elle ne remarqua même pas.

- Ne. Me. Touche. Pas.

Elle poussa un nouveau grognement et partit en courant, montant les escaliers aussi vite qu'elle le pouvait. Elle fonça dans sa chambre, et ça lui arriva avant qu'elle ne puisse comprendre.

Il y eut un « plop », puis Rose crut qu'elle était tombée à terre. Non. Surprise de se retrouver à quatre pattes, elle trébucha et s'étala de tout son long. Sonnée, elle resta un moment allongée, rassemblant ses idées. Étrangement apaisée, elle considéra longuement les pattes noires qu'elle voyait devant elle – enfin, sous elle plus précisément. Elle prit finalement le temps de bouger chaque muscle de ce nouveau corps, d'apprendre à la connaître. L'animal remua ses oreilles, ouvrit la bouche, sortit la langue, agita la queue. Enfin, lentement, elle se releva.

Elle se redressa d'abord sur ses pattes avant, puis déplia l'arrière. Rose fit un pas, puis deux, trouvant la coordination des quatre membres plutôt facile. Innée. Elle fit le tour de sa grande chambre doucement, puis plus rapidement. Elle fit une pause, et ressentit un besoin instinctif.

S'étirer. Elle déroula son long corps, fit frémir ses puissantes épaules. La panthère bailla, puis s'assit. Examinant ses pattes, elle remarqua les griffes rétractiles, très blanches, jamais utilisées. Elle joua un instant à les faire sortir et à les rentrer, apprenant le mécanisme.

Rose perçut un mouvement à côté d'elle et se releva brutalement. Penchant la tête sur le côté, elle n'aperçut que son reflet dans l'immense miroir face à elle. Prenant alors le soin de s'examiner, elle se rassit, tranquillisée. Elle était noire, son pelage luisait. Ses yeux en amande étaient du même vert que ceux de l'humaine. Elle ouvrit la gueule et considéra ses crocs immaculés. Les canines paraissaient immenses. En s'approchant de son reflet, elle eut une preuve irréfutable que c'était bien elle là-dedans : sous les poils sombres de la tête, on pouvait distinguer sa fine cicatrice. L'animal ferma à demi les paupières et s'éloigna un peu du miroir.

Finalement, elle était bien sous cette forme. Prenant son élan, elle voulut sauter sur le lit, mais se propulsa trop fort et atterrit lourdement de l'autre côté.

Étourdie, elle se redressa et s'ébroua. La panthère entendit des pas qui montaient les escaliers. De peur que quelqu'un ne la surprenne, elle préféra revenir à sa forme originelle, imaginant avec force son corps d'humaine.

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Rose était sagement assise sur son lit, un livre dans les mains.

On frappa discrètement à sa porte.

- Entrez.

Ce fut Amalie qui passa sa tête.

- Miss, veuillez me pardonner, mais est-ce que tout va bien ? Nous avons entendu un bruit terrible d'en bas…

- Tout va bien Amalie, j'ai simplement fait tomber toute une pile de livres en voulant attraper celui-là.

Joignant le geste à la parole, elle leva légèrement son Anthologie des Animagi tout en souriant.

La femme de chambre lui sourit en retour, s'excuse une fois de plus et sortit.

Rose gonfla les jours pour étouffer son soupir de soulagement. Fermant les yeux, elle se concentra sur ce qu'elle venait de vivre. Finalement, elle n'avait pas eu mal en se transformant.

C'est fou ce que ça m'a apaisée, songea-t-elle.

En se couchant une ou deux heures plus tard, elle espéra seulement qu'elle n'allait pas se transformer à la moindre contrariété.

- Miss ! Miss, réveillez-vous, vous allez être en retard !

- Hein quoi qu'est-ce qui se passe…

- Miss ! Vite !

Le ton pressant d'Amalie lui fit ouvrir les yeux.

- Enfin ! Dépêchons s'il vous plait !

- Pourquoi ? maugréa sa maîtresse en s'asseyant malgré tout sur son lit en se frottant les yeux.

- Vous avez votre Portoloin à prendre dans quatre heures !

Cette fois, Rose se redressa complètement.

- Portoloin ? répéta-t-elle bêtement. Mais, Père a annulé le voyage…

Disant cela, elle s'était levée et suivait Amalie sans réfléchir. La servante la mena en bas des escaliers, tout en expliquant :

- Monsieur votre Père s'en voulait tellement…

- Ben il peut, ronchonna Rose.

- Qu'il s'est dit qu'il ne voulait pas vous empêcher de partir en vacances, même sans lui, termina Amalie comme si elle n'avait rien entendu.

- Mais… j'ai pas envie d'y aller seule moi…

- Rose ?

Au son de la voix si familière, elle tourna vivement la tête. Elle fit un petit bond ravi avant de s'élancer.

- Derek !

Elle se jeta dans ses bras.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je euh… je sais pas, avoua-t-il. Ton chauffeur est venu me chercher avec une lettre de ton père, mais j'ai pas tout compris. Ça parlait de vacances ou je ne sais quoi…

Comprenant enfin, Rose eut son premier sourire depuis la veille.

- Tu étais au courant ? demanda-t-il.

- Non, pas du tout !

- Qu'est-ce qu'il se passe alors ?

- Derek, on part en vacances tous les deux !

Devant son air perdu, elle lui expliqua en quelques mots l'histoires des vacances prévues avec son père, mais annulées à la dernière minute. Ils n'eurent pas le temps de se réjouir que déjà Benson rappelait à la jeune fille qu'il fallait qu'elle se prépare. Elle fonça dans la salle de bains, Derek sur les talons. Il s'installa dans la vaste chambre.

- Et on va où au juste ? cria-t-il.

- Aux Bahamas, hurla-t-elle en retour.

Il poussa un sifflement appréciateur.

- J'aime bien quand ton père annule ses vacances moi !

Comme il l'entendait maugréer, il ajouta :

- Je sais que tu aurais dû partir avec lui… mais je suis sûr que vous pourrez vous rattraper plus tard !

Elle sortit de la salle d'eau avec un grand sourire.

- Mais je suis encore plus contente d'y aller avec toi.

Il sourit en réponse, et poursuivit :

- Moi aussi. On va avoir un peu de temps pour nous. Il faudra que ton père me dise combien on lui doit… il va falloir des années pour amortir une folie pareille, finit-il par marmonner.

Face à son armoire, enroulée dans un grand drap de bain, elle se retourna vivement vers son ami.

- Mais ça va pas ! Tu pars aux frais de la princesse.

Il fit une drôle de tête.

- Il manquerait plus qu'il te fasse payer le voyage !

Derek finit par secouer la tête.

- Ça me gêne terriblement, tu sais.

Elle secoua un doigt impérieux.

- Non, non. Disons que c'est en compensation de mes séjours réguliers chez toi.

Comme il savait que ni la fille, ni le père ne changerait d'avis, il soupira une nouvelle fois et n'ajouta plus rien. Le blond regarda son amie s'habiller et remarqua :

- Tu as repris du poids.

Elle lui sourit, contente qu'il ait remarqué, et ferma sa robe. Elle attacha rapidement ses cheveux en disant :

- Avec un peu de chance, j'arriverai à prendre deux ou trois kilos de plus pendant les vacances.

- Des glaces ?

- Des glaces, confirma-t-elle. Des fruits, des cocktails, des restaurants déjà réservés… la belle vie !

Elle ouvrit grand les bras, rayonnante.

- C'est parti ! annonça Derek, emporté par sa bonne humeur.

Avant de partir, ils étaient allés embrasser Olivia qui les attendait entre deux siestes. La gouvernante avait été aussi déçue que Rose qu'Erwan ait annulé, mais finalement se dit que sa protégée avait aussi besoin d'une semaine d'insouciance avec son meilleur ami. Elle avait fait promettre aux étudiants de lui écrire, et ils s'étaient mis en route sereinement. Erwan était déjà parti, alors Rose confia une fois de plus le Manoir aux bons soins de Benson.

Rose et Derek furent incapables de parler d'autre chose que de leurs vacances jusqu'au moment de toucher le Portoloin. Une hôtesse s'occupait d'eux et atterrit aux Bahamas en même temps. Cramponnés à leurs deux valises, ils se tenaient fermement par la main et ne se quittaient pas. L'hôtesse sembla croire qu'ils étaient en couple, mais peu leur importait.

On les guida jusqu'à la réception de l'hôtel – un cinq étoiles Moldu, avec une aire dissimulée, réservée pour les sorciers. Ils s'enregistrèrent à l'accueil et un employé les accompagna jusqu'au cottage réservé par le père de Rose. Le changement de client n'avait pas pu être pris en compte à temps, aussi il y avait deux chambres immenses, chacune avec sa salle de bain privée.

Un large salon séparait les chambres et se terminait par une longue baie vitrée, d'où on pouvait voir l'océan Atlantique. Il y avait aussi une cuisine, ainsi qu'un espace salle à manger.

On expliqua aux adolescents qu'ils pouvaient contacter la réception à tout moment, pour quoi que ce soit. De plus, mesure prise par précaution car ils n'étaient pas majeurs, quelqu'un passerait tous les soirs à vingt-trois heures afin de s'assurer qu'ils étaient tous les deux là. On leur précisa également qu'il fallait éviter de faire de la magie étant donné le nombre de Moldus aux alentours, même si tous savaient que Rose et Derek n'avaient pas encore le droit d'en user librement.

Ils acquiescèrent à tout ce qu'on leur disait. Toujours ébahis par l'endroit, ils s'assirent sur la terrasse en bois dès qu'ils furent seuls et contemplèrent l'océan turquoise qui venait lécher un sable si clair qu'il était presque blanc. Ils n'avaient qu'une centaine de mètres à faire pour se plonger dans l'eau claire.

Même Rose, habituée à un environnement luxueux, ne parvenait pas à réaliser que l'endroit était réel.

