CHAPITRE 11

Près du lac de Poudlard, dimanche 25 février 1996

L'animal se fit aussi petit que possible, rabattit sa queue entre ses pattes pour être sûr qu'elle ne dépasse pas. Tassé entre les branchages, les pattes aplaties sur la terre, il essaya d'ignorer ce qui se passait tout à côté de lui, ce qui s'avéra assez difficile. Aucun autre son que celui de deux voix ne troublait la paix du lac et rien n'était plus intéressant à regarder que les deux silhouettes assises sur un banc. Il ferma les yeux, mais c'était pire : chaque silence était interprété d'une manière qu'il aurait préféré éviter. Il préféra se concentrer sur un point au loin. À son grand désespoir, ses pensées ne se simplifiaient pas autant qu'il l'aurait souhaité et il comprenait parfaitement tous les dits et les non-dits de la rencontre entre William et Megan.

- Merci d'avoir accepté mon rendez-vous, disait la jeune fille.

- Je t'avoue que ça m'a surpris, lui répondit celle de William. Mais je suis une personne aventureuse !

Megan rit et la panthère pria pour devenir momentanément sourde. Ce qui n'arriva pas. L'unique point positif : William lui tournait le dos, donc elle ne voyait pas ses expressions. Pourtant, il lui fut facile d'imaginer son sourire charmeur, ses yeux bleu brillant.

- Je n'étais pas sûre que tu accepterais, avoua Megan. Mais j'ai quand même voulu tenter ma chance.

Elle souriait, d'un air qu'on aurait pu qualifier de séducteur, supposa le félin.

- Pourquoi tu n'étais pas sure ?

- Eh bien, parce que selon la rumeur, tu étais déjà pris par Wayne.

- Ah, fit simplement William.

Si elle l'avait pu, la panthère aurait levé les yeux au ciel. Elle se contenta d'un léger grondement très bref.

La suite de leur conversation fut d'une banalité sans précédent. Elle bailla à de nombreuses reprises et se demanda ce qu'il pouvait bien lui trouver. Cette fille paraissait d'un ennui… et pourtant, elle semblait avoir beaucoup de choses à raconter. Elle nota avec satisfaction que William ne semblait pas aussi expansif avec elle qu'il ne l'était avec sa version humaine. Ni même sa version panthère, pour le peu qu'il l'avait vue. Mais elle le trouvait beaucoup trop gentil. Si ça avait été elle, elle aurait envoyé Megan balader depuis longtemps.

Elle se souvint d'un coup de ce que Michael avait dit à la Saint Valentin : « elle n'a pas froid aux yeux et nous sommes nombreux à le savoir ». Elle réprima un grognement rageur. Voilà pourquoi elle n'avait pas besoin d'être intéressante niveau conversation : elle devait compenser par autre chose. Cette réflexion s'avéra alors qu'elle vit la main de Megan se poser sur la cuisse de William, qui se laissa faire. L'humaine faillit surgir du buisson pour aller repousser violemment Megan. À la place, la panthère releva ses babines sur ses crocs pendant quelques secondes. Un rire cristallin lui arriva aux oreilles. Elle n'avait pas entendu ce que William avait dit, mais elle n'était pas plus idiote qu'une autre : c'était un rire enjôleur, pas vraiment sincère, qui n'avait d'autre but que de charmer le jeune homme. Megan se passa la mains dans les cheveux et lança un petit regard presque intimidé à William, ce qui fit intérieurement rire le félin. Cette expression n'était pas compatible avec le fait de ne pas avoir froid aux yeux. Il supposa que William allait voir clair dans son petit jeu et arrêter les frais. Non ?

Pourtant, la panthère assista, impuissante, aux mains de Megan se posant autour du cou de William, à lui qui se pencha vers elle et l'enlaça, à elle qui ferma les yeux. Elle entendit presque le bruit de leurs bouches qui se posaient l'une sur l'autre, qui restèrent scellées un long moment. Elle se félicita encore une fois de ne voir que le dos de William. Il lui aurait été insupportable de voir son visage à ce moment-là.

Ce baiser n'en terminait pas. Elle eut la présence d'esprit de profiter de l'opportunité et parvint à se glisser, petit à petit, hors du buisson dans lequel Derek l'avait coincée. Elle en sortit à reculons, ne les quittant pas des yeux, prête à se jeter dans le lac si nécessaire. Quelques feuilles bougèrent, mais pas suffisamment pour interrompre les deux tourtereaux sur leur banc. Dans un dernier bruissement, elle fut suffisamment dégagée pour se permettre de leur tourner le dos et se faufiler aussi loin que possible d'eux, toujours à couvert des fourrés.

Il n'y avait personne alentours, alors elle reprit forme humaine, et sans cesser sa fuite, lança un Accio habile à son livre et sa cape abandonnées et partit aussi vite qu'elle le put vers le château, sans jamais regarder en arrière. Elle espérait juste que William et sa chérie n'avaient rien vu.

Elle traversa le château plus ou moins dans le même état qu'une semaine auparavant : l'esprit déconnecté et le corps engourdi. Sa baguette toujours vissée à la main droite, son livre sous le bras gauche, elle monta comme un automate les marches de la tour Serdaigle, entra dans la Salle Commune.

Derek la vit, hagarde, la baguette à la main, et imagina le pire. En quelques secondes, il était près d'elle.

- Ça va ? pressa-t-il aussitôt. Tu t'es battue ?

Comme elle penchait la tête sur le côté, il désigna la baguette sortie. Rose la regarda et la rangea.

- Non. J'ai attendu une opportunité et je me suis échappée. Je vais… poser mon livre d'accord ?

Derek n'avait pas du tout l'air d'accord mais il ne dit rien et s'effaça. Les autres lui jetèrent un regard interrogatif alors que Rose disparaissait dans le dortoir des filles. Il resta debout, guettant son retour.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda alors Padma.

Il échangea un regard avec Michael et ils résumèrent ce qu'ils savaient, s'arrêtant au moment où ils étaient repartis vers le château, abandonnant Rose derrière eux.

- Mais vous êtes débiles ! s'exclama soudainement Mandy, passablement agacée.

Michael la regarda avec des yeux ronds.

- Euh, surement, mais pourquoi ?

- Pourquoi vous n'avez pas dit à William que Rose était planquée dans les fourrés ? lâcha Terry.

- Avant que cette sa… que Megan arrive ?! renchérit Mandy.

La blonde paraissait hors d'elle et Lisa regardait les fautifs tour à tour, tout aussi énervée.

- Franchement, j'ai vu des Véracrasses plus vifs d'esprit, trancha la rousse d'un ton sec.

- Vous auriez pu faire capoter leur rendez-vous ! Et c'était parfait ! Mais non !

Les deux garçons se firent tout petits.

- On n'y a pas pensé…

- Rose n'est pas sortie du buisson non plus…

Lisa leva les bras au ciel, Terry s'écria :

- Mais évidemment ! Elle devait être terrifiée qu'on la voie !

- Je vais la voir, annonça brutalement Lisa en se levant.

Elle secoua la tête et eut un dernier regard terrifiant envers Derek et Michael qui ne savaient plus où se mettre. Mandy soupira et entraina Padma avec elle à la suite de Lisa.

Elles trouvèrent Rose debout au milieu de la pièce, immobile, les yeux dans le vague.

- Rose ?

Figée dans leur chambre, elle ne répondit pas tout de suite.

- Ça va ?

Elle eut enfin une réaction et courut aux toilettes où elle vomit le contenu de son estomac.

Ses amies l'avaient regardée se précipiter et disparaitre dans la salle de bains.

- Rose ? appela doucement Lisa en la rejoignant dans la petite pièce.

Elle aida son amie à se relever et l'accompagna au lavabo, lui tendit un verre d'eau. Son regard était affolé mais elle essayait de rester le plus calme possible.

Rose la regarda enfin après s'être machinalement rincé la bouche. Ses yeux ne s'accrochèrent pas longtemps à ceux de Lisa, sans se poser nulle part non plus. Elle semblait chercher un point qu'elle ne trouvait pas. Elle ouvrit la bouche pour essayer de parler, d'expliquer, mais aucun son ne sortit, encore une fois. À la place, un sanglot trop longtemps réprimé se forma. Il roula de sa gorge, l'empêchant de respirer quelques secondes, pendant lesquelles des larmes coulèrent enfin sur son visage pâli.

- Rose ! s'exclama tristement Lisa, la prenant immédiatement contre elle.

Et Rose lâcha enfin prise, se laissant envahir par le désespoir de ce qu'elle comprenait enfin. Elle pleura longuement, incapable d'expliquer ce qui se passait à Lisa, de plus en plus inquiète.

Mandy et Padma apparurent dans l'encadrure de la porte.

- Est-ce que tout va…

Padma ne termina pas sa phrase en voyant leurs deux amies l'une contre l'autre, Rose en pleurs. Lisa lui fit un geste pour montrer qu'elle n'en savait pas plus qu'elles pour le moment. Mandy réussit à les faire se déplacer jusqu'au lit le plus proche, celui de Padma. Elles y assirent Rose, lui tendirent un mouchoir et attendirent patiemment.

Rose finit par renifler et marmonna sans que ses amies ne comprennent. Elles la firent répéter.

- William, il…

Et c'était reparti pour de nouvelles larmes. Elle désespérait de pouvoir s'expliquer. Elle souffla longuement, le temps de se maitriser. Mandy hésita puis tenta, sans trop y croire :

- Vous vous êtes parlé ?

Elle secoua la tête pour toute réponse. Puis elle eut un sourire désabusé.

- C'est ridicule, finit-elle par hoqueter. Je suis ridicule.

- Pourquoi tu dis ça ? demanda doucement Lisa.

- Il me devait rien, et j'ai trop attendu, et c'est débile, et maintenant je l'ai vu…

Ses amies fronçaient les sourcils ou grimaçaient d'incompréhension.

- Comment je peux pleurer pour quelque chose que je n'ai jamais eu ? s'interrogea-t-elle à voix haute, se tamponnant les yeux avec le mouchoir.

- Que tu n'as jamais eu ? répéta Padma.

- Qu'est-ce qui s'est passé avec William ?

Rose inspira encore, le temps de mettre ses pensées en ordre.

- Je l'ai vu avec Megan, souffla-t-elle. Ils avaient rendez-vous, près du lac. Et je les ai vus… enfin… s'embrasser.

Mandy plaqua sa main sur sa bouche et Lisa ouvrit grand ses yeux.

- Mais quoi ? fit Padma la première.

Ses amies secouèrent la tête. Mandy était outrée et commençait à devenir toute rouge.

- Dites-moi que je suis stupide de pleurer pour ça. C'était prévisible non ?

- Tu n'es pas stupide, contra Lisa.

- Tu ne m'aides pas du tout, taquina Rose, retrouvant un petit sourire, les joues toujours humides.

Elle soupira et essuya ses mains sur son jean, fermant les yeux. Il fallait rapidement qu'elle se ressaisisse, elle ne pouvait pas rester comme ça, tremblante, pleurante.

- Et j'avoue que ce n'était pas prévisible du tout, ajouta Padma, songeuse.

Rose haussa les épaules, finalement fataliste.

- C'était trop long. J'aurais dû me décider avant…

Lisa prit place à côté d'elle.

- Rose… tu veux bien nous expliquer ce qui s'est passé avec William, après notre bagarre contre les Serpentards ?

- Quand je suis allée le voir à l'infirmerie, il a dit qu'il voulait arrêter. Nous deux.

Sa voix se brisa encore et elle se détesta pour ça.

- Il a dit qu'il m'avait vue un jour avec Blaise, à la bibliothèque. Que soi-disant j'avais l'air fascinée par Blaise, que j'avais « un truc en plus » avec lui, que William et moi c'était juste… physique. Bref, il a dit que c'était terminé.

Une nouvelle inspiration et elle continua :

- Je comprends, dans le fond, qu'il n'ait plus voulu attendre. Qu'il ait perdu son intérêt pour moi. Je n'aurais pas dû… les balader autant, tous les deux.

Elle les regarda, les yeux brillants.

- Mais je vous jure que je n'arrivais pas à choisir.

- On sait, murmura Mandy en lui caressant les cheveux.

- C'est débile, répéta Rose doucement. On n'a jamais été en couple. Il fait ce qu'il veut, avec qui il veut… Mais ça fait mal, par Merlin… de le voir avec une autre…

Elle essuya rageusement une larme qui coulait.

- Et, je suis avec Blaise maintenant.

Elle sourit en pensant à lui, même si son estomac était serré. Padma lui pressa l'épaule avec affection. Elle souffla en tapotant ses genoux, pour se donner le courage de se lever et de passer à autre chose. Ses amies la regardaient avec compassion. Il n'y avait plus rien à dire, si William était lui-même passé à autre chose. La colère de Mandy était pourtant immanquable, et elle avait bien envie d'aller étrangler l'ex-prince charmant et cette Megan. Mais elle se retint et se contenta de démêler les boucles de Rose et de les lui tresser, comme pour se détendre.

- Padma… pourquoi tu ne pensais pas que c'était prévisible ? demanda soudainement Rose.

- Parce que je pensais…

- On pensait, rectifia Lisa doucement.

- Oui, on pensait que c'était toi qui avais terminé les choses avec lui dimanche dernier.

- Parce que tu avais choisi Blaise, ajouta Mandy. Ça nous a paru logique.

Rose hocha la tête. Elle aurait pensé la même chose à leur place. Lisa réfléchit un instant.

- Je me disais bien qu'il n'avait pas l'air d'avoir le cœur brisé, dit-elle lentement.

- Je suis désolée pour tout ce… dramatisme. Remarquez, maintenant, c'est réglé.

Elle eut un petit sourire qui leur serra le cœur.

- Il est passé à autre chose, moi aussi. Voilà.

Le mouchoir fut tout tordu dans ses mains.

- Et pour être honnête, je crois que c'est bien de l'avoir vue avec une autre, admit-elle.

- Parce que ?

- Comme ça je sais qu'il était sincère la semaine dernière. Au moins je n'ai plus de doutes.

Rose souffle et se redressa, rajustant ses vêtements, leur adressa un nouveau sourire.

- J'espère juste que ça ne va pas détruire nos relations amicales avec les autres sixièmes.

- Ne t'en fais pas pour ça va, la réconforta Padma. On sait tous qu'ils n'y sont pour rien.

- Ne faites pas la tête à William non plus hein. Ce serait trop dommage.

Lisa eut un air rassurant, tandis que Mandy marmonna un :

- On verra...

Elle ne semblait pas prête de lui pardonner.

Finalement, Mandy n'eut que très peu l'occasion de fusiller William du regard : ils ne le virent presque pas pendant les jours qui suivirent.

Ses amis semblaient toujours embarrassés lorsqu'un des cinquièmes demandaient où il était et l'un d'eux finissait toujours par jeter un coup d'œil vers Rose, ce qui lui faisait lever les yeux au ciel une fois qu'elle eut compris.

Un lundi soir à table, elle finit par craquer en interceptant le regard de Marc.

- C'est bon, vous pouvez le dire qu'il est avec Megan, râla-t-elle. C'est pas un secret d'état ce qu'il fait de ses soirées, si ?

- Non, non, confirma Idriss avant de s'éclaircir la gorge. Il est avec Megan.

- Voilà, merci.

Elle regarda l'heure au poignet de Lisa.

- On va être en retard, chuchota-t-elle.

Anthony hocha la tête et se leva en même temps que Mandy, puis ils quittèrent la Grande Salle tranquillement. Deux par deux, ils disparaissaient, avec l'air naturel d'étudiants qui ont fini leur repas. Lisa eut même l'idée de dire qu'elle allait à la bibliothèque avec Derek avant que ça ferme pour un devoir de Runes. Rose partit la dernière avec Michael.

- Allez, bouge, nous aussi faut qu'on bosse notre devoir de Sortilèges ! lui lança l'Animagus. Sinon tu vas encore te taper la honte en cours !

