CHAPITRE 12

Volière de Poudlard, mercredi 27 mars 1996

Elle s'élança, ses quatre pattes martelant le sol de pierre à intervalles régulières. Bientôt elle atteignit la salle circulaire de la volière. La bête s'ébroua, puis entra sans un bruit. Marietta était appuyée au rebord de la large fenêtre, regardant probablement le paysage qui s'offrait à sa vue.

La bête s'arrêta au centre de la pièce, s'assit et patienta quelques secondes. Elle agita les oreilles, puis lassée du manque de réaction de l'élève, sortit ses griffes et les fit crisser sur la pierre sombre.

Marietta se retourna brutalement, un sourire à demi esquissé sur les lèvres.

- Je savais que tu…

Elle s'interrompit en voyant un félin immobile face à elle. Ce n'était visiblement pas le visiteur auquel elle s'attendait. Marietta recula instinctivement quand la bête se leva pour faire deux pas en avant. Elle était entièrement noire : le pelage, le nez, les yeux… Ces derniers luisaient, comme deux torches à la lumière noire. Le bout de sa queue remua, puis elle s'assit de nouveau, ne lâchant pas l'élève du regard. La sixième la fixait aussi, subitement incapable du moindre mouvement face à la bête. Elle était appuyée contre le mur froid, ses mains plaquées à la pierre. Ses cheveux se balançaient doucement sous l'effet du vent qui entrait en brise dans la haute tour. Finalement, Marietta rassembla tout son courage et ouvrit la bouche pour parler. Mais elle n'eut pas le temps de commencer sa phrase : déjà la bête l'hypnotisait de ses yeux noirs – et à présent, la Serdaigle aurait bien été incapable de dire quel animal se trouvait face à elle. Aurait-elle voulu bouger qu'elle n'aurait rien pu faire.

Le regard, trop intense pour être vraiment soutenu, la paralysait. Des pieds à la tête, du bout des orteils à la racine des cheveux, toute tentative de mouvement lui était interdite. Même ses pensées étaient bloquées. Étouffées avant d'exister. Ses poumons ne bougeaient plus d'ailleurs, mais elle ne semblait pas souffrir du manque d'air. Marietta était figée, comme une statue de cire.

La bête ne cillait pas, fixée sur son objectif. Une ultime barrière céda dans l'esprit de l'élève cataleptique, et une voix grave retentit dans tout son corps.

- L'Armée de Dumbledore est un mensonge.

Elle eut droit à une bouffée d'air, difficile à avaler.

- Elle vous mènera à votre perte à tous.

Un râle expira de sa gorge.

- Tu dois les arrêter.

Sa respiration se bloqua de nouveau, comme si l'air ne lui était pas indispensable. Les paupières noires frémirent.

- Pense à ta mère, Marietta. Pense au tort que ça lui fera quand votre petit groupe sera découvert.

Les yeux de Marietta parurent plus brillants.

- Pense aux conséquences. Ta mère perdra son emploi au Ministère… et elle t'en voudra, Marietta. Elle te détestera pour ça.

Une larme coula sur la joue statufiée.

- C'est ça que tu veux ? Perdre la confiance de ta maman ? Et elle t'abandonnera, comme ton père avant.

Elle agita les oreilles.

- Dénonce-les. Si vous continuez, tu perdras ton seul parent. Si tu les arrêtes, tu seras une héroïne. L'enfant que ta mère a toujours voulu avoir mais qu'elle n'a jamais eu.

La mâchoire de l'élève s'entrouvrit.

- Dénonce-les, Marietta. Toi seule en es capable. Dénonce-les.

Les yeux de jais semblèrent s'allumer encore plus, comme un intense brasier. Les yeux de Marietta se révulsèrent, un léger filet de bave lui coula le long du menton.

- Dénonce-les. Dénonce l'Armée de Dumbledore. Dénonce-les.

L'élève se mit à trembler. Tout son corps s'agita, saccadé, les muscles hors de contrôle. Ses mains quittèrent le marbre froid, ses épaules se soulevaient violemment.

- Dénonce-les. Dénonce-les. Dénonce-les. Dénonce-les. Dénonce-les. Dénonce-les.

Elle tomba à genoux, grelottante. Ses dents claquèrent. La bête plissa les paupières, admirant son œuvre. Marietta se figea et releva la tête. Ses yeux, vides et sombres, se posèrent sur elle. Un simple mot franchit es lèvres, un mot écorché, qui venait du fond de son âme :

- Oui.

Satisfait, la bête la considéra encore, puis rompit le contact visuel. Tournant les talons, elle eut le temps d'entendre les poumons de Marietta se remplir bruyamment d'air et l'élève suffoquer.

Elle reprit rapidement sa course, vola presque dans les escaliers, les franchissant à toute allure. Il fallait qu'elle se dépêche. Son laps de temps était presque écoulé.

Il fallait qu'elle se dépêche. Avant qu'elle ne revienne.

Elle s'immobilisa sur les marches où Rose s'était arrêtée trop longtemps et se laissa envahir par la jeune fille. Et disparut.

Une panthère aux yeux verts considérait les marches sous elle, soulagée de ne pas être tombée dans les escaliers. Maintenant il fallait qu'elle redevienne humaine avant que Marietta ne descende et la voie là. Elle se concentra.

Rose prit une grande inspiration et termina sa descente, calmement, vérifiant chaque marche pour être sûre de ne pas glisser à nouveau.

Elle rejoignit rapidement tout le monde dans la Salle Commune, perdue dans ses pensées. Elle en fut sortie un bref instant quand elle croisa William, et se força à ne pas penser qu'il allait vers la volière rejoindre Marietta. Même si c'était très probable.

Le lendemain, les Serdaigles étaient surexcités de se rendre à la réunion de l'Armée de Dumbledore : ils allaient enfin se pencher sur les Patronus. Ils avaient entendu parler de celui de Harry bien sûr, et avaient également lu tout ce qu'ils pouvaient à ce sujet, échangeant leurs notes et leurs impressions.

Harry leur avait fait une démonstration et tous avaient été impressionnés par le grand cerf qui s'était baladé quelques instants dans la salle. Puis il leur expliqua quoi prononcer, et surtout, l'état d'esprit qu'il fallait avoir : penser à quelque chose d'heureux. Les cinquièmes restèrent en petit groupe, voulant rester entre eux pour ne pas être trop distraits par les autres. Bientôt des volutes argentées jaillissaient de leurs baguettes, à leur grande joie. Rose observa Harry refaire une démonstration, puis Hermione qui fit sortir une loutre argentée de sa baguette. Elle souffla et se concentra à nouveau. Elle vit du coin de l'œil Lisa et Anthony se regarder et se toucher la main en prononçant le sort. Deux animaux d'argent se matérialisèrent et Rose sourit en voyant un couple de hiboux voleter autour d'eux. Alors elle essaya de penser à Blaise, à leurs rendez-vous, à leurs corps ensemble… mais rien ne sortit de sa baguette. Absolument rien. Rose ne s'en aperçut même pas, distraite par Terry qui poussait un cri de joie devant un cheval brillant et Derek qui se réjouissait pour lui. Elle eut un sourire attendri en voyant son meilleur ami souriant, si heureux.

Évidemment, pensa-t-elle immédiatement.

Alors elle pensa à tous les moments que Derek et elle avaient partagés depuis qu'ils se connaissaient. Au jour de leur rencontre, et à tous les jours suivants. À leurs vacances au soleil, à leurs séjours chez l'un et l'autre, à leurs conversations muettes, à leurs heures passées devant une cheminée à lire et à discuter. Elle pensa à sa chaleur, son amour, sa fidélité et son soutien permanents. À sa joie de le voir chaque jour.

- Spero Patronum ! s'écria-t-elle encore une fois, émue par les images qu'elle venait d'invoquer.

Cette fois, une forme surgit de sa baguette et atterrit silencieusement devant elle. Ne la quittant pas des yeux, elle hocha doucement la tête et sourit.

- Salut, chuchota-t-elle, les larmes aux yeux.

Qui de mieux pour la protéger… qu'elle-même ?

La panthère s'approcha d'elle, son corps argenté luisant dans la salle, puis partit courir après le cheval de Terry. Derek la rejoignit, talonné par un gigantesque chien.

- Bravo mon chat, lui glissa-t-il avant de l'enlacer.

Il l'avait vue en difficulté, frustrée de ne pas y arriver, il avait senti sa panique monter. Elle ravala ses larmes et lui sourit.

- T'as pensé au séduisant William, avoue ? lui susurra-t-il, provocateur.

Elle lui fit les gros yeux et réprima un rire.

- Non, j'ai pensé à toi, expliqua-t-elle simplement.

L'étreinte se resserra et il posa son menton sur sa tête. Terry vint près d'eux et ils regardèrent, assez émerveillés, les trois Patronus se balader dans la salle. On aurait dit qu'ils jouaient ensemble.

Rassemblés pour discuter, les Serdaigles se turent tous les huit brutalement en voyant la porte s'ouvrir et un elfe de maison passer devant eux. Les murmures des étudiants se firent progressivement moins présents, et l'elfe se dirigea droit sur Harry, qui le salua avant de s'interrompre en le voyant terrifié. Tous les Patronus se volatilisèrent. Harry mit un moment à tirer les vers du nez de l'elfe, qui semblait vouloir parler sans jamais y arriver sans s'infliger des punitions corporelles. Finalement Harry était parvenu à le maintenir fermement et ils entendirent tous le nom qu'ils ne voulaient pas entendre :

- Ombrage ? disait Harry, horrifié.

Ils retinrent tous leur souffle, paralysés.

- Elle arrive ?

L'elfe confirma dans un cri déchirant. Harry se tourna vers les étudiants figés.

- QU'EST-CE QUE VOUS ATTENDEZ ? FILEZ !

Ce fut la cohue et tout le monde voulut sortir en même temps. Rose et les autres furent quasiment projetés dans le couloir et poussés en tous sens par ceux de derrière. Elle entendit Hermione appeler Harry, mais le reste était difficilement compréhensible. Elle fut séparée des autres, elle ne sut pas comment, mais elle fut incapable de les retrouver. Bousculée, Rose tenta de reprendre ses repères, prit à droite sans réfléchir et entendit des cris devant. Elle s'arrêta, paniquée, puis avisa une porte. Elle baissa la poignée : un genre de placard à balais et à stockage divers. Elle entra, ferma la porte et renonça à la fermer d'un Collaporta. Ça risquait d'attirer l'attention… Son second battement de cœur était là et appelait, avide de la soulager de sa panique. Elle n'avait pas l'heure et espérait que sa version animale aurait une assez bonne notion du temps. Avisant un coin tranquille et peu visible depuis la porte, elle alla s'y recroqueviller après s'être transformée. La panthère reprit un souffle régulier en quelques instants et gardait la tête vers la porte. À peine s'était-elle dit qu'elle pouvait tenter une sortie que le battant s'ouvrit brutalement. Elle se tassa encore plus et ferma à demi les yeux, pour ne pas trahir sa présence. Deux personnes penchaient la tête dans la minuscule pièce et discutèrent, la voix tendue par l'adrénaline :

- Alors, tu vois quelqu'un ?

- Non, pas un chat. Ils ont tous filé comme des lâches.

L'animal vit deux visages scruter l'obscurité puis afficher une mine déçue.

- Tant pis pour nous…

- Ouais, dommage qu'on n'ait attrapé personne pour le moment !

Puis elles quittèrent la pièce après avoir refermé la porte. Les yeux de la panthère s'ouvrirent en grand et elle respira enfin. Des Serpentards, ça, elle en était sûre. Peu rassurée malgré l'inspection des deux étudiants, elle se détendit un peu et s'installa plus confortablement. Ses pensées s'étaient fixées sur Derek et les autres. Pourvu qu'ils aient pu s'enfuir et qu'ils soient à l'abri… Elle se concentra sur ça et attendit encore, pour être sûre de ne pas se faire attraper en sortant trop tôt. Elle observa le jour qui finissait de disparaitre par une petite lucarne. Le ciel devint noir et étoilé. Elle souffla et décida qu'il était temps. Se délogeant de son coin, elle trotta vers la porte, manœuvra des pattes avant pour ouvrir et poussa le battant. Elle attendit quelques secondes avant de passer la tête dans le couloir. Personne. Elle sortit et referma plus ou moins la porte, maladroitement. La panthère rasa les murs, aux aguets et progressa lentement vers la tour Serdaigle. Elle ne croisa pas de danger, même si elle se cacha à plusieurs reprises dans un renfoncement pour rester invisible. Elle remonta les marches tranquillement, toujours attentive. Arrivée devant la porte, un plop retentit et Rose répondit à l'énigme avant de pouvoir rejoindre sa Maison. Elle n'avait pas fait un pas à l'intérieur qu'une énorme silhouette se jeta sur elle et la souleva sans effort.

- Rose ! s'écria Derek dans son oreille. T'étais où ?

Sa voix était tendue. Elle s'enroula autour de lui pour éviter de glisser par terre.

- Je suis là. Je suis là, rassura-t-elle doucement. Tu vas bien ?

Elle s'écarta de son torse pour le regarder.

- Oui, oui.

- Les autres ?

- Tout le monde est là, dit-il en se dirigeant à grandes enjambées vers les canapés, sans la relâcher.

- Derek…

- Oui mon chat ?

- Tu peux me laisser descendre s'il te plait ?

- Hein ? Ah, oui, oui… fit-il, confus.

Il la posa par terre mais ne lâcha pas son bras. Tout le monde la regardait, l'air inquiet.

- Elle t'a attrapée ?

- Non, non, tout va bien, je vous jure…

- T'étais où ?