Ils passèrent leur première journée à se promener dans le parc de l'hôtel, se perdant entre les cottages entourées de palmiers verts. Ils n'approchèrent la plage que vers dix-sept heures, retardant ce moment pour mieux le savourer. Le sable était si fin que Rose eut l'impression de marcher sur du sel. Derek trempa le premier ses pieds dans l'eau. Son amie l'imita et ils regardèrent l'horizon, chacun absorbé par ses pensées. Ils finirent par s'asseoir non loin de l'eau, appuyés l'un contre l'autre.

- Tu as revu Terry alors ? Raconte.

- Oui. Il est venu chez moi quelques jours en juillet, puis je suis allé chez ses parents après, rappela le blond.

- Vous leur avez dit que vous étiez en couple ?

- Non. Mais j'ai l'impression que nos mères nous ont démasqués, avoua-t-il en souriant.

- Comment ça va vous deux alors ?

- À merveille, soupira Derek, rêveur.

Rose était tellement heureuse de son bonheur et se pressa contre lui. Il laissa passer un petit silence, puis se jeta à l'eau :

- Et toi ? mis à part ton père ?

Elle fit une moue.

- Tu sais ce que Dumbledore et Pomfresh m'ont raconté…

Comme il acquiesçait, elle poursuivit :

- J'ai survécu. Alors je pense pouvoir affirmer que je vais bien.

Il opina de nouveau.

- Tu m'as juste parlé de ce qui s'était passé, pas de ta transformation en elle-même. Tu as eu mal ?

- Oui, murmura-t-elle. Plus que jamais.

Il lui entoura les épaules de son bras.

- C'était horrible. J'ai cru que j'allais éclater, brûler, fondre, geler, me réduire en poussière, tout en même temps… je pensais que ça ne s'arrêterait jamais.

Elle sourit un peu.

- Mais c'est terminé. Je croyais avoir mal de nouveau si je tentais de me transformer, mais pas du tout. C'est à peine si ça chatouille.

- Tu t'es retransformée ?

- Je n'ai pas fait exprès, grimaça-t-elle.

Elle lui raconta la scène de la veille, sans omettre aucun détail. Derek conclut par :

- Alors, j'imagine que ça fait partie de nos vies maintenant.

Elle le regarda et sourit, hochant la tête. Il changea de sujet.

- Et Zabini ? des nouvelles ?

Comme elle regardait dans le vague, il attendit qu'elle se décide à répondre.

- Non, dit-elle d'une voix maîtrisée. Il ne m'a pas écrit.

- Et toi ?

- Une fois, au début de l'été.

- C'est tout ?

- Il n'avait qu'à répondre !

- Il y a sûrement une raison.

- Peut-être.

Mais son « peut-être » sonnait plus comme un « il a intérêt ! ».

Durant leur semaine au paradis, les deux amis purent expérimenter de nouvelles activités : visites des iles contiguës, plongée parmi les poissons exotiques, divers spa et massages proposés par l'hôtel, piscines gigantesques, bains à remous et même un peu de surf.

Ils firent des parties de raquettes sur la plage, face à leur cottage.

La prédiction de Rose s'avéra : la nourriture était abondante, surtout les fruits. Il leur arrivait d'en commander à trois heures du matin pour calmer une petite faim. Leurs appétits respectifs n'avaient pas diminué, bien au contraire : Derek avait toujours plus besoin de manger, et Rose avait l'impression que son Animagus avait autant faim qu'elle. Les restaurants avaient été réservés, et ils se firent un plaisir de déguster tous les plats qu'on leur proposait. Le blond, muni d'un appareil photo Moldu offert il y a des années par sa mère, prit des centaines de photos. Ils durent même racheter des pellicules sur place. Rose fit l'acquisition d'un appareil jetable étanche, surpassant quelques préjugés pour une semaine – et se disant, dans un coin studieux de sa tête, que sa prochaine dissertation d'Étude des Moldus serait dense en informations. Ils firent donc des photos sous-marines lors de leurs séances de plongée.

Ils avaient rapidement abandonné l'idée de dormir chacun dans une chambre, et ils avaient installé toutes leurs affaires dans la chambre est. Cela sembla conforter les employés dans leur idée que les deux jeunes formaient un couple d'amoureux.

Ils bronzèrent beaucoup et à la fin du séjour Derek était méconnaissable. Rose elle, avait le teint légèrement halé, ce qui avivait ses traits. Elle ne prit pas plus de deux kilos, mais la lassitude qu'elle trainait depuis fin juin s'était envolée pour lui redonner toute sa vitalité originelle. Elle sautait de partout, infatigable, à peine tempérée par Derek qui la suivait vaillamment.

Leur cinquième jour sur place, ils étaient à peine fatigués quand vint la nuit. À deux heures, ils discutaient toujours, fenêtres grand ouvertes, affalés de travers sur les coussins du canapé, la « vélétision » allumé, entourés de cadavres de fruits et douceurs en tout genre.

La conversation dévia sur l'Animagus de Rose. Derek avoua qu'il avait hâte de voir la panthère, alors son amie céda facilement à sa requête. Ils fermèrent fenêtres et rideaux et baissèrent le son de la télé pour se concentrer. Rose se leva, face au canapé, puis murmura :

- J'essaie de me souvenir ce qu'il y a d'écrit dans le livre que m'a offert mon père…

- Tu te concentres, c'est ça ?

- J'espère que ça va marcher…

Derek se redressa en position assise et fixa Rose. Elle ferma les yeux et souhaita de toutes ses forces se transformer en animal. Le « plop » retentit comme un pétard dans la pièce silencieuse. Et elle était là.

Assise la queue enroulée autour des pattes, majestueuse, les prunelles vert éclatant, la bête regardait Derek droit dans les yeux.

Estomaqué, il ne dit rien et ne fit pas un mouvement. L'animal se leva et s'approcha tranquillement du sorcier. Il posa ses pattes avant sur l'accoudoir du divan et se redressa jusqu'à ce que leurs têtes soient au même niveau. Derek avait arrêté de respirer depuis le début et ne bougeait toujours pas.

Soudain, la panthère donna un immense coup de langue sur le visage de son ami, qui réagit enfin :

- Rose ! Non t'es berk là !

La bête se mit à ronronner, amusée, et monta entièrement sur le divan. Elle se coucha doucement et posa sa tête sur la jambe du Serdaigle, attendant patiemment qu'il s'exprime.

- C'est impressionnant, tu sais ?

Elle agita les oreilles en signe d'assentiment.

- Je sais que c'est toi, mais ça fait un peu flipper quand même. C'est la première fois que j'ai une panthère ronronnant sur les genoux.

Elle remua les moustaches : sa façon de rire.

- T'es rien qu'un gros chat en fait ?

Elle se tourna sur le dos pour pouvoir lui donner un léger coup de son énorme patte, pour lui prouver qu'elle n'était certainement pas un gros chat.

- D'accord, pas un gros chat alors. Ô panthère que vous avez de grandes dents ! s'exclama Derek alors qu'elle baillait ostensiblement.

Il s'erra à lui toucher le bout du museau pour savoir l'effet que ça faisait, expliqua-t-il. Cela eut pour effet de la faire éternuer. Elle se retourna et descendit du canapé pour s'étirer. Elle s'assit ensuite et se lécha l'épaule. Derek se leva, elle se frotta à ses jambes tel un « gros chat » pour le rassurer. Enfin il se décida à la toucher et passa sa main sur la tête noire et douce une fois, puis deux et laissa glisser sa main le long du pelage soyeux. Cela fit ronronner le félin de plus belle, son dos s'arquant à chaque caresse. Une fois cette étape passée, Derek fut beaucoup plus à l'aise avec l'Animagus de Rose. Il l'examina sous toutes les coutures, s'attardant sur les griffes qui l'amusaient beaucoup et finalement conclut :

- Heureusement que tu as gardé ta couleur d'yeux, sinon ce serait encore plus perturbant. Mais c'est plutôt sympa… mieux qu'un poisson rouge quoi, ça aurait été moins pratique.

Elle agita brièvement la queue, puis dans un bruit de bouchon qui saute, Rose reprit sa forme humaine.

- Tada ! annonça-t-elle en esquissant une révérence.

- Bravo ! applaudit Derek. Ça fait quelle sensation alors ?

- C'est… étrange. Les pensées sont comme… simplifiées. Je comprends tout ce qu'on me dit. Mais je ne sais pas si je serais capable de répondre… si je pouvais parler !

- C'est extra en tout cas. Impressionnant. Du coup maintenant tu n'as plus mal du tout ? questionna-t-il. Enfin, je veux dire, tu n'auras plus de crise de douleur comme avant ?

- En toute logique, non, puisque la transformation est terminée.

Elle sourit largement.

- Peut-être que ça valait le coup, finalement.

Il fit la moue, peu convaincu. Puis ajouta, malicieux :

- Le surnom d'Aiglon ne te convient plus du tout, maintenant…

- Tant mieux ! s'exclama-t-elle, soulagée.

Il éclata de rire. Reprenant son sérieux, il la regarda s'asseoir à côté de lui.

- William t'a écrit ?

- Oui. Plusieurs fois, et même que je lui ai répondu !

- C'est bien, tu es civilisée, complimenta-t-il dans un nouvel éclat de rire.

Il se tourna vers elle et reprit posément :

- Tu te souviens que je lui en ai parlé ?

- Oui.

- Il s'inquiétait tellement pour toi, en juin… il n'arrêtait pas de venir à l'infirmerie. Il a même persuadé ton père de l'ajouter à la liste des visiteurs autorisés…

- Des quoi ? coupa Rose.

- Ah, je ne savais pas si tu étais au courant. Madame Pomfresh et lui ont fait une liste des personnes autorisées à venir te voir. Comme on ne pouvait pas te demander – enfin si, mais tu ne pouvais pas répondre, ils m'ont demandé. Dans la panique, je n'ai donné que nous, les quatrièmes. Et Zabini. Et j'ai oublié William.

Rose le regardait attentivement. Cette information était nouvelle pour elle.

- Et il a parlé à mon père alors ?

- Oui, il était presque toujours là, alors c'était inévitable de tomber sur lui quand on venait te voir.

- William ? demanda-t-elle, confuse.

- Non, ton père. Ton père était là, presque tout le temps.

Elle ouvrit la bouche, étonnée.