- Très drôle, râla son ami en la suivant.

Ils traversèrent les couloirs en silence. Rose était moins bavarde ces temps-ci. Michael lança néanmoins :

- Blaise te regardait quand on quittait la Grande Salle.

- J'ai vu.

- Il n'avait pas l'air… très content.

C'était un euphémisme : il boudait et son regard était assassin.

- Il est vexé parce que j'ai dû annuler notre rendez-vous de ce soir, lui apprit Rose.

- Et que tu ne peux pas lui dire ce que tu fais vraiment, chuchota Michael.

- Exactement. J'ai brodé sur un devoir urgent d'Études des Moldus, mais il l'a mal pris, et on s'est disputés ce midi avant le cours de Botanique.

- Je suis désolé, fit subitement son ami.

Rose s'arrêta de marcher et le considéra.

- Pour ?

- C'est ma faute si on passe ces soirées… spéciales.

Elle lui sourit, amusée.

- Ah, Michael et les filles…

Il rigola et ils reprirent leur route. Il redevint sérieux.

- Et aussi… je suis désolé pour l'autre dimanche, au lac. On aurait dû dire quelque chose avec Derek au lieu de te laisser toute seule dans ton buisson.

Rose rit à son résumé de l'histoire.

- C'est pas grave, vraiment. Dans le fond, j'avais besoin de le voir passer à autre chose pour y arriver moi aussi.

Elle ne savait pas si c'était la stricte vérité ou si elle aimait répéter ça en pensant qu'elle finirait par y croire. Elle préféra ignorer ce dilemme et se concentra sur Michael.

- Alors, toujours au beau fixe avec Ginny ?

Il eut un sourire un peu rêveur qui la fit sourire.

- Oui !

Rose darda ses yeux par réflexe vers le fond d'un couloir qu'ils allaient emprunter, ayant entendu du bruit. Elle réprima un grognement en reconnaissant les voix.

- Dis-moi qu'on ne doit pas aller jusqu'au bout du couloir.

- Si, on doit le traverser, fit Michael, voyant les silhouettes au loin. C'est qui ?

Elle marmonna dans sa barbe et il ne comprit qu'en s'en approchant : c'étaient Megan et William. Elle était adossée au mur et ils discutaient. Michael vit son ami caressant le bras de la Poufsouffle et l'entendit parler d'une voix basse, près de son visage. Il fut certain que Rose avait tout vu aussi, vu la posture raide et froide qu'elle venait d'adopter, regardant fixement devant elle, ignorant superbement le couple sur leur droite. Les yeux de Michael rencontrèrent rapidement ceux de William qui se retourna en entendant des gens passer derrière lui. Il lui fit un faible sourire mais ne ralentit pas la cadence et suivit fidèlement Rose.

Elle tentait de cacher ses émotions mais n'y arrivait pas énormément : des étincelles noires s'échappaient de sa baguette déjà serrée dans sa main. Michael fit un pas sur le côté pour les éviter et chuchota :

- Attention.

- Pardon, dit-elle immédiatement en desserrant sa prise.

Il eut le tact de ne faire aucun commentaire sur le fait de « passer à autre chose » et s'effaça pour la laisser entrer dans la Salle sur Demande.

Rose souffla pour essayer de se détendre ; mais entre sa dispute avec Blaise et la vision de William avec Megan, ça devenait compliqué. Elle sentait clairement le second battement de cœur en elle et avait choisi de l'ignorer pour le moment.

La pratique débuta et Rose travailla avec Lee Jordan. Harry avait composé des duos pour y voir plus clair. L'objectif de Rose et Lee pour le moment était d'essayer de désarmer l'autre ou de se protéger avec le Charme du Bouclier. Rose avait la tête un peu ailleurs et ne cessait de voir sa baguette s'envoler, incapable de réagir à temps. Lee la considérait d'un air perplexe : elle était d'habitude aussi investie que les autres.

- Mauvaise journée ? finit-il par lui lancer amicalement.

- T'as pas idée, ronchonna-t-elle en esquissant un petit sourire.

Derek, qui les avait écoutés d'une oreille, eut une idée pour réveiller Rose et lui susurra :

- Hé… tu trouves pas que Lee ressemble à Blaise ?

Ce n'était pas vrai, à part peut-être les yeux sombres, mais cela fonctionna à merveille. Rose grogna et eut enfin la bonne réaction quand un Expelliarmus sortit de la bouche de son partenaire.

- Protego ! s'écria-t-elle aussitôt.

Le bouclier se déploya visiblement devant elle et enveloppa aussi Hannah Abbott qui se trouvait juste à sa gauche. Lee ouvrit la bouche.

- Hé ben, je sais pas ce qu'il t'a dit, mais continue ! Attaque-moi !

Rose eut un rictus féroce et cria Expelliarmus ! avant que Lee ne termine sa phrase. Sa baguette lui échappa et s'envola à l'autre bout de la pièce. Il poussa un cri victorieux. Puis se rembrunit.

- Faut que je retrouve ma baguette maintenant.

- Accio baguette de Lee, dit calmement Rose, attendant la main tendue.

Un morceau de bois s'y posa après quelques secondes et elle la lui lança.

Ils continuèrent jusqu'à ce qu'Harry leur propose de passer à d'autres sorts, comme la Stupéfixion et l'Entrave. Comme toujours, il passait voir chaque groupe pour les aider. Rose était plus concentrée et ses deux battements de cœur cohabitaient en paix.

Ils s'arrêtèrent tous sur un signe de sa part et il se planta au milieu de la salle.

- Je voudrais qu'on renvoie le sortilège de Réduction pour terminer ce soir. Comme ça peut être dangereux, je préfère qu'on reste tous en grand groupe et qu'on laisse de la place à celui ou celle qui lance le sort.

Ils approuvèrent tous de la tête. Pour répondre à la volonté d'Harry, des objets apparurent : de gros mannequins en bois, plus grands que Derek qui dominait le reste du groupe en taille. Harry se racla la gorge.

- Je nous souhaite de ne jamais avoir à l'utiliser sur un humain… mais je veux qu'on soit prêts…

Il leva sa baguette.

- Reducto !

Et ils observèrent tous le premier mannequin se réduire en miettes. Il fit un geste pour qu'ils se tiennent prêts à faire la même chose à tour de rôle.

Après un premier échec cuisant – le mannequin était lamentablement tombé sur le côté – car elle ne parvenait pas à mettre de volonté dans son sort de Réduction, Rose se forçait à respirer calmement par le nez en attendant son deuxième passage. Lisa la regardait serrer et desserrer le poing gauche et donna un coup de coude à Derek. Bientôt les sept Serdaigles observaient discrètement Rose, se demandant s'il fallait qu'elle parte en vitesse avant de perdre le contrôle ou pas. C'était bientôt son tour.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? murmura rapidement Mandy à l'attention des autres.

- Aucune idée, répondit Derek.

- Moi je sais, fit Michael à voix basse. Elle s'est engueulée avec Zabini ce midi et en venant on a croisé l'ex-prince charmant en compagnie de… oh ! J'ai une idée !

Il se détacha de la file et rejoignit Rose, les mains derrière le dos.

- Ça va ?

- Oui, pourquoi ? répliqua-t-elle en levant un sourcil.

Il désigna son poing qui bougeait toujours.

- T'es énervée ?

Elle haussa les épaules.

- T'es en colère parce que tu t'es pris la tête avec Blaise aujourd'hui, rappela-t-il.

- Un peu, admit-elle.

- Et parce que tu t'es plantée avec ton sort tout à l'heure.

Ses sourcils se levèrent de concert, plus haut que jamais. Son poing ne se desserrait plus. Terry regardait leur ami, un peu affolé. Padma avait arrêté de respirer.

- Et aussi, ajouta Michael en se penchant vers elle pour être sûr qu'elle entende chaque mot, parce qu'on a croisé William avant de venir… en bonne compagnie, avec Megan…

Rose poussa un grognement irrité. Lisa fit un mouvement pour le faire taire, mais Derek l'en empêcha.

- Qu'est-ce que tu crois qu'ils sont en train de faire maintenant ? s'interrogea Michael.

Harry appela Rose pour qu'elle essaie encore, mais elle était captivée par ce que racontait Michael. Anthony fit un geste à Harry pour demander quelques secondes avant qu'elle lance son sort.

- À cette heure-ci la Bibliothèque est fermée, donc j'imagine qu'ils sont dans un couloir… ou mieux, une salle abandonnée ! Il y en a plein dans l'école, termina-t-il, satisfait de sa théorie.

Le battement de cœur jumeau menaçait de faire éclater sa poitrine.

- REDUCTO ! hurla Rose avec rage en visant le mannequin devant elle.

Le sort fusa avec force. Un craquement sinistre résonna, et le mannequin se désintégra en quelques secondes. Puis un deuxième fut pulvérisé. Et un troisième à sa suite. L'épais nuage de poussière dansa au milieu de la pièce avant de retomber sur le sol.

Rose baissa sa baguette et eut un regard fier, le nez relevé : il n'y avait plus qu'un seul battement de cœur dans sa poitrine. Elle expira silencieusement, laissant ses épaules se détendre.

Elle se tourna pour faire un sourire à Michael.

- Merci.

- Quand tu veux, répondit-il avec une petite révérence qui la fit rire.

Les autres la considéraient avec des yeux ébahis, puis Harry se reprit :

- Euh, bravo Rose… Anthony, à toi.

Derek lui tapota la tête quand elle revint à ses côtés.

- Brave petit chat, félicita-t-il.

- Miaou.

Terry la regarda avant d'éclater de rire. Elle entendit Lee annoncer assez fort :

- Rappelez-moi de ne jamais, jamais énerver Rose.

Sa déclaration allégea un peu l'ambiance et elle lui sourit pour le remercier.

En fin de séance, Harry leur proposa, s'ils le souhaitaient, de faire une séance supplémentaire ce jeudi soir. Il lui semblait que les emplois de tout le monde pouvaient miraculeusement coller pour ce jour-là. Les huit Serdaigles de cinquième se firent des grimaces, et Anthony refusa pour tout le monde :

- Désolé, mais nous huit, on peut pas.

- Les huit ? s'étonna une fille. Vous avez tous été collés ou quoi ?

Quelques rires ponctuèrent sa question étonnée, et les huit amis se lancèrent des regards gênés.

- Pas possible ! s'exclama Seamus Finnigan, hilare. Huit Serdaigles d'un coup ! ça doit être un record !

- Douze ! corrigea Michael en ne pouvant retenir un sourire.

- Mais qu'est-ce que vous avez fait ? demanda Hermione, soucieuse.

- On s'est battus… fit Lisa d'une toute petite voix.

Des exclamations traversèrent la salle. Et bientôt ils donnèrent quelques détails, sans jamais dire contre qui ils s'étaient bagarrés. Une certaine confiance s'était installée entre tous les membres de l'A.D., alors ils n'avaient pas trop de scrupules à raconter leur aventure après ce fameux entrainement de Quidditch, sans donner des milliers de détails non plus.

- Et ces sixièmes, ils jouent tous dans l'équipe ? questionna Hannah.

- Non, répondit Ginny rapidement. Seulement deux, Qadir et Van Alten. Je ne me souviens plus de leurs prénoms…

- Idriss et William.

Quelques gloussements s'élevèrent du groupe, les regards se tournèrent vers les filles qui riaient.

- Le beau William, précisa l'une d'elles.

Son amie lui mit un coup de coude alors que les jumeaux Weasley levaient les yeux au ciel.

- Le séduisant William, tu veux dire ! corrigea une Gryffondor.

- Et le charmant Idriss, renchérit une troisième.

Elles pouffèrent de nouveau, et Rose croisa les bras. Elle s'aperçut bien vite que, si seulement trois d'entre elles avaient parlé, la plupart des filles de la réunion avait la même expression en entendant parler de William. Que Rose qualifiait de particulièrement débile. Les autres participants, indifférent aux charmes apparemment très populaires des deux sixièmes, se regardaient, un peu hébétés. Derek vit que Rose était de plus en plus fermée et que son visage affichait son air méprisant qu'il trouvait toujours très drôle.

- Bon ! s'écria-t-il soudainement. On rentre dans nos dortoirs ou on continue à parler de l'équipe de Quidditch la plus sexy de l'école ?

Des éclats de rire lui répondirent et Terry vit quelques filles lui lancer des regards énamourés. Il eut très envie de coller sa bouche sur celle de Derek mais se retint. Harry lança un regard reconnaissant au grand blond qui avait recentré la conversation.

- Bon, pas de séance supplémentaire jeudi alors, conclut-il en souriant. Je vous tiens informé de la prochaine date par le moyen habituel. Soyez prudents en rentrant.

Le retour des Serdaigles dans leur Salle Commune fut ponctué de leurs commentaires sur leur séance. Ils riaient ensemble en rejoignant machinalement les sixièmes installés sur des fauteuils.

- Bonne séance de devoirs ? demanda Nassim.

Huit paires d'yeux le considérèrent, et Padma lança en réprimant un nouveau rire :

- Très bonne. Rose a tout défoncé.

- Littéralement.

Et ils étaient repartis à rire tous ensemble. Marc, Idriss et Nassim se regardèrent mais ne demandèrent pas plus de détails. Parfois, avec ceux-là, il valait mieux ne pas savoir. Ils jouaient tous aux cartes le temps de laisser retomber l'adrénaline de la réunion quand la douzième personne du groupe entra dans la Salle Commune. Rose, assise sur le tapis aux pieds de Derek comme souvent, ouvrit brusquement les yeux. Elle commençait à franchement somnoler quand elle l'avait senti approcher. Elle se racla la gorge et prétendit s'intéresser au jeu de son meilleur ami juste avant que William ne rejoigne leur cercle. Elle pensait à fuir lâchement pour aller se coucher et se mordilla la lèvre dans sa réflexion. Derek ressentit son hésitation et lui pressa fermement l'épaule pour l'empêcher de se lever. Puis il se pencha vers elle et lui montra ses cartes, faisant semblant de lui expliquer sa stratégie en murmurant :

- Si quelqu'un doit partir, ce ne sera certainement pas toi.

Elle hocha la tête, contente de l'avoir de son côté, comme toujours. Elle renversa sa tête contre ses genoux et lui sourit. Derek lui passa machinalement la main dans les cheveux.

Entre temps, William s'était installé sur une chaise qu'il avait prise à une table et regardait par-dessus l'épaule d'Idriss en attendant que la partie se termine pour jouer à son tour.

Rose finit par se désintéresser du jeu, puisqu'elle n'avait pas de cartes non plus. Mandy l'observait du coin de l'œil, bien déterminée à ne pas laisser William l'ennuyer par sa présence. Elle s'aperçut que Rose cherchait quelque chose pour s'occuper les mains.

- Oh, Rose, j'ai oublié de te passer le magazine que j'ai fini de lire !

Elle farfouilla dans son sac à ses pieds et le lui tendit. Rose la remercia avec un sourire complice et commença sa lecture du Sorcière Hebdo de la semaine. Elle lut, captivée, un article de conseils sur les relations amoureuses, s'empêchant de rire ouvertement : Megan avait lu ces pages, ce n'était pas possible autrement. La façon de rire, de toucher ses cheveux, de regarder innocemment, de tenter un rapprochement en posant la main sur un bras ou une cuisse, de parler… tout y était. Elle releva les yeux, un sourire aux lèvres, se disant qu'il fallait qu'elle en parle à quelqu'un. Son regard tomba sur William. Elle referma la bouche en se rendant compte que c'était à lui qu'elle avait envie de raconter ça. Rose replongea la tête dans son magazine et changea de page. Un article sur un voyage en Grèce, voilà une bonne lecture.

Une seconde trop tard, William levait les yeux vers elle et ne put que la voir en train de lire, se mordillant la lèvre du bas. Il retourna au jeu de son ami et poussa un soupir imperceptible.