Un rire échappa à Rose, les autres la regardèrent d'un air ébahi.

- Dans un placard à balais.

Les mines surprises se changèrent en sourire en voyant que tout le groupe était sain et sauf. Rose se glissa contre Derek sur un canapé puis expliqua sa palpitante aventure dans le placard.

- Vous êtes allés où ? demanda-t-elle finalement.

- Bibliothèque, volière et toilettes, résuma Anthony. Ils ont inspecté mais on devait pas avoir l'air suspect…

Satisfaite, Rose les considéra l'un après l'autre.

- Et vous, qu'est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle en se tournant vers les garçons de sixième, qui n'avaient pas encore parlé.

- On était à la Bibliothèque quand on a vu Mandy, Padma et Michael débarquer, rapporta Idriss.

Nassim avait les bras croisés et l'air boudeur.

- Et lui, qu'est-ce qu'il a ? demanda Rose à Mandy dans un murmure audible, désignant Nassim.

- Une réunion secrète ! lâcha-t-il soudainement. Pour s'entrainer ! Et on était même pas invités !

- Ça fait environ vingt fois qu'on lui explique qu'on voulait parler d'eux à Harry ce soir, mais il fait quand même la tête.

Marc haussa les épaules, habitué aux caprices amusants de Nassim, qui n'était pas vraiment fâché vu le regard pétillant qu'il avait. William ne quittait pas Rose des yeux, mais elle ne s'en aperçut pas, accaparée par Derek. Ils soupirèrent quasiment tous en même temps.

- J'ai cru que mon rythme cardiaque n'allait jamais baisser, confia Padma. J'ai eu la peur de ma vie.

- Moi aussi, approuva Terry en lui serrant la main.

Les autres opinèrent à leur tour. Tout le monde était fatigué mais personne n'avait envie d'aller se coucher. Ils discutèrent d'autre chose, tentant de se changer les idées. Michael finit par poser la question qu'ils se posaient tous :

- Vous pensez qu'elle va nous trouver quand même ?

Ils se regardèrent, perdus.

- Il n'y a plus qu'à attendre, dit Rose doucement. On verra bien demain…

- Allons nous coucher, proposa Lisa.

Ils se levèrent les uns après les autres, se murmurant des paroles rassurantes, se touchant le bras, se serrant contre eux avant de partir.

S'ils s'attendaient à un déluge le lendemain, ils furent rapidement soulagés : aucune punition directe ne leur tomba dessus. En revanche, ils apprirent que Dumbledore avait disparu dans des circonstances particulièrement épiques et que désormais, le remplaçait à la tête de l'école…

- Ombrage, maugréa Michael alors qu'ils lisaient le tableau d'affichage. Ça promet.

- Heureusement que ce sont bientôt les vacances, chuchota Mandy, tendue.

Et bientôt ils surent aussi qui les avait dénoncés : Marietta. La Marietta de leur Maison, la copine de Cho Chang, et surtout… celle de William. Pour le moment, la sixième restait cloitrée à l'infirmerie. Les cinquièmes passèrent leur repas en rang serré, à chuchoter sur ce qui s'était passé – comme à peu près l'intégralité de l'école, ou du moins, des membre de l'A.D.

- Pourquoi elle est à l'infirmerie ?

- Vous pensez que Potter l'a attaquée pour se venger ?

- Noooon, arrête, c'est pas son genre…

Ils se turent alors que les amies de Marietta passaient à proximité de leur groupe. Leurs chuchotis furent bientôt interrompus par de terribles bruits, comme des explosions ; plusieurs personnes poussèrent un cri de terreur, mais bientôt tout le monde se ruait hors de la Grande Salle pour voir ce qui se passait. Ils eurent une bonne vision du chaos qui régnait dans le château : de monstrueux feux d'artifice éclataient et rebondissaient partout autour d'eux, venant d'un étage supérieur. Ils assistèrent au spectacle d'Ombrage et Rusard tentant désespérément de contenir les feux magiques et ne purent s'empêcher de rire avec tous les autres étudiants.

- Très divertissant, lança Michael, un sourire jusqu'aux oreilles.

Les sifflements faisaient grimacer Rose et son ouïe fine, mais elle riait autant que les autres. Derek la tira par la manche.

- Cours de Sortilèges, fit-il avant de l'entrainer à la suite des autres qui s'étaient mis en route.

Tout l'après-midi, le château fut envahi des feux d'artifice et pétards qui explosaient à tout moment. Ils se sourirent tous en voyant que Flitwick ne levait pas le petit doigt pour intervenir – pourtant il devait bien être capable de faire quelque chose, non ?

Ils avaient terminé les cours à quinze heures, et malgré l'amusement généré, Rose leur fit signe que les pétards lui faisaient mal aux oreilles et qu'elle retournait dans la tour Serdaigle. Les autres approuvèrent et la suivirent. Ils restèrent au calme avec leurs devoirs et furent rejoints en fin d'après-midi par Marc, Nassim et Idriss, avec qui ils échangèrent leurs anecdotes sur cette journée mouvementée en riant beaucoup. William fit une apparition un peu après, l'air plus abattu que les autres.

- Elle veut pas me voir, chuchota-t-il alors que Nassim l'interrogeait du regard.

Les cinquièmes n'essayèrent même pas de faire semblant de ne pas écouter.

- Qui ? demanda Michael.

- Marietta. Elle est à l'infirmerie depuis hier et ne veut pas que je vienne la voir. Je sais même pas ce qui lui est arrivé.

Malgré elle, Rose lâcha un bruit méprisant que personne ne rata. Elle avait les bras croisés et le regard dur quand William se tourna vers elle. Puis Anthony soupira. Ils n'y couperaient pas.

- Elle faisait partie de l'organisation de Potter, expliqua-t-il tranquillement.

- Elle a été attaquée par Ombrage et ses larbins hier ? demanda aussitôt Nassim.

Nouveau rictus condescendant de Rose qui avait du mal à se maitriser, pendant que Lisa secouait la tête de droite à gauche.

- Quoi, alors ? poursuivit Idriss.

Rose fusillait un point au loin du regard et contracta la mâchoire.

- Bon, Rose, tu craches ton venin une fois pour toutes ? dit William abruptement.

Surprise, elle se tourna vers lui sans changer d'expression.

- Elle nous a trahis, lâcha-t-elle finalement d'un ton hautain. Elle a trahi l'organisation et c'est à cause d'elle si tout est terminé.

Un silence accueillit sa déclaration. Finalement, William murmura :

- C'est pas possible…

- Si, si, confirma Mandy. Elle a tout balancé à Ombrage qui est venue avec ses larbins de Serpentard pour nous prendre la main dans le sac.

Idriss se tourna d'un coup vers William.

- Mec, tu les choisis vraiment mal tes nanas ! fit-il avant d'éclater de rire.

Son rire franc était contagieux et Nassim, Michael et Derek ne purent s'empêcher de l'imiter, pendant que les autres se regardaient, un sourire aux lèvres. William maugréa sans répondre vraiment. Il coula un regard à Rose que personne ne remarqua et sourit en la voyant rire légèrement alors qu'elle regardait Derek.

- Quel est le rapport entre la trahison et le séjour à l'infirmerie ? questionna Nassim d'un coup.

- Aucune idée… on se pose la question depuis ce matin.

- William pourra lui poser quand elle sortira, proposa Marc doucement.

- Attention à ce que tu lui dis alors, fit Lisa.

- Parce que ?

- Parce que tu n'es pas censé être au courant pour l'organisation de Potter, expliqua Terry. Si elle comprend que tu sais… c'est sur nous que ça retombe.

- Et la trahison ici, c'est plutôt mal vu, vois-tu… termina Anthony en regardant Rose avec humour.

Elle approuva d'un signe de tête puis regarda l'heure au poignet de Derek.

- J'ai compris, on y va, on y va… fit le grand blond en souriant.

Ils redescendirent pour manger et esquivèrent quelques feux d'artifice qui se baladaient toujours dans les couloirs.

Le vendredi fut plus calme, sauf peut-être quand Rose se fit alpaguer par Blaise juste après le déjeuner. Elle fit signe à ses amis qu'elle les rejoindrait en DCFM et se tourna vers son petit ami. Il avait le visage assez fermé et elle se demanda ce qui allait lui tomber dessus. Elle opta pour une première phrase prudente.

- Bonjour Blaise. Ça va ?

- Ça va, répondit-il rapidement. On se voit ce soir ?

- Bien sûr, fit-elle avec un sourire, se détendant rapidement. Je termine à dix-sept heures.

- Dix-neuf heures alors ?

- Parfait. Tu es sûr que ça va ?

Il lui fit un sourire mais ne l'embrassa pas, ce qui était parfaitement inhabituel.

- À ce soir Rose.

- À ce soir…

Et il avait disparu. Étrange. Elle secoua la tête et partit en cours pour le reste de l'après-midi.

Avant dix-neuf heures, elle eut le temps de travailler un peu, mais abandonna bien vite pour aller se préparer. Elle ne savait pas trop comment interpréter la froideur de Blaise ce midi, mais essaya de rester optimiste. Ça n'avait peut-être rien à voir avec elle. Elle prit une douche, mit des vêtements qu'elle trouvait jolis et sécha ses cheveux humides. Elle arriva avec précisément quatre minutes d'avance sur l'heure de leur rendez-vous, pour bien lui montrer qu'il ne passait pas après tout le monde et qu'elle était impatiente de le retrouver – ce qui était vrai.

Il était déjà là, à l'attendre. Avant toute chose, Rose se livra au rituel de fermer la porte d'un Collaporta, et elle y ajouta un Discretio obice, pour l'intimité. Elle se tourna alors vers Blaise avec un sourire, contente de lui expliquer ce nouveau sort, mais s'interrompit en le voyant les bras croisés et l'air sombre. Elle s'approcha prudemment de lui.

- Parle-moi, chuchota-t-elle.

Il ouvrit la bouche, la referma et lui lança un regard terrible.

- Je sais ce que tu fais de tes soirées, balança-t-il d'un coup.

Décontenancée, Rose resta coite, les bras ballants.

- Tu es dans un petit club avec Potter.

Elle se ressaisit et fit une petite grimace.

- Tu ne nies même pas, remarqua-t-il.

- Tu as l'air bien informé, rétorqua-t-elle aussitôt. Oh mais bien sûr ! Les larbins d'Ombrage ! C'étaient des Serpentards !

Les mâchoires de Blaise se contractèrent violemment.

- Et vous en avez parlé tous ensemble ? supposa Rose.

- Voilà. Et comment tu sais que des Serpentards ont aidé Ombrage ?

- Parce que j'en ai vu deux dans le placard où je m'étais cachée, révéla-t-elle tranquillement. Ils cherchaient des étudiants à balancer à Madame Autorité Suprême.

Il hocha lentement la tête. Puis :

- Pourquoi tu m'en as jamais parlé ?

- Parce que j'avais signé un document promettant de garder le secret, résuma-t-elle.

- Et vous étiez combien à vous amuser avec Potter et ses petits amis ?

- Ça ne te regarde pas, fit-elle en croisant les bras à son tour.

Il parut surpris par sa réplique.

- Tu ne me fais pas confiance, déclara-t-il d'un coup.

Alors c'était ça, le problème.

- J'ai fait une promesse que je ne tiens pas à trahir, contra Rose. Ce n'est pas une histoire de confiance en toi. On n'en a parlé à personne d'autre.

- On ? Toi et les autres Serdaigles j'imagine ?

Elle opina sans parler.

- Donc à chaque fois que tu n'étais pas disponible, c'était pour aller dans ces petites réunions ?

Elle commençait à être exaspérée par son utilisation hautaine du mot « petit ».

- Entre autres, oui.

Enfin, Blaise posa la question qu'il semblait retenir depuis le début.

- Et Van Alten ?

- Pardon ?

- Je te demande si Van Alten était avec vous ? Si tu passais la plupart de tes soirées avec lui ?

- La plupart, tu exagères un peu là. Une à deux fois par semaine à tout casser.

- Tu éludes ma question.

- Parce que ta question est agaçante, Blaise.

- C'est juste une question, répliqua-t-il, buté.

- Finalement, c'est toi qui ne me fais pas confiance. Si je dis oui, qu'est-ce que ça change ?

Il ne répondit pas et la considéra. Puis d'un coup il décroisa les bras et se redressa.

- Ça change que je vais aller lui casser la gu…

- Blaise ! Laisse-le tranquille !

- C'est ça, défends-le en plus, maugréa-t-il.

Rose était de plus en plus éberluée par sa réaction. Elle ne savait pas trop comment réagir.

- Je ne défends personne, je t'empêche de faire n'importe quoi.

Mais il n'écoutait pas.

- J'arrive pas à croire que ma petite amie passe tranquillement des petites soirées avec son ex, alors que moi je dois prendre rendez-vous pour la voir !

Rien n'allait dans cette phrase, mais Rose en avait assez.

- Bon, écoute, apparemment c'est compliqué de te faire entendre raison. J'ai eu une semaine éprouvante, je suis fatiguée et je n'ai pas l'intention de rentrer dans ton délire de jalousie injustifiée.

Elle se félicita de prononcer tout ça d'un ton calme, sans partir dans les aigus en s'énervant. Ses poings se serraient quand même machinalement.

- Jalousie injustifiée ? Je pense pas que ce soit injustifié.

- Ah bon ?

Elle ferma les yeux, se sentant stupide d'entrer dans son jeu. C'était plus fort qu'elle.

- Il est tout le temps autour de toi !

- On est à Serdaigle tous les deux ! Forcément, on se croise !

- Vous mangez tout le temps ensemble.

- C'est faux. Ça arrive oui, mais c'est toujours tous ensemble, avec les autres. À t'écouter, on mange en tête-à-tête tous les jours !