- Je ne savais pas.

Derek secoua la tête.

- Vous avez vraiment des problèmes de communication tous les deux…

Elle lui donna un coup de coude. Il changea de sujet.

- Donc, William. Il venait te voir. Et un jour où nous étions seuls, je lui ai expliqué ce qui s'était passé – à peu près, pour les détails hein… à toi de voir. Il a juré de garder le secret aussi.

Rose semblait pensive.

- Vous vous êtes écrit alors ? reprit-il.

- Oui. Je n'ai quasiment pas mentionné l'Animagus, justement. On m'a dit de faire attention… je ne voulais pas que ça se balade sur un bout de parchemin. Mais il m'a dit être soulagé qu'on ait une explication à ma maladie.

Elle sourit, consciente que William avait esquivé le sujet pour les mêmes raisons, probablement.

- Sinon, il passe de bonnes vacances, il voyage dans toute l'Angleterre, l'Espagne et aussi les Pays-Bas pour voir sa famille.

Derek acquiesça, satisfait.

- Il n'a pas l'air effrayé de mon nouveau statut, lui, ajouta Rose pensivement.

- Je t'ai dit, je suis sûr qu'il a une explication logique.

Elle fit une nouvelle moue, essayant de se convaincre que Derek avait raison.

La veille de leur départ, ils retournèrent faire un tour en ville afin d'acheter quelques souvenirs pour leurs familles et amis. Les rues étaient plutôt encombrées, c'était jour de marché. Ils marchaient lentement, croisaient beaucoup de gens. Au détour d'une rue, Rose vit une silhouette familière.

- Blaise, souffla-t-elle pour elle-même.

Se dressant sur la pointe des pieds, elle s'appuya sur Derek qui arrêta de marcher.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle ne répondit pas, absorbée par la personne qu'elle avait aperçue.

- On va par-là ? proposa-t-elle.

Son ami la suivit malgré son étonnement. Ils firent plusieurs mètres avant que Rose ne tourne subitement à droite, s'enfonçant dans une ruelle presque déserte. Derek la stoppa d'un mouvement.

- Mais qu'est-ce que tu as vu ? Un chien ?

Elle se hissa de nouveau sur la pointe des pieds, se tordant pour mieux voir au loin.

- Il était là… murmura-t-elle. Je l'ai vu.

Elle tournait la tête dans tous les sens.

- Mais de quoi tu parles ?

Son amie ne répondit pas en reposant ses talons au sol. Elle lui lança un regard dépité, et il comprit.

- Enfin Rose ! Il n'est pas là !

- J'étais pourtant tellement sûre… j'étais persuadée…

- Zabini n'est pas là, Rose.

Une nouvelle moue contrariée lui échappa.

- Si tu commences à l'apercevoir à chaque coin de rue, on ne va pas s'en sortir. Si tu as tant envie de le voir, écris-lui !

- Certainement pas, répliqua-t-elle. Il n'a qu'à me répondre d'abord.

Gonflant les joues devant l'air buté de son amie, il la prit par le bras pour l'entraîner de nouveau au milieu du marché.

Ils profitèrent de leur dernière soirée au cottage et sur la plage. Derek fit d'ultimes photos, du paysage et d'eux.

Samedi matin, ils terminèrent leurs bagages, plus volumineux qu'à l'aller, et attendirent qu'on vienne les chercher pour les emmener dans la salle aux Portoloins de l'hôtel.

Leur semaine paradisiaque s'acheva comme elle avait commencé : en quelques secondes. Ils étaient de retour au Royaume-Uni, où le soleil ne brillait pas de la même façon qu'aux Bahamas.

On était le 26 aout, Rose n'allait pas tarder à venir passer les derniers jours de vacances chez Derek, alors ils ne se quittaient pas pour longtemps. Pourtant, Benson et Ted eurent du mal à les décoller l'un de l'autre pour qu'ils regagnent leurs maisons respectives.

Rose passa le reste du week-end à raconter en long, en large et en travers sa semaine avec Derek à Olivia, qui écouta tout avec attention. Puis, mardi soir, elle refit ses bagages, cette fois-ci pour quatre mois. Benson transplana avec elle avant l'heure du diner chez les Dent.

Elle fut accueillie très chaleureusement par les multiples petites sœurs de son meilleur ami, qui voyaient en elle une grande sœur. La mère de Derek était adorable, femme au foyer par choix et envie. Le père de famille n'était pas encore rentré du Ministère où il travaillait depuis quelques années. Rose offrit quelques cadeaux bahamiens à toutes les sœurs, ainsi qu'à Mary.

Lorsque les plus petites furent couchées, Derek, sa mère et Rose purent discuter tranquillement en attendant le retour de Stanley.

Comme le blond l'avait soupçonné, Mary avait deviné que son fils et Terry n'étaient pas de simples amis, aussi demandait-elle des détails à Rose, plus bavarde que son ami. Ce dernier les écoutait parler sans rien ajouter, le visage un peu rouge. Mary le remarqua et taquina son fils.

Elle demanda des nouvelles de la santé de Rose. Elle savait que la jeune fille était devenue une Animagus et s'inquiétait de savoir comment cela se passait. Rose la rassura et donna quelques détails anodins. Elle ne voulait pas l'effrayer. Enfin, Mary détailla Rose de la tête aux pieds et lui déclara :

- Tu es toute maigre, ma chérie. Tu es sûre que ça va ?

- Je crois que c'est la maladie, maman, répondit Derek à sa place.

Il avait retrouvé sa langue depuis qu'on ne parlait plus de sa relation avec Terry. La mère fronça les sourcils, puis comme Rose opinait, elle demanda :

- Tu manges au moins ?

- Oui, oui, comme quatre, mais ce sont les semaines passées à l'hôpital, à l'infirmerie… et les crises me prenaient beaucoup d'énergie. J'ai déjà repris deux kilos !

Secouant la tête devant le corps trop mince de Rose, Mary déclara qu'elle allait la remplumer rapidement. Les deux adolescents se mirent à rire.

Stanley rentra chez lui avec un soulagement évident. Il salua sa femme, son fils et avisa Rose.

- Oh, bonsoir Rose. Comment vas-tu ?

- Bien, monsieur Dent. Et vous ? Comment ça se passe au Ministère ?

Le grand blond soupira et se laissa tomber sur une chaise, pendant que sa femme lui apportait une assiette pleine.

- Merci chérie. Pour répondre à ta question, c'est à moitié la panique. Quelques personnes voudraient croire à ce que le professeur Dumbledore a annoncé à propos de Tu-Sais-Qui, mais personne n'ose, car le reste du Ministère bloque toute information et empêche quiconque d'en parler.

Il attaqua son gratin.

- Je dois avouer que de nombreuses personnes ont l'air de penser que Dumbledore a… comment dire ?

- Pété un plomb ? proposa son fils.

Il sourit.

- C'est ça. Je n'ose même pas imaginer ce que doivent être les vies quotidiennes de Dumbledore et du jeune Potter maintenant que c'est tombé dans les mains des journalistes.

- Donc pour le moment, l'avis officiel du Ministère est que tout va bien ?

- C'est ça. C'est ce qu'ils ont décidé. En apparence, tout est calme dans les bureaux, mais les conversations vont bon train.

Il s'interrompit pour avaler une lampé d'eau.

- Toute fuite est colmatée avant de sortir du bâtiment. Je ne donne pas cher de la tête de Dumbledore s'il continue à clamer haut et fort le retour du mage noir.

- À ce point ? s'étonna Derek.

Son père se contenta de hocher la tête d'un air sombre. Il finit son repas en silence, après que les deux amis se furent éclipsés pour laisser les parents en paix.

- Ça promet d'être agité l'an prochain à Poudlard, fit Derek en enfilant son pyjama.

- C'est vrai. C'est demain qu'on va au Chemin de Traverse ?

Il acquiesça et ils se pelotonnèrent l'un contre l'autre pour s'endormir.

Ils furent réveillés tôt par Mary qui leur avait déjà préparé le petit déjeuner. Ils s'installèrent à table les yeux encore à moitié fermés.

À neuf heures, ils prirent de la poudre de Cheminette seuls. Ils avaient rendez-vous avec leurs amis. D'habitude, c'était Olivia qui les accompagnait, mais plus ces deux dernières années.

Ils saluèrent Tom, le patron du Chaudron Baveur, puis tapotèrent le mur de briques et enfin furent du côté sorcier de la rue. À quelques jours de la rentrée, les rues fourmillaient d'élèves qui, comme Rose et Derek, avaient attendu le dernier moment pour faire leurs achats.

Ils avancèrent dans la longue rue en ayant un seul but : la banque Gringotts, où ils avaient fixé leur point de rencontre avec les autres. Ils étaient presque arrivés, lorsque Rose murmura malgré elle :

- Mandy. Anthony et Lisa. Terry. Michael absent. Padma… partie.

Derek lui lança un coup d'œil étonné mais n'eut pas le temps de demander des explications que Mandy et Lisa s'approchaient d'eux.

- Vous êtes là !

Les trois filles s'étreignirent avec chaleur, au soulagement de Rose. Elle ne voulait pas que les choses soient différentes avec ses amis. Terry la serra aussi dans ses bras, Anthony lui serra la main, plus réservé. Pendant qu'ils prenaient des nouvelles les uns des autres, Rose surveillait Terry du coin des yeux : il était devenu rouge brique en apercevant le teint « caramel à croquer » de Derek et ne semblait plus respirer.

- Michael et Padma ne sont pas là ? demanda finalement Derek.

- Padma est passée en coup de vent, mais elle fait les courses avec sa sœur et ses parents, répondit Lisa.

- Et Michael m'a téléphoné pour annuler, il avait autre chose de prévu, expliqua Anthony.

Rose hocha sagement la tête tandis que l'air stupéfait de Derek refaisait son apparition. Son amie lui répondit par une grimace, puis ils entrèrent dans la banque. Tous devaient « faire le plein », comme disait Mandy, pour leurs achats du jour mais aussi pour l'année à venir.

Cela leur prit plus d'une demi-heure au total, et à dix heures et quelques, ils purent enfin commencer.