Lorsqu'il la vit piquer du nez dans son magazine, Derek sourit avec tendresse puis la secoua en douceur.

- Va te coucher mon chat… tu t'endors sur place.

Elle marmonna et opina.

- T'as déjà tout donné ce soir, rappela Michael avec un sourire qu'elle lui rendit.

- Je te suis, fit Mandy en s'étirant. J'arrive plus à me concentrer sur le jeu.

Ils virent tous William tendre la main pour réclamer les cartes de Mandy et rejoindre la partie, mais elle l'ignora et mélangea ses cartes dans le tas de défausse sans lui jeter un regard. Lisa baissa les yeux sur ses genoux et se mordit la joue, puis embrassa Anthony avant de fermer son livre et de quitter le canapé. Padma se leva à son tour et abandonna ses cartes de la même manière que Mandy. Les quatre filles se suivirent dans les escaliers, Rose en tête, le cœur gonflé d'amour pour ses trois amies et leur fidélité à toute épreuve. Et un sourire moqueur en coin pour la tête qu'avait fait William quand Mandy avait refusé d'interagir avec lui.

En refermant la porte derrière elles, elle n'eut pas l'envie de réprimander Mandy tellement la blonde avait l'air contente d'elle. Elles se mirent à rire en même temps et s'allongèrent en discutant.

Rose se réveilla en sursaut, le front en sueur. Kietel bougea à son tour et posa ses yeux ronds sur elle, perplexe. Elle lui sourit.

- Tout va bien.

En un sens, c'était vrai. Elle n'avait pas eu besoin de se transformer pour dormir en paix et elle n'avait pas fait de cauchemar. Le rêve qu'elle venait de faire était juste particulièrement tordu et elle était contente d'en être sortie.

Elle s'étira en caressant le Boursouf niché contre elle. Elle réfléchissait à tout et à rien. Plus que quatre petites semaines avant les vacances de Pâques. Il fallait qu'elle termine une dissertation pour l'Étude des Moldus rapidement. Ce qui lui fit penser à sa dispute de la veille avec Blaise. Elle soupira puis se dit qu'ils arriveraient bien à tirer ça au clair ce soir, avant l'Astronomie par exemple. Oui, c'était une bonne idée. Elle allait l'intercepter dans la Grande Salle avant le petit déjeuner et lui proposer qu'ils se voient avant leur cours de minuit.

Satisfaite de son plan, elle regarda l'heure : il était beaucoup trop tôt pour se lever. Elle alluma sa baguette, se redressa sur son oreiller et se plongea dans son roman toujours inachevé.

Elle attendit Blaise devant la Grande Salle, espérant qu'il n'ait pas un cours plus tard le mardi matin. Elle garda les bras croisés, regardant au loin, par une fenêtre, ne prêtant pas attention aux autres étudiants qui défilaient pour aller manger. Elle fit confiance à son super-sens félin de l'ouïe pour repérer son petit ami. Rose sourit. Elle ne pensait pas encore souvent à lui sous cette appellation. Enfin, elle reconnut ses pas et sa voix et releva la tête. Ses yeux s'accrochèrent à ceux de Blaise et ne le lâchèrent pas, même lorsque le Serpentard fut devant elle après qu'il l'eut vue articuler silencieusement son prénom.

- Salut, commença Rose.

Elle ne savait pas s'il était toujours très fâché ou pas. Il lui adressa un sourire qui la rassura.

- Bonjour, Rose.

Il se pencha vers elle et posa brièvement ses lèvres sur les siennes.

- Écoute, pour hier… commença-t-il tout de suite. Je suis désolé.

- C'est pas grave, assura-t-elle en souriant à son tour.

- Je suis content de te voir, susurra-t-il en posant sa main contre le visage de Rose.

- Moi aussi, répondit-elle sur le même ton. Ce soir, avant l'Astronomie… tu fais quoi ?

- Rien pour l'instant… mais tu me donnes deux ou trois idées, dit-il en l'embrassant encore rapidement.

Ses joues rosirent et elle continua, avant de perdre définitivement l'usage de sa voix :

- Vingt heures ?

Il opina. Puis fronça les sourcils, l'air mécontent. Elle haussa un sourcil.

- Mon seul regret, c'est que si on se voit avant un cours… tu porteras ton uniforme. Et pas la jolie robe de la semaine dernière. Ce qui est tragique.

Le rouge s'étala sur le visage de Rose et sa voix s'était envolée. Elle prit la main libre de Blaise dans la sienne et la serra.

- Cependant, si vraiment cet uniforme devient trop insupportable…

Il se pencha pour murmurer à son oreille :

- Je pourrai toujours te l'enlever.

Il eut un sourire satisfait devant la peau cramoisie de Rose et planta un nouveau baiser sur ses lèvres, plus langoureux. Il adorait la façon dont elle réagissait à ce qu'il lui disait. Il s'écarta un peu d'elle.

- À ce soir alors, fit-il en souriant.

Elle répondit en hochant la tête, subjuguée par le désir qu'il était capable de créer en elle. Ils entrèrent dans la Grande Salle et se séparèrent pour retrouver leurs amis respectifs.

Les Serdaigles remarquèrent son trouble et surtout la couleur de son visage. Michael prit le journal d'Anthony et éventa dramatiquement Rose avec, faisant rire tout le groupe.

- Ben alors Miss Wayne, faut pas s'exposer au soleil comme ça ! C'est pas bon pour ta peau de noble, ça !

- Le soleil, mais bien sûr, répliqua Padma en souriant. C'est comme ça qu'on appelle Blaise maintenant ?

Rose fit un mouvement de la main pour la faire taire, ce qui ne fit qu'accentuer l'hilarité de ses amis.

La journée s'écoula lentement, comme à chaque fois qu'elle attendait de retrouver Blaise plus tard. Elle prit une douche avant leur rendez-vous, et remit un uniforme propre en soupirant. Mandy l'avait contaminée et elle commençait à le détester aussi. Elle décida de laisser la cravate de côté pour l'instant et déboutonna son chemisier jusqu'à voir son pendentif panthère qui ne la quittait plus. Elle enfila un gilet de l'uniforme plutôt qu'un pull et le laissa ouvert. Il ne faisait plus si froid et ça ne se remarquerait pas dans la Grande Salle le temps du diner. Il lui suffirait de remettre sa cravate, boutonner son gilet et enfiler sa robe noire de sorcière par-dessus pour être la parfaite étudiante bien habillée lors du cours d'Astronomie. La cravate et la cape furent pliées et rangées dans son sac. Elle ne savait pas s'ils allaient rester dans leur salle jusqu'à minuit mais elle avait préféré être prudente. Elle se décida en dernière minute et testa ce que Padma lui suppliait d'essayer depuis des semaines : elle appliqua un peu de crayon marron aux reflets dorés à l'intérieur de ses yeux. Elle démêla ses boucles avec ses doigts et leur laissa le champ libre.

Lisa approuva son look d'un sourire bienveillant lorsqu'elles descendirent pour aller diner. Rose s'éclipsa un peu avant vingt heures et retrouva vite la salle abandonnée. Elle était la première arrivée, alors elle alluma les deux torches en souriant. Elle posa ses affaires sur un des bureaux et attendit patiemment Blaise, ajustant et rajustant ses vêtements sans cesse.

Elle le vit entrer prudemment et se détendre en la voyant déjà là. Il referma la porte et soupira.

- Je suis désolé, fit-il d'emblée. J'ai cru que les autres ne me lâcheraient jamais. Ils avaient subitement tous un truc à me dire.

Cela paraissait l'agacer prodigieusement et Rose ne put retenir un sourire amusé.

- Viens, invita-t-elle en tendant la main.

Il la rejoignit en quelques enjambées et prit sa main dans la sienne avant de l'embrasser avec passion. Ses bras entourèrent Rose et la tinrent contre lui. Lorsqu'il la relâcha, il susurra :

- Je n'ai pensé qu'à ça toute la journée.

- Ça va mieux ? ironisa gentiment Rose.

- Pas encore, rétorqua-t-il sur le même ton avant de reprendre possession de sa bouche.

Il embrassa son cou, sa poitrine, suivit l'ouverture créée par le chemisier entrouvert. Il caressa le V du doigt.

- J'aime bien, ça. C'est plus sympa que la cravate.

Elle lui sourit et le repoussa en douceur le temps qu'ils puissent s'installer dans le vieux canapé. Blaise l'avait attirée d'autorité contre lui et lui volait un baiser de temps à autre, entre deux phrases. Ils discutèrent de leur frustration de la veille, et de leur dispute pendant le repas de midi, qu'ils avaient pris en tête-à-tête dehors. Blaise s'excusa de s'être emporté pour rien et Rose accepta de lui pardonner à une seule condition.

- Laquelle ?

- Embrasse-moi encore.

- Meilleure condition du monde.

Il s'exécuta avec délice et commença par suçoter les lèvres de Rose avant toute chose. Elle entrouvrit la bouche quand il mordilla et leur baiser s'approfondit. Comme Rose l'avait prédit, son gilet ne resta pas longtemps en place et termina par terre. Sa chemise fut sortie de la jupe et Blaise fit même sauter un bouton supplémentaire.

- Oups, dit-il, faussement contrit.

Puis il déposa un baiser dans l'ouverture fraichement apparue. Et un autre. Et encore un, après lequel Rose posa une main à l'arrière de la tête de Blaise, comme pour l'empêcher de partir. Il sourit contre sa peau et lécha rapidement entre ses seins pour remonter jusqu'à la base de son cou. Rose avait les yeux fermés et la tête légèrement penchée vers l'arrière.

- T'es belle, murmura-t-il avant de la plaquer contre lui autant qu'il le pouvait dans leur position assise et de l'embrasser encore.

Rose se figea soudainement entre ses bras et ouvrit grand ses yeux. Elle tourna la tête vers la porte, complètement affolée. Ils regardèrent la poignée s'abaisser, paralysés. Puis Blaise eut finalement le réflexe de forcer Rose à se mettre par terre, dissimulée par le canapé. Il le contourna et s'assit sur un bureau, sortant sa baguette.

La porte s'ouvrit et une silhouette s'y dessina. Rose s'était collée au pied du canapé et avait plaqué une main sur sa bouche pour ne pas respirer trop fort, aux aguets de tous les sons qui lui parvenaient. Sa main droite tenait sa baguette, prête à riposter.

Une voix féminine gloussa en voyant le grand Serpentard appuyé sur un bureau.

- Mince ! s'exclama-t-elle finalement.

Nouveau gloussement.

- C'est déjà pris.

- On dirait bien, rétorqua froidement Blaise.

Rose pouvait l'imaginer, droit comme un i, les bras croisés, l'air peu aimable. Et elle sourit.

- Désolé ! ajouta une voix masculine.

Puis des pas s'éloignèrent et Blaise referma la porte. Elle l'entendit soupirer pendant qu'elle se redressait. En quelques secondes, il était devant elle et lui tendait la main pour l'aider à se lever. Il lui sourit. Rose rajusta ses vêtements et garda sa baguette à la main.

- Tu peux la ranger, c'étaient juste des étudiants.

- Je sais, ronchonna-t-elle.

Puis elle contourna Blaise et visa la porte.

- Collaporta.

Il y eut un petit bruit de succion et Rose rangea sa baguette, satisfaite. Blaise la regarda.

- J'y avais pas pensé à ça…

- C'est parce que t'es pas à Serdaigle, répliqua-t-elle du tac au tac.

Il lui adressa un sourire amusé et l'entraina de nouveau avec lui sur le canapé. Rose l'embrassa puis s'allongea et posa sa tête sur les cuisses de Blaise. Il glissa immédiatement ses doigts dans ses cheveux étalés. Apaisée par la caresse, elle ne put retenir un bâillement détendu.

- Tu t'ennuies ? demanda Blaise.

- Pas du tout, répondit-elle avec un sourire. Je suis juste fatiguée. Et je suis bien, allongée sur toi.

Blaise lui sourit encore.

- Nuit courte ?

- Oui. Et vraiment mouvementée, ajouta-t-elle d'un air épuisé exagéré.

Elle n'avait pas pu résister à l'envie de le voir contracter ses mâchoires, ce qu'il fit sans s'en rendre compte. Ses doigts se levèrent pour aller caresser son visage. Elle mit fin à sa torture.

- J'ai fait un rêve super bizarre et impossible de me rendormir ensuite. Du coup, j'ai lu.

Il se relaxa visiblement.

- J'aurais dû me douter que « nuit mouvementée », pour une Serdaigle, ça veut dire « j'ai lu toute la nuit ».

Elle éclata de rire. Il se pencha pour l'embrasser sagement.

- Repose-toi, suggéra-t-il doucement. Tu vas devoir utiliser tous tes neurones en Astronomie, je vais pas pouvoir faire le boulot à ta place maintenant.

- J'avais oublié ça, râla-t-elle. Je m'en veux un peu. Moi qui comptais t'utiliser pour obtenir une bonne note aux BUSE…

- Je le savais.

Elle rit encore et le regarda calmement. Il lui caressa le visage et elle ferma les yeux.

- Rose… réveille-toi.

Elle sentit des lèvres sur ses joues, son front, son nez, sa bouche.

- On va être en retard, chuchota une voix grave à son oreille.

Et il l'embrassa plus longuement sur les lèvres. Elle sourit.

- Si tu continues à m'embrasser, je ne vais pas me lever.

Le rire bas de Blaise lui fit ouvrir les yeux. Il l'aida à se redresser et entreprit de refermer les boutons ouverts.

- Vraiment, c'est pas une tenue…

- Désolée. J'ai passé la soirée avec une personne aux doigts agiles.

Il figea son mouvement sur le dernier bouton.

- T'as pas idée, susurra-t-il à son oreille.

Elle le regarda, les lèves entrouvertes. Il ne résista pas et les gouta de nouveau, longuement. Puis il s'éloigna d'elle, lui donna son gilet et la força à se mettre debout. Elle n'était pas très coopérative, les yeux ensommeillés. Il rajusta ses propres vêtements le temps qu'elle fasse le nœud de sa cravate et passe sa robe noire.

- Alohomora, fit-elle vers la porte.

Ils se glissèrent dans le couloir et filèrent en cours d'Astronomie, main dans la main.

Comme promis, ils se séparèrent et Rose rejoignit seule leur table habituelle, alors que Blaise allait devant, à un bureau qui lui indiqua la professeure Sinistra.

Elle s'était promis de ne pas râler mais des grimaces et des soupirs ne cessaient de lui échapper.

Lisa la regardait en coin, amusée. Derek secoua la tête et finit par rejoindre Rose avec ses affaires.

- Tu galères hein ?

- Pff. C'est encore plus nul qu'avant.

Il rit doucement. Puis lui mit un petit coup de coude.

- Bien passé ?

- Très. On a beaucoup discuté, répondit Rose avec un sourire. Et je me suis endormie.

- Excuse-moi ?! fit Mandy soudainement.

Rose aurait dû se douter que tout le monde allait écouter. Elle soupira.

- J'étais fatiguée, et il me caressait les cheveux… et on venait de se faire interrompre, alors ça a un peu calmé mes ardeurs, vois-tu.

- Non ! Par qui ? demanda Padma.

- Deux étudiants qui cherchaient un coin sombre et privé, s'amusa Rose.

- École de dépravés, marmonna Terry.

- Tu peux parler, rétorqua son amie immédiatement.

- Nous sommes tous aussi dépravés les uns que les autres, conclut sagement Derek.

- Pas faux, admit Anthony, à la surprise des autres.

Il ne fit pas de commentaire supplémentaire mais coula un regard dévorant à Lisa, qui baissa le nez vers son parchemin. Michael et Rose se regardèrent et étouffèrent un rire.

- C'est quand la prochaine sortie à Pré-au-Lard ? demanda Terry.