- Je suis sûr que vous passez du temps ensemble aussi en dehors des repas.

- Évidemment, on est amis !

Elle n'aurait pas dû dire ça. Il la fusilla du regard.

- Mais qui fait ça ? Qui reste ami avec son ex ?

- C'EST PAS MON EX !

Flûte. J'ai crié.

- Alors essaie de passer une journée sans lui parler pour voir !

- De quoi ?!

- Essaie de lui parler moins qu'à moi par exemple, pour changer !

- Ça fait des semaines qu'on ne s'adresse plus la parole ! rugit-elle alors.

Elle était à deux doigts de se transformer ou de pleurer, elle ne savait pas trop. Peut-être les deux. Elle se força à respirer calmement et à regarder ailleurs.

- Parfait alors ! répliqua Blaise sur le même ton. Ignore son existence maintenant !

- Ne me dis pas ce que je dois faire, siffla soudainement Rose.

Elle tremblait de rage. Personne ne lui disait ce qu'elle devait faire.

Ils se faisaient face, tous les deux en colère.

- Ça te ferait peut-être du bien parfois, contra Blaise.

Ça arriva d'un coup. Un plop et une panthère lui faisait face, les babines retroussées sur ses crocs, la queue fouettant furieusement l'air.

Blaise eut un mouvement de recul, buta dans un bureau, mais se ressaisit bien vite. Il croisa à nouveau les bras.

- Bravo. Très mature.

L'animal s'assit et expira bruyamment. Puis Rose revint. Elle ne savait pas quoi dire et avait les larmes aux yeux. C'était la première fois qu'elle s'énervait comme ça, contre quelqu'un à qui elle tenait. Elle secoua la tête puis sortit sa baguette. Sans regarder Blaise, elle lança les contre-sorts pour libérer la porte.

- Je rentre, dit-elle d'une voix plate. Je suis désolée pour le fauve.

Puis elle sortit en fermant derrière elle. Elle était toujours très remontée contre lui, et un peu effrayée par elle-même. Et si elle l'avait attaqué ? Elle réfléchit en marchant rapidement. Non, elle ne pensait pas qu'elle l'aurait attaqué en fin de compte. Elle avait juste perdu le contrôle de ses émotions et le battement de cœur avait gagné ce combat, c'était tout. La preuve, elle était redevenue humaine en une fraction de seconde. Rassurée, elle concentra son esprit sur Blaise et sa crise de jalousie. Mais quel idiot, parfois ! « Et Van Alten ? », n'importe quoi !

Elle préféra ignorer le sentiment de tristesse qui l'avait envahie quand elle avait crié que William et elle ne se parlaient plus depuis des semaines et resta concentrée sur sa colère, ressassant encore et encore les mots qu'ils avaient échangés. Elle monta se coucher sans attendre après un geste vers ses amis et resta allongée quelques minutes, agitée, avant de capituler et de se transformer pour la nuit.

Samedi matin, Rose resta d'une humeur variable, oscillant entre le soulagement d'être en vacances et de rentrer au Manoir, la joie d'être avec ses amis, la colère contre Blaise.

Elle reçut une réponse de son père qui lui indiqua qu'il serait présent quelques jours avec elle – ce qui l'aida à rester de bonne humeur – et aussi qu'il serait ravi que ses amis viennent chez eux – là elle sourit franchement, plus que ravie. Il proposait qu'ils utilisent la Poudre de Cheminette, à l'exception de Lisa et Terry, pour qui il mettait Ted à disposition.

- Ted à disposition ? répéta Lisa alors que Rose leur lisait le courrier à voix haute.

- Le chauffeur ! éclaircit Derek.

- Le chauffeur de qui ? demanda William en s'asseyant à la table.

Puis il regarda Rose, avec sa lettre à la main, qui haussait un sourcil, et il eut un geste d'évidence.

- Mais bien sûr, pourquoi je demande ? C'est celui de Miss Rose Wayne.

Tout le monde se mit à rire et Rose lui sourit. Il resta un instant interdit puis enchaina :

- Alors, qui a besoin du chauffeur de Miss Wayne ? N'allez pas épuiser ce pauvre homme.

- Nous, répondit Terry en désignant Lisa puis lui-même. Pour aller chez Rose, on ne peut pas utiliser de Poudre de Cheminette. Les parents de Lisa sont Moldus et je suis chez ma mère pour toutes les vacances.

Le père de Terry était sorcier, mais il ne parlait pas souvent de lui et habitait avec sa mère moldue, chez qui il passait également la plupart de ses vacances.

- Vous allez chez Rose ? demanda Nassim.

- Oui, à la fin des vacances, pour quelques jours.

- Tous les sept ?

Rose confirma d'un signe de tête.

- Mais… y'aura assez de place chez Rose ? s'inquiéta faussement William, les faisant tous rire.

- Nous, on va voir la famille de nos mères au Maroc, continua Nassim. Ça vient d'être décidé.

Tout le monde eut des exclamations d'envie, mais Idriss les calma :

- Elles. Vont. Nous. Harceler. Croyez-moi, vous n'avez pas du tout, mais alors pas du tout envie d'être à notre place.

Des éclats de rire lui répondirent. Ils savaient déjà que Marc partait au Canada voir son frère ainé qui y habitait.

- Et toi William ? Tu fais quoi ? demanda Anthony. Tu restes chez tes parents ?

- Je reste avec mes parents, nuance. Je suppose qu'ils vont encore m'embarquer pour les Pays-Bas… ou l'Espagne. J'espère que ce sera l'Espagne…

- Ah, les Espagnoles… soupira Idriss, l'air rêveur.

William lui sourit.

- Le climat, corrigea-t-il.

- Je savais pas que c'était comme ça qu'on disait belle jeune fille en espagnol ! s'étonna Nassim, sous de nouveaux rires.

William secoua la tête, renonçant à leur faire dire autre chose. Rose décrocha un peu de la conversation et laissa son regard errer vers la table des Serpentards. Elle vit Blaise en train de parler avec les autres cinquièmes et eut une moue pincée. Elle était soulagée qu'il ne fasse pas partie de l'incroyable Brigade Inquisitoriale d'Ombrage, mais restait perplexe quant à l'idée d'être ami avec des personnes qui considéraient le pouvoir totalitaire et la délation comme des vertus.

Ils montèrent faire leurs bagages et Rose leur parla du climat parfois capricieux autour du Manoir, plus qu'à Londres. Elle fourra quelques livres dans sa valise.

- Tu ne les laisses pas là ? J'aurais parié que tu en aurais des doubles au Manoir, s'étonna Lisa avec humour.

- Certains, oui, confirma Rose sérieusement. Mais pas tous et je voudrais être sûre d'avoir tout ce qu'il faut pour faire mes devoirs.

- Enchanter votre quotidien : 1001 sorts pour que votre baguette fasse le travail à votre place ? lut Mandy sur son lit. Tu t'en sers pour quel cours exactement ?

Rose marmonna sans répondre alors que Mandy feuilletait le livre.

- Il est marrant ce bouquin, commenta-t-elle.

- Tu pourras le lire quand tu seras au Manoir si tu veux.

- Bonne idée ! Enfin, entre deux dissertations quoi…

Elles soupirèrent en chœur.

- L'inconvénient majeur de ne pas rester à Poudlard pendant les vacances, c'est qu'on ne pourra pas s'entrainer à lancer des sorts, dit Padma.

- Tu préfères rester ici ?

- Ah non ! s'exclama-t-elle. Moi aussi je veux connaitre la vie de château chez les riches !

Rose éclata de rire. Elle ne pouvait faire taire une voix en elle qui craignait que ses amis changent tous d'avis et ne viennent pas au Manoir.

- On reprendra nos séances privées après les vacances de toute façon, décida Lisa. On en a besoin pour les BUSE.

Mandy se couvrit les oreilles des mains.

- Pitié, pitié, arrête de prononcer ce mot.

- Pardon, rit-elle.

- Et on a toutes les brochures pour l'orientation à lire aussi, rappela Padma en désignant la pile qu'elles s'étaient constituée dans la chambre.

- Vous avez eu votre heure de rendez-vous avec Flitwick ? Le mien c'est une semaine après la rentrée.

- Pareil !

- Parlons d'autre chose, je vous en supplie ! geignit Mandy.

Rose secoua la tête et continua à empiler ses affaires dans sa valise. Elle sentit le regard de Lisa sur elle et se tourna, un sourcil levé.

- Tu t'es disputée avec Blaise hier soir ?

- Oui, fit-elle à ses trois amies qui écoutaient. Vraiment fort. J'ai même perdu le contrôle… et je me suis transformée devant lui.

Elle soupira, toujours excédée par la dispute et cette perte de contrôle.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda gentiment Padma.

- Il a appris pour l'A.D., via les Serpentards qui ont essayé de nous attraper – les membres de la Brigade Inquisitoriale d'Ombrage quoi.

- Ça lui a pas plu que tu prennes des cours de DCFM ?

- Non, c'est pas ça… il était vexé de ne pas savoir où j'étais certains soirs, je pense. Il a dit que je ne lui faisais pas confiance. Et puis c'est parti en vrille… et il a fait une crise de jalousie.

- Par rapport à qui ?

- William, fit-elle en haussant les épaules. Il s'est persuadé qu'il faisait partie de l'A.D.

Elle fit une pause.

- Et je viens de me rendre compte que je ne l'ai pas détrompé, murmura-t-elle, l'air coupable. Il m'a tellement énervée sur le coup…

Rose se massa les tempes rapidement.

- Bref, il était en boucle sur le fait que William est trop présent dans ma vie, en gros. Même si on ne s'adresse plus la parole, qu'on ne mange plus côte à côte, qu'on ne partage aucune activité. Blaise ne voulait rien entendre, et plop, la panthère est apparue, termina-t-elle avec un petit sourire.

- Tu vas essayer de lui parler avant les vacances ?

- Non, répondit Rose. Je me suis excusée pour la transformation inopinée avant de partir, j'estime que c'est suffisant. Le reste, c'est à lui de réfléchir un peu et de revenir vers moi.

La fermeté de sa réponse empêcha tout commentaire supplémentaire.

Jusqu'au moment de monter dans le train, Rose n'ignora pas Blaise mais n'alla pas non plus vers lui. Elle le regarda, elle lui sourit même un peu alors qu'ils observaient un couple de Gryffondors se faire une scène très dramatique en public, mais ce fut tout.

Une fois installée dans le compartiment avec ses amis, elle eut l'intention de ne pas en bouger. Ce serait à lui de venir la chercher s'il le voulait.

Le train n'était pas très rempli, beaucoup d'étudiants ayant préféré rester au château – ce que les Serdaigles ne comprenaient pas du tout. Mais peut-être qu'ils n'avaient pas le choix, comme le fit justement remarquer Terry. Anthony et Padma les quittèrent pour faire une ronde dans le train. Ils se firent une nouvelle fois la promesse de ne pas parler des cours pendant tout le voyage et s'y tinrent. Ils jouèrent aux cartes à dix, ce qui créait un joyeux brouhaha à chaque fois, et il était difficile de déterminer qui gagnait et qui perdait. Derek était d'ailleurs convaincu qu'Idriss trichait mais n'arrivait pas à le prouver. Ils changèrent de jeu, certains lurent et dormirent. Ils partagèrent le déjeuner ensemble, et même Anthony et Padma étaient avec eux.

- Il n'y a vraiment pas grand monde, leur dit Padma en revenant. On a le temps de faire comme vous.

- Glander, termina Anthony.

Ils rirent et Lisa lui tendit un sandwich qu'il attrapa avec gratitude. Padma se glissa près de Rose et lui murmura :

- Blaise est dans un compartiment pas loin, pour info. Pas seul, mais il y a plein de voitures vides aujourd'hui.

Rose hocha la tête et avala sa bouchée.

- C'est gentil. Mais vraiment, je vais m'en tenir à ce que j'ai dit hier. C'est lui qui viendra me chercher, s'obstina-t-elle.

Une fois son sandwich terminé, elle se tortilla, compressée entre Padma et Terry. C'était compliqué de tenir à douze là-dedans. Le sol n'était pas très confortable, en tout cas largement moins que les épais tapis de la Salle Commune sur lesquels elle s'installait souvent. Elle jeta un œil par la fenêtre de la porte. Personne ne passait jamais dans le couloir. Et elle avait vraiment envie de dormir un peu. Elle croisa le regard de Derek qui attendait qu'elle explique son agitation.

- Tu crois que je pourrais…

Elle laissa sa phrase en suspens, le laissant deviner la suite. C'était de plus en plus facile de lui partager ses pensées. Il regarda à son tour la porte du compartiment, indécis.

Puis Nassim eut un mouvement involontaire et renversa de l'eau sur le siège où elle se trouvait, ce qui la décida instantanément. Elle prit une inspiration et se leva pour aller baisser le petit rideau de la porte.

- Bon, dit-elle en se tournant vers ses amis qui l'avaient regardée faire, je suis désolée, mais j'ai trop envie de dormir.

Elle traversa de nouveau le compartiment et une fois au fond, fit un clin d'œil à Terry.

Plop !

Et la panthère s'étira, bailla et se roula en boule, à moitié sous le siège de Derek. Aussitôt, Kietel, bien entrainé, vint s'installer entre ses pattes. Même Duke le suivit et se colla à la fourrure noire. La panthère se laissa bercer par les roulements du train et les voix des humains, et s'endormit rapidement.

