3.

Sa cheminée s'allume s'enflammant d'une couleur verte avant que Minerva n'entre dans ses quartiers.

-Severus, elle sourit facilement, puis s'assoit dans le fauteuil le plus usé, le bordeaux, celui dont le velours râpe à certains endroits, trop de fois chauffé par les innombrables tasses de thé.

En face d'elle, dans le fauteuil plus récent aux teintes brunes, Rogue se masse les tempes, les yeux fermés, l'air maussade.

Plus maussade que d'habitude.

-Migraine ? Questionne McGonagall.

Severus secoue la tête, les dents serrées.

-Une nuit trop courte...

Minerva garde son sourire en essayant de ne pas laisser transparaitre son impatience.

Elle veut connaître l'histoire, celle qui commence avec l'arrivée d'une biche argentée lui assurant que Harry Potter allait bien mais qu'il resterait dans les appartements de son professeur de Potions.

Ce même professeur qui assure à qui veut l'entendre, qu'il déteste « Le Garçon Qui a Survécu »...

Mais elle, elle ne l'a jamais cru.

Pas qu'elle lui ait dit qu'elle avait vu au travers de ses mensonges, mais non, elle ne le croit pas.

Elle le connait.

L'a vu franchir les portes de Poudlard lorsqu'il avait onze ans.

Puis l'a regardé grandir, apprendre, trahir, blesser puis trahir de nouveau pour retrouver le bon chemin... avec un cœur brisé et une âme amochée.

Elle le connait et sait que d'ici la fin de leur rencontre, il lui aura avoué ce qui le tracasse.

C'est toujours le cas ou presque.

-Dobby, grogne Severus, au bout de quelques minutes.

Il y a un « Pop » sonore avant qu'un elfe aux oreilles immenses et au sourire encore plus grand ne se matérialise devant eux.

-Severus Rogue a demandé Dobby et Dobby est venu, Severus Rogue. Madame la Directrice adjointe, Dobby est heureux de vous voir Madame.

-Bonjour Dobby, sourit Minerva.

-Dobby peut-on avoir un plateau de thé, celui que le Directeur a ramené d'Inde et les biscuits au beurre de cacahuètes, la recette de Winky...

-Dobby est heureux de préparer le plateau pour Monsieur le maitre des Potions et Madame la directrice adjointe, Dobby revient de suite Severus Rogue.

Il y a de nouveau un « pop » puis un silence d'une poignée de secondes et de nouveau l'arrivée de l'elfe.

-Dobby a apporté votre plateau Monsieur.

-Merci Dobby, tu peux y aller.

L'elfe sourit encore une fois, étirant son visage en une grimace joyeuse.

-Dobby souhaite une bonne soirée à Severus Rogue et à Madame McGonagall.

Dernier « pop » et les voilà seuls.

Severus s'occupe du thé, toujours sans un mot et Minerva prend le temps d'observer les appartements du Maitre des Potions.

Elle remarque d'abord l'album de photos sur la table basse, pas très loin d'où Dobby à déposer son plateau. Elle connait cet album, peut-être est-elle la seule, elle ne sait pas, mais elle a eu la chance -le privilège?- de pouvoir en feuilleter les pages, il y a quatre ans, une nuit d'Halloween. Ses yeux se perdent ensuite sur le canapé, elle cherche le plaid de laine et de velours qu'elle sait être sur le dos du sofa, aussi est-elle surprise quand elle le trouve plié à coté de deux coussins.

Le bruit d'une cuillère heurtant la porcelaine de sa tasse l'a fait tourner la tête.

Ses yeux trouvent ceux de Severus, elle ne dit rien mais lui comprend.

-Minerva... Il commence.

-Severus. Elle répond le sourire connaisseur.

Rogue soupire, oublie sa tasse et ses biscuits et laisse sa tête se poser contre le dossier de son fauteuil.

-Pourquoi Albus fait-il ça ? Il dit seulement, surprenant Minerva.

Elle lève les sourcils ne dit rien, la suite n'est pas loin.

-Pourquoi ne veut-il toujours voir que le Plus Grand Bien... qu'importe les moyens, il ne s'intéresse qu'à la fin.

Elle entend la peine et la lassitude dans la voix de Rogue et une nouvelle fois, elle se demande ce qu'il a pu se passer ici hier soir.

-Et ses innombrables deuxièmes chances qu'il distribue comme ses horribles bonbons au citron.

A ça elle rigole, reposant sa tasse de peur de renverser du thé.

-Nous n'aurions pas cette conversation si Albus n'aimait pas autant croire que chacun mérite une seconde chance... N'est-ce pas ? Elle dit calmement.

Rogue marmonne quelque chose d'inintelligible. McGonagall rigole une peu, puis sérieuse et sincère, elle continue.

-J'ai mis du temps à lui pardonner, moi aussi. Elle commence. Pour l'incident de la Cabane Hurlante.

Severus relève la tête, surpris.

Et Minerva peste à son tour contre la grandeur de Dumbledore et sa vision de la justice. Quand ses yeux rencontrent ceux de Severus, ce n'est pas le Maitre des Potions qu'elle voit mais l'adolescent, celui de tout juste quinze ans, blessé et effrayé après sa rencontre organisée avec un Loup Garou.

Elle voit la tristesse de s'être vu refusé une justice et de n'avoir eu personne pour panser ses blessures.

Les visibles et les autres.

Celles qui sont restées.

Et qui ont déteinte, gâchant plus d'une vie.

Alors même si c'est un peu tard, même si le mal est déjà fait, elle vient doucement poser un pansement sur une blessure