- Dans dix jours !

- Ah, tant mieux. Ça va nous faire du bien de changer un peu d'air.

- Vous pensez qu'il y a des salles abandonnées à Pré-au-Lard ? demanda à voix basse Padma.

Ils furent tous secoués par un fou rire général.

La semaine d'après, Terry ne put résister à taquiner Rose en la voyant à moitié endormie dans sa tasse de thé, pas réveillée en ce jeudi matin.

- Ah, j'en connais une qui ne s'est pas couchée tôt hier soir !

Les autres rirent en la regardant planter ses yeux dans ceux de leur ami et étouffer un bâillement, perdant instantanément toute autorité.

- Je te confirme que je n'ai pas vraiment eu le temps de dormir, finit-elle par dire avec un petit sourire.

- On. Veut. Pas. Savoir. martela aussitôt Michael.

- Je ne dis rien de plus ! fit Rose en levant les mains. Sauf si tu insistes, bien sûr.

- Non merci ! répliqua-t-il sous les rires.

- Insister pour quoi ? demanda Marc en s'approchant d'eux.

Les sixièmes allaient prendre leur place habituelle après avoir salué les cinquièmes.

- Pour savoir comment la soirée de Rose avec Blaise s'était passée, expliqua Mandy en lui souriant.

Idriss ne put retenir un petit rire moqueur en s'asseyant.

- Vu ta tête, vous avez soit fait une course effrénée dans le château, soit…

- Voilà, et on a dit qu'on voulait pas savoir, coupa Padma alors que Lisa étouffait un rire.

Rose vit que Mandy avait un petit air satisfait et suivit son regard. William venait de dépasser leur groupe et continua sa route pour partir s'asseoir plus loin. Il prit place avec les filles de sixième, Cho, Marietta, Isobel et Rebecca, leur lançant un grand sourire.

- Tu es un petit monstre, commenta discrètement Lisa.

Mandy haussa les épaules et tartina son toast de beurre. Elle coula un regard à Nassim qui était à moitié assis et semblait hésiter.

- Tu as le droit de le rejoindre, tu sais.

Il s'installa correctement à côté d'elle et remplit sa tasse.

- Je sais, mais je préfère manger avec des petits monstres plutôt que des nouilles.

Les cinquièmes le regardèrent, les yeux ronds, avant de se mettre à rire.

- Ça a le mérite d'être clair, dit Anthony.

Marc sourit à Nassim.

- Disons que… elles ne sont pas aussi intéressantes que vous.

- Tu es beaucoup trop diplomate, estima Idriss. À part Cho à la limite, qui est intéressée par le Quidditch, ce qui nous fait un sujet de conversation, les autres n'ont pas grand-chose à dire.

- Comme Megan, marmonna malgré elle Rose.

Elle touilla ses corn-flakes dans son bol, gênée d'avoir dit ça pour tout le monde.

- Comme Megan, confirma soudainement Nassim à voix basse.

Il hésita et Idriss lui jeta un regard perçant.

- D'ailleurs, continua-t-il finalement sur le ton de la confidence, c'est fini avec elle.

- Ah bon ? renchérit Michael. Depuis quand ?

- La semaine dernière.

Mandy jura et Terry se mit à rire. Rose prétendit n'avoir rien entendu et lut sans le comprendre un article dans la Gazette du Sorcier. Derek fit un geste pour qu'ils arrêtent et changea de sujet.

- Bon… Quidditch demain soir ?

Rose lui pressa le genou sous la table pour le remercier. Elle se sentait stupide de se sentir mal à l'aise quand on parlait de sa relation avec Blaise devant William, ou des relations de William avec d'autres filles. Elle se répéta, pour la millième fois :

Lâche l'affaire. Il fait ce qu'il veut. Tout va bien avec Blaise, profite-en.

La vérité, c'est que c'était parfois tendu avec le Serpentard. Rien de grave selon elle, mais c'était un peu fatigant de ne pas savoir s'ils allaient se jeter l'un sur l'autre pour s'embrasser et se toucher ou se chamailler pour rien. Elle poussa un soupir en se remémorant leur soirée, fort heureusement animée uniquement par leurs baisers passionnés. Rose n'avait pas eu le temps de mettre « sa jolie robe » comme l'appelait Blaise, seulement un t-shirt propre, avant de filer le rejoindre. De toute façon, son haut n'avait pas fait long feu, car Blaise le lui avait rapidement retiré après l'avoir assise sur un bureau, enflammé par leurs corps qui se pressaient et frustré par tout le tissu qui les séparait. Rose lui avait enlevé le sien à son tour, et enfin ils avaient collé leurs bustes. Un nouveau soupir lui échappa en repensant à la sensation de la peau chaude de son petit ami contre elle. Elle ne savait plus à quel moment elle avait gémi de plaisir, mais elle était sûre de l'avoir fait. Blaise adorait quand elle faisait un peu de bruit, elle l'avait vite remarqué et se gênait de moins en moins. Peut-être que c'était quand ses doigts s'étaient insinués sous le bas de son soutien-gorge puis s'étaient refermés sur la peau douce de ses seins. Ou lorsqu'il avait glissé sa langue sur sa poitrine, parcourut la limite de son sous-vêtement sans jamais vraiment aller dessous, alors que Rose en mourait d'envie. Elle sourit en pensant au mouvement de recul qu'il avait eu lorsqu'elle avait planté un peu trop fort ses ongles sur son torse, enivrée par les caresses qu'il lui administrait. Il avait grogné de plaisir lorsqu'elle avait embrassé partout où ses doigts avaient griffé. Elle repensa avec délice au moment où, l'embrassant ardemment, elle avait spontanément enroulé sa jambe à sa hanche et qu'il avait collé son bassin contre le sien, soutenant sa cuisse en y imprimant ses doigts comme il le faisait à chaque fois, ce qui faisait perdre la tête à Rose. Et quand il avait ondulé des hanches contre elle, et qu'elle avait cru qu'elle…

- Rose, l'interrompit une voix forte.

Elle sortit de sa rêverie et regarda Derek, décontenancée.

- Tu rêvasses, se moqua Padma.

- Et tu penses pas à tes cours, lui murmura Derek à l'oreille, un sourire goguenard aux lèvres. Range tes émotions, j'arrive plus à me concentrer sur ma conversation.

- Pardon, fit-elle du bout des lèvres, embarrassée.

Elle regarda l'heure et décréta qu'il était temps d'y aller, se levant en hâte pour échapper aux regards amusés de ses amis.

- Les filles ! Vous êtes là ? demanda la voix de Mandy.

Elle passa la tête par la porte et vit ses trois amies dans la chambre.

- Ah, parfait ! Je suis avec Selena, elle peut entrer ?

- Bien sûr, accepta Padma.

Elle était en train de se lisser les cheveux, la porte de la salle de bains ouverte et sa baguette émettait une vapeur chaude qui l'enveloppait. Lisa était assise sur son lit, un magazine entre les mains et Duke étalé sur ses genoux pendant que Rose rangeait le contenu de son armoire, surveillant du coin de l'œil Kietel qui bondissait de meuble en meuble en poussant des cris excités.

Mandy entra, suivie de Selena, qui leur sourit en les saluant. Lisa lui demanda si elle s'était bien remise de sa blessure de la semaine dernière – un Cognard qui lui avait foncé dessus en plein entrainement – mais Mandy avait clairement envie de parler donc Selena fut brève.

- Oui, très bien, Madame Pomfresh a réparé mes os en deux secondes. Mandy, vas-y, sinon je pense que tu vas imploser.

- Vous devinerez jamais ce qu'elle m'a montré ! s'exclama enfin la blonde en se tournant vers ses colocataires. C'est fou !

Trois paires d'yeux curieux la scrutèrent. Padma arrêta le jet de vapeur et posa sa brosse à cheveux, Lisa replia son magazine et Rose laissa tomber ses vêtements sur le lit. Mandy se mit bien à côté de Selena, se redressa et demanda :

- Regardez bien nos tenues. Vous voyez une différence ?

Elles observèrent pendant que Selena réprimait un sourire. Lisa remarqua :

- Ah, oui ! La jupe de Mandy est plus courte !

Elles se mirent toutes les trois à rire, et Selena regarda avec intérêt.

- J'avais jamais fait attention, dis donc ! Comment tu as fait ?

- Mandy est une excellente couturière, lui apprit Rose. Ça fait deux années de suite qu'elle raccourcit ses jupes.

- Et je n'attends qu'un mot de votre part pour faire subir le même sort à votre uniforme, rappela la blonde en souriant innocemment.

Padma leva les yeux au ciel. Mandy le leur disait environ trois fois par semaine.

- Bon, alors, une autre différence ? Indice : regardez bien les jambes.

Leurs jambes étaient habillées de la même manière : la jupe noire de l'uniforme, les collants noirs de l'uniforme, les chaussures noires de l'uniforme. Tout pour déprimer Mandy, qui pourtant avait l'air toute joyeuse ce soir. Devant leurs airs confus, elle leva un doigt victorieux.

- Et pourtant ! Vas-y Selena, montre-leur !

Selena secoua la tête en rigolant, puis remonta le bas de sa jupe jusqu'en haut des cuisses.

- Ooooh ! s'écria Lisa. Ce ne sont pas des collants !

Rose haussa un sourcil.

- C'est quoi ?

- Des bas, leur apprit leur ainée. C'est la même matière que les collants de l'uniforme, la partie « je te compresse le ventre et je glisse sur tes genoux au bout d'une heure » en moins.

- Et c'est su-per-se-xy, énonça Mandy, ravie, déclenchant les rires de ses amies.

- Comment ça tient ?

- Ils sont un peu resserrés vers le haut et accrochent la peau pour ne pas glisser, répondit Selena en souriant.

Lisa hocha la tête.

- Je connais ces trucs-là, fit-elle. Ma mère en porte, mais des plus fins. Elle achète ça dans les boutiques moldues, bien sûr.

- Et tu me l'avais jamais dit ?!

- Désolée, je n'y avais jamais pensé… et je savais pas que ça existait aussi épais.

Rose eut l'air perplexe.

- Mais, si tu te penches, on peut les voir non ?

Mandy la regarda comme si elle était idiote.

- Mais Rosinette… c'est le principe…

Rosinette éclata de rire. Elle aurait dû s'en douter. Selena haussa les épaules.

- Moi je les porte surtout quand il fait plus chaud, ou quand j'ai mal au ventre et ne veux pas être coincée dans des collants, donc les miens remontent assez haut. Mais il y a des modèles plus courts, qui se voient quand tu te penches, expliqua-t-elle en décochant un sourire à Rose. Il y a même des chaussettes plus hautes que celles de l'école, elles remontent juste au-dessus du genou.

Leurs chaussettes montantes s'arrêtaient précisément en-dessous du genou et étaient réservées aux journées les plus chaudes de l'année scolaire.

- Tu les achètes où ? demanda Padma, très intéressée.

- Chez Madame Guipure et Gaichiffon ! Ils en ont de toutes les sortes.

Mandy ne quittait plus ses amies du regard et ses yeux se firent implorants.

- Gaichiffon ! S'il vous plait les filles, s'il vous plait ! Dites oui !

Rose croisa les bras et sourit.

- Je sais pas pourquoi, je sens qu'on va aller faire du shopping demain matin…

- On ne peut clairement pas y couper, argumenta Lisa.

- J'en peux plus de ces collants de toute façon, termina Padma.

- Merci ! s'écria Mandy en sautant de joie.

Selena se tourna vers elle.

- Et du coup, tu raccourcis tes jupes ?

- Dis-moi que tu veux que je te le fasse aussi, supplia-t-elle. Je meurs d'envie de m'exercer et mes amies les bonnes sœurs ici ne veulent pas.

Lisa éclata de rire et Padma reprit le lissage de ses cheveux, une grimace amusée au visage. Rose décroisa les bras.

- Si y'a que ça pour te faire plaisir…

Mandy se retourna vivement vers elle.

- En vrai ?!

- Pourquoi pas…

- Oh là là c'est le plus beau jour de l'année !

Selena rit à son tour.

- Bon, je veux bien voir le résultat sur Rose et après, peut-être que je te demanderai de faire les miennes alors.

- Tu seras pas déçue ! affirma Mandy.

Selena leur adressa un geste de la main.

- Bon, je retourne à mes devoirs… merci pour l'interlude, ça fait du bien de penser à autre chose !

Elles la saluèrent et la regardèrent partir. Mandy fonça sur Rose et tendit les bras.

- Dépose les armes et file-moi tes jupettes.

- Oui ma générale.

Rose lui déposa cinq jupes dans les bras.

- Et celle-là, fit Mandy en pointant celle que Rose portait.

- Elle est pas propre…

- Tu t'es pas trainée dans la boue avec, ça me suffit. Hop, cul nul Miss Wayne !

Le fou de rire de Padma et Lisa fut communicatif et bientôt Mandy s'installait sur une table qu'elle avait poussée au milieu de la pièce, toujours hilare, alors que Rose enfilait son jean préféré.

- Bon ben quitte à me déshabiller…

Elle desserra et retira sa cravate bleue et bronze, enleva le pull de l'école et défit les boutons de sa chemise. Elle attrapa un t-shirt noir et passa un gilet vert. Lisa opina et l'imita, se changeant rapidement à son tour, retirant ses collants en dernier et les regardant d'un air méchant.

- Votre dernière heure est arrivée ! leur lança-t-elle férocement.

- Là, ça c'est le bon esprit ! commenta Mandy avant de se concentrer.

Rose s'assit près d'elle et l'observa faire : son amie était très douée en couture. Elle mesura Rose, les jupes, calcula pour raccourcir de quelques centimètres et lança un efficace et habile sort de Découpe à la première jupe. Elle jeta un œil à Rose.

- Je fais la première d en premier, au cas où je me plante un peu…

- Pas de problème, rétorqua Rose. Évite de me la faire au ras des fesses quand même.

Mandy sourit et retourna à la jupe. Bientôt l'ourlet se formait, docilement mené par la baguette de Mandy. Rose était captivée par les mouvements sûrs et directs de son amie.

- Voilà, elle est prête ! annonça-t-elle quelques minutes plus tard.

Rose examina son vêtement et regarda Mandy, admirative.

- C'est super bien fait, commenta-t-elle. Merci.

- Avec plaisir. Enfile-la pour être sûres que c'est bon avant que je m'attaque aux autres.

Le jean fut remplacé par la jupe raccourcie pour que Mandy l'examine. Lisa et Padma regardait avec intérêt.

- Ça se voit à peine… mais suffisamment pour être bien plus joli, résuma Padma.

- Absolument d'accord.

- Je fais les autres ? demanda Mandy à Rose, qui était toujours en pleine observation.

- Oh que oui.

Mandy gloussa et se remit au travail, sous les yeux des autres qui étaient hypnotisées par ses mouvements.

- Arrêtez de me fixer comme ça, vous m'angoissez, marmonna la blonde.

- Pardon, s'excusa Lisa. C'est juste que tu es…

- Captivante quand tu couds, termina Rose.

- Tu es super sûre de toi, c'est joli à observer.

- Merci, murmura Mandy, les joues rougies. Partez maintenant.

Elles rirent et la laissèrent tranquille, retournant à leurs occupations.

Les filles furent rappelées à l'ordre par l'estomac de Rose, qui finit par s'étirer et contempla la pile de vêtements posée au pied de son lit.

- Fini de trier ! Vous pouvez prendre ce que vous voulez, annonça-t-elle. Manger maintenant !

- Ah je me disais aussi, ronchonna Padma avec amusement.

- Terminé moi aussi ! lança Mandy qui nettoyait la table des morceaux de tissu. Tiens !

Elle remit à Rose une pile de jupes.

- Merci Mandy, c'est vraiment, vraiment gentil d'avoir fait ça pour moi, fit Rose avec sincérité.

- C'est moi qui te remercie, depuis le temps que j'attendais de le faire !