Derek la laissa dormir autant qu'elle le voulut, ses jambes placées de chaque côté d'elle dans un geste protecteur. Il ne protesta pas lorsqu'une énorme patte s'enroula à sa cheville et il la gratouilla même derrière l'oreille avec affection. Il jeta un regard alentours, pour s'assurer que personne n'était mal à l'aise. Tout le monde avait continué sa petite vie, pas perturbé pour deux Noises. Il brulait d'envie de demander si quelqu'un avait vu Marietta sortir de l'infirmerie, mais n'osait pas mentionner la jeune fille, même si Rose était endormie à ses pieds. Il coula un regard à William en se demandant s'il savait, lui. Le sixième était plongé dans un magazine de Quidditch. Et Derek s'aperçut qu'il jetait de fréquents coups d'œil vers Rose, à peu près à chaque fois qu'il tournait une page. Son visage était impassible et Derek se refusa, comme toujours, à capter les émotions de quelqu'un d'autre sans son consentement. Frustré, il regarda alors Terry, ayant dans l'idée de lui faire comprendre de regarder William pour qu'il donne son opinion. Le brun était souvent plus perspicace que lui concernant ce genre de choses – même si Rose disait que c'était la faute de Derek qui fermait son esprit et donc ratait certains non-dits. Finalement il n'eut pas besoin de faire des signes discrets à son petit ami : il était déjà en train d'observer leur ami, une moue perplexe sur le visage. Puis il croisa le regard de Derek, qui haussa doucement les épaules. Terry se tripota la lèvre inférieure, plongé en plein réflexion. Ils pourraient sûrement en parler plus tard. Derek se pencha et lui caressa la cuisse, en manque de contact physique avec lui. Ils se sourirent comme seuls des amoureux peuvent le faire et Terry reprit sa lecture, tandis que Derek regardait par la fenêtre. Zut, maintenant il avait envie de toucher plus que la cuisse de Terry. Il se racla la gorge et une vague de désir lui parvint brutalement. Il tourna vivement la tête vers Terry qui le regardait. Derek eut un sourire en coin séducteur et posa les yeux sur ses lèvres, soupirant légèrement. Son petit ami rougit un peu et détourna le regard. Ils s'échangèrent des regards brulants tout le reste du trajet, William complètement oublié.

Lorsque le train commença à ralentir, Lisa devança Derek et vint s'accroupir à côté du félin toujours endormi. Il s'était retourné plusieurs fois et avait même posé les yeux sur Nassim, Idriss et Mandy qui avaient joué à la bataille, sans jamais se relever. Lisa agita ses doigts devant son nez pour que son odeur lui parvienne, puis passa la main dans la fourrure.

- Rose, murmura-t-elle. On arrive bientôt.

L'animal bailla et ouvrit paresseusement les yeux, les posa sur Lisa et ronronna.

- Je suis désolée, fit la rousse en souriant alors qu'elle soupirait.

Puis la panthère se redressa tranquillement, s'étira et s'ébroua. Lisa recula pour lui laisser la place de se transformer et bientôt Rose se tenait debout devant elle. Elles se sourirent avant d'aider tout le monde à ranger les affaires qu'ils avaient étalées un peu partout.

La descente du train fut moins chaotique que d'ordinaire puisque peu d'étudiants étaient partis de Poudlard. Ils retrouvèrent leurs familles, Rose présenta Lisa et Terry à Ted pour qu'ils se reconnaissent la semaine suivante, et elle suivit son chauffeur après une dernière étreinte à Derek. Elle n'avait pas vu Blaise en sortant du train et se souvint qu'elle avait espéré le voir venir à sa rencontre…

- Voilà Miss, dit Ted en lui ouvrant la portière comme toujours.

- Merci Ted, répondit-elle en s'engouffrant dans l'habitacle.

Elle boucla sa ceinture et laissa ses pensées dériver. Bon, si Blaise ne l'avait pas contactée d'ici une semaine, elle lui enverrait une lettre. Il valait mieux mettre sa fierté de côté plutôt que le perdre. Elle espérait juste qu'il penserait la même chose.

Lorsqu'elle arriva au Manoir, sa première action, après avoir salué tous les domestiques qui l'attendaient, fut de grimper au premier pour aller dans la chambre d'Olivia. Le choc était toujours le même, bien qu'elle sache ce qu'elle allait y trouver. Rien n'avait changé depuis les vacances de Noël. Rose s'installa près d'elle et lui tint la main, ne pouvant retenir quelques larmes. Cette fois, elle ne s'endormit pas mais resta longtemps à contempler sa gouvernante adorée, lui parlant dans sa tête. Elle n'était pas sûre d'être capable de parler à voix haute sans pleurer. Elle fut interrompue par Benson qui venait la chercher pour le diner. Elle le suivit et une fois au rez-de-chaussée, entra dans la salle à manger. Elle fit une pause à l'entrée.

- Père ! s'exclama-t-elle. Tu es déjà rentré.

Erwan se leva et hésita une fraction de seconde avant de serrer sa fille dans ses bras.

- Je voulais te faire la surprise.

- C'est une bonne surprise.

Ils se sourirent et s'assirent à table. Il lui demanda des nouvelles d'elle, de ses amis, de l'école. Il savait que Dumbledore avait disparu et qu'il avait été remplacé par Ombrage pour le moment. Rose donna quelques détails, puis hésita et se tut. Son père la laissa décider si elle voulait partager et attendit.

- Père, il faut que je te dise quelque chose.

Il posa ses couverts et la regarda calmement. Alors Rose raconta tout à propos de l'Armée de Dumbledore – en tout cas, tout ce qu'elle savait. Elle rapporta qu'au début elle était contre, de peur des conséquences pour les Wayne, puis qu'elle avait changé d'avis après avoir vu un ami torturé en retenue, et que les séances avaient été formidables, qu'ils avaient tellement appris… et elle raconta la dernière séance, interrompu par la trahison de l'une des leurs. Erwan n'intervint pas et la laissa parler. Rose était terrifiée de la réaction qu'il allait avoir. La déception ? La colère ? Allait-il la punir ? Annuler la venue de ses amis la semaine suivante ?

Elle conclut en mentionnant Marietta, que personne n'avait revue pour le moment, et que tout le monde se demandait ce qui lui était arrivé. Elle osa à peine relever les yeux sur son père.

- Un Patronus, vraiment ? demanda-t-il enfin.

Prise au dépourvu, Rose le regarda enfin. Il était très calme et venait de reprendre ses couverts.

- Euh, oui…

- Tu as réussi ? interrogea-t-il en portant la fourchette à sa bouche.

- Une fois, avant qu'on soit interrompus par l'elfe qui est venu nous prévenir.

- C'est très bien, ça. C'est un niveau élevé, le sortilège du Patronus. Vous avez appris quoi d'autre ?

- Euh, le Bouclier, l'Entrave, la Stupéfixion, le Désarmement, la Confusion, la Réduction… j'en oublie…

Il parut impressionné.

- C'est une longue liste… ces sorts sont tous très utiles.

- Oui, enfin, je pense…

Elle était sur des charbons ardents. À quel moment allait-il se mettre en colère ?

- Ça va Rose ? Tu es agitée.

- Je euh… ne m'attendais pas à ce que tu restes calme, avoua-t-elle. J'attends que tu te fâches.

Il haussa un sourcil surpris.

- Me fâcher ? Parce que tu as pris les devants pour t'entrainer correctement à te défendre ? Certainement pas. Je t'avoue que je suis un peu déçu que tu ne m'en aies pas parlé à Noël, mais je peux imaginer que tu avais prêté serment de ne pas en parler ?

Elle confirma d'un signe de tête.

- Dommage que tu n'aies pas encore dix-sept ans, soupira-t-il. Sinon tu aurais pu me montrer tes progrès.

Sa bouche s'entrouvrit. Elle s'attendait à tout à fait autre chose que son père regrettant qu'elle ne puisse pas lui faire de démonstration.

- Si tu avais été nommée personnellement, je n'aurais peut-être pas eu la même réaction, admit-il sagement. Mais si j'ai bien compris, vous êtes tous sortis indemnes de là, et la seule conséquence est le départ de Dumbledore ?

- C'est ça… et la disparition inexpliquée de cette traitresse de Marietta. Mais ce n'est pas une grande perte, marmonna Rose entre ses dents.

Son père se mit à rire.

- Tu ne l'aimais pas avant ou c'est à cause du fait qu'elle vous a dénoncés ?

- Les deux, répondit Rose avec un sourire.

- J'espère pour elle qu'elle se fera toute petite… elle est dans quelle maison ?

- Chez nous, à Serdaigle.

Il grimaça.

- Essaie de ne pas l'agresser à la rentrée, souffla-t-il pour la faire rire, ce qui fonctionna.

- Je ferai de mon mieux, promit-elle.

Son père la considéra un instant, amusé.

- Qu'est-ce que vous allez faire, la semaine prochaine, avec tes amis ?

Elle eut un soupir résigné.

- On va étudier…

Il éclata de rire. Il avait un beau rire, son père.

- N'oubliez pas de vous amuser aussi, quand même… Je vous promets que personne ne verra la différence si vous faites une pause pendant quelques jours.

Sa fille eut l'air scandalisée à l'idée de ne pas travailler pendant les vacances. Et que ce soit lui, sa figure d'autorité, qui le lui suggère. Il leva les mains.

- Très bien, très bien… Étudiez jour et nuit, alors.

Elle pouffa, amusée.

- Tu sais ce qu'ils m'ont tous demandé ?

Comme il haussait un sourcil, elle continua :

- S'il y aurait assez de place pour tout le monde ici.

Les yeux de son père pétillèrent, puis il lança un regard résigné alentours.

- J'ai bien peur que vous vous retrouviez les uns sur les autres.

Ils rirent ensemble.

- Vous serez huit, c'est bien ça ?

- Oui. Mais si tu veux bien, nous n'aurons pas besoin de préparer sept chambres supplémentaires. Seulement cinq.

- Ah, des couples… bien sûr que je suis d'accord. De toute façon, ça ne servirait pas à grand-chose d'essayer de les séparer, n'est-ce pas ?

Elle secoua la tête avec humour. Puis d'un coup, il fronça les sourcils.

- Tu en fais partie ?

Elle rougit aussitôt, mais le détrompa.

- Non, non… c'est pour Anthony et Lisa. Et Derek et Terry, fit-elle bravement, se rendant compte qu'elle n'avait jamais parlé du couple de son meilleur ami.

Il hocha la tête, visiblement rassuré. Les enfants des autres étaient une chose, la sienne… une autre.

- Ça fait longtemps qu'ils sont ensemble ?

- Un peu plus d'un an je pense, répondit-elle après réflexion. Ils se sont tous mis en couple vers le bal de Noël de l'année dernière.

- C'est long dis donc, dit-il. Pour des jeunes de votre âge.

- C'est vrai… mais quand on les voit ensemble, ça parait si naturel qu'on ne peut pas les imaginer avec quelqu'un d'autre.

- Je te souhaite la même chose, murmura-t-il avec un sourire tendre. Quand tu le voudras, bien sûr.

Touchée, Rose lui sourit à son tour.

Lorsqu'elle se coucha, sa propre phrase lui revint à l'esprit : et Blaise et elle, quand on les voyait ensemble, est-ce qu'on pouvait les imaginer avec quelqu'un d'autre ? Elle s'endormit avec cette question qui lui tournait en tête.

Rose n'avait pas menti : elle avait énormément de devoirs et s'y attela dès le lundi, sous le regard de son père qui l'observa s'installer à la table face à la baie vitrée, étalant ses livres, ses notes et ses cours sur le meuble. Il resta dans les parages, lut le journal et travailla un peu lui aussi, gardant un œil sur sa fille, content de l'avoir près de lui. Ils déjeunèrent rapidement ensemble, directement dans la cuisine. Rose lui parla d'une dissertation à faire pour son option d'Études des Moldus qui la déprimait d'avance, ce qui le fit rire. Il lui rappela que si elle avait besoin d'un livre quelconque, il lui suffisait de demander à Benson et elle l'aurait rapidement. Il lui chipa son manuel de Potions de cinquième et le feuilleta pendant qu'elle travaillait sur la Botanique, râlant et soufflant sans cesse, ce qui faisait sourire son père à chaque fois.

Le mercredi en fin d'après-midi, Erwan arriva dans la salle à manger reconvertie en salle d'études et interrompit Rose.

- Allez, ça suffit d'étudier ! On va se balader !

Rose releva le nez et plissa les yeux.

- Mais…

- Pas de mais ! Tu es toute pâlichonne, regarde-moi ça, on dirait moi.

Elle lui sourit, il lui tendit la main.

- Viens, on va se promener près des falaises.

- D'accord, accepta-t-elle finalement.

Ils firent une longue balade près des falaises qui étaient assez proches du domaine, mais qu'on ne voyait pas depuis le Manoir. L'air salé fit du bien à Rose qui admit assez facilement qu'elle en avait bien eu besoin, de cette promenade. Ils voyaient vaguement, au loin, la ville côtière dont faisait partie le domaine. Ils virent des mouettes survoler la mer et les observèrent un moment dans leur ballet aérien. Ils descendirent vers une plage, une petite crique qu'on ne pouvait connaitre qu'en habitant ici. Il y avait des oiseaux ici aussi et Rose les suivait du regard, prise d'une irrésistible envie de leur courir après. Elle se contint pourtant, jusqu'à ce que son père la pousse du coude et chuchote :

- Vas-y. Il n'y a personne.

Son père était étonnant cette semaine, il fallait bien l'avouer.

- Sûr ?

- Mais oui.