- Il me faut de nouveaux parchemins, déclara la blonde. Et une nouvelle plume, la mienne a démissionné cet été.

- Je t'accompagne, lança Anthony. J'ai besoin d'un nouveau stock d'encre.

- Moi, je vais directement chez Fleury et Bott avant que la foule arrive, affirma Terry. Je dois prendre le Livre des sorts et enchantements niveau 5.

Derek le suivit, lui aussi avait des livres à acheter, dit-il.

- Des livres, mon œil… marmonna Rose suffisamment fort pour qu'ils entendent. Ils vont juste se tripoter entre deux rayons.

Derek se retourna et lui lança un clin d'œil, puis allongea le pas pour rattraper Terry. Restées seules, Lisa et Rose se mirent rapidement d'accord : il leur fallait de nouvelles robes de sorcières.

- Je dois aussi prendre de nouveaux gants pour la Botanique, annonça la rousse.

Lisa lui raconta ses vacances dans la famille de sa mère, qui ne savait pas qu'elle était une sorcière. Cela donnait parfois lieu à des situations cocasses – à ses yeux, car sa mère riait bien moins.

Puis Rose raconta ce qu'en substance Lisa savait déjà : son père, les vacances annulées, le départ avec Derek… elle fit des descriptions détaillées des plages et de l'hôtel.

- Vous nous montrerez les photos quand elles seront développées ?

- Oui, oui…

- C'est quoi ce ton hésitant ? rit Lisa.

- C'est juste que… pour développer les photos…

Son amie comprit rapidement :

- Tu n'as pas confiance !

Elle rit de nouveau.

- Ne t'en fais pas, le Moldu qui s'en occupe fera ça très bien, je te le promets.

- Oui mais… c'est tellement bizarre… ça bouge pas…

- Mais non voyons. Tu verras, j'aurai raison.

Elles entrèrent dans la petite boutique de Madame Guipure.

La petite vendeuse était occupée avec un autre client qui semblait régler ses achats. En attendant qu'on s'occupe d'elles, elles firent le tour de la boutique, admirant tous les vêtements exposés.

- Oh, regarde celle-là, murmura Lisa entre deux rayonnages. Elle est belle.

C'était une cape, d'un bleu profond, brillante.

- Il y a comme des petits diamants incrustés dedans, souffla Rose à son tour.

En fait de diamants, il s'agissait de petites paillettes.

- On dirait le ciel d'une nuit étoilée.

- Comme c'est poétique, rit Rose.

- Mesdemoiselles ! lança une voix chaleureuse. Que puis-je pour vous ?

Les amies se retournèrent d'un seul mouvement. Elles rendirent son salut à la vendeuse qui reconnut Rose.

- Miss Wayne ! Quel plaisir de vous voir ici. Vous désirez de nouvelles robes ?

- Oui. Il m'en faut pour cet hiver. Et de nouveaux uniformes, s'il vous plait.

- Très bien. Nous allons de nouveau prendre vos mesures.

Elle fit installer la jeune fille sur un tabouret, et un mètre de couturière commença à mesurer tout ce qui était possible de mesurer sur son corps. Lisa eut droit au même traitement, car elle avait grandi de quelques centimètres. Bientôt, des mètres de tissu noir se déroulèrent sous leurs yeux, des aguilles s'activèrent sous l'œil attentif de la couturière. Lisa et Rose descendirent de leurs tabourets.

La vendeuse leur fit passer plusieurs chemises blanches ainsi que des cravates pour compléter leurs tenues. Rose avait perdu une taille de vêtement en un an.

En quelques minutes, deux nouvelles robes noires les attendaient, installées sur des cintres. Madame Guipure les rangea dans des boites en carton, puis les posa derrière son comptoir.

- Je vous les garde en attendant que vous repassiez, Miss Wayne ?

- Oui, merci. Nous avons encore des achats à faire.

Elles payèrent d'avance, puis sortirent de la boutique les mains vides. Lisa entraina Rose jusqu'à la librairie pour leurs livres scolaires. Derek et Terry avaient disparu. De nouveau, elles laissèrent leurs achats payés dans le magasin, pour ne pas s'encombrer, après que Lisa eut murmuré en souriant que c'était pratique d'avoir une famille connue – Rose comprit, à raison, une famille riche.

- On va faire un tour à la Ménagerie Magique ? demanda Lisa.

Rose ne put s'empêcher de rire. Lisa la regarda, attendant une explication.

- Tu crois qu'ils me laisseront repartir ? réussit-elle à dire entre deux rires.

Son amie éclata de rire à son tour.

- On verra bien.

Elles poussèrent la porte. La boutique était étroite, surchargé, pleine de cages jusqu'au plafond. Des rats, des chats, des crapauds, des escargots, des lapins, une tortue, des souris, des corbeaux… des poils, des écailles, des carapaces, des plumes… et des cris, des piaillements, des miaulements, des coassements… tout le monde savait que ce magasin était plein, bruyant, aveuglant de couleurs et de mouvements.

Elles firent quelques pas.

Tout se tut.

La tortue étincelante de diamants rentra la tête dans sa carapace. Les escargots venimeux se cachèrent dans leurs coquilles orange. Le lapin se transforma en un haut-de-forme parfait, immobile, méconnaissable. Les crapauds violets fermèrent leurs bouches et sautèrent sous leurs feuilles de nénuphars. Les corbeaux se turent, eux d'habitude si bruyants, et se collèrent les uns aux autres comme des poules. Les souris creusèrent des trous dans leurs copeaux et se cachèrent, invisibles. Les rats noirs lâchèrent leurs barreaux et considérèrent les visiteuses de leurs yeux intelligents. Puis l'un d'eux fit un mouvement et tous se tapirent dans un coin, les uns sur les autres. Seuls les chats, muets, ne se cachèrent pas : ils s'assirent et fixèrent les jeunes filles sans un mouvement.

La vendeuse, surprise de ce silence, leva la tête du livre qu'elle lisait. Elle regarda les sorcières par-dessus ses lunettes sans dire un mot. Puis elle se leva et contourna lentement son comptoir. Mal à l'aise, Rose tira Lisa par la manche.

- Viens, on s'en va, chuchota-t-elle.

Mais Lisa l'ignora, fascinée par ce qui se produisait.

- Mesdemoiselles, commença la vieille femme. Que puis-je pour vous ?

Sa voix était douce, quoique froide. La rousse répondit tranquillement.

- On voulait voir les animaux.

Son interlocutrice plissa un peu les yeux, puis lança à Lisa :

- Je vous reconnais. Vous êtes une élève de Poudlard qui veut travailler avec les animaux, n'est-ce pas ?

Elle opina vigoureusement. Elle avança un peu, entrainant une Rose timide avec elle, qui gardait les yeux baissés vers ses chaussures, soudainement passionnantes.

- Vous voulez voir les nouveaux animaux que j'ai reçu ? proposa la vendeuse, plus chaleureuse à présent.

- Avec plaisir !

- Attendez-moi là.

Elle jeta un regard méfiant à Rose et sembla sur le point de dire quelque chose, mais elle se ravisa et partit dans l'arrière-boutique.

- Elle allait te dire quoi à ton avis ?

- Certainement me mettre en garde pour que je n'attaque pas ses boules de poils, grommela Rose.

- C'est incroyable, lâcha enfin Lisa qui paraissait se contenir depuis le début. Ils ont tout de suite compris que tu étais des leurs.

Sa fascination pour les animaux était sans bornes, et Rose était presque vexée d'être assimilée à eux. Elle grogna de nouveau une phrase, puis regarda les chats qui n'avaient pas l'air effrayés, eux. L'un d'eux miaula, comme pour l'inciter à s'approcher. Elle tendit la main vers eux et aussitôt les félins se massèrent autour de ses doigts comme ils le pouvaient. La plupart ronronnait sans crainte.

Une porte claqua et Rose se retourna tranquillement. La vendeuse était de retour, portant un panier d'où s'échappaient de petits cris. Elle adressa enfin la parole à l'Animagus.

- Si les chats n'ont pas peur de vous, vous pouvez vous approcher.

Sa méfiance semblait persister. Rose rejoignit Lisa. Elles poussèrent un petit « oh » émerveillé en voyant le contenu du panier.

- Ils sont adorables ! s'exclama Lisa.

Sept petits chatons tournaient maladroitement dans la corbeille. Ils étaient tous d'une couleur différente.

- Allez-y, prenez-en un dans vos bras, proposa la vendeuse.

Lisa n'hésita pas et baissa la main vers les corps soyeux. L'un d'eux s'approcha d'elle et colla son museau sur ses doigts. Elle l'attrapa délicatement. Le félin miaula et se blottit aussitôt dans ses bras.

- Ça alors ! Il a changé de couleur !

Le petit animal était à présent violet. La sorcière sourit et expliqua :

- Ce sont des chats émotionnels. Ils changent de couleur en fonction des sentiments, principalement ceux entre eux et leur propriétaire.

- Pourtant Lisa n'est pas sa maitresse, objecta Rose.

- On dirait qu'il l'a adopté, conclut la vendeuse en un sourire.

Lisa bafouilla, protestant qu'elle ne pouvait pas prendre l'animal avec elle. Elle tenta de reposer le chaton, qui se mit à miauler d'indignation et devint noir.

- La tristesse, chuchota Rose en réprimant un sourire. Il est déjà attaché à toi, tu sais.

- Mais…

Déjà Rose recollait la boule de poils ronronnant dans les bras de son amie. Il devint jaune.

- La joie, conclut la vendeuse.

- Je suis désolée, mais je n'ai pas assez d'argent avec moi et…

Mais Rose faisait un signe de tête à leur ainée. En quelques instants, le petit chat avec trouvé sa famille. Rose lui prit également un panier pour pouvoir le transporter dans le train.

- Rose…

- C'est une avance pour ton anniversaire, répliqua son amie.

- Merci !

Elle embrassa l'Animagus avec chaleur, le chaton ronronna.

- C'est quoi ça ? demanda Lisa en pointant du doigt un panier remplit d'une chose grosse et poilue.