Rose rit et rangea minutieusement les jupes sur des cintres dans son armoire.

- Oh que j'ai hâte d'aller à Pré-au-Lard demain ! lança Mandy en glissant son bras sous celui de Lisa avant de descendre les escaliers.

Les filles parlèrent de vêtements et de shopping tout le diner, dans une bulle où les garçons n'étaient apparemment pas invités, malgré leurs tentatives de participation. Derek finit par abandonner et parla du cours de Potions avec Nassim et Marc. Les conversations qui fusaient distrayaient suffisamment l'esprit de Rose, qui ne s'aperçut pas de l'absence de William. Terry vit que le sixième étaient encore assis avec les filles de son année et garda l'information pour lui, un peu ennuyé par la bêtise évidente dont Rose et William faisaient preuve. Il pensa immédiatement à autre chose lorsque la grande main de Derek se mit à lui caresser la cuisse sous la table alors qu'il était toujours plongé dans sa conversation avec les autres.

Le matin, les filles n'attendirent pas les garçons et furent quasiment les premières à se présenter aux portes du château pour rejoindre le village voisin. Elles se laissaient guider par l'inépuisable énergie de Mandy, qui avait fait une liste de ce qu'elle voulait voir ou acheter pour ne rien oublier. Elles passèrent un temps fou dans les rayons de chez Gaichiffon, comme à chaque fois qu'elles y allaient ensemble. Mandy finit par aller voir une vendeuse et lui parler des bas qu'elles voulaient. La vendeuse lui sourit et dirigea les filles devant un petit rayon, leur expliquant que tous les modèles étaient en stock dans l'arrière-boutique, et qu'elles pouvaient voir sur l'étiquette la taille, l'épaisseur et la longueur de chaque paire. Lisa posa dramatiquement ses mains sur ses joues.

- Mais pourquoi on n'en a jamais entendu parler avant ?!

- Nous allons tout de suite réparer cette erreur, annonça sérieusement Mandy en saisissant un paquet et examinant l'étiquette.

Elles prirent leur temps pour trier ce qui leur plaisait ou pas, ce qui était similaire aux collants de l'uniforme ou pas. Mandy tira d'ailleurs une de leurs paires de collants de son sac pour mieux comparer.

- Tu penses à tout, remarqua Padma avec un sourire.

- Toujours quand l'heure est grave.

Elles rirent et remplirent les petits paniers que la vendeuse leur avait confiés de bas d'hiver, de mi-saison et prirent même toutes une paire de chaussettes hautes, celles qui arrivaient au-dessus du genou.

- Bon, je ne sais pas quand on pourra les mettre, sinon Ombrage va nous occire, mais on sait jamais, déclara Mandy.

Elles continuèrent à déambuler dans les rayonnages, se séparant occasionnellement. Padma retrouva Rose apparemment abasourdie devant les sous-vêtements et appela Mandy et Lisa à la rescousse.

- On a perdu le cerveau de Rose.

Elle se tourna vers ses amies et ses joues rougies leur apparurent clairement. Devant sa gêne évidente, elles restèrent calmes et l'écoutèrent.

- C'est juste, je me disais… peut-être que je pourrais m'en acheter des nouveaux, maintenant que…

Mandy ne put pas résister.

- Maintenant que tu n'es plus la seule à les voir ?

- Voilà, bougonna Rose en rougissant franchement.

- C'est une bonne idée, fit Lisa, toujours rassurante. Prends ton temps !

Rose hocha la tête avec reconnaissance et se tourna de nouveau vers les bouts de tissu. Elle en sélectionna plusieurs et alla les essayer pendant que les autres continuaient de tourner dans la boutique, essayant elles aussi des vêtements. Padma se réjouit en voyant un portant en promotion et elles passèrent un temps fou à farfouiller dedans.

- Fini, annonça la voix de Rose derrière elles.

- Ah tiens, j'ai trouvé ça pour toi !

Le bras de Mandy, disparue dans les vêtements, se tendit vers elle. Rose attrapa machinalement ce qu'elle brandissait et sourit.

- C'est fou comme tu sais toujours trouver ce qui nous va, apprécia Lisa en regardant le débardeur en soie émeraude que Rose tenait maintenant.

- C'est très joli. Je vais l'essayer.

- Je veux voir !

Mandy la suivit pendant que Lisa et Padma triait ce qu'elles avaient jeté un peu pêle-mêle dans leurs paniers. Rose enleva son gilet et son t-shirt et enfila le débardeur soyeux, qui lui allait comme un gant. Mandy le valida et elles passèrent toutes les quatre en caisse.

En sortant de la boutique, la blonde s'exclama :

- Ah, ça va mieux !

- On va où maintenant ?

- Chocolat ! décida Padma en les entrainant chez Honeydukes.

Elles firent main basse sur toutes sortes de confiseries et ressortirent ravies.

- On prend une Bièraubeurre ?

Devant le bar bondé, Lisa grimaça et proposa :

- Et si on les prenait à emporter ? On pourrait aller les boire dehors non ?

- Excellente idée. J'y vais, gardez mes paquets, annonça Rose en disparaissant dans le pub.

Elle mit un temps fou à revenir avec quatre bouteilles glacées.

- Pfiou, le monde là-dedans !

- J'ai repéré un bout de parc là-bas, fit Padma en pointant du doigt, ça a l'air pas trop mal.

Elles s'installèrent par terre, sur leurs capes, le visage tourné vers le soleil et dégustèrent leur boisson en papotant tranquillement. Rose s'arrêta au milieu d'une phrase, renifla et sourit :

- Ah, on a de la compagnie…

- Pas moyen qu'ils nous lâchent une journée, ronchonna faussement Padma.

- Que veux-tu, on leur est indispensables, soupira Mandy en regardant les garçons s'approcher d'elles.

- Ça, c'est une bonne idée ! s'exclama Derek en se laissant tomber tout contre Rose.

Il lui vola sa bouteille à moitié bue.

- Non, non, non ! protesta-t-elle aussitôt. Tu vas t'en acheter une pour toi !

Mais c'était trop tard et le grand blond l'avait terminée en quelques secondes.

- Ce garçon est un gouffre à nourriture, se plaignit Terry en s'installant parmi elles. J'en peux plus.

- T'inquiète Rose, Michael s'est dévoué pour aller aux Trois Balais pour nous, il va revenir les mains pleines, informa Anthony en se plaçant derrière Lisa et l'enlaçant.

Bientôt ils étaient tous les huit au soleil, une boisson à la main, parlant de leur journée et profitant de la déconnexion de l'école. Ils s'étaient mutuellement interdits de parler des cours et s'y tenaient. Rose vit Derek fourrer son nez dans les paquets de chez Gaichiffon.

- T'as acheté quoi ? demanda-t-il curieusement avant de plonger la main dedans.

- Des pulls ! répondit vivement Rose en tentant de lui arracher le sac des mains.

Des sous-vêtements, enlève tes pattes de là ! hurla-t-elle intérieurement en le regardant, espérant que ça marche. Derek se mit à rire et reposa le paquet.

- Désolé, lui murmura-t-il à l'oreille alors qu'ils se tournaient pour regarder Mandy montrant un nouveau t-shirt à Terry.

Elle bougonna et il rit encore, puis finit par l'embrasser sur la tempe.

- Tu m'as entendue, dit-elle tout bas avec satisfaction.

- C'était pas très clair, admit-il, mais j'ai compris l'idée générale : « j'ai acheté des trucs pour que Blaise devienne tout fougueux en me voyant avec ! »

- Au mot près.

Ils pouffèrent dans leur coin. Les cinquièmes restèrent dehors jusqu'à l'heure limite avant de retrouver le château, contents de leur journée. Ils mangèrent peu au diner – à part Derek et Rose, de façon surprenante – car ils avaient fait honneur à leurs diverses emplettes de chez Honeydukes.

- Mais comment elle fait pour manger autant... geignit Idriss en la regardant.

- Et surtout, que fait-elle de toutes ces calories ? s'interrogea Marc, entrant dans son jeu.

Personne ne vit le petit sourire en coin de William, qui s'était assis avec eux ce soir. Ses yeux pétillèrent mais il s'interdit de les poser sur Rose.

- Et moi, personne se pose la question ? protesta Derek.

Terry leva les yeux au ciel et eut finalement un sourire attendri.

- Non mais toi, fit Padma en désignant sa carrure, on se doute. Rose en revanche…

L'intéressée posa sa fourchette et avala sa bouchée.

- C'est fou, c'est comme si… j'étais plusieurs dans moi-même, termina-t-elle avec un clin d'œil avant de se servir une nouvelle plâtrée de pâtes.

Tout le monde plongea vers son assiette, secoués par un rire collectif.

- Vous faites quoi demain ? lança Nassim une fois calmé.

Ils s'entreregardèrent, se questionnant silencieusement.

- On étudie, je suppose, ronchonna Mandy après un regard sévère d'Anthony.

- Ça vous dirait qu'on se réunisse dans la Salle Commune et qu'on fasse nos devoirs ensemble ? proposa Idriss.

- Bonne idée ! valida Padma.

- Vers onze heures ? proposa Lisa.

Tout le monde accepta alors qu'ils quittaient la Grande Salle avec le reste de l'école.

- Allez, montre, fit Mandy avec autorité, les mains sur les hanches.

Rose soupira puis étala ses achats de la veille sur son lit. Il y avait trois ensembles de sous-vêtements, le débardeur en soie vert choisi par Mandy, une blouse rayée à manches bouffantes pour aller avec une robe salopette en velours bordeaux et une robe à fleurs estivale assez courte.

- Comme ils sont jolis, admira Padma en pointant les soutiens-gorges.

- J'ai trop hâte de mettre la robe bordeaux, dit Rose en caressant le tissu.

- Mets-la aujourd'hui !

- Tu crois ?

- Mais oui. On va étudier dans la salle commune, c'est parfait pour tester une nouvelle tenue. Si tu es trop mal à l'aise, tu peux facilement aller te changer.

Rose valida l'idée et passa ses nouveaux vêtements.

- Oh, tu sais ce que tu devrais essayer ? Les nouveaux bas ! lança Mandy.

- Ah oui, parfait, comme ça tu testes avant les cours de demain et tu nous fais un rapport, rit Lisa.

- Bonne idée, dit Rose en ouvrant un paquet.

Elle avait pris différentes épaisseurs et en choisit une entre deux, ni « plein hiver » comme avait dit Mandy, ni trop léger. Elle les enfila avec précaution sous les regards de ses compagnes. Elle les ajusta sur ses cuisses et remua les jambes pour voir si ça tenait.

- C'est fou, commenta-t-elle.

- Tu as pris des longs, observa Mandy. Ils remontent haut.

- Ceux-là oui, mais j'ai aussi acheté des plus courts. Je me suis dit que ce serait mieux vu que ma robe est relativement courte. J'ai pas envie qu'on me voie à moitié à poil non plus, marmonna-t-elle.

Lisa lui sourit avec amusement. Rose enfila ses chaussures et regarda ses pieds.

- J'espère qu'ils ne vont pas s'abimer là-dedans…

- On t'a dit, tu es notre cobaye aujourd'hui !

Elles furent toutes sorties de leur discussion par une voix délicate qui tonna :

- ALLEZ LES FILLES ! ON VOUS ATTEND !

Rose joignit les mains devant sa poitrine.

- La douce voix de mon meilleur ami nous appelle.

- On devrait y aller avant qu'il ne trouve le moyen de monter dans notre dortoir pour nous en déloger, pouffa Padma.

- C'est un peu dangereux pour Derek qu'il appelle « les filles » comme ça, constata Lisa.

- Pourquoi ?

- Vu sa popularité avec les filles, ce serait pas étonnant que la moitié des Serdaigles soient descendues se jeter à ses pieds, s'esclaffa Mandy.

- Ah ben, elles peuvent toujours faire ça, dit Rose en riant ouvertement. Elles seront très déçues.

- Je peux tout à fait imaginer l'air perdu de Derek, entouré d'une vingtaine de filles à l'air adorateur.

L'idée les fit éclater de rire et c'est hilares qu'elles descendirent finalement.

- Quand même ! ronchonna Derek.

Même Anthony et Terry, pourtant calmes, semblaient s'impatienter. Michael marmonna quelque chose qu'elles préférèrent ignorer et ils allèrent prendre leur petit-déjeuner.

Quand ils remontèrent, les sixièmes avec eux, ils s'installèrent comme prévu à une table et tout le monde sortit ses livres, plumes, parchemins, bouteilles d'encre… Lisa et Anthony étaient face à face en bout de table. Rose et Derek s'étaient mis à proximité : ils voulaient commencer une traduction de Runes Anciennes tous les quatre. Studieux comme toujours, ils s'absorbèrent tous dans leurs devoirs. Relevant le nez pour s'étirer, Rose s'aperçut qu'à peu près la moitié des Serdaigles les avaient imités et étaient répartis dans la Salle Commune à travailler. Une vraie fourmilière, songea-t-elle en souriant. Elle regarda Anthony tourner frénétiquement les pages de leur dictionnaire.

- Mot perdu ? demanda-t-elle.

- Mais oui, se plaignit-il doucement. Je retrouve pas la variante à la traduction de « lisière », pourtant j'étais sûr de l'avoir vu…

- Dans Runes Anciennes Rendues Accessibles ? s'étonna Lisa. Ce serait pas plutôt dans le Traité Supérieur de traduction des Runes ? Il me semble qu'il est plus complet.

- Il y en a un dans notre bibliothèque, leur apprit Derek en pointant les meubles de l'autre côté de la table, près de Padma. Je l'ai déjà utilisé.

- J'y vais, lança Rose en se levant. Ça me dégourdira les jambes.

Elle fit le tour de la table, gratouilla la tête de Derek au passage et garda les yeux sur les larges bibliothèques pour être sûre de ne pas regarder William, assis en bout de table.

Évidemment, il est en bout de table, ronchonna-t-elle intérieurement, avant de se faire la morale : et qu'est-ce que ça peut faire qu'il soit là ? Il se met bien où il veut.

Plantée devant les rangées de livres, elle chercha en vain dans la bonne catégorie : leurs livres d'ordinaire si bien classés avaient été replacés en dépit du bon sens.

Elle soupira et pencha un peu la tête pour lire les titres, cherchant un gros volume à l'air ennuyeux. Elle commença par les rangées du haut, croisant les doigts pour ne pas avoir à fouiller toutes les bibliothèques de la Salle Commune. Ses cheveux n'arrêtaient pas de lui tomber devant les yeux, alors elle se redressa et les attacha en un chignon bancal mais qui lui permettait de voir. Concentrée sur sa recherche, elle se penchait un peu plus à chaque rangée infructueuse. Elle avait déjà fait plus de la moitié du meuble, de plus en plus désespérée, quand elle entendit un objet tomber et quelqu'un jurer. Elle se retourna.

- Attention ! s'écria Padma, soulevant des affaires pour les éloigner de la flaque d'encre qui s'étalait.

William se penchait déjà sur la table, à moitié debout, pour ramasser la bouteille qui s'était vidée sur le bois.

- Mince, je suis désolé, fit-il.

Il saisit sa baguette et nettoya les dégâts d'un sort rapide. Rose reporta son attention sur les livres et s'accroupit pour atteindre les dernières rangées.

- Zut, marmonna-t-elle en se redressant.

- Tu cherches un bouquin ? interrogea Nassim.

- Non, un Nimbus 2000, rétorqua Mandy aussitôt.

Leur ami la regarda et eut un rire discret avant d'attendre la réponse de Rose.

- Le Traité Supérieur de traduction des Runes. Je suis bonne pour me taper toutes les étagères, soupira-t-elle.

- Ou pas ! s'exclama Idriss. Parce que je sais où il est.

- Ah bon ? Où ?

- Ça, il va falloir demander gentiment, taquina-t-il.