Plop ! et une panthère s'élança vers les mouettes, qui décollèrent en piaillant, agacées d'être dérangées. Puis elle s'amusa à courir dans le sable, regardant les empreintes qu'elle laissait derrière elle, tournant autour de son père qui ne la quittait pas des yeux, attendri et fasciné à la fois. Elle s'approcha prudemment du bord de l'eau et attendit qu'une vague l'atteigne, mais elle recula à la dernière minute. Elle recommença son manège plusieurs fois, avant de finalement laisser la mer lui lécher les pattes. C'était froid mais assez amusant. Elle avança un peu plus et bientôt les vagues venaient vers elle, avalant temporairement ses pattes jusqu'au coude. Puis la panthère sortit de l'eau et trottina vers son père. Elle le poussa du museau par derrière pour lui faire comprendre le message.

- Non, arrête ! L'eau est trop froide.

Elle continua, jusqu'à ce qu'il cède en soupirant.

- Très bien, très bien…

Il se pencha et retira ses chaussures et ses chaussettes, puis roula le bas de son pantalon sur ses mollets. Satisfaite, elle resta à côté de lui pendant qu'il avançait dans l'eau. Il poussa un petit cri indigné par le froid qui lui mordit les orteils et elle remua les moustaches, amusée. Finalement il resta là, les pieds dans le sable, régulièrement glacés par les vagues, son Animagus de fille à ses côtés, les pattes trempées par l'eau salée. Ils regardèrent la mer un long moment ensemble. Erwan sentit une queue – mouillée – s'enrouler autour de sa jambe et il ne dit rien, mais se racla discrètement la gorge, ému.

Un frisson le parcourut et l'animal le regarda.

- J'ai froid, lui chuchota-t-il, le visage serein. Je suis pas aussi poilu que toi, figure-toi.

Le félin s'élança hors de l'eau et il le suivit. Le temps qu'il remette ses chaussures et sa fille se tenait sur ses jambes d'humaine face à lui. Ils se sourirent et remontèrent lentement vers le Manoir, les pieds mouillés.

Rose et son père partagèrent un dernier repas le dimanche soir, avant qu'il ne reparte lundi matin pour le travail. Ils discutèrent et rirent beaucoup. Erwan était ravi de voir sa fille se comporter comme une adolescente de seize ans : elle parlait de ses amis, de ses cours, de son futur, elle riait beaucoup et l'écoutait, un peu. Il n'osa plus lui poser de questions sur sa vie sentimentale, mais il avait noté qu'elle semblait attendre le courrier avec impatience chaque matin, ce qui le faisait sourire discrètement.

Il serra encore sa fille dans ses bras lundi matin – ça devenait une habitude – et lui fit promettre de lui envoyer une lettre, de temps à autre, pour lui donner de ses nouvelles pendant le restant de l'année scolaire. Lorsqu'il monta dans la voiture, il vit sa fille debout sur le perron qui lui souriait et il regarda sa silhouette devenir de plus en plus petite à mesure que le véhicule roulait dans l'allée du domaine. Il se rendit compte que cette fois, ce n'était pas une boule au ventre qu'il avait en la quittant, mais à la gorge, et il sourit, seul sur le siège arrière.

Rose soupira et monta voir Olivia, comme chaque matin. Encore une fois, elle était surprise et heureuse d'avoir passé ces quelques jours en harmonie avec son père. Elle songea que Mary, la mère de Derek, serait contente pour elle aussi.

- Miss ? appela Benson en passant la tête par la porte. Vous avez du courrier.

Elle se leva aussitôt et tendit la main pour attraper l'enveloppe, lui sourit et fila dans sa chambre au deuxième. Elle se laissa tomber sur son lit et ouvrit à la hâte.

« Rose,

Je suis désolé. Je me suis comporté comme un imbécile la dernière fois.

Je pense que j'ai surtout eu peur pour toi quand j'ai entendu parler du coup de filet d'Ombrage, mais ma réaction a été complètement à côté de la plaque.

J'espère que tu voudras bien me pardonner.

Tu me manques.

Blaise »

Elle sourit en relisant la brève missive. Devant son bureau, elle froissa puis jeta le brouillon de lettre qu'elle avait commencé à écrire, dans l'optique de lui envoyer une première lettre cette semaine. Elle se donnait la journée pour réfléchir à une réponse et l'expédier demain.

Rose poussa la porte et la referma silencieusement. Une torche était allumée et elle le vit qui l'attendait, au milieu de la pièce désordonnée. Ils se sourirent et il avança vers elle, puis se pencha et posa un baiser délicat sur ses lèvres.

- Tu m'as manquée, avoua-t-il doucement.

- Toi aussi, chuchota-t-elle avant de l'embrasser encore.

Ses bras s'enroulèrent autour d'elle et il la tint pressée contre son torse, glissa ses doigts sous son pull et caressa son dos par-dessus sa chemise blanche. Elle soupira d'aise et se concentra sur ses lèvres, ses mains posées dans son cou. Bientôt elle sentit sa langue venir rencontrer la sienne. Ses doigts se perdirent dans le col de sa chemise. Elle avait très envie de la lui retirer. Elle posa les mains en bas du pull et le remonta, jusqu'à ce qu'il comprenne son idée. Il enleva son pull, elle défit les premiers boutons de la chemise avec dextérité, et il la passa par-dessus sa tête à son tour. Souriant, il murmura :

- À toi.

Et elle le laissa enlever les couches de tissu. Il regarda ses seins, cachés par le soutien-gorge et expira lentement. Elle rougit et posa la main sur son torse, sentant sa peau chaude, qu'elle vint presque aussitôt embrasser. Il ferma les yeux et se laissa faire avant de poser ses doigts sous son menton pour qu'elle revienne contre sa bouche. Bientôt il l'entraina vers le canapé, s'assit et Rose alla instinctivement se mettre à califourchon sur lui, pressant leurs torses dénudés. Il souffla contre son cou et l'embrassa, ses mains parcourant sa peau, terminant leur course sur ses seins. Elle se mordit la lèvre en le regardant, puis il sembla se décider et dégrafa le soutien-gorge. Elle se figea et il attendit une seconde.

- J'ai envie de te voir, souffla-t-il.

Elle baissa elle-même les bretelles et le bout de tissu termina par terre. Il prit délicatement ses seins entre ses mains et vint les embrasser, tour à tour. Rose cambra machinalement les hanches vers lui et il sourit. Il les fit basculer pour allonger Rose sous lui, caressant son corps, l'embrassant, revenant toujours à la pointe de ses seins et à ses lèvres. Elle se tortillait sous lui à chaque fois que sa langue léchait un bout de peau. Lorsqu'il fit subir ce même sort à ses seins, elle gémit de plaisir, incapable de se retenir. Elle le sentit sourire contre elle. Ses mains s'étaient faufilées sous sa jupe et touchait ses cuisses, remontant toujours plus haut. Elle serra les jambes lorsque les doigts touchèrent la peau en haut de ses bas et rougit lorsqu'il alla poser un baiser dessus. Il embrassa ensuite à la lisière de sa culotte, en bas de son ventre et elle crut qu'elle allait imploser de désir. Le visage remonta contre le sien et il l'embrassa, encore et encore, sa langue se plantant dans sa bouche. Il n'arrêta pas leur baiser, même quand ses doigts se glissèrent sous le tissu en coton et caressèrent sa peau, ses poils. Rose avait ouvert grand les yeux puis les avait refermés bien vite. Il insinua deux doigts contre sa chaleur humide, et elle haleta lorsqu'il commença à les bouger, lentement, délicieusement. Il l'observait, les yeux pleins de désir, gémir et remuer sous ses doigts qui augmentèrent un peu le rythme. Rose se tenait à une épaule et au canapé, crispant sa main sur le tissu délavé. Elle resserrait involontairement ses cuisses autour des doigts qui la touchaient et sentait son orgasme poindre. Tout contre son oreille, il susurra d'une voix envoutante :

- Jouis pour moi, ma Rose.

La cadence de ses doigts accéléra à peine plus, mais ce fut suffisant pour elle. Elle poussa un dernier gémissement d'extase, presque surpris, et l'orgasme la saisit, tendant ses muscles et faisant trembler ses jambes la seconde d'après. Il retira ses doigts. Rose papillonna des yeux pour redescendre sur terre. Elle regarda autour d'elle, toujours chamboulée. Puis elle reconnut lentement sa chambre, au Manoir. Rose était seule dans son lit et venait de…

Rêver. C'était juste un rêve très réaliste.

Elle regarda le plafond, le souffle court, toujours plongée dans les limbes du songe érotique. Ses yeux se posèrent sur la lettre de Blaise, posée sur sa table de chevet. Elle sourit en pensant que si une simple lettre la mettait dans un tel état, à quoi ressembleraient leurs retrouvailles à Poudlard ?

Elle traina un peu plus longtemps au lit, l'esprit complètement ailleurs. Puis les bruits habituels du Manoir la ramenèrent à la réalité et elle se leva, détendue.

Rose faisait les cent pas dans le hall, impatiente. Ses amis allaient bientôt arriver, par Poudre de Cheminette dans l'office de Benson, ou en voiture pour Lisa et Terry. Elle espérait que tout se passerait bien et qu'ils arriveraient vite. Cela faisait deux jours qu'elle et les domestiques préparaient le Manoir, qui n'avait pas eu autant d'invités depuis aussi loin que Benson se souvienne. Elle entendit le bruit caractéristique d'une cheminée qui amène un nouvel arrivant. Rose n'avait pas le droit d'entrer dans l'office, car Benson s'assurait d'abord que le visiteur était bien le bon. La porte s'ouvrit et une tornade se jeta dans ses bras, la soulevant de terre avec force.

- Mon chat !

- Derek !

Habitués à leurs démonstrations très bruyantes, les domestiques présents sourirent.

- Bon voyage ?

- Oui, oui, rapide comme toujours. Tu as manqué à mes parents et mes sœurs, ils avaient tous envie de te voir.

- Oh… je les verrai dans quelques mois !

- C'est ce que je leur ai dit, mais tu connais les petites, elles n'arrêtaient pas de me harceler !

- Et patati, et patata… on dirait que ça fait trois ans qu'ils ne se sont pas vus ! commenta une voix amusée derrière eux.

- Padma ! s'exclama Rose en la prenant dans ses bras. Je suis contente que tu sois là.

Et bientôt, Michael, Anthony et Mandy les eurent rejoints. Ils n'eurent pas le temps de visiter le Manoir que Rose entendait la voiture revenir.

- Ils sont là aussi !

Elle ouvrit la porte d'entrée et les autres la suivirent sur le perron, regardant la berline se garer et deux adolescents en sortir. Lisa avait la bouche à moitié ouverte en regardant la façade du Manoir. Derek avait la bouche à moitié ouverte en regardant Terry descendre de la voiture. Rose lui mit un coup de coude espiègle et descendit saluer ses deux amis.

- Comment s'est passé la route ? demanda-t-elle alors au chauffeur qui déchargeait les bagages.

- Très bien Miss, sans encombre.

- Merci Ted.

- À votre service Miss !

Puis il remonta dans la voiture et roula au pas vers le garage. Lisa pouffa à côté d'elle, Rose haussa un sourcil.

- La vie de château, fit-elle à voix basse.

Rose rit et les entraina vers les autres. Tout le monde était parfaitement content de se retrouver et cela lui prit plusieurs minutes pour réussir à les faire rentrer dans le hall. Terry eut un mouvement vers sa valise mais Rose l'en empêcha. Benson leur fit un sourire avant d'aller récupérer les bagages laissés dans les graviers.

Puis Rose leur fit visiter le Manoir, commençant par le rez-de-chaussée, naviguant entre toutes les pièces avec facilité. Ses amis faisaient des commentaires et Mandy avoua qu'elle n'était pas sûre de s'y retrouver. Rose rit et lui conseilla, si jamais elle se perdait, d'appeler Nelson ou Eulaly, qui seraient parfaitement capables de la retrouver et de la guider sur le bon chemin. Comme elle repartait en sautillant dans les couloirs, Derek chuchota pour tout le monde :

- Les elfes de maison.

Lisa poussa un petit « aaah » en comprenant, pendant que Michael marmonnait « ah les riches… » et tous suivirent leur amie qui les attendait au pied du grand escalier. Elle les guida dans le couloir du premier, ouvrant les portes au fur et à mesure :

- Au premier étage, il y a la bibliothèque… un petit salon… des chambre d'amis ici, là et là, mais ce ne sont pas les vôtres. Et de l'autre côté, ce sont les appartement de mon père, termina-t-elle en désignant l'aile ouest d'un geste de la main.

- Et cette pièce ? demanda Anthony en pointant une porte dont Rose n'avait pas parlé.

- C'est la chambre d'Olivia, dit-elle doucement. Avant elle était au deuxième, mais ils l'ont descendue ici une fois qu'elle n'a plus pu…

Elle soupira et continua :

- Plus pu marcher. C'était mieux pour elle puisque le deuxième étage est vide quand je ne suis pas là. Allez, on monte !

Elle poussa tout le monde pour les faire monter au deuxième.

- Dans la partie ouest, il y a ma chambre et pas mal de chambres d'amis, c'est là que vous serez. À l'est, c'est l'ancien appartement d'Olivia.

- Montre-nous ta chambre !

Rose sourit et poussa la porte avant de les laisser entrer.

- Voilà !

Sa chambre était probablement aussi grande que le dortoir des filles à l'école. Tout était approximativement rangé et Derek partit s'affaler sur le lit le temps que leurs amis visitent.

- C'est quoi là ? demanda Padma.

- Mon dressing.

- Et là ?

- Ma salle de bains, fit Rose avec un sourire, amusée par leur curiosité. Entre !

Ils y virent entre autres une douche italienne spacieuse et une gigantesque baignoire qui leur arracha des sifflements admiratifs.

- Et dire qu'à Poudlard tu dois te contenter des toilettes et douches communes ! s'exclama Anthony.