- Ce sont des Boursoufs, Miss. Il y en a une dizaine dans ce panier.

- Ça alors ! Je n'en avais jamais vu en vrai !

Elle se pencha pour les examiner de plus près.

- Ils sont très affectueux envers les sorciers, n'est-ce pas ?

- On dit même qu'ils ronronnent un peu comme des chats, confirma-t-elle en souriant.

Curieuse à son tour, Rose s'approcha et tendit la main. Du coin de l'œil, elle vit que la vendeuse entamait un mouvement pour l'en empêcher, mais l'Animagus fut plus rapide, et sa main bondit, attrapa un animal duveteux et recula aussitôt. Ça n'avait pas duré deux secondes et la sorcière derrière son comptoir avait à peine eu le temps de bouger.

La petite chose dans la main de Rose sembla se réveiller. Au milieu de la fourrure crème, la jeune fille vit deux billes noires qui la fixaient. Elle sentit quatre petites pattes s'appuyer sur sa paume, et un petit fil rose vif sortit des poils immaculés, ondulant vers Rose. Fascinée, elle l'observa étirer sa langue, jusqu'à ce que l'animal touche son nez. Elle rit doucement comme il la chatouillait et la vendeuse sembla enfin se détendre.

Rose parla d'une voix basse et rassurante à l'animal, qui sembla apprécier et poussa sa petite mélodie d'une voix rauque et légère en même temps.

La jeune fille releva la tête et regarda la vendeuse, hochant rapidement la tête. Elle installa la boule de poils sur son épaule. Elle s'agrippa sagement à elle. Rose sortit les Gallions nécessaires.

Enfin, les jeunes filles saluèrent la vendeuse et quittèrent le magasin silencieux.

Les cris des animaux à l'intérieur retentirent de nouveau.

Un peu sonnée, Lisa tenait toujours le petit chaton contre elle, son sac à l'épaule. Le Boursouf de Rose était blotti contre le cou de sa nouvelle maitresse et regardait partout à la fois.

- C'était étrange, finit par résumer la rousse.

- J'avoue…

- Tu as d'autres achats à faire ?

- Non. Toi ?

- J'ai terminé. Merci pour le chaton.

- De rien. On va chercher nos autres achats ?

Elles récupérèrent leurs vêtements et leurs livres avant de retrouver leurs amis au café de Florian Fortarôme.

Mandy s'extasia devant leurs petits animaux : le Boursouf et le chaton, toujours jaune de joie.

- Tu feras attention au chat de mes parents, prévint Derek en désignant Rose avec sa paille. Qu'il n'essaie pas d'avaler cette petite chose.

Terry, sous le charme de l'animal, le couvrait de caresses. Le blond finit par leur lancer un regard courroucé qui fit rire les trois filles.

- Comment vous allez les appeler ? demanda Anthony.

- Je ne sais pas… répondit distraitement Lisa. Rose, une idée ?

- Pas la moindre ! On verra bien. Pour l'instant c'est « petit poilu mignon qui n'a pas peur que je le croque ».

- C'est un peu long, railla Mandy.

Rose lui sourit en retour, amusée.

- Pourquoi il aurait peur que tu le manges ? interrogea Terry.

Rose poussa un soupir et Lisa raconta ce qui s'était passé dans la Ménagerie Magique. Anthony ne parut qu'à moitié étonné.

- C'est plutôt logique. Les animaux ont un instinct beaucoup plus développé que celui des êtres humains. Ils sentent et comprennent des choses qui nous dépassent.

- Je me suis fait la même réflexion, approuva Lisa en lui souriant.

- Bon alors, lança Mandy, racontez-nous vos vacances, tous les deux !

Elle regardait Derek et Rose à tour de rôle. Alors à nouveau, ils racontèrent leur semaine au soleil, leurs amis s'exclamant aux bons moments, parfaits auditeurs. Terry regarda Rose, hésitant à lui dire quelque chose. Son amie l'en incita en penchant la tête sur le côté.

- Tu euh… nous parleras un jour, quand tu voudras, du mois de juin ?

Elle prit son temps pour répondre. Elle n'avait rien à leur cacher, mais il fallait les prévenir de garder le secret une nouvelle fois.

- Oui, bien sûr. Un jour, dans la chambre des garçons ?

Mandy eut un sourire ravi. Rose renouvela aussitôt ses mises en garde – enfin, celles de Dumbledore. Ils confirmèrent qu'ils avaient juré de garder le secret et avaient l'intention de tenir parole.

Enfin, ce fut le temps de se quitter.

En rentrant chez Derek, ils retrouvèrent ses petites sœurs, aussitôt émerveillées par le petit Boursouf. Elles le cajolèrent des heures durant, à sa plus grande joie.

Les deux adolescents bouclèrent leurs valises sous la surveillance de Mary. La rentrée approchait à grands pas et ils commençaient à être intenables.

Le dimanche 3 septembre 1995, ils furent menés en voiture à la gare par Mary. Ils dirent au revoir aux petites sœurs et à la mère de famille puis montèrent dans le train. Poussant et tirant leurs valises, ils progressaient lentement dans le couloir, croisant beaucoup d'élèves. Ils repéraient les premières années à leurs mines timides et perdues. Enfin, Rose entendit les voix salvatrices.

- Ils sont là-bas, annonça-t-elle en désignant du menton un compartiment à quelques mètres d'eux.

- Mais comment tu peux savoir ça… grommela Derek en la suivant.

Elle ne répondit pas et franchit les derniers mètres pour ouvrir la porte. Cinq de leurs amis étaient là. Il ne manquait que Padma. Ils sourirent et s'installèrent enfin. Michael et Derek rangèrent la valise de Rose dans les filets pendant qu'elle s'asseyait près de Lisa. Entendant un miaulement, elle sourit en repensant au chaton. Une fois la porte fermée, Lisa le libéra pour qu'il puisse se dégourdir les pattes.

Le train se mit en marche et partit direction Poudlard. Ils discutèrent à bâtons rompus pendant des heures. Ils firent une pause pour manger. Certains s'endormirent, dont Terry, la tête sur les genoux de Derek. Le chaton et le Boursouf, qui s'entendaient plutôt bien, jouaient ensemble aux pieds de leurs humaines.

- Il s'appelle Duke ! dit Lisa.

- Comme le guitariste des Bizarr'Sisters ?

- Oui ! fit-elle en souriant, fan du groupe. Et lui ?

- Kietel, répondit Rose.

- Pourquoi ? demanda Mandy.

- C'est dérivé du verbe kietelen, « chatouiller » en néerlandais, expliqua Rose. C'est William qui me l'a suggéré au fénétole chez Derek.

- Téléphone, corrigea machinalement ce dernier.

Elle haussa les épaules. Comment elle réussissait son examen d'Étude des Moldus chaque année, c'était un mystère pour le blond.

Un élève plus âgé vint chercher Anthony, qui devait rejoindre le compartiment réservé aux préfets. Padma y était déjà. Lisa décida d'accompagner son petit ami, histoire de se dégourdir les jambes. Ils sourirent à leurs amis, puis disparurent. Mandy avait imité Terry et ils dormaient tous les deux profondément, et Michael s'était évanoui dans la nature.

Derek regardait les deux animaux jouer.

- Tu as eu des nouvelles de Zabini ?

Un grognement fut la seule réponse qui lui parvint. Elle tendit les mains vers Kietel, qui se précipita dans ses bras en même temps que le chaton. Il ronronnait et se laissa caresser avec bonheur, tout comme le petit Boursouf.

Leur porte s'ouvrit soudainement, dans un fracas pas possible. Duke sauta des genoux de Rose et se hérissa, tandis que Kietel se cachait dans les cheveux de sa maitresse. Cette dernière se redressa vivement, prête à réagir.

- Rose ! s'exclama le nouveau venu. Ça fait des heures que je te cherche.

Elle se détendit, relaxant ses épaules. Le fracas n'avait pas perturbé Mandy, mais Terry s'était éveillé d'un bond. Il salua les deux garçons d'un signe de main et s'assit près de Rose.

- Comment tu vas ?

- Très bien, merci. Et toi alors ? Ce tour de la famille avec tes parents ?

- É-pui-sant !

Elle éclata de rire.

- J'ai rencontré des gens que je n'avais jamais vus, et pourtant, ils font partie de ma famille…

- C'était bien quand même ?

- Oui, oui… il y avait des sorciers, des Moldus, il fallait faire attention à ne pas se mélanger les pinceaux… et aux Pays-Bas, bonjour la galère pour communiquer ! Mon néerlandais n'est pas fou…

Elle rit de nouveau. Terry et Derek les écoutaient parler en souriant, se jetant un regard complice de temps à autre, que Rose ne vit pas, subjuguée par les récits de William. Il désigna le petit Boursouf :

- Comme tu l'as appelé finalement ?

- Comme tu me l'avais suggéré, Kietel. J'ai trouvé ça mignon alors…

- C'est chouette. Ça lui va bien.

Il sourit et se pencha ver elle pour attraper la petite bête. Il déplia ses doigts contre le genou de Rose pour inciter l'animal à le rejoindre. Comme Kietel hésitait, Rose le saisit en douceur et le déposa dans la main ouverte de William. Elle releva la tête pour dire une plaisanterie, et son regard tomba dans celui de son ami. Il était très proche d'elle. Tout badinage avait quitté son esprit. Elle entrouvrit la bouche, inspira légèrement… puis se ravisa et se tut. Il lui fit un sourire positivement craquant et s'éloigna d'elle, se préoccupant à présent du Boursouf.

Craquant ? C'est toi qui craque ma grande… pensa-t-elle aussitôt.

Perturbée, elle regarda Derek et Terry, à la recherche d'un peu d'aide. Mais le couple assis en face d'elle souriait, sans manifester la moindre intention de trouver un sujet de conversation. Résignée, elle soupira et regarda Kietel, dorloté par William.

- Qu'est-ce qu'il mange ? demanda son ami sans relever les yeux.

- De tout. Tout ce qu'il trouve, en fait. L'autre jour il a ramené une énorme araignée à la mère de Derek. J'imagine qu'il voulait lui faire un cadeau…

William rit.