- S'il te plait Idriss, dis-moi où est le livre que je cherche.

- Mieux que ça, refusa-t-il.

Rose leva les yeux au ciel.

- Ô grand Idriss, être supérieur, aurais-tu la bonté de m'indiquer où se trouve le traité de Runes dont nous avons besoin pour étudier ? C'est le seul moyen pour que nous espérions un jour atteindre le même niveau intellectuel que toi.

Il éclata de rire, bon joueur.

- Beaucoup, beaucoup mieux.

Il fit mine de réfléchir mais Nassim le devança.

- Je pense qu'une petite révérence ne serait pas de trop.

Rose tentait de garder son sérieux et commença à s'incliner quand une voix les interrompit sèchement.

- Non mais c'est peut-être bon là les gars. File-lui le dico, Idriss.

Onze visages se tournèrent vers William, qui ne parlait jamais sur ce ton-là, à personne. Rose se redressa, bien droite et son visage perdit son sourire joueur.

- Si on te dérange, tu peux aller étudier dans ta chambre, rétorqua-t-elle en le regardant en face pour la première fois depuis quelques semaines.

Il ne la considéra pas longtemps avant de se décider.

- Je vais faire ça, annonça-t-il en fermant son livre.

Il rassembla ses affaires et quitta la table rapidement, disparaissant dans les escaliers. Rose serra involontairement les poings et se força à respirer calmement. La voix hésitante d'Idriss lui parvint.

- Tiens Rose, le dico… je l'avais dans mon sac, j'ai oublié de le reposer.

- Merci Idriss, lui dit-elle en forçant un sourire amical avant de rejoindre sa chaise.

Les autres échangèrent des regards qu'elle préféra ignorer, cherchant finalement le mot d'Anthony dans le lourd volume, puis elle lui donna à la bonne page.

- Merci, murmura-t-il.

- C'est bon, détendez-vous, fit doucement Rose. Tout va bien.

Derek lui pressa la main par-dessus la table. Alors voilà, William et elle ne pouvaient pas rester dans la même pièce sans s'agresser maintenant. Elle retira sa main après quelques secondes car elle avait brusquement envie de pleurer, et la gentillesse de son meilleur ami allait la faire basculer. Elle se concentra sur sa traduction, de manière méthodique, pour apaiser son esprit. Elle n'entendit même pas Nassim chuchoter qu'il montait voir William.

La traduction terminée, Rose passa à un devoir, plus facile à ses yeux, de Sortilèges. Ils firent à peine une pause pour le déjeuner, mangeant rapidement et se cloitrant de nouveau dans leur tour. Rose était plongée dans son manuel de Potions et grimaçait quand Lisa lui chuchota :

- Rose, il est presque seize heures.

- Déjà ? J'ai pas vu le temps passer… merci.

Elle rangea silencieusement ses affaires et fila dans le dortoir pour y poser son sac. Elle vérifia sa tenue dans le miroir et alla se passer de l'eau sur le visage, histoire de se sortir la tête de ses leçons. Puis, après un coup d'œil dehors et vu le vent léger qu'il y avait, elle défit son chignon en fouillis, démêla au peigne et fit une tresse pour dompter ses cheveux. Elle attrapa un gilet, et hésita quant à l'endroit où ranger sa baguette. Avec un pouffement, elle la glissa dans son bas et rabattit sa robe par-dessus. Elle fit quelques pas et fut rassurée : rien ne bougeait. Parfait. Elle quitta la chambre et emprunta les escaliers, tournant machinalement les yeux vers ceux des garçons, car quelqu'un descendait aussi.

Évidemment.

C'était William et leurs yeux se rencontrèrent. Peu envieuse de se disputer avec lui et de rejoindre Blaise en étant tout énervée, elle ne lui adressa pas un mot et continua sa route, regardant devant elle. Elle n'eut pas le temps de voir qu'il ouvrait la bouche pour lui parler, elle fit un geste de la main à ses amis et sortie de la Salle Commune, dévalant les marches de leur tour.

Une haute silhouette l'attendait près de la Grande Porte.

- Tu es en retard, fit-il en guise de salut.

- Désolée, répondit Rose, un peu essoufflée. Je n'avais pas vu l'heure.

Il lui tendit la main de façon impérieuse et elle la saisit, puis ils sortirent dans le parc. Ils avaient fait quelques pas au soleil, hors de l'ombre du château, quand Rose se tourna vers lui :

- Tu es fâché ?

Il haussa les épaules et ne répondit pas tout de suite. Ils avaient presque atteint la berge ensoleillée du lac quand Rose, irritée, se planta devant lui et croisa les bras.

- Donc tu ne m'adresses pas la parole ? pour quelques minutes de retard ?

Il souffla d'agacement et la toisa. Elle fit une moue impatiente.

- Tu es souvent en retard, accusa-t-il calmement.

Elle ouvrit la bouche, choquée.

- N'importe quoi. C'est toi qui es trop à cheval sur les horaires, rétorqua-t-elle.

Les mâchoires de Blaise se contractèrent.

- J'aime pas passer après les autres.

Le sourcil de Rose se leva plus haut que jamais.

- Désolée d'avoir différentes activités dans ma vie, ironisa-t-elle sèchement.

Il pinça les lèvres sans répondre.

- Je vais pas m'enfermer dans une tour pour te faire plaisir, continua Rose.

- Tu passes déjà ta vie dans une tour ! s'exclama Blaise.

- La tour Serdaigle ? Évidemment, c'est ma maison ! protesta-t-elle vivement.

- Ben ça me soule, affirma-t-il d'une voix tendue en croisant les bras à son tour. Ça me soule de devoir prendre rendez-vous pour voir ma petite amie.

- Je suis au regret de t'annoncer que je ne peux pas changer de maison. Et si ça te convient pas, c'est pas mon problème.

Il soupira d'énervement et ne rajouta rien, les yeux sombres. Rose ne céda pas et ses poings se serraient par intermittence. Son second battement de cœur venait de rejoindre le premier. Agacée, elle finit par lâcher sèchement :

- Bon. Puisqu'on a rien d'autre à se faire que des reproches, je vais remonter dans ma tour.

Et elle contourna Blaise, qui ne la rattrapa pas et la laissa repartir vers le château. Elle le sentit faire demi-tour lui aussi mais il ne l'appela pas et ils s'ignorèrent mutuellement, jusqu'à être séparés par les couloirs de l'école. Rose remonta lourdement les marches interminables, pestant contre Blaise qui n'avait aucune patience et maugréant contre son Animagus qui ne la laissait pas en paix. Elle dégaina prestement sa baguette et passa la porte. Passant près de la table où ses amis se trouvaient encore, elle rugit :

- Allez les Serdaigles ! Entrainement !

Et elle fonça dans la chambre des garçons. Derek fut le premier à sauter sur ses pieds et à empiler ses affaires dans ses bras, montant les marches quatre à quatre. Il avait à peine passé le seuil qu'il était mis en joue par une baguette.

- Doucement mon chat, fit-il en riant. Laisse-moi poser mes affaires.

Rose marmonna et les bras de Derek furent vidés en un instant, et tout atterrit sur son lit.

- Voilà ! lança-t-elle triomphalement. En garde !

Il rit encore et sortit sa baguette pour la pointer sur Rose.

- Mauvaise balade je suppose ?

- Pff. Allez, joue !

Il éclata de rire mais ne lança aucun sort car la porte venait de s'ouvrir, laissant entrer les autres. Ils posèrent leurs affaires, pendant qu'elle patientait, les bras croisés, au milieu de la pièce.

- Je me suis disputée avec Blaise, leur apprit-elle en anticipant leurs questions.

- Donc c'est nous qui ramassons ? protesta Michael.

- Exactement ! répliqua-t-elle avec un sourire.

- Allez, ça nous fera du bien, encouragea Mandy.

- Peut-être qu'on évite le Sort de Réduction ? suggéra Anthony avec un regard amusé vers Rose.

Elle eut un petit rire et approuva. Puis ils se mirent en place et s'entrainèrent tout le reste de l'après-midi. Ils finirent par s'écrouler sur les matelas et des coussins qui avaient volé un peu partout et restèrent une bonne demi-heure affalés, à reprendre leur souffle et à débriefer de leur séance. Ils espéraient aborder d'autres sorts à la prochaine réunion, car ils commençaient à vraiment bien maitriser tous ceux déjà vus. Des petits coups à la porte résonnèrent.

- C'est bon, vous avez fini de démonter les meubles ? demanda la voix de Nassim.

- Vous venez manger ? continua Marc.

Le mot magique avait été prononcé et tout le monde sauta sur ses pieds pour aller diner. William ne reparut pas de la soirée, et ils ne le revirent que le lendemain midi.

Rose avait la tête ailleurs et attendait le cours de Botanique pour parler à Blaise. Leur dispute de la veille avait été stupide – comme toutes les précédentes.

Dans la serre, elle se faufila derrière lui et s'assura de bloquer une éventuelle fuite.

- Blaise, dit-elle d'un ton qu'elle espéra doux mais ferme.

Il tourna la tête et la regarda du coin de l'œil. Ses doigts tapotèrent sur le plan de travail auquel il était appuyé. Puis il se retourna mais ne dit rien. Rose le rejoignit et chuchota pendant que la professeure Chourave parlait.

- Écoute… je suis désolée pour hier. Pour mon retard déjà, et de m'être énervée ensuite, c'était idiot de ma part.

Il soupira et la regarda plus franchement.

- Je m'excuse aussi, finit-il par répondre à voix basse. Mais… je n'accepterai tes excuses qu'à une condition.

Rose vit ses yeux briller et un sourire se forma sur ses lèvres.

- Laquelle ? souffla-t-elle.

- Je te le dirai ce soir, à dix-neuf heures trente.

- Trente-deux ?

Il eut un rire discret.

- Accordé.

Leurs mains se touchèrent et leurs doigts se lièrent pour le restant de la leçon.

- Il est dix-neuf heure vingt-neuf et tu es officiellement en avance. Félicitations, lança Blaise à peine Rose entrée dans leur salle.

- Vive moi, répliqua Rose avec un sourire.

Elle se retourna et lança le sortilège d'emprisonnement à la porte. Lorsqu'elle pivota, Blaise était juste derrière elle. Il se pencha et planta un baiser sur ses lèvres.

- Bonsoir Rose, fit-il de sa voix la plus envoutante.

- Bonsoir Blaise, chuchota Rose, plongée dans ses yeux noirs.

- Tu as passé une bonne journée ?

- Plutôt, oui. J'ai cassé un bureau en cours de Sortilèges ce matin et je me suis réconciliée avec mon petit-ami cet après-midi.

Il se mit à rire.

- Tu as cassé un bureau ?

- Je l'ai réparé tout de suite, se défendit-elle. Et toi ?

- Aucun souvenir de ma journée à part mon cours de Botanique et le moment où tu as passé la porte à dix-neuf heure trente.

- Vingt-neuf, corrigea-t-elle contre ses lèvres qu'il venait de poser sur elle.

Ils se sourirent et Rose l'entraina sur le canapé.

- Alors… quelle est ta condition pour me pardonner ? taquina Rose une fois assise.

Il prit un air songeur, puis lui fit signe d'approcher.

- Pose tes lèvres là peut-être ? dit-il en désignant sa bouche.

Elle sourit et s'exécuta, nouant ses mains derrière sa nuque. Elle l'embrassa doucement d'abord, puis plus fort, passa sa langue sur sa lèvre du bas et recula.

- Pas mal, murmura Blaise.

Il souleva les jambes de Rose pour les poser sur ses cuisses, obligeant Rose à se tourner vers lui pendant qu'il pivotait à son tour.

- Recommence pour voir ?

Cette fois-ci, Blaise fut plus réactif et saisit le visage de Rose dans une main, enserra sa taille de l'autre. Rose mordilla sa lèvre, il ouvrit la bouche et sa langue toucha celle de Rose. Elles se caressèrent mutuellement alors que Rose s'appliquait à défaire les premiers boutons de la chemise noire de Blaise. Elle adorait quand il mettait celle-là, elle lui allait tellement bien… surtout ouverte. Elle passa ses doigts sur son torse tout en l'embrassant fougueusement. Puis elle se décida et ouvrit les boutons restants.

- C'est plus pratique, se justifia-t-elle alors qu'il la regardait avec amusement.

Blaise lui administra alors un baiser qui lui fit tourner la tête. Elle s'accrocha à ses bras et garda les yeux fermés après qu'il eut rompu leur contact. Puis elle sentit des baisers dans son cou, sur son épaule. Il tira sur son t-shirt pour le déloger de la ceinture de sa jupe et le lui enleva. Il embrassa entre ses seins et revint contre ses lèvres.

- C'est plus pratique, susurra-t-il de sa belle voix grave.

Il admira son soutien-gorge un instant, en suivit le contour du doigt. Rose tendit inconsciemment sa poitrine vers lui, les yeux voilés de désir. Puis il pencha la tête et embrassa là où son doigt avait touché. Et Rose sentit les doigts se glisser sous la dentelle, toucher avec douceur. Elle se mordit la lèvre et regarda le tissu être lentement repoussé. Le rouge lui monta aux joues alors que Blaise regardait ses seins. Il lui lança un coup d'œil avant de poser délicatement ses lèvres sur un sein et d'embrasser, avant d'aller à la rencontre de son jumeau. Rose avait arrêté de respirer, mais poussa un gémissement inattendu alors que la langue de Blaise léchait la pointe d'un sein, puis l'autre, et recommençait.

- Blaise, miaula-t-elle, le souffle court.

Il releva la tête vers elle et l'observa un instant avant de venir embrasser ses lèvres, reposant ses mains sur sa poitrine, refermant ses doigts autour de la rondeur de ses seins, pressant légèrement. Il remit habilement en place la dentelle et susurra :

- J'adore quand tu gémis mon prénom.

Rose rougit et c'était exactement ce qu'il attendait. Leur baiser fut plus fiévreux que les précédents. Blaise caressa sa poitrine, sa taille, son ventre, et descendit vers ses jambes, alors qu'elle explorait encore son torse. Les mains de Blaise remontèrent sous sa jupe à carreaux, les doigts pressant les cuisses gainées de collants noirs. Il s'arrêta net en sentant de la peau tout en haut des cuisses. Il fronça les sourcils et regarda Rose qui avait haussé un sourcil amusé. Elle le laissa continuer à explorer sous sa jupe avec son air concentré ; elle se félicita d'avoir mis des bas et réprima un sourire, profitant de la situation. Finalement, Blaise poussa un petit grognement après avoir fait le tour de ses cuisses, comprenant que Rose ne portait pas plus de collants que lui. Il saisit la bouche de Rose contre la sienne et tout en l'embrassant, la fit descendre jusqu'à l'allonger sur le canapé. Une fois rassis, il garda ses jambes sur lui et entreprit de remonter la jupe pour voir ce qu'elle portait vraiment. Rose se délecta de son expression fascinée et sa bouche s'arrondit en un O de surprise alors que des baisers lui brulaient soudainement la peau, au-dessus des bas noirs. Ses cuisses tremblèrent, indépendamment de sa volonté.