- Quel scandale, n'est-ce pas ? rétorqua Rose en pouffant.

- Et on dort où alors ? demanda Terry.

- Ah oui ! Venez !

Rose les entraina dans le couloir et pointa différentes portes, toutes proches les unes des autres.

- Ici c'est Padma… là, Mandy… là, Michael… ici, Anthony et Lisa… et Derek et Terry !

Elle se tourna vers eux, toute contente.

- Mais euh… on a la même chambre ? murmura Lisa.

Rose perdit son air joyeux et sembla inquiète.

- … non ? On peut changer si vous voulez, c'est pas important, on a d'autres chambres disponibles, juste à côté.

Anthony aussi avait l'air perturbé maintenant et il regardait sa petite amie.

- Non mais je voulais dire, on a le droit ? clarifia Lisa en voyant la mine angoissée du grand brun. Arrête de faire cette tête !

Il lui sourit d'un coup et lui prit la main.

- Bien sûr ! J'ai demandé à mon père et il était d'accord. Il a même dit qu'il ne voyait pas l'intérêt d'essayer de vous séparer, puisque vous auriez pu vous rejoindre en douce la nuit, rapporta Rose, hilare. Donc… voilà. Mais c'est pas obligatoire.

- Ah si, si, fit Derek. C'est obligatoire, désolé Terry, le règlement c'est le règlement.

Le brun haussa les épaules.

- Si c'est la loi hein, je peux rien faire contre !

Ils s'esclaffèrent tous, avant d'entrer dans leurs chambres et de les admirer.

- Ah oui, chaque chambre partage une salle de bains avec une autre… du coup Padma et Mandy, faudra partager.

- Ça va pas être facile, on n'est pas habitués ! lança la blonde avec humour.

Puis Rose les entraina de nouveau au rez-de-chaussée tout en parlant, ravie de leur faire découvrir son domicile. Amalie les regarda passer avec un sourire aux lèvres. Le Manoir allait enfin être un peu animé.

Ils ne firent pas leurs devoirs cet après-midi, trop excités de se retrouver dans la spacieuse maison. Rose leur fit visiter le parc du domaine, racontant quelques anecdotes, auxquelles Derek se joignait souvent. Lisa vit les chiens, mais Rose l'avertit qu'ils restaient dans leur enclos dès qu'elle sortait, car ils ne la reconnaissaient plus comme avant. Elle lui conseilla de ne pas trop s'approcher de l'enclos, car c'était leur territoire. Lisa se contenta de les observer de loin.

- Je suis surprise que ce ne soient pas des animaux magiques.

- Parce que c'est difficile à cacher, expliqua Rose. Le domaine est très protégé, mais un incident est vite arrivé… en plus il y a tout un tas de lois qui régule la possession d'animaux magiques, tu sais bien.

Ils se promenèrent du côté de la forêt, regardèrent la serre du jardinier avec curiosité, et finalement cela leur prit un temps considérable de faire tout le tour avant de retourner vers la demeure.

- Mais c'est immense ! fit Mandy, essoufflée.

- Pas autant que Poudlard, rétorqua Rose en souriant. Allez, on dine maintenant !

- Enfin des bonnes paroles.

Derek les dépassa et entra dans la cuisine le premier. Il salua les elfes de maison qui y travaillaient et qui s'inclinèrent aussitôt à la vue des huit adolescents. Rose les entraina à la salle à manger, où la table avait été dressée pour huit.

- Dommage que Père soit reparti, regretta Rose. Je suis sûre qu'il aurait adoré vous rencontrer.

- Ça a l'air d'aller vraiment mieux avec lui, remarqua Lisa.

- Oui, beaucoup mieux depuis l'été dernier. À Noël c'était bien, on a passé de bons moments ensemble. Et la semaine dernière aussi.

Elle reposa sa fourchette.

- Oh ! Je sais où on pourra aller demain : aux falaises. On peut même descendre dans une petite crique et regarder la mer. Ou vous baigner si vous en avez le courage, rit-elle.

Elle réprima un autre sourire en voyant Anthony la considérer sévèrement :

- Enfin, on ira en fin d'après-midi plutôt… pour nous récompenser d'avoir bien étudié !

Et c'est exactement ce qu'ils firent. Encouragés par Rose, ils enlevèrent leurs chaussures et leurs chaussettes, comme son père quelques jours auparavant, et ils restèrent tous les huit alignés, les pieds dans l'eau, à observer l'horizon, sans parler pendant quelques minutes. Le soleil brillait et ils en profitaient, les yeux à moitié clos, paisibles.

C'est ainsi qu'ils passèrent le restant de leurs vacances : studieux jusqu'en milieu d'après-midi, ils partaient se promener dans le parc ou aux alentours jusqu'à l'heure du diner, puis ils passaient la soirée dans le grand salon, comme souvent quand ils étaient à Poudlard. Seule Rose passait voir Olivia, chaque matin, avant que les autres ne se lèvent.

Bientôt ce fut dimanche matin, et Ted les emmena tous à la gare, dans la berline agrandie magiquement pour contenir tout le monde, y compris les animaux de compagnie et les bagages. Ils aidèrent Ted à décharger la voiture, puis le chauffeur les accompagna jusqu'au quai et fut salué par huit adolescents enjoués.

- Bonne fin de semestre, Miss, dit-il à l'intention de Rose.

- Merci Ted. Rentrez bien, et à bientôt !

Il s'éclipsa et elle aida ses amis à charger les valises dans le train, toujours aussi peu rempli.

- Alors, cette vie de château ? s'exclama une voix dès qu'ils furent tous montés.

- Salut Nassim ! répondit Michael.

- C'était super ! commenta Terry.

- J'envisage de devenir Sang-Pure très bientôt, renchérit Padma.

- Tu as bronzé ! remarqua Rose. C'était bien le Maroc ?

- Au top, fit-il en attrapant automatiquement la valise de Mandy qui ouvrait la marche. Hé Idriss ! Viens aider !

Idriss sortit d'un compartiment et adressa un large sourire aux cinquièmes.

- Ah, vous voilà !

Il fit quelques pas et prit la valise que Lisa lui tendait. Elle se chargea du panier de Duke et de la cage de la chouette de Terry en plus de son sac de cours. Bientôt tout le monde fut dans le compartiment surchargé. Terry collé à lui, Derek entraina Rose sur ses genoux pour libérer une place. Enhardi par ces quelques jours passés avec elle, Anthony attira Lisa de la même manière, à la grande surprise de la rousse qui lui sourit, ravie de cette démonstration d'affection devant leurs amis. Ils profitèrent de leur voyage pour raconter leurs vacances, et les cinquièmes firent des descriptions du Manoir qui firent rire les sixièmes aux éclats, pendant que Rose leur jetait des regards amusés. Elle essayait d'éviter de regarder William, qui avait légèrement bronzé et était encore plus séduisant que d'ordinaire, il fallait bien l'admettre. Ce qu'elle n'avouerait jamais, même sous la torture, bien sûr. C'est Michael qui lui posa la question :

- Alors William, l'Espagne, finalement ?

- Comment tu as deviné ?

- Le bronzage ! s'exclama Padma. Ça m'étonnerait que tu puisses bronzer comme ça au mois d'avril en Angleterre ou aux Pays-Bas.

Il s'esclaffa.

- Bien vu !

- Alors, les Espagnoles ?! demanda aussitôt Idriss.

- Ma parole, tu es obsédé, marmonna Mandy.

- J'ai l'habitude, fit William, blasé.

Puis il se tourna vers leur ami.

- Très jolies, voilà.

- Je le savais ! s'écria-t-il, extatique. La prochaine fois, je viens avec toi.

William leva les yeux au ciel, souriant malgré tout.

Derek chuchota à Rose :

- Mon chat, tu me fais mal.

- Oh, pardon !

Elle desserra sa prise sur son bras. Elle y avait enfoncé les ongles et des marques étaient apparues sur sa peau. Derek se frotta machinalement et lui fit un petit sourire.

- Désolée… répéta-t-elle.

Elle s'énervait elle-même. Qu'est-ce que ça pouvait lui faire si William trouvait les Espagnoles jolies ?!

Heureusement, Marc se mit à raconter son séjour à Toronto et elle put se changer les idées. Elle finit par soupirer.

- J'aimerais bien visiter un jour, ça a l'air sympa…

- C'est vraiment joli, confirma-t-il. J'ai trouvé que les autochtones étaient gentils aussi.

- Un jour on ira, décida Derek, et elle lui sourit.

Rose s'étira un peu puis sauta des genoux de son ami.

- Je vais faire un tour, j'ai les jambes engourdies.

Elle sortit rapidement du compartiment, alla aux toilettes, pensant qu'il fallait qu'elle aille demander une potion à Madame Pomfresh pour ses crampes qui étaient violentes ce mois-ci. Puis elle se balada dans le couloir, remarquant qu'il y avait beaucoup de plus jeunes et peu de cinquièmes, sixièmes ou septièmes dans le train.

- Rose.

Elle se retourna vers Blaise et sourit immédiatement.

- Blaise.

Elle le rejoignit et, ne sachant pas si elle pouvait l'embrasser, attendit un peu. Il caressa sa joue de sa main.

- Je suis désolé.

- Tu l'as déjà dit, murmura-t-elle.

- Pas en direct. J'ai eu la pire réaction avant les vacances. Évidemment, que tu fais ce que tu veux de tes soirées.

- Contente de te l'entendre dire, admit Rose avec un léger sourire.

Elle rapprocha son corps du sien et leva le nez. Il sourit et se pencha pour poser un baiser sur ses lèvres.

- Tu es libre ce soir ?

Une crampe venait de la saisir et elle se dit que tout ce qu'elle voulait ce soir, c'était rester au chaud, avec la potion incroyable de Pomfresh et une bouillotte sur le ventre. Elle avait très envie de se retrouver seule à seul avec Blaise, mais là…

- Pas ce soir, souffla-t-elle. J'ai des crampes et elles me fatiguent.

- Des crampes ?

- Des crampes… de fille quoi…

Elle ne vit pas l'air un peu dégouté qu'il afficha à cet instant, car elle fut distraite par des deuxièmes années qui se couraient après dans le couloir.

- Je te redirai, d'accord ? proposa Rose.

Il approuva d'un signe de tête et l'embrassa encore avant qu'elle ne reparte vers son compartiment. Quelques mètres avant, elle vit les feuilles d'un livre déchiré éparpillées partout dans le couloir. Ronchonnant, elle s'accroupit pour les ramasser.

- Quels idiots ces gamins…

- Aurais-tu l'obligeance de te pousser, Mar…

William s'interrompit en pleine phrase, Rose releva si vite la tête qu'elle lui tourna. Il se reprit :

- Aurais-tu l'obligeance de te pousser s'il te plait ?

Rose se redressa, les mains pleines de feuilles. Son visage avait perdu sa couleur.

- Comment tu allais m'appeler ? chuchota-t-elle.

Il allait l'appeler Marietta. Sérieusement ?!

- Mais rien du tout, se défendit-il. Je n'allais pas t'appeler du tout.

Elle serra les poings et les pages se froissèrent.

- Comment tu allais m'appeler ? répéta-t-elle d'une voix égale.

Elle bouillonnait intérieurement et espéra d'un coup que quoi que Marietta ait, elle souffre. William se passa la main sur le visage, las. Mais il ne répondait toujours pas, il se contentait d'observer Rose, dont le visage était passé d'un blanc un peu maladif au rose soutenu, la colère lui montant aux joues.

- William. Réponds.

Hors de question qu'elle abandonne. Il fallait qu'il l'admette, elle ne savait pas trop pourquoi, mais il le fallait. Peut-être que ça, ça l'aiderait à tourner la page pour de bon. Parce que clairement pour le moment, ce n'était pas encore ça. Il murmura si bas qu'elle faillit ne pas entendre.

- Ma Rose. J'allais t'appeler ma Rose.

Il évitait clairement son regard. Rose déglutit et ne sut pas quoi dire. Une information atteint quand même son esprit :

- Tu n'as plus le droit de m'appeler comme ça. C'est même toi qui as fait en sorte de ne plus pouvoir m'appeler comme ça.

Il hocha la tête sans rien dire. Rose resta interdite quelques secondes, peu habituée à ce qu'il n'ait rien à dire, et choquée d'entendre ce surnom affectueux après tant de semaines, même s'il avait failli ne jamais le prononcer. Elle annonça finalement d'une voix basse et calme :

- J'y vais.

Puis elle le contourna prudemment, toujours sonnée, et retourna s'enfermer quelques minutes aux toilettes, le temps de retrouver une contenance. Elle se passa de l'eau sur le visage après avoir empilé les pages du livre entre deux lavabos. Elle se força à respirer calmement.

Mais quelle idiote… et lui aussi, franchement…

Elle chassa les larmes qui s'étaient pointées sans invitation. Ce n'était pas le moment. Elle souffla, ouvrit la fenêtre et laissa l'air frais la calmer. Quand elle estima qu'elle n'avait plus une tête à faire peur, elle retourna dans le compartiment rejoindre ses amis.

- Ça va Rose ? demanda pourtant Marc alors qu'elle se rasseyait. Tu es toute pale.

- Ça va, fit-elle avec un geste désinvolte de la main. Juste des douleurs de fille.

- Oh, désolée, fit Lisa. Tu n'as pas de potions ?

- Non, plus… j'irai voir Pomfresh tout à l'heure.

- Tiens, fit Mandy en lui tendant une tablette de chocolat. Ça fera l'affaire en attendant.

Elles rirent et Rose la remercia, croquant dans la sucrerie avec reconnaissance.

- Du chocolat ? s'étonna Idriss.