- Mais elle n'a pas vraiment apprécié, supposa-t-il.

- Gagné. Même le chat de la famille n'en a pas voulu.

- Et il l'a mangée finalement ?

- Je crois… on ne l'a plus revue, donc…

- Il est tout petit mais il mange des proies plus grosses que lui… lança pensivement William. Ça me rappelle quelqu'un tiens ! finit-il en lui jetant un regard moqueur.

Elle haussa un sourcil, faussement indignée.

- Je ne suis pas toute petite.

- C'est vrai, concéda-t-il. Mais tu es toute maigre, ça compense.

Elle lui tira la langue puis croisa les bras.

- J'ai grossi d'abord, marmonna-t-elle.

Il sourit puis posa Kietel à côté de lui pour se pencher vers son amie.

- Grossi ? Mais tu les as mis où tes kilos au juste ?

Elle le fixa d'un air digne.

- Tu sais, si tu te pèses avec une cape d'hiver et un dictionnaire de Runes, ça ne compte pas… taquina-t-il encore.

- Tss.

Il éclata de rire. Elle s'adossa presque à la vitre pour lui faire face.

- T'es pas gentil avec moi ! alors que je viens de sortir d'une longue maladie et que je suis encore convalescente, minauda-t-elle.

Elle fit une moue supplémentaire pour l'amadouer.

- Laisse tomber l'air innocent Miss Wayne, ça ne te va pas ! répliqua-t-il, amusé.

Elle eut une mine déçue puis décroisa les bras.

- J'aurai essayé. Et d'abord, qu'est-ce qui te fait croire que je choisis des proies plus grosses que moi ?

- Tu ne t'es jamais vue manger ?

Elle sourit, vaincue. Il rit encore.

- Non mais c'est bien que tu manges beaucoup, comme ça pendant ce temps, tu nous fiches la paix…

- Tu me cherches ? s'exclama-t-elle.

Disant cela, elle bondit et renversa William contre l'assise du siège, le tenant par les épaules. Elle sourit, fière d'elle. Il leva les mains en signe de reddition, un sourire en coin.

- T'as gagné… les muscles contre l'intelligence, ah c'est du propre ça ! Digne d'une Gryffondor !

- N'essaie pas de me faire culpabiliser…

Elle s'installa un peu plus confortablement sur lui. Elle pesait de tout son poids, mais il souligna :

- Je te sens même pas tellement tu pèses rien… je pourrais te renverser en deux secondes, tu sais.

- Mais tu ne le feras pas, nargua-t-elle.

- Non. Je préfère prof… ourgf.

Il ne peut terminer sa phrase, interrompu par Kietel. Intrigué par ce que Rose faisait à califourchon sur son nouvel ami, il était monté pour s'approcher. Il s'était installé sur le visage de William, une patte dans l'œil, une autre lui écrasant le nez. Il poussa un petit couinement interrogateur.

Rose éclata de rire en voyant la mine intriguée de son animal et l'air indigné de son ami. S'adressant au premier, elle murmura :

- Ne t'en fais pas, tout va bien… on joue juste un peu.

Sa voix douce rassura le petit poilu qui ronronna. Rose lâcha les épaules de William et tendit les mains vers Kietel qui s'y jeta. Elle l'amena à hauteur de son visage et lui chuchota encore quelques paroles rassurantes tout en se redressant.

William la fixait, fasciné. Bien sûr, elle ne le vit pas, toujours à califourchon sur son ami et absorbée par son animal. Le brun finit par se relever sur ses coudes pour mieux la voir. Au moment où elle posa le Boursouf sur son épaule et baissa son regard vert sur lui, William arrêta de respirer un instant. Puis il l'attrapa par la taille et la souleva sans difficulté. Par réflexe, elle s'agrippa à ses épaules, rapprochant leurs corps. Tout en se rasseyant, il la posa à côté de lui et repoussa délicatement ses mains, sans la regarder. Rose se laissa faire, trop hébétée pour réagir. Son ami se leva finalement, et, marmonnant « je vais prendre l'air », il sortit du compartiment. Rose eut juste le temps de prendre une inspiration et il avait déjà disparu. Elle haussa un sourcil, se leva, pencha la tête dans le couloir. Mais il n'était plus visible, surement déjà dans un autre compartiment. Finalement, la jeune fille se tourna vers les deux garçons de son compartiment.

- Mais pourquoi il est parti ? demanda-t-elle d'une voix plus aigüe que d'ordinaire.

Terry se mordit la lèvre et Derek se contenta de la fixer en silence.

- Les mystères masculins, lança une voix endormie.

Mandy s'était réveillée.

- Ça fait longtemps que tu ne dors plus ?

- Suffisamment longtemps pour avoir compris.

- Mais quoi alors ? interrogea Rose, impatiente.

- Teuteu. Je préfère que tu comprennes par toi-même.

Se souvenant que Terry lui avait dit la même chose, elle se tourna vers lui.

- Vous êtes de mèche tous les deux ! s'exclama-t-elle, exaspérée.

Elle secoua la tête puis sortir du compartiment, agacée.

Une fois dehors, elle ne sut plus quoi faire, ni où aller. Elle avança donc au hasard, ayant vaguement dans l'idée d'aller aux toilettes. Tout en avançant, elle réfléchissait à ce que Mandy et Terry avaient dit. Mais que devait-elle comprendre, bon sang ?

Elle eut un tic agacé qui remontait sa lèvre supérieure sur ses dents, puis continua sa marche dans le couloir.

- Coucou Rose ! lança une voix enjouée.

- Michael !

Il avait l'air grisé.

- Je viens de croiser quelqu'un, fit-il.

Devant l'air mystérieux qu'il se donnait Rose se mit à rire.

- D'accord, quelqu'un. Et comment va ce quelqu'un ?

- Plutôt bien, avoua-t-il, un sourire aux lèvres. Je cherche notre compartiment. Il est où déjà ?

- Faut que tu arrêtes de « croiser quelqu'un », car quelqu'un te fait perdre la tête.

Il sourit plus largement encore, montrant que ça ne le dérangeait pas. Rose leva les yeux au ciel puis désigna l'endroit du doigt.

- Et ne te perds pas ! se moqua-t-elle une dernière fois.

Il répondit par un « tss » très digne et s'engouffra dans la petite pièce. Amusée, Rose le regarda disparaitre puis reprit sa balade. Elle aperçut une autre silhouette familière qui arrivait vers elle. Rose sourit :

- Lisa ! alors, les préfets ?

- Plein ! deux pour chaque maison, comme on pensait. Enfin, Anthony nous donnera plus de détails quand il reviendra.

Elle grimaça.

- Devine qui j'ai vu y entrer ?

- Euh…

- Malefoy !

- Il est préfet ?!

La rousse opina gravement. Son amie secoua la tête en marmonnant :

- Là, c'est la fin… Dumby a craqué ou quoi ?

Lisa réprima un rire et haussa les épaules.

- C'est pas une super nouvelle en soi, mais toi, ça pourrait arranger tes affaires…

- Pourquoi ?

- Qui est ami avec Malefoy et que tu connais ?

- Oh. Pas bête. Blaise pourra peut-être bénéficier d'un coup de pouce de Malefoy. Enfin, s'il veut toujours me voir.

- Toujours pas de nouvelles alors ? demanda-t-elle en poussant la porte des toilettes.

- Non.

- C'est fou… mais il y a sûrement une bonne explication…

Rose haussa les épaules, puis enchaina pour raconter ce qui venait juste de se passer avec William. Elle dit ne pas comprendre son départ précipité, sans aucune raison. Tout en s'essuyant les mains, Lisa réfléchissait.

- À quel moment il a fait ça ?

Elle répéta la fin de l'histoire. Lisa s'appuya contre le lavabo et regarda intensément Rose.

- Tu te souviens de la discussion qu'on a eue l'année dernière, en cours de Runes ?

Elle faillit secouer la tête, puis lança un « oh » stupéfait après réflexion.

- Tu ne vas pas encore me sortir ta théorie comme quoi je lui plairais ?

- Si.

- N'importe quoi, rétorqua Rose.

- Écoute, c'est logique. Il trouve toujours un prétexte pour se rapprocher de toi, et là c'était Kietel. Ensuite, tu lui donnes une occasion en or en lui sautant dessus, mais tu as dû y aller un peu trop fort parce qu'il n'a pas supporté.

- Et qu'est-ce qu'il n'a pas supporté ? Je comprends pas.

Lisa poussa un soupir désespéré.

- La proximité, Rose ! Vous étiez trop proches, et ça lui a filé un coup de chaud. C'est pour ça qu'il avait besoin de « prendre l'air ».

Devant l'air dubitatif de son amie, elle précisa :

- Ça a titillé ses hormones, ça a réveillé son instinct de mâle, il a eu envie de te sauter dessus, mais pas pour jouer innocemment !

- Ta lucidité est effrayante, tu le sais ça ? Tu es complètement pervertie.

Lisa eut un sourire innocent.

- Peut-être. Mais j'ai raison. Et toi tu joues les aveugles.

- Je ne joue pas les aveugles, marmonna-t-elle.

- Alors quoi ?

- Je n'ai jamais pensé à William… de cette façon.

Lisa leva une nouvelle fois les yeux au ciel.

- Hé bien tu devrais. Ça ne pourra pas te faire de mal.

- À moi, non… bredouilla Rose.

- Tu penses à Zabini ?

Elle planta ses yeux bleus dans ceux de son amie.

- Oublie-le un instant. Je le trouve bien absent ces temps-ci… alors que William, lui, est là. Et il n'attendra pas toute l'éternité.

Comme Rose allait protester, elle termina :

- Considère toutes tes options, Rose. Ne te bloque pas sur une seule d'entre elles.

Elle la fixait droit dans les yeux pour appuyer son discours et regarda Mandy qui venait de les rejoindre. Elle n'avait entendu que les dernières phrases mais compris l'essentiel du sujet et acquiesçait au discours de Lisa. Soupirant, Rose les suivit pour retourner dans leur compartiment, d'où les garçons avaient disparu.