Blaise finit par poser les jambes de Rose sur le canapé et se placer au-dessus d'elle, à quatre pattes pour mieux pouvoir aller embrasser son corps. Ses lèvres déposaient des baisers sur son ventre et elle eut un petit cri en sentant sa langue passer autour de son nombril, puis un peu plus bas. Les grandes mains caressaient sans cesse la peau nue de ses cuisses et Rose commençaient à avoir vraiment chaud. Elle plaqua ses mains sur sa bouche alors que le pouce de Blaise passa furtivement sur sa culotte. Il la regarda et revint vers sa bouche, poussant les mains pour l'embrasser. Il posa son corps contre celui de Rose, essayant de ne pas l'écraser sous son poids. Elle eut le réflexe de placer sa jambe autour de lui et il poussa un gémissement bas en sentant leurs bassins se coller et enfonça ses doigts dans sa cuisse, repoussant le tissu du bas pour mieux toucher sa peau. Il imprima quelques mouvements de hanches contre elle, presque malgré lui, arrachant un nouveau cri étouffé à Rose. Leurs lèvres se dévorèrent encore, les mains de Rose perdues dans le dos de Blaise, le tenant contre elle sans s'en rendre compte. Rose avait le souffle court et la tête qui tournait agréablement, tous les muscles de son bas-ventre se contractaient de plaisir à chaque mouvement de Blaise. Il quitta doucement sa cuisse et repoussa sa jambe vers le canapé, se décollant d'elle petit à petit, sans jamais cesser de l'embrasser. Bientôt elle ne sentit plus que du froid sur son corps. Ses mains avaient glissé vers le torse de Blaise car elle ne pouvait plus toucher son dos : il était trop loin. Il relâcha sa bouche et vrilla ses yeux dans les siens, un sourire en coin. Il caressa distraitement son ventre et revint toucher son visage, passant le pouce sur sa lèvre mordillée et rougie. Il eut un petit soupir.

- Tu remets ces trucs quand tu veux, souffla-t-il en désignant les bas noirs, déclenchant un petit rire de Rose.

- Promis.

Elle caressa son visage et l'attira à elle pour un nouveau baiser, bien plus mesuré cette fois. Ils s'aidèrent mutuellement à se redresser, et Blaise lui tendit son t-shirt pendant qu'il refermait sa chemise. Ils n'arrêtaient pas de se jeter des regards pleins de désir et de se sourire en finissant de se rhabiller. Blaise la regarda se recoiffer et détourna son attention avec un autre baiser qui fit se défaire la tresse qu'elle s'était appliquée à faire mais n'avait pas attachée.

- C'est malin, dit-elle, mais son sourire indiqua à Blaise qu'elle ne lui en voulait pas du tout.

Ils se quittèrent comme d'habitude, dans les couloirs déserts de l'école, après un dernier baiser langoureux qui laissa Rose pantelante et débraillée avant qu'elle ne retrouve son lit.

Rose s'étira et s'élança dans les escaliers. Elle avait promis à Derek de le retrouver au terrain de Quidditch après l'entrainement de l'équipe. Il faisait encore jour et la température était clémente, ils pourraient remonter tranquillement vers le château en discutant.

Lorsqu'elle atteignit le terrain, il était désert. Elle se dit qu'ils étaient surement tous dans les vestiaires, en train de se changer, ou de débriefer de leur séance. Elle attendit patiemment à côté de la porte, les bras croisés. Elle avait une folle envie de se transformer et de gambader dans l'herbe fraiche, juste pour le plaisir. Elle sourit et se contenta de marcher de long en large.

Ils étaient longs, quand même. Bon, elle allait passer la tête par la porte et voir où ils en étaient.

Rose entrouvrit la porte du vestiaire et écouta attentivement, cherchant des voix. Elle capta une voix masculine qui n'était pas celle de Derek. Elle pensa aussitôt à Michael, et entra dans la pièce, pour pouvoir lui demander où était son meilleur ami. C'était la première fois qu'elle venait ici et ne savait pas trop où se diriger : c'était plus grand que ce qu'elle imaginait. Se fiant à la source de la voix, elle la suivit silencieusement. Une voix féminine s'ajouta à la masculine et Rose sourit. Elle allait clairement surprendre Michael avec Ginny – qui aux dernières nouvelles ne faisait pas partie de l'équipe de Serdaigle et n'avait aucune autre raison d'être là que de voir son petit ami – et se réjouissait d'avance à l'idée de le mettre mal à l'aise quelques minutes. C''était toujours rigolo de voir sa tête confuse et perdue. Puis elle fronça les sourcils, écoutant la voix de fille.

Ce n'est pas celle de Ginny !

Mais que fabriquait son ami ?!

Scandalisée qu'il fasse ça à Ginny, qui avait l'air sympa après tout, Rose continua d'avancer pour démasquer l'intruse. Elle se devait de rapporter un potin de qualité à Mandy. Elle eut enfin un point de vue sur la fille, et bien dissimulée derrière un pan de mur, elle la regarda intensément, le temps de reconnaitre ses traits.

Marietta ! Alors ça !

Se forçant à ne pas rire, elle attendit encore un peu et entendit Marietta minauder :

- Tu étais tellement incroyable à l'entrainement aujourd'hui !

Rose leva les yeux au ciel et n'entendit pas la réponse de Michael, plus loin et hors de son champ de vision limité.

- Je suis désolée d'être arrivée sans prévenir, mais j'avais trop envie de te voir, dit Marietta.

- Tu as bien fait alors, répondit une voix joueuse qui n'appartenait pas à Michael.

Les genoux de Rose fléchirent et elle plaqua une main sur sa bouche. Elle se ressaisit et s'obligea à rester immobile. Un dos apparut et lui cacha le visage à moitié en adoration de Marietta.

- À chaque fois que je te vois jouer au Quidditch, c'est super difficile de ne pas regarder tes bras ! s'exclamait la sixième et Rose eut envie d'aller la gifler.

- Ah bon, pourquoi ? rétorqua William, le ton amusé.

- Tu es tellement musclé, c'est… hypnotisant, expliqua-t-elle.

Rose serra les poings et dut se faire violence pour ne pas aller la secouer et la sortir de sa mièvrerie.

Pars, mais pars ! Rentre au château ! lui criait une voix raisonnable quelque part dans sa tête.

Mais elle en était incapable et resta prisonnière de sa curiosité – malsaine, elle s'en rendait bien compte.

- Je me suis dit que peut-être… j'aurais la chance de les sentir autour de moi, fit Marietta d'un ton suggestif qui donna envie de vomir à Rose.

Rose la vit tendre la main pour toucher l'avant-bras de William. Ils s'étaient un peu décalés et elle avait maintenant une vue parfaite sur leurs profils. Elle put voir le sourire charmeur se dessiner sur les lèvres de William.

- C'est tout à fait envisageable, murmura-t-il.

Sa main glissa sur le bras parfaitement quelconque de Marietta et se coula autour de sa taille. Il se pencha vers elle et lui chuchota d'autres mots à l'oreille, auxquels elle répondit par un gloussement en se trémoussant. Bientôt elle posait sa main sur l'épaule musclée et Rose vit clairement les yeux de William tomber sur les lèvres de la jeune fille.

Elle en avait assez vu et entendu comme ça. Ses jambes obéirent enfin à la voix raisonnable dans sa tête et elle parvint à se faufiler vers la sortie sans un bruit. Rose était écœurée : par elle parce qu'elle était restée, par Marietta qui minaudait pour séduire William, par William parce qu'il avait répondu à ses avances en une fraction de seconde. Mais surtout, elle était écœurée par sa propre réaction épidermique en voyant William avec une autre fille : elle avait, dans cet ordre, eut envie de gifler la fille, de la secouer pour qu'elle laisse tomber ses airs de séductrice avec lui, de la sortir de ce vestiaire d'un bon coup de pied aux fesses, et de gifler William pour être si facile à convaincre.

- Il fait ce qu'il veut ! s'écria-t-elle alors qu'elle rentrait dans le château, s'attirant quelques regards étonnés.

Elle les ignora et se força à ralentir le pas. Il fallait qu'elle se concentre sur quelque chose d'autre.

Où est passé Derek ?

Là, voilà, c'était bien mieux. Les bruits qui s'échappaient de la Grande Salle lui donnèrent une première piste : il était l'heure de diner. Il y avait de très grandes chances pour qu'elle y retrouve ses amis.

Elle fut soulagée en les voyant tous les dix attablés et les rejoignit rapidement.

- Ben alors mon chat, t'étais où ? Je t'ai attendue super longtemps !

Rose se laissa tomber à côté de lui et haussa un sourcil.

- C'est moi qui t'ai attendu ! rétorqua-t-elle.

Ils se regardèrent et froncèrent les sourcils en même temps. Puis ils ouvrirent la bouche de concert :

- Devant les vestiaires.

- Devant la Grande Salle.

- Ooooh, firent-ils encore en chœur avant de se sourire.

- Je suis désolé ! J'aurais dû être plus clair !

- Non c'est moi, j'ai pas dû être attentive…

Leurs amis suivaient leur échange avec un sourire aux lèvres. Derek posa un baiser sur la tempe de Rose et remplit leurs assiettes. Nassim hésita un instant mais se jeta à l'eau :

- Dis Rose, par hasard, tu n'aurais pas vu William en allant au terrain ?

- Non pourquoi ?

Le ton de sa voix, plus aigüe que d'ordinaire, ne trompa pas ses amis proches. Mais Nassim continua :

- Parce qu'il n'est toujours pas rentré depuis la fin de l'entrainement… je me demande ce qu'il fabrique.

Rose eut envie de hurler de rage : il eut une réponse à sa question dans la seconde, en la personne de William qui venait d'entrer dans la Grande Salle, avec pendue à son bras… Marietta Edgecombe. Il adressa un salut rapide à ses trois amis de sixième puis s'assit en bout de table, seul avec elle.

Lisa cherchait désespérément un sujet de conversation, mais rien ne lui venait. Les autres semblaient être dans le même état. Derek avait posé sa main sur la cuisse de Rose et la pressait par intermittence, comme à chaque fois qu'il voulait discrètement lui montrer son amour et son soutien. Rose finit par soupirer. Passer à autre chose.

- Que va-t-on faire de nos jeudis soir maintenant que nous nous sommes repentis ? lança-t-elle subitement.

- Bonne question, réagit aussitôt Terry.

- Si tu dis étudier toute la soirée, je te livre à Ombrage, fit Mandy d'un air menaçant en se tournant vers Anthony, qui éclata de rire.

- Ah, jeudi prochain on a une réunion, fit doucement Lisa.

Les autres regardèrent Rose en hochant la tête pour confirmer. Elle n'avait pas son Gallion enchanté sur elle et n'avait pas encore eu l'information.

- Chouette. Et demain soir alors ?

- Un petit entrainement ? proposa Michael.

- Quidditch, encore ? s'étonna Idriss qui écoutait d'une oreille.

- Euh, non, hésita Padma.

- Ah, vous allez encore démonter la chambre des garçons, bougonna Nassim.

- Pourquoi tu ronchonnes ?

- Ben moi aussi je voudrais bien jouer !

Les huit cinquièmes s'évitèrent du regard mais considérèrent les trois sixièmes face à eux. Rose prit une inspiration, s'arrêta dans son élan. Derek prit le relais :

- Tous les trois ?

Ils approuvèrent d'un signe de tête, presque intimidés de demander. Rose expira et se tourna vers Anthony, puis tous les autres. Ils eurent une sorte de conversation muette. Anthony remonta ses lunettes sur son nez et fit un geste vers les sixièmes à Rose.

- C'est d'accord, annonça-t-elle alors en se tournant vers eux. Demain soir, on démonte la chambre des garçons tous ensemble.

- Cool ! s'exclama Idriss.

Michael sembla hésiter un instant puis prononça d'une traite :

- Vous direz à William qu'il peut venir d'accord ?

Mandy le trucida du regard, mais Rose l'avertit de se taire d'un de ses haussements de sourcil impérieux.

- Ça va de soi, dit Rose du bout des lèvres.

Elle était toujours farouchement opposée à l'idée que leur cercle d'amis explose parce qu'elle et lui avaient… arrêté de se voir. Elle était à deux doigts de penser « avaient rompu » mais ce n'était pas le bon mot, évidemment. Elle grimaça et se força à revenir au présent, piquant du dessert dans l'assiette de Derek jusqu'à ce qu'il se mette à râler.

- Mais ! Sers-toi ton propre truc !

C'était toujours amusant de lui voler de la nourriture, car il réagissait toujours mal – et pourtant n'avait aucun scrupule à taper dans son assiette à elle. Elle lui sourit innocemment.

- Ça avait l'air meilleur dans ton assiette.

- Ça a toujours l'air meilleur dans l'assiette du voisin, rétorqua-t-il doctement. Ça veut pas dire que tu peux te servir impunément comme ça !

- Bon les enfants, vous avez fini ? On peut remonter chez nous ? demanda Anthony avec un sourire moqueur.

Ils lui tirèrent la langue et se levèrent pour suivre les autres.

Finalement, la séance d'entrainement des Serdaigles n'eut lieu que samedi ; jeudi soir les sixièmes avaient été écrasés par leur pile de devoirs et vendredi, Anthony et Padma étaient de service pour faire les rondes des préfets. Rose en avait profité pour retrouver Blaise dans leur salle abandonnée. Son petit ami était épuisé par un entrainement de Quidditch « très musclé » avait-il dit et n'était pas très attentif ce soir-là. Rose essaya de ne pas lui en tenir rigueur, elle aussi avait de mauvais jours, mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être agacée, au fond d'elle. Elle savait que c'était idiot… mais elle avait tellement pensé à ce qu'ils avaient fait la dernière fois que peut-être, sans se l'avouer, elle avait espéré encore plus pour cette fois-là. Mais Blaise resta sage, et ils s'allongèrent sur le canapé, l'un contre l'autre, à discuter à voix basse de choses et d'autres. Rose ne pouvait nier que les grands doigts qui la caressaient distraitement lui amenaient des images plus… torrides en tête. Elle soupirait beaucoup et Blaise en conclut qu'elle devait être fatiguée elle aussi. Ils échangèrent néanmoins un long baiser enflammé avant de se quitter, qui n'avait pas complètement satisfait la jeune fille.

La tête encombrée, elle se transforma en panthère une fois seule dans son lit aux rideaux fermés, comme elle le faisait de plus en plus ces derniers jours. Les terribles cauchemars n'étaient toujours pas revenus, mais son sommeil était irrégulier et jamais vraiment reposant, à moins d'être un félin roulé en boule, Kietel coincé entre les pattes.

Les Serdaigles avaient convenu de se retrouver samedi à midi, pour être relativement tranquilles dans le dortoir. Au regard à moitié paniqué d'Idriss qui eut peur de louper le déjeuner, les cinquièmes lui rappelèrent l'anniversaire de William et la nourriture en abondance qu'il y avait vue.

Samedi vers onze heures, Padma et Derek se faufilèrent jusqu'aux cuisines et revinrent avec leurs sacs chargés de victuailles. Ils transportèrent le tout jusqu'à la chambre des garçons et Rose inspecta.

- Mouais ça va, on devrait pas mourir de faim, conclut-elle, satisfaite.

- Y'a peu de risques ! confirma Terry, blasé par la quantité que Derek avait jugé nécessaire de ramener.

Ils mirent la chambre en place, repoussant les affaires des garçons, sortant les oreillers et les couvertures des lits pour les disposer par terre, là où ils risquaient d'atterrir en cas de vol plané. Ils bouchèrent la vue des fenêtres en y fixant magiquement des serviettes et des draps. Ils regardèrent autour d'eux, contents de leur préparation.

- Est-ce qu'on leur parle de… vous savez quoi ? interrogea Mandy à voix basse.

Ils semblèrent tous hésiter.

- C'est sûr que ce serait sympa qu'ils nous y rejoignent, répondit Padma.

- Mais ça reste risqué quand même, non ?

Michael haussa les épaules.

- On les connait aussi bien que les membres de l'A.D., voire mieux.

- Peut-être qu'on peut voir ce que ça donne aujourd'hui, et éventuellement on en parle à Potter et Granger avant ? proposa Lisa.

Rose repensa subitement au comportement ridicule de certaines filles lorsqu'on avait mentionné William à la dernière réunion. Et au fait que maintenant, il semblait sortir avec Marietta, membre de l'A.D. elle aussi. Elle croisa les bras mais ne mentionna pas tout ça.

Il fait ce qu'il veut !

Elle commençait à songer à se tatouer la phrase sur le bras. Anthony prenait déjà la parole pour conclure.