- Le remède à tous les maux, résuma Mandy avec sagesse. Surtout celui-là.

Les trois autres filles hochèrent vigoureusement la tête. Rose partagea le chocolat avec ceux qui la regardaient avec envie puis laissa aller sa tête contre Derek.

Avant le diner, elle se faufila dans l'infirmerie et en ressortit avec un stock de potion contre les crampes. Elle en avala une avant d'aller manger avec ses amis. À peine fut-elle assise qu'elle reçut un coup de coude de Mandy qui tentait de rester impassible mais échouait visiblement.

- Marietta… souffla-t-elle très bas. À ta gauche.

Rose resta très discrète et jeta un œil puis ouvrit grand les yeux vers son assiette. Marietta était revenue et maintenant on pouvait voir pourquoi elle s'était planquée tout ce temps à l'infirmerie : sur son visage s'étalait de très moches boutons, qui n'avaient rien à voir avec de l'acné. Et en prime, ils formaient le mot « CAFARD », traversant son visage de part en part. Bien qu'elle sache parfaitement ce que ça faisait d'avoir le visage défiguré, Rose se réjouit de n'avoir qu'une cicatrice qui lui barrait les traits, et pas une preuve incontestable de sa traitrise collée à la peau. Complètement distraits, les Serdaigles ne parlèrent pas beaucoup et remontèrent vite à leur tour, impatients de parler de Marietta et de ses malheurs.

- Elle l'a bien cherché ! lança directement Mandy, peu incline au pardon.

- C'est violent quand même, tempéra Michael.

- C'est incroyable que ça ne soit pas parti en presque trois semaines, s'étonnait Terry.

- Vous pensez que Pomfresh n'a pas pu les lui enlever ? interrogea Idriss.

- Ce serait bizarre quand même… mais bon, si c'est Hermione qui a ensorcelé le parchemin, pourquoi pas.

- Il y en a un qu'on n'entend pas beaucoup, chuchota d'un coup Derek.

Ils se tournèrent tous vers William, installé sur un fauteuil. Il ne disait en effet pas grand-chose et les onze Serdaigles le regardèrent avec curiosité. Nassim s'assit près de lui.

- Ben alors, tu défends pas ta copine ?

Son ton était amical mais William fronça aussitôt les sourcils et les considéra tous.

- C'est pas ma copine, assena-t-il brutalement.

- Ok, ok, pardon, fit Idriss en levant les mains en un geste de défense. On pouvait pas deviner que c'était fini.

- Tu crois vraiment que je resterais avec une balance ? questionna-t-il, calme mais ferme.

Ses yeux bleus lançaient des éclairs. Rose se força à détourner le regard et attribua le pincement qu'elle venait de ressentir dans le bas-ventre à ses crampes.

- Mais non, tempéra Marc. On cherchait juste à te faire participer à la conversation, c'est tout.

William maugréa puis finit par se détendre et leur sourire.

- Bon, on joue ? proposa-t-il en tendant le bras vers le jeu de cartes qui était toujours par là.

- Bonne idée ! approuva Terry.

Ils s'installèrent tous et commencèrent une partie. Rose se laissa glisser sur le tapis, le dos appuyé contre les jambes de Derek. Il voyait son jeu mais elle s'en fichait éperdument. Ils continuèrent, malgré eux, à parler du cas Marietta pendant la partie, se demandant quand ses pustules allaient disparaitre et si toute l'école était au courant de leurs réunions ou pas, à la suite de la trahison.

Rose fut parmi les premières à perdre et se contenta d'observer tout le monde, les mains vides. Malgré la potion, une crampe commençait à pointer le bout de son nez et elle essayait de l'ignorer. Ce n'était pas de la tarte, ce mois-ci. Mais elle savait que ça ne durait jamais longtemps, deux jours tout au plus. Encore demain et les douleurs s'évanouiraient. Derek lui pressa l'épaule et lui gratouilla la nuque pendant qu'il jouait. Elle ferma les yeux et profita. Elle dut soupirer une fois de trop – expirer un peu fort l'aidait à détendre ses muscles contractés – car une voix lui demanda :

- Tu as pris la potion de Pomfresh ?

- Oui, oui…

Puis elle ouvrit les yeux. William la regardait avec inquiétude. Il n'avait pas le droit de faire ça. C'était injuste de se faire du souci pour elle maintenant. C'était trop tard. Elle secoua un peu la tête et détourna le regard. Elle laissa la partie se terminer, puis se releva.

- Je vais me coucher. Seul mon lit peut m'aider maintenant, déclara-t-elle d'un ton fataliste pour faire rire tout le monde.

- Bonne nuit mon chat, dit Derek en lui embrassant la joue.

Les filles la suivirent peu après. Il se faisait tard et ils avaient cours le lendemain, après tout.

- Mais ils essaient de nous achever ou quoi ? soupira Padma, le visage défait par le stress et la fatigue.

- Probablement… murmura Michael, l'esprit déconnecté.

- J'en peux plus, geignit Mandy en se prenant la tête dans les mains.

Tous les autres autour poussèrent les mêmes soupirs. Si les cinquièmes pensaient que les professeurs leur avaient déjà donné tous les devoirs auxquels ils avaient pu penser, cette première semaine de cours après les vacances les détrompa : ils avaient beaucoup de ressources concernant la torture d'étudiants.

- Ça devrait être illégal de nous infliger autant de devoirs, maugréa Derek. On n'a même pas eu le temps de s'entrainer au Quidditch.

En effet, terrassés par la masse de travail à abattre, les cinquièmes et les septièmes avaient annulé l'entrainement de Quidditch la veille au soir. Idriss et William étaient partis voler seuls et étaient rentrés tard, pourtant ils étaient quand même tombés sur les studieux Serdaigles qui semblaient collés à leurs chaises. Par solidarité, Nassim et Marc avaient étudié toute la soirée avec eux, mais s'étaient discrètement éclipsés en ce vendredi soir. Les sixièmes n'étaient nulle part en vue.

Bien évidemment, Rose et Blaise ne s'étaient pas vus, à part en cours. L'un et l'autre s'étaient mis d'accord sans se disputer une seule fois, et avaient même convenu de se retrouver à la Bibliothèque tout le samedi. Rose ne pensait plus qu'à ça, comme un phare au bout de l'océan de devoirs où elle tentait de ne pas se noyer.

- Je vous préviens, la semaine prochaine, hors de question que je me laisse envahir comme ça, finit par murmurer Terry. Tant pis si je ne rends pas quelques devoirs…

Les autres le regardèrent, surpris.

- Je vois pas comment on pourrait tenir jusqu'aux examens si on continue sur le même rythme pendant presque deux mois, termina-t-il, l'air déterminé.

Quelques hochements de tête approuvèrent.

- Tu as raison, dit finalement Anthony. Je ne vois pas l'intérêt de nous torturer comme ça, on est assez grands pour savoir comment organiser nos révisions pour les BUSE.

- Si c'est Anthony qui le dit, alors c'est la loi ! s'exclama aussitôt Rose.

Ils se sourirent, détendus pour la première fois depuis leur retour en cours.

- Bon, j'arrive plus à rien, annonça Mandy. J'arrête.

- Pareil, approuva Michael en posant sa baguette, renonçant à faire disparaitre des bouts de parchemin.

L'un après l'autre, ils terminèrent leur phrase, leur paragraphe et abandonnèrent. Rose partit se coucher rapidement, un mal de tête l'ayant prise à force de loucher sur ses manuels de Métamorphoses.

Le lendemain, cela lui prit un temps fou de choisir ses vêtements. Enfin, elle allait s'habiller pour autre chose que les cours ou une révision au coin du feu dans la Salle Commune ! Elle finit par opter par une jupe noire en jean et un pull bleu dont elle glissa une partie de l'ourlet dans la ceinture de sa jupe. Elle vérifia le contenu de son sac de cours et descendit au petit déjeuner avec les autres, puis se dirigea vers la Bibliothèque. Elle n'avait pas vu Blaise en sortant de la Grande Salle, mais elle n'était pas inquiète, il serait là.

Il l'attendait à l'entrée, et son sourire lui réchauffa le ventre. Elle eut une envie subite de laisser tomber les devoirs pour aller faire autre chose avec lui. Se raclant la gorge, elle se planta à côté de lui et sourit à son tour. Il se pencha, frôla ses lèvres.

- Bonjour Rose.

- Bonjour Blaise.

Ils restèrent quelques instants, les yeux plongés dans ceux de l'autre. Puis Blaise eut un nouveau sourire et entraina Rose par la main dans la Bibliothèque. Comme toujours, ils trouvèrent un coin calme et s'installèrent côte à côte.

- Tu commences par quoi ?

- J'ai ce truc à finir pour les Potions, dit-elle en montrant son parchemin partiellement écrit. Toi ?

- Sortilèges.

Rose extirpa son livre de son sac.

- Tu voudras bien relire mon devoir de Potions ? demanda-t-elle.

- Si tu relis ma dissertation de Sortilèges.

- Marché conclu, accepta-t-elle avec un sourire. Tu as eu le temps de pratiquer les sorts depuis la rentrée toi ?

- Un peu, mais on a reçu plein de devoirs théoriques à rédiger.

Elle hocha la tête, dans la même situation et se pencha finalement sur ses devoirs. Il l'imita rapidement. Ils se lançaient de petits regards de temps à autre, se souriant doucement. Leur matinée s'écoula au rythme de leurs plumes sur le parchemin et de leur chuchotis pour comparer leurs écrits et se relire mutuellement. Puis Rose posa sa plume et s'étira.

- J'ai faim.

- Moi aussi. Tu veux aller dans la Grande Salle ?

Elle fit la moue. Elle n'avait pas envie de quitter Blaise. Une idée lui vint subitement.

- On va dans les cuisines ?

- Bonne idée, répondit-il aussitôt.

Ils rassemblèrent leurs affaires et sortirent, la main dans la main. Une fois dans le bon couloir, Blaise la retint et ferma les yeux. Elle sourit.

- Tu as fait une promesse, rappela-t-il.

- Tout à fait.

Elle le guida vers la bonne porte, chatouilla le fruit et descendit les premières marches, Blaise à sa suite, les yeux toujours fermés et sa main fermement enroulée à la sienne.

- C'est bon, tu peux ouvrir les yeux.

Ses yeux noirs apparurent et Blaise se pencha aussitôt pour embrasser Rose, d'un long baiser appuyé, posant sa main libre dans le creux de son cou. Lorsqu'il recula, Rose mit quelques secondes à se rappeler ce qu'ils faisaient là. Les saluts respectueux des elfes de maison la ramenèrent à la réalité.

- Euh, oui, manger…

- On prend des sandwiches et on va manger ailleurs, décida Blaise d'un coup.

- Oui, très bien… dehors ?

- Je pensais à un lieu plus intime, dit-il à voix basse.

Son regard pénétrant faillit la faire bafouiller de nouveau, alors elle hocha la tête. Blaise s'adressa aux elfes pour demander leur repas et ils attendirent patiemment, les mains toujours l'une dans l'autre. Ils sortirent, leurs sacs pleins, et Rose guida Blaise qui avait de nouveau baissé les paupières.

- C'est bon, ouvre les yeux, on est loin.

Il s'exécuta et la regarda encore profondément. Elle ne savait pas si elle allait pouvoir marcher jusqu'à la salle abandonnée s'il continuait à la regarder comme ça.

Finalement ses jambes coopérèrent et ils refermèrent la porte derrière eux, Rose lançant les sorts habituels pour éviter d'être dérangés. Ils s'assirent sur des bureaux pour manger, tout en discutant. Blaise lui raconta ses vacances très peu intéressantes selon lui, car il était resté avec sa mère et n'avait fait qu'étudier ou presque. Lorsqu'il eut terminé de manger, il s'essuya les mains sur une serviette, but un peu d'eau et sauta du bureau où il s'était perché. Il s'approcha de Rose, qui tenait une bouteille dans les mains et le détaillait présentement des pieds à la tête, son repas oublié. Il lui prit la bouteille et la posa à côté. Puis il se fit d'autorité une place entre les jambes de Rose et saisit ses lèvres contre les siennes. Son baiser fut passionné et Rose s'y plongea avec délice. Bientôt elle se laissait glisser tout au bord de la table pour se coller à lui et passait ses mains sous son pull. Il portait un t-shirt en dessous et Rose se dit que ce serait plus rapide à lui enlever qu'une chemise. Blaise la devança et fit passer le pull bleu par-dessus la tête de Rose et la regarda avant de poser ses lèvres sur les épaules dénudées. Elle se laissa faire, les mains accrochées au pull qu'elle n'avait pas eu le temps de soulever. Il se recula et le pull gris rejoignit le bleu, en tas sur la table. La langue de Blaise se glissa dans la bouche de Rose. Elle la suça et enroula ses mains autour de son cou pour le maintenir tout contre elle. Le débardeur s'ajouta à la pile de vêtements, puis le t-shirt de Blaise. Ils se caressèrent la peau, en regardant chaque détail. Rose se pencha et embrassa, le torse, les côtes, le ventre. Blaise la ramena contre sa bouche et plaqua leurs bassins, dans un mouvement qui fit gémir Rose dans le fond de sa gorge. Il ne put s'empêcher de bouger les hanches contre elle et elle enroula ses deux jambes autour de lui en réponse. Aussitôt sa grande main alla sous sa jupe et toucha le bord des bas, et Blaise eut un petit sourire. Il caressa la peau douce et remonta encore, jusqu'à toucher son sous-vêtement. Rose bloqua sa respiration quand les doigts de Blaise passèrent sous le tissu, restant sur ses hanches. Il embrassa alors dans son cou, sa clavicule, son épaule qu'il mordilla. Elle respira à nouveau et sourit à la morsure légère. Les mains de Blaise quittèrent ses hanches et vinrent faire glisser les bretelles de Rose sur ses bras. Puis il dégrafa son soutien-gorge et le lui retira, lentement. Il se pencha aussitôt sur ses seins et les embrassa, comme il l'avait fait auparavant. Rose ferma les yeux et d'autres gémissements plus francs lui échappèrent quand elle sentit une langue caresser la pointe de ses seins. Elle adorait quand il faisait ça. La langue de Blaise joua encore quelques instants, arrachant des soupirs et des petits cris à Rose qui ne faisaient qu'enhardir Blaise dans sa caresse. Elle resserrait instinctivement ses jambes autour de lui, pressant son bassin contre le sien. La main de Blaise se fraya un chemin entre les cuisses de Rose et repoussa la jupe qui la gênait. Cette fois, les doigts soulevèrent le tissu fin pour s'y faufiler et bientôt Rose sentit les doigts de Blaise contre elle. Elle sursauta et ne se figea qu'une seconde avant de se détendre à nouveau, emportée par le tourbillon de plaisir de la langue de Blaise sur ses seins et ses doigts contre son intimité humide. Il parvint à bouger ses doigts sur elle, touchant doucement, prenant son temps pour la découvrir. Bientôt il comprit où insister en suivant les indications involontaires de Rose, qui pressait ses cuisses ou gémissait. Elle aurait bien été incapable de le guider autrement, sa voix ne lui obéissait absolument plus. Blaise bougea alors son majeur sur elle, prenant un rythme qui faisait haleter Rose. Il ne put résister à venir l'embrasser encore, délaissant sa poitrine le temps d'imprimer un baiser suave sur ses lèvres. Il resta là car elle avait attrapé son bras et ne semblait plus pouvoir le lâcher. Alors il les replongea dans un nouveau baiser, ne s'interrompant que pour susurrer :