Elles s'affalèrent sur les banquettes et Rose regarda par la fenêtre, regardant le paysage défiler. Kietel vint se blottir sur ses genoux. Elle le caressa machinalement, plongée dans ses pensées.

Alors comme ça, elle intéressait vraiment William. À en croire Lisa, bien sûr. Et clairement, Terry et Derek, vu la tête qu'ils faisaient plus tôt. Ça lui faisait bizarre de penser ça. Mais après tout… ça ne la dérangeait pas. Peut-être qu'elle aurait du mal à y croire avant un moment. Comme elle avait du mal à y croire avec Blaise, surtout depuis le silence radio de cet été.

La fin du voyage approchait, et ils vêtirent leurs uniformes. Les filles mirent les garçons dehors, passèrent jupes, chemisiers, pulls, cravates, pour finir par la robe réglementaire.

- Adieu, robes légères ! Adieu, bikinis colorés ! Bonjour, uniformes noirs, gris et toujours tristes ! déclama Mandy avec un air de tragédienne grecque.

Lisa et Rose éclatèrent de rire, puis sortirent pour laisser la place aux garçons. Ils leurs lancèrent des regards soupçonneux en les voyant hilares.

Enfin, le train s'arrêta et tout le monde descendit, dans le désordre le plus total. Lisa avait laissé Duke au désespoir dans son panier, avec la chouette d'Anthony. Kietel s'était glissé dans les replis de la robe de Rose avec l'ordre de rester caché. Puis ils montèrent dans les calèches tirées magiquement et furent bientôt installés dans la Grande Salle.

Puis, enfin, au grand bonheur de Derek et Rose, ils purent manger. Les conversations allaient bon train, chacun papotait un peu avec tout le monde. Il y avait des nouveaux à côté d'Anthony, qui semblait s'être donné pour mission de les rassurer sur l'année à venir. Lisa le regardait rêveusement, sous le charme. Mandy finit par lui donner un coup de coude et la rousse sembla se réveiller, lançant un regard perdu à ses amies qui pouffaient de rire.

Dumbledore finit par se lever pour faire son discours habituel. Il présenta deux nouvelles professeures : Madame Gobe-Planche pour les Soins aux Créatures Magiques – Lisa eut l'air ravie – et Madame Ombrage pour la Défense Contre les Forces du Mal. La petite femme habillée de rose fit faire une grimace instinctive à l'Animagus de la table. Derek hocha la tête, partageant son sentiment. Lorsque le directeur prononça le mot magique – Quidditch, tous les garçons autour d'elle devinrent très attentifs. Mais le vieux sorcier fut vite interrompu par la professeure Ombrage. Haussant un sourcil, Rose la regarda intensément alors qu'elle prenait la parole. La Serdaigle poussa alors un gémissement sourd. Derek la regarda, instantanément inquiet. Elle grimaça et posa sa main sur celle de son ami pour le rassurer, puis regarda de nouveau la dame en rose avec cette si horrible voix. Il sortait un son terriblement aigu, enfantin, de ce corps, qui écorchait ses tympans devenus sensibles.

Le groupe de Serdaigles se lançait des regards effarés. Mais c'était quoi ce discours ? Les joueurs de Quidditch en particulier faisaient sombre mine. Anthony fronçait les sourcils, très concentré sur les paroles qui prononçaient Ombrage. Rose finit par s'en désintéresser et laissa son regard vagabonder sur les autres élèves. Elle vit d'abord William, quelques places plus loin, l'air profondément ennuyé. Il avait le menton appuyé sur la paume de sa main et semblait à deux doigts de s'endormir. Rose ne put s'empêcher de sourire en voyant le si énergique William capituler devant cette petite dame. Il sembla remarquer qu'on s'intéressait à lui parce qu'il releva les yeux. Il vit Rose lui lancer un sourire ironique. Il gonfla les joues pour montrer son exaspération et Rose retint un rire. Son ami lui sourit enfin. Ils se regardèrent un instant comme ça, puis elle accentua son sourire et repartit à ses observations.

La plupart de ses camarades dormaient à moitié ou discutaient entre eux. Personne ne semblait écouter, du moins pas ceux qu'elle avait pu observer. Elle jeta un coup d'œil très rapide à la table des Serpentards. Cela ne lui suffit pas pour trouver Blaise. Rose recommença, s'attardant plus longuement vers les élèves vert et argent.

Son cœur fit un petit bond ridicule.

Il était là, le regard vers la table des professeurs, l'air morose et endormi. Lui non plus ne résistait pas à ce discours.

À cet instant, Rose ne sut plus trop quoi penser. Pourquoi ne lui avait-il pas écrit cet été ? Est-ce qu'il n'avait pas supporté sa transformation devant lui ? L'avait-elle blessé à son insu ? Est-ce que ça avait été l'événement de trop ?

Rose avait besoin de réponses. Mais jusque-là, elle n'osait pas formuler ces questions à voix haute.

Enfin, le discours narcotique s'acheva, et Dumbledore parla de nouveau de Quidditch et de dates de sélection. Derek, Michael et William furent soudainement très réveillés. Rose risqua un nouveau regard aux Serpentards. Blaise était toujours tourné vers les professeurs, mais il semblait bien plus intéressé maintenant. Reportant ses yeux vers ses amis, elle se rappela qu'il lui avait dit vouloir entrer dans l'équipe.

Lorsque tout le monde se leva, Rose sortit de ses nuages et suivit tout le monde sans prêter attention. Elle regarda distraitement Anthony et Padma diriger les premières années jusqu'à leur tour ouest. Enfin, ils furent dans leur Salle Commune. Terry poussa un soupir ravi, Derek lui posa une main conquérante sur l'épaule et Mandy avait un sourire immense collé au visage.

Ils étaient chez eux. Comme à leur habitude, les huit Serdaigles attendirent que leurs camarades se dispersent pour se réunir en face du feu, affalés plus ou moins dignement sur les canapés et fauteuils.

- Alors, racontez-nous votre nouvelle vie de préfet ! lança Michael.

- Il va falloir qu'on fasse des rondes le soir…

- Et rencontrer les autres préfets pour se mettre d'accord, compléta Anthony.

- On a le droit d'enlever des points, mais cinquante maximum à chaque fois. Et aussi, des retenues. Mais il faut tout justifier à Flitwick.

- Il faut aussi qu'on aide les élèves qui en ont besoin, même s'ils ne sont pas à Serdaigle…

- Mais les préfets-en-chef ont dit qu'on aurait bien assez de travail avec vous tous déjà ! termina Padma en riant.

- Qui sont les autres préfets ?

- Granger et Weasley pour Gryffondor, Macmillan et Abbott pour Poufsouffle, et chez Serpentard…

- Malefoy, grommela Lisa.

- Quoi ?! s'insurgea Terry. Ils sont fous ! Il va nous faire vivre un enfer…

Il lança un regard inquiet à son petit ami, qui lui entoura les épaules d'un bras, les sourcils froncés.

- Et la fille ? s'enquit-il.

- Parkinson.

Rose eut un ricanement peu flatteur. Les autres la regardèrent, curieux.

- Mais si… cette peste. Médisante et méchante, pas terrible physiquement, qui aime beaucoup Malefoy. Donc elle sera à sa botte.

- Génial, marmonna Michael.

- N'oubliez pas que Granger et Weasley sont préfets aussi, rappela Anthony. Eux non plus n'aiment pas Malefoy.

- C'est déjà ça, soupira Mandy. Et la nouvelle prof alors ? Vous en pensez quoi ?

- Gobe-Planche ? C'est bien, j'avais hâte qu'on change parce que… enfin, vous savez. Hagrid, bafouilla Lisa.

- Je ne pensais pas à elle, mais c'est vrai que c'est bien d'avoir un remplacement. Hagrid n'était pas un super prof.

Anthony hocha doctement la tête et dit :

- Ombrage… elle dit des choses… étranges.

- Tu parles de son discours ? interrogea Rose. Parce que je n'ai pas tout écouté. Elle disait quoi ?

- Elle a parlé de garder certaines anciennes méthodes, de les combiner avec de nouvelles… mais aussi de ne pas « encourager le progrès pour le progrès » ou quelque chose comme ça… Difficile à vraiment analyser tant que je ne l'aurai pas vue de plus près.

Il fit une pause et eut une grimace.

- Ce qui me dérange le plus, c'est qu'elle a dit « nous », comme si elle incluait tout le personnel de l'école…

- Et ?

- Vous n'avez pas vu la tête des autres profs ? Ils n'étaient pas enthousiastes du tout…

- D'où elle sort cette prof au fait ? interrogea Derek.

- Elle a tellement mentionné le Ministère de la Magie… ma main à couper qu'elle y travaille, proposa Padma.

- Elle a bien la tête de l'emploi, compléta Lisa.

- En tout cas, je n'aime pas sa voix. Elle me fait mal aux oreilles, se plaignit Rose. Pas à vous ?

- Non… c'est pour ça que tu as couiné quand elle a commencé à parler ? questionna Terry.

Elle confirma, l'air sombre. Elle s'imaginait le reste de l'année, à écouter cette voix plusieurs heures par semaine.

- Bon, c'est pas le tout mais il se fait tard ! Allons nous coucher !

- Oui, papa, maugréa Mandy.

Anthony lui jeta un regard sévère.

- Je suis encore plus responsable de vous que l'an dernier, je te signale. Alors, au lit, sinon demain tu vas encore t'endormir en cours.

La blonde eut un air scandalisé avant de faire volte-face et de partir dans le dortoir des filles.

- Prends pas trop la grosse tête hein, Préfet, se moqua Rose.

Il lui fit un sourire complice, puis tout le monde se sépara.

La chambre des filles était désormais ornée de l'inscription « Cinquième année ». Leurs bagages étaient déjà là, ainsi que Duke qui s'était mis à miauler en entendant les filles approcher. Lisa le prit dans ses bras pour le rassurer. Les elfes l'avaient certainement libéré de son panier en amenant les valises.

Rose fit descendre Kietel de son épaule et le petit animal alla se nicher dans les draps. Elle ouvrit sa malle et sortit quelques affaires qu'elle suspendit dans son armoire. Elle rangerait le reste plus tard.