- Je pense que Lisa a raison, mieux vaudra en parler à Potter d'abord. Et on va voir aujourd'hui ce dont ils sont capables, termina-t-il avec un petit sourire.

Des petits coups frappèrent à la porte.

- Vous êtes là ?

Derek traversa la pièce et ouvrit la porte, laissant passer leurs quatre amis. Ils se plantèrent dans la chambre et saluèrent tout le monde. Rose et Anthony se tournèrent vers la porte, leurs baguettes sorties.

- Collaporta, commença-t-il et la porte se verrouilla avec un bruit de succion.

- Discretio obice, ajouta Rose avec un mouvement arrondi de sa baguette. J'espère que ça marchera…

Elle se tourna vers les sixièmes qui les regardaient faire.

- C'est la première fois qu'on l'essaie, celui-là.

- Sort d'Impassibilité ? demanda Idriss.

Terry confirma.

- Pas bête, commenta Marc.

Ils se positionnèrent tous en cercle. Padma sourit et sortit sa baguette, imitée par ceux qui ne l'avaient pas encore fait.

- Alors, qu'est-ce qu'on révise ? interrogea Nassim. Sortilèges du programme de cinquième ?

- Euh, pas nécessairement, dit Mandy doucement.

- On est un peu… sortis des sentiers battus, commenta Lisa.

- Allez, on leur montre ! s'exclama Michael, trop impatient de commencer.

Rose bondit et se plaça face à lui alors que les autres s'écartaient prudemment.

- Stupefix ! cria Michael.

- Protego ! contra Rose.

Le bouclier fut visible un instant, le temps que le sort de Stupéfixion s'écrase dessus et disparaisse. Les deux amis se regardèrent en souriant, très contents de leur premier sort de la journée.

- Ah d'accord ! s'exclama Idriss. Vous piquez le programme de sixième !

- Et dire qu'on ne l'a jamais pratiqué celui-là, soupira Marc.

- Pourquoi ?

- Ombrage nous en empêche, expliqua William. Ça m'étonne que vous l'ayez vu ?

- On n'a pas attendu qu'elle nous autorise à pratiquer, fanfaronna Derek.

- Vous avez étudié quoi d'autre ? demanda Nassim, très motivé.

Ils leur listèrent les sorts qu'ils avaient pratiqués, sans jamais donner l'impression de l'avoir fait ailleurs que dans cette chambre. Les sixièmes étaient impressionnés par la liste.

- Tout n'est pas au programme des BUSE dites donc… taquina William.

Padma haussa les épaules.

- On a prévu large, voilà tout…

- Allez, on s'entraine maintenant ! s'exclama Rose, qui n'avait pas du tout envie de faire la conversation.

Lisa eut un sourire amusé que lui rendit Derek. Ils pratiquèrent donc leurs sortilèges, montrant leurs techniques aux sixièmes, qui participaient avec joie. Ils firent une pause pour manger après que l'estomac de Derek eut bruyamment manifesté son mécontentement.

- Ça fait du bien de lancer des sorts, affirma Idriss, la bouche pleine.

Marc approuva vigoureusement.

- On a l'impression qu'on est en première année avec Ombrage, maugréa Mandy.

- N'empêche avec tout ça, vous allez avoir de super notes aux BUSE ! admira Nassim.

- On espère oui. On espère aussi être prêts pour l'après, vous comprenez ?

Anthony était très sérieux en disant cela et les autres hochèrent sombrement la tête.

- Bon, qu'est-ce qu'on pratique après ?

- Oh je sais ! fit Idriss. Le sortilège de Réduction, il est bien celui-là !

Les cinquièmes se regardèrent brièvement. Rose regardait fixement son sandwich et marmonna :

- Oui pourquoi pas…

- Sauf Rose, quoi ! s'exclama Michael, ce qui sembla les autoriser à rire.

- Et pourquoi pas ? demanda William, curieux.

Elle haussa les épaules, les joues rougies et leurs rires redoublèrent.

- Qu'est-ce qu'on sacrifie ? demanda Marc. On ne va pas détruire toutes vos affaires ?

- Le sortilège de Gemino, répondit simplement Terry.

- Sortilège ! C'est un maléfice non ? s'étonna William. Votre objet va se répéter à l'infini !

Les autres se tournèrent vers Rose qui soupira et se redressa.

- Seulement si tu le souhaites… C'est celui qui lance le sort qui décide combien de doubles il veut créer.

Elle pointa sa baguette sur un oreiller par terre.

- Gemino !

Ils regardèrent l'oreiller se dédoubler plusieurs fois. C'est seulement lorsqu'une vingtaine de copies étaient apparues que Rose eut un mouvement pour arrêter le sort.

- Voilà, dit-elle simplement, repoussant la pile de coussins qui menaçaient de s'écrouler. Allez-y !

Tout le monde se releva et ils nettoyèrent rapidement leur pique-nique, pris au milieu de la chambre. Rose se mit sur le côté et regarda ses amis réduire des oreillers en poussière. Elle sourit, satisfaite de voir que tous les cinquièmes y parvenaient très bien. Ça commençait à devenir son sort préféré. Les sixièmes eurent autant de succès qu'eux et paraissaient s'amuser comme des enfants. Puis, à son étonnement, William se tourna naturellement vers elle.

- Allez, à toi.

Elle lui jeta un regard rapide, ne voulant surtout pas s'attarder sur lui, puis elle secoua la tête.

- Non, refusa-t-elle doucement.

- Tu as peur de ne pas y arriver ?

Il n'y avait aucune ironie dans la voix de William, seulement de la gentillesse. Elle le considéra plus longuement cette fois.

Merlin ces yeux bleus…

Sa prise autour de sa baguette se resserra.

Reprends-toi. Immédiatement.

Elle se força à conjurer le visage de Blaise dans son esprit, mais il fut bientôt écrasé par l'image de William et Marietta dans les vestiaires de Quidditch. Sa faiblesse pour les yeux bleus de William s'envola immédiatement. Rose eut un rictus méprisant et fixa les oreillers restants, une demi-douzaine, posés en tas.

- Reducto ! s'écria-t-elle en les visant.

Les fragiles objets se volatilisèrent instantanément en fines particules qui voletèrent autour des adolescents.

Elle évita le regard de William et quitta le milieu de la pièce sous les exclamations ravies des autres.

- Toujours aussi efficace !

- Je suis ravi que notre chambre soit entière.

- Très drôle, marmonna-t-elle à l'adresse de Derek.

Ils enchainèrent avec l'Impedimenta et quelques autres avant de déclarer forfait, épuisés. Comme à leur habitude maintenant, les cinquièmes se répartirent dans la chambre pour s'écrouler sur les lits et les coussins restants. Mandy eut un geste paresseux vers les sixièmes pour les inciter à faire de même. Nassim se laissa tomber à côté d'elle. Derek poussa un grognement ravi en plongeant la main dans ce qu'il restait à manger et partagea avec tout le monde. Ils discutèrent tous ensemble, et Rose constata avec soulagement que personne n'excluait William des conversations – à part peut-être Mandy qui était assez froide. Elle tendait malgré elle l'oreille dès que sa voix lui parvenait. Il avait un beau timbre de voix, clair et chaleureux. Elle secoua la tête et écouta Nassim et Idriss parler de leur enfance.

- On a grandi ensemble, disait le premier. Nos mères sont sœurs. Et quand mon père est parti, ma mère et moi sommes allés vivre avec ma tante, son mari et cet imbé…

- Et le plus merveilleux de tous les cousins, corrigea Idriss en lui administrant une tape derrière la tête, provoquant les rires de tout le monde.

- Vous aviez quel âge ?

- Genre, deux ans ?

- Oui, je crois que c'est ça, confirma Nassim. On est nés presque en même temps.

Idriss approuva d'un signe de tête et continua :

- Nos parents ont construit une grande maison, qu'ils ont divisée en deux : un côté pour nous trois et un côté pour Nassim et sa mère. On habite là-bas depuis tout ce temps.

- Vous passiez beaucoup de temps ensemble alors ?

- Oh oui, tout le temps. Même nos parents se voyaient tous les jours. Je pense qu'on a pris au moins un repas tous les cinq chaque jour.

Rose les regardait, perplexe comme toujours d'imaginer de grandes familles vivre sous le même toit – ou presque. Elle se disait toujours que les dortoirs de l'école, c'était différent : ils n'étaient là que temporairement, ce n'était pas un choix délibéré de leur part de vivre les uns sur les autres. Derek lui lança un regard amusé, ressentant son doute, puis s'étira.

- Bon, c'est pas le tout… mais je voulais aller courir moi, tant qu'il fait beau. Michael, tu viens ?

- Non, espèce de malade. Tu m'as quasiment tué la dernière fois.

- Tu vas courir où ? demanda William. Autour du lac, comme quand je vous ai vus ?

Rose fut très intéressée par les miettes sur ses genoux et s'appliqua à les retirer une par une.

- Euh, oui, confirma Derek.

- Je peux me joindre à toi ?

Elle sentit son ami inspirer puis rassembla ses forces et tenta de lui faire passer un message.

- Vas-y !

- Bien sûr, répondit Derek à William.

- Je vais me changer, on se rejoint en bas.

Derek hocha la tête et le groupe se scinda. Il se tourna vers Rose :

- T'es sûre ? souffla-t-il.

- Mais oui ! C'est toi qui dis toujours que c'est mieux de courir avec quelqu'un. Tu ne vas pas te priver d'un compagnon de douleur pour moi quand même. Ce serait stupide.

Son ton était sans appel. Puis elle eut un petit sourire espiègle.

- Bon, si tu arrives à le faire vraiment souffrir, ne te gêne pas hein.

- Promis ! lança-t-il en éclatant de rire.

Rose quitta la chambre pour aller s'installer dans la Salle Commune avec son livre. Elle regarda Derek et William passer et sourit à son meilleur ami. Puis elle se plongea dans l'histoire policière qui l'attendait.

La dernière semaine avant les vacances fut assez éprouvante. Les professeurs les angoissaient avec leurs déclarations alarmistes – « N'oubliez pas que les BUSE sont dans moins de trois mois ! », « Vos vacances devraient être consacrées aux révisions ! », « Quatre-vingts centimètres de parchemin sur les progrès technologiques des Moldus entre 1950 et 1990, avec exemples concrets et illustrations » – et ils leur donnaient des listes de sujets à réviser en plus. Tout le monde était sous pression, et Rose en particulier était à bout : en plus du travail scolaire, elle voyait Blaise aussi souvent que possible. Malheureusement, chacune de leurs rencontres en début de semaine se solda par une dispute, pas violente, mais suffisamment pour lui donner mal à la tête à chaque fois qu'elle le quittait, fâchée ou déçue. Et pour couronner le tout, il était difficile de prétendre ne pas voir Marietta parader avec William, en public, dans la Salle Commune, et en privé sûrement… Rose ne voulait surtout pas savoir. Son aversion pour elle-même augmentait de plus en plus et sa phrase fétiche « Il fait ce qu'il veut ! » ne parvenait plus à la distraire.

Bref, elle attendait avec impatience le dimanche pour sauter dans le train et aller s'isoler dans son Manoir. Tous les autres rentraient aussi chez eux, pour échapper à Ombrage, encore une fois.

Mardi soir pendant le diner, ils discutaient de leurs projets pour les vacances, qui se résumaient à étudier dans un lieu différent que la Bibliothèque ou la Salle Commune. Les cinquièmes se regardèrent, un peu déprimés. Rose eut une inspiration soudaine.

- Et si…

Puis elle s'interrompit, ne sachant pas si son idée était la meilleure du monde. Ça ferait une sacrée logistique… et elle devait d'abord demander la permission.

- Le suspense est insoutenable, râla Mandy.

- Je me disais, mais je sais pas si ce serait possible… Et si vous veniez, à la fin des vacances, quelques jours au Manoir ?

Elle leur sourit, un peu nerveuse. C'était la première fois qu'elle proposait ça.

- Oh, ça c'est une bonne idée ! réagit Terry en premier.

- Mais oui ! continua Lisa.

Tout le monde sembla apprécier la proposition et Rose fut rassurée.

- Bon je viens juste d'y penser, il faudrait que je demande avant… et qu'on s'organise pour que vous puissiez arriver au Manoir…

- Je suis hyper chaud, fit Michael. J'aime mes parents, mais deux semaines d'affilée hein…

Ils se mirent tous à rire, pensant plus ou moins la même chose.

- Il y aura assez de place pour nous tous ? demanda Padma.

Derek éclata de rire pour toute réponse, Rose lui mit une tape sur la main.

- Ça devrait aller oui, dit-elle tranquillement. Je vais envoyer une lettre à mon père alors.

Elle l'écrivit pendant qu'ils terminaient leur diner, puis quitta ses amis pour monter à la volière. Son père n'aurait peut-être pas le temps de répondre d'ici leur départ de dimanche, mais au moins il serait au courant. Elle espérait sincèrement qu'il serait là pour au moins quelques jours. Elle avait envie de le voir. Elle sourit en imaginant sa tête si elle lui disait que Blaise était devenu son petit ami. Puis rougit à l'idée de lui parler encore de sa vie sentimentale.

Elle attacha la missive à la patte d'un hibou grand-duc qui s'envola aussitôt dans le jour déclinant et redescendit tranquillement. Une personne arriva en sens inverse et Rose se décala pour ne pas lui foncer dedans, dans ses pensées.

- Salut Rose ! fit une voix qu'elle connaissait.

- Salut Marietta, répondit-elle platement.

Elles échangèrent un sourire que Rose força sur ses lèvres et continuèrent leur route.

- Rose ! appela soudainement la sixième en s'arrêtant sur les marches.

Rose se figea et pivota pour la regarder.

- Oui ?

- Écoute, je voulais te demander un truc… commença Marietta en descendant quelques marches, restant toutefois un peu à distance. À propos de William…

Si elle me demande des conseils pour l'embrasser, je l'étripe.

- J'espère que c'est OK pour toi qu'on sorte ensemble.

- De quoi ? répondit Rose, éberluée.

Sa camarade eut un air un peu gêné.

- Je me souviens qu'à son anniversaire vous étiez assez proches. Et je ne voudrais pas qu'entre toi et moi il y ait une mauvaise ambiance.

Et elle lui fit un sourire gentil. Rose n'arrivait pas à décider si elle jouait la comédie ou si elle était sincère. Dans le doute…

- Bien sûr que non ça ne me gêne pas ! dit-elle avec un sourire qu'elle espéra amical. Il n'y a plus rien entre William et moi, tu sais.

Ce qui n'est pas faux. Voire complètement vrai.

- Ouf ! s'exclama Marietta. Tu me rassures ! Bonne soirée alors !

- À toi aussi !

Son sourire s'évanouit sitôt la sixième hors de sa vue. Sonnée, Rose resta quelques secondes sans bouger, ne faisant que contempler les marches qui lui restaient à descendre.

- Je t'en ficherais moi, des « j'espère que c'est OK pour toi qu'on sorte ensemble ! », marmonna-t-elle avant de jurer.

Elle se força à respirer, ignorant la sueur qui lui coulait d'un coup entre les omoplates, ses mains tremblantes et bien sûr, le second battement de cœur dans sa poitrine. Rose finit par lâcher la rambarde et reprit sa descente. Un peu étourdie, elle ne prêta pas attention à une marche plus basse que les autres et perdit l'équilibre. Elle ne chuta pas longtemps : une panthère venait de la remplacer pour reprendre le contrôle et ne pas chuter dans les escaliers. Les quatre pattes atterrirent sur la pierre, dérapèrent un peu mais se stabilisèrent bien vite. Elle regarda vers le bas, puis ignorant son idée première, tourna la tête vers le haut. Se décidant subitement, l'animal monta une marche, puis deux et commença son ascension pour rejoindre la volière de l'école, où se trouvait encore Marietta après sa conversation avec Rose.