- T'es tellement excitante…

Ce qui arracha un autre cri à Rose alors que les doigts de Blaise devenaient plus fermes contre sa chair. Elle tentait de garder les yeux ouverts pour le regarder, mais le plaisir lui faisait automatiquement fermer les paupières et c'était dur de lutter.

Soudain, ses muscles se contractèrent une dernière fois, violemment. Elle inspira bruyamment et se laissa envahir par l'orgasme qui éclatait en elle. La vague de plaisir était si intense qu'elle ferma les yeux plus forts. Blaise laissa échapper un grognement lui aussi et la cadence de ses doigts ralentit quand Rose posa une main sur son avant-bras.

Elle mit un moment à revenir à elle, l'esprit à mille lieux de là où elle était. Elle avait le souffle court et les muscles tremblants. Sa prise sur les bras de Blaise se desserra peu à peu et elle le libéra, bien qu'il n'ait rien dit. Il enleva ses doigts, lui provoquant un dernier spasme délicieux. Ils se regardaient sans parler, momentanément muets tous les deux. Blaise finit par sourire et l'embrassa sur ses lèvres gonflées et rougies d'avoir été mordillées, par lui et par elle. Elle enroula ses bras autour de lui et il posa ses mains sur ses seins, les enserrant avec douceur. Il recula son visage de quelques centimètres d'elle et murmura :

- Meilleure séance de devoirs du monde…

Ce qui la fit rire, avant qu'elle n'ait un frisson. Comprenant qu'elle avait froid, Blaise lui tendit un à un ses vêtements et la regarda les enfiler, profitant une dernière fois de la vue de son corps presque nu devant lui. Il ne résista pas et posa ses lèvres entre ses seins avant qu'ils ne disparaissent sous le tissu. Rose prit son visage entre ses mains et l'embrassa longuement, détendue.

- C'était… fou, dit-elle finalement d'une voix un peu rauque.

Il sourit et lui fit un dernier baiser avant de s'éloigner pour remettre ses vêtements à son tour.

- Dommage, soupira-t-elle. J'aime bien quand tu es torse nu devant moi.

Cette fois il eut un petit rire.

- Moi aussi, j'aime bien quand tu es à moitié nue, figure-toi.

- On devrait le faire plus souvent alors.

Il lui lança un autre de ses regards pénétrants.

- C'est faisable.

Et il lui arracha un autre baiser avant de l'aider à descendre du bureau. Ils allèrent naturellement s'installer sur le canapé et se laissèrent un long moment de calme, profitant l'un de l'autre. Puis la voix de la raison s'éleva :

- On continue nos devoirs ?

Il soupira.

- Oui Madame Serdaigle.

Elle sourit et alla chercher leurs affaires. Ils restèrent sur le vieux canapé, approchant une table pour y poser des livres si nécessaire.

- Tiens, tu veux bien lire ça ?

Blaise lui tendit son document et elle se lança dans sa lecture, ses doigts jouant distraitement sur la cuisse de Blaise. Elle fit quelques remarques qu'il nota, très concentré.

Ils ne se séparèrent qu'en fin d'après-midi, une fois leurs dissertations terminées et après un baiser fiévreux sur le canapé qui les obligea à rajuster leurs vêtements avant de quitter leur salle et de retrouver le monde réel. Ils s'embrassèrent encore furtivement dans le couloir avant que Rose ne reparte vers son dortoir.

Elle salua Mandy, Terry et Nassim qui étaient dans les parages puis monta poser toutes ses affaires dans la chambre. Elle fit un peu de rangement et passa dans la salle de bains vérifier que ses vêtements étaient bien remis. Elle démêla ses cheveux et les tressa, puis rejoignit ses amis dans la Salle Commune.

- Ça s'est bien passé ? chuchota Mandy.

- Journée parfaite, rétorqua Rose avec un sourire, sans élaborer.

Elle fit signe à Mandy qu'elle lui raconterait plus tard et la blonde hocha la tête, replongeant dans son devoir.

- Où sont les autres ? demanda Rose à Terry qui profitait de son arrivée pour faire une pause.

- Entrainement de Quidditch pour les joueurs, Bibliothèque pour les autres. Je crois que Padma est avec sa sœur, à la Bibliothèque aussi je suppose. Tu ne les as pas vus ?

- On a quitté la bibli au déjeuner, expliqua Rose brièvement.

- On vous a pas vus dans la Grande Salle au fait ?

- On a pris à manger aux cuisines.

Rose finit par faire les gros yeux à Mandy et Terry qui étaient à la pêche aux informations de manière très peu subtile.

- Derek était tout inquiet, ajouta Terry.

- Du coup tu es allé le rassurer dans un recoin de votre chambre ? taquina Rose.

- Même pas ! Je l'ai envoyé se défouler sur le terrain de Quidditch. Il devenait insupportable à tourner en rond. C'est pas bon qu'il reste tout le temps enfermé à faire des devoirs.

Rose pouffa et fut bien d'accord avec lui. Derek était très intelligent, avait un don de legilimencie incroyable – même s'il ne l'utilisait pas autant qu'il le pourrait d'après Rose – mais ne gagnait pas à être cloitré trop longtemps dans une pièce sans pouvoir utiliser tous ces muscles qu'il entretenait régulièrement.

En attendant que tout le monde rentre, elle attrapa les brochures d'orientation qui trainaient dans la salle et se plongea sérieusement dans leur lecture. Elle élimina d'emblée tout ce qui avait trait aux plantes évidemment. Pas la peine de se mettre en échec dès le début ! Elle était parfaitement perdue avec tout ça. Elle commençait à se demander si elle n'allait pas essayer d'obtenir des BUSE dans toutes ses matières – sauf Astronomie et Botanique de toute évidence – les garder pour la sixième et la septième année et tout présenter aux ASPIC. De cette manière, elle aurait un maximum de choix pour l'après Poudlard… même si cela risquait d'être terriblement difficile. Peut-être qu'elle pourrait obtenir une BUSE pour l'Étude des Moldus et abandonner par la suite ? Ce n'était pas le sujet qui la passionnait le plus et elle ne se voyait pas travailler dedans à l'avenir. Pour être honnête, c'était surtout pour Derek qu'elle avait pris cette option, pour mieux comprendre ce qu'il connaissait. Elle était contente de son choix, elle avait appris beaucoup de choses. Mais elle préférait largement les Sortilèges et la DCFM, par exemple. Ses choix se portaient sur ce dont elle avait parlé avec son père à Noël : Sortilèges, Métamorphoses, Potions, DCFM, Runes Anciennes. Elle abandonnerait probablement l'Études de Moldus donc, et sans aucun doute l'Astronomie et la Botanique. Et pour Histoire de la Magie, elle était encore indécise finalement. Lui serait-ce vraiment utile pour les ASPIC et surtout pour sa vie professionnelle après ?

Elle soupira en lisant d'autres brochures, présentant des métiers qui n'éveillait aucun intérêt en elle.

Travailler pour une banque, non merci…

À la régulation des créatures magiques… Elle eut un petit rire. Mauvaise idée…

Département des accidents et catastrophes magiques, l'idée était intéressante mais elle n'était pas convaincue de vouloir travailler pour le gouvernement.

Elle enviait Lisa et Anthony, qui étaient décidés depuis longtemps. Tout comme Derek, même s'il ne l'avait jamais dit à personne sauf elle.

Rose releva la tête, sachant que Derek arrivait, justement. Bientôt l'équipe de Quidditch passa la porte. Ils avaient tous l'air heureux de leur séance dans les airs. Rose sourit tendrement à Derek et rassembla les brochures pour les remettre à disposition de tout le monde. Elle n'était pas plus avancée finalement… Son ami s'approcha d'elle.

- Qu'est-ce que vous avez fabriqué avec Blaise pour qu'on vous voit pas de la journée ? demanda-t-il en se plantant devant elle.

- Chuuuut ! fit-elle aussitôt, secouant la main pour le faire taire et rougissant un peu.

- Aha, je le savais. Tu as tâté de sa fougue ? continua-t-il un ton plus bas.

- Mais arrête ! protesta-t-elle.

Comme il ne la quittait pas des yeux, elle leva un sourcil. Et craqua.

- C'est lui qui a tâté de la mienne, voilà, marmonna-t-elle, les joues en feu.

Il éclata de rire et fila prendre une douche, imité par toute l'équipe.

Après le dîner, pendant lequel Derek n'arrêta pas de la taquiner discrètement pour la mettre mal à l'aise – ce qui fonctionna parfaitement car elle était de plus en plus rouge et n'arrivait pas à le faire taire – les Serdaigles se répartirent sur leurs fauteuils et canapés favoris pour se détendre et faire autre chose que leurs devoirs, sur ordre d'Anthony et Padma en leur qualité de préfets. Ils n'eurent bien sûr pas d'autre choix que de suivre leurs instructions. Rose papota avec Marc, Terry et Padma pendant que Lisa se plongeait pour la millième fois dans son livre sur les créatures magiques, la main d'Anthony distraitement posée sur son genou. Il était de plus en plus démonstratif en public et cela fit sourire Rose. Les sept autres jouèrent aux cartes, comme souvent. Ils s'étaient lancés dans un nouveau jeu dont Nassim et Idriss tentaient vainement d'expliquer les règles. Personne ne semblait comprendre mais ils riaient beaucoup en les interrompant pour faire des commentaires. Ce n'est que lorsque Nassim abandonna et déclara qu'ils allaient faire une partie pour leur montrer comme jouer que le paquet de cartes fut mélangé. En distribuant les cartes, William en laissa échapper quelques-unes qui atterrirent sur le tapis, non loin de Rose.

- Oups !

- Attends, je les attrape, fit Rose avant de se pencher et de ramasser les cartes sous la table basse.

Elle les rassembla et les tendit à William, se tendant vers lui. Il lui sourit, elle répondit de la même manière. Et d'un coup, elle s'immobilisa, ses yeux dans les siens, si bleus.

Une évidence venait de lui éclater dans la tête. L'esprit encore préoccupé par son après-midi torride avec Blaise, elle repensa en une fraction de seconde à son rêve érotique des vacances. Des détails lui revinrent en mémoire et défilèrent à toute vitesse. Et surtout, une phrase en particulier résonna en elle.

« Jouis pour moi, ma Rose. »

Une seule personne l'appelait comme ça. Et ce n'était absolument pas Blaise.

Elle se rendait compte maintenant qu'elle n'avait pas rêvé de Blaise qui la touchait jusqu'à l'orgasme. C'était William.

Le sang afflua sur son visage alors qu'elle revoyait certaines images. Les bras qui la tenaient, ceux de William. La bouche qui l'embrassait, celle de William. Les yeux qui la regardaient gémir, ceux de William. Le bleu intense de ses prunelles s'afficha dans sa tête et elle se demanda comment elle avait pu passer à côté de ce détail. Les doigts qui la touchaient – elle y jeta un œil malgré elle – ceux de William.

Bouleversée, elle rata sa main et lâcha presque les cartes dans le vide.

- Attention ! s'exclama-t-il en les rattrapant.

- Désolée, chuchota-t-elle, les joues rougies.

- Tu es distraite, dit-il doucement en continuant de l'observer, perplexe face à la rougeur qui envahissait le visage de Rose.

Leurs doigts se frôlèrent et son regard se fit plus intense sur elle. Elle ne parvint même pas à lui sourire et retourna contre les jambes de Derek, n'osant plus regarder William dans les yeux.

Deuxième vérité à laquelle il lui fallait bien faire face : malgré son affection et son désir pour Blaise, Rose ne parvenait pas à reléguer William au passé.

Elle ferma les yeux et s'avoua ce qu'elle essayait d'oublier depuis le mois de février : lorsqu'il était à l'infirmerie, elle allait lui dire que c'était lui qu'elle avait choisi. Sans avoir besoin de compter les points.