- J'espère qu'on ne commence pas avec Histoire de la Magie, ronchonna Lisa.

- Ni par Potions… ajouta Mandy.

Padma et Rose se sourirent et se mirent au lit.

Au petit déjeuner, il fut rapidement évident que Lisa s'était trompée : sur leur emploi du temps, il y avait bel et bien écrit « Histoire de la Magie » à neuf heures. Des gémissements désespérés s'élevèrent chez les cinquièmes.

- Heureusement qu'après on a Sortilèges, marmonna Rose.

- Dites… à qui le tour de prendre des notes ? s'enquit Mandy.

Anthony se racla la gorge.

- Tu sais, j'y ai réfléchi et étant donné que nous sommes en année de BUSE… je pense que nous devrions tous prendre des notes en Histoire.

- Mais t'es fou ?! s'écria Michael, indigné.

Padma éclata de rire. Derek reposa sa tasse et répondit posément.

- Anthony a une conscience pour huit personnes. Il en faut bien un.

- Oui ben moi j'ai qu'un seul cerveau et j'ai pas envie qu'il se liquéfie quatre heures par semaine toute l'année, grogna Mandy.

Rose lâcha un rire léger.

- Écoutez, pour satisfaire Anthony, notre conscience à tous, que diriez-vous qu'on s'y mette à quatre par cours cette fois-ci ? proposa-t-elle.

- Comme ça on aura plus de notes à recouper, approuva Terry.

Elle pencha la tête sur le côté en regardant Anthony, qui hocha la tête, semblant trouver l'idée raisonnable.

- Qui commence ?

- Pas moi ! s'exclama Mandy.

- Moi je veux bien, dit Padma en riant. C'est quand qu'on a Histoire ?

- Lundi et… mercredi, annonça Terry.

- Je m'y colle, lança Rose. Deux garçons maintenant ?

- D'accord, fit Derek.

- Moi aussi, termina Michael.

- Donc, mercredi, ce sera Anthony, Mandy, Terry et moi, résuma Lisa.

Rose hocha la tête. L'affaire était réglée.

Ils se trainèrent de mauvaise grâce jusqu'en cours. Les quatre volontaires du jour s'appliquèrent à prendre des notes sur la guerre des géants, sujet récité de la voix monocorde du professeur Binns. Padma soupirait souvent malgré elle et Rose ne cessait de bailler.

La matinée s'étira sans encombre, ils avaient juste à s'habituer à leur nouvel emploi du temps.

Au déjeuner, Terry consulta de nouveau leur calendrier et annonça qu'ils avaient Botanique à quinze heures. Derek lança un regard en biais à Rose, qui ne réagit pas, absorbée par son repas. Elle finit par relever la tête en sentant des paires d'yeux sur elle. Elle soupira puis lança :

- C'est bon, ça va bien se passer vous savez. Je promets de ne pas toutes les faire mourir d'un coup.

- Mais de quoi tu parles ? s'étonna Lisa.

- Ben… des plantes de Madame Chourave ! C'est pas pour ça que vous me regardez tous ?

Derek leva les yeux au ciel puis pointa la table des Serpentards avec sa fourchette.

- Ah ! fit Rose. Ça. On verra.

Elle haussa les épaules et engloutit son repas. En face d'elle, une voix blasée lança :

- Je me demande vraiment où elle range tout ce qu'elle ingurgite…

- Chalut William, répondit Rose, la bouche pleine. Cha va ?

Il se mit à rire puis remplit son assiette.

- Très distingué vraiment, bravo la Sang-Pure.

- J'ai été élevé par une Cracmole, indiqua Rose en souriant.

- Ce qui explique tout !

Ils rirent en chœur.

- Bonne matinée ?

- Commencée en fanfare par Histoire de la Magie…

- Aïe, fit le brun en souriant. Vous avez résisté ?

- Obligés, on était quatre volontaires.

- Quatre ? Je croyais que vous faisiez par deux.

- Oui, mais Môssieur le Préfet a décrété que ce n'était pas assez pour nos BUSE, intervint Mandy.

- Il voulait même qu'on s'y mette tous, marmonna Michael.

William les regardait, le sourire aux lèvres.

- Et toi ? demanda finalement Rose.

- Potions.

- Tu as eu Optimal en BUSE de Potions ?

Elle paraissait sincèrement impressionnée. Il sourit.

- Tu vas les présenter aux ASPIC alors…

- Oui. Je me débrouille plutôt bien alors…

- Mais ça correspond avec ce que tu veux faire ? interrogea Lisa.

Il haussa les épaules.

- Je ne sais pas trop… on verra bien.

- Et l'Astronomie alors ? demanda Rose.

- Ah ça non !

Elle éclata de rire devant son air scandalisé. Derek haussa un sourcil, William expliqua :

- Je suis nul. Et je n'aime pas ça. Je n'ai pas eu de BUSE en Astronomie.

- Tiens, ça me rappelle quelqu'un, murmura Terry.

Rose lui fit un sourire. William la regardait d'un air surpris.

- Toi non plus ?

- Moi non plus ! Je ne suis pas nulle, mais j'ai hâte de pouvoir abandonner, c'est inintéressant au possible. Pas autant qu'Histoire de la Magie, cela dit !

- Je comprends. Mais tu sais, je pense que c'est quand même important de connaître le passé, de savoir quels conflits il y a eu, entre quels peuples et pour quelles raisons.

Elle fit une moue peu convaincue. Souriant de nouveau, elle le défia :

- Cite-moi trois conflits à trois époques différentes, et le nom des peuples concernés !

- Tu sais Rose, je ne peux pas te répondre comme ça, sans préparation, tu comprends ? Ça demande un minimum de réflexion quand même.

Comme il prenait un air faussement inspiré en regardant le plafond, elle siffla un « Tss » réprobateur. Il le regarda de nouveau, une étincelle allumée dans les yeux, puis capitula :

- OK, j'avoue, je faisais mon malin.

Elle secoua la tête, amusée. Leur attention fut attirée par Padma qui discutait avec Mandy :

- Comment ça, on est tout seul en Potions ? Tu veux dire, sans binôme ?

La blonde avait l'air complètement affolée.

- Oui, renchérit Padma, ma sœur m'a raconté son cours. Rogue dit que c'est pour nous préparer aux BUSE.

Derek fit une grimace désolée à son amie. Mandy continua à marmonner dans son coin un moment, effrayée à l'avance des mauvaises notes qu'elle allait avoir cette année.

William sortit de la Grande Salle pour son cours de quatorze heures.

Les Serdaigles trainèrent jusqu'à quinze heures, puis prirent la direction des serres de Madame Chourave.

La professeure commença son cours comme tous ses collègues : en parlant des BUSE. Puis elle leur annonça qu'aujourd'hui, il fallait qu'ils s'occupent de plants d'armoise, dont le professeur Rogue avait besoin pour ses cours.

- Enfilez vos gants et mettez-vous en binôme s'il vous plait.

Les cours de Botanique étaient encore en commun avec les Serpentards, alors les Serdaigles restèrent entre eux. Après une dernière recommandation – les plants étaient fragiles, Chourave les laissa travailler.

Rose coupait les feuilles mortes ou rongées par les insectes presque sans broncher, pendant que Derek était parti chercher de l'engrais. Il allait falloir rempoter l'armoise. La Sang-Pure n'aimait pas ce genre de travaux. Elle n'avait plus l'âge de patouiller dans la terre, merci bien. Abimer ses belles mains impeccables d'aristocrate pour les enfouir dans la boue, très peu pour elle. Grimaçant à tout va, Rose soupira une dernière fois en voyant Derek revenir, un seau plein de bouse de dragon à la main. En voyant sa meilleure amie faire cette tête, il se mit à rire doucement.

- Quoi ? marmonna-t-elle.

Incapable de paraitre énervée, elle l'imita et bientôt ils pouffaient comme des enfants, cachés derrière leurs plantes.

- Hem, hem.

Ils relevèrent lentement la tête. La professeure Chourave se tenait devant eux, les poings sur les hanches.

- Je vois que l'armoise vous fait beaucoup rire. Comme vous êtes incapables de travailler lorsque vous êtes tous les deux, nous allons changer les groupes désormais.

Ils baissèrent la tête, presque honteux, et se tournèrent tout naturellement vers Terry et Lisa, derrière eux.

- Vous me prenez pour un Véracrasse ? s'indigna leur professeure.

Ils échangèrent un regard et pris d'un fou rire nerveux, se détournèrent dans la seconde. Elle reprit :

- Vous allez vous mettre en binôme avec des Serpentards. Zabini, Nott, veuillez vous séparer et vous mettre avec ces deux-là.

Elle fit demi-tour et repartit à l'avant de la serre. Madame Chourave n'était pas méchante, mais elle n'aimait pas qu'on fasse du chahut dans son cours. Son annonce avait eu le mérite de calmer définitivement Rose, qui se cachait à moitié derrière Derek.

Elle avala sa salive et déclara d'une voix tremblante :

- Bon, euh, moi, je vais avec Nott, et toi, avec l'autre. D'accord ? D'accord.

- Pas d'accord.

Il regardait les deux Serpentards qui venaient d'arriver. Nott n'était pas spécialement grand, plutôt maigrichon, ses cheveux noirs lui tombaient sur les yeux. Il ne l'effrayait aucunement. Il murmura à l'oreille de Rose.

- Je vais avec Nott. N'oublie pas de respirer.

Rose ouvrit la bouche, prête à contester, mais Derek lui pressa l'épaule et partit. Elle se tordit les mains, au désespoir. Puis sentant un regard posé sur elle, elle fit un effort et retrouva sa dignité. Elle se redressa, releva la tête. Encore un peu plus. Ses yeux rencontrèrent ceux de Blaise. Il avait grandi. Rose restait muette, raide, froide. Il la fixait lui aussi, le visage impassible.

Elle ne savait plus du tout, du tout, comment se comporter. Glaciale et distante ? Amicale et chaleureuse ? Neutre et inexpressive ? Son cerveau commençait à sérieusement bouillonner, là.

Au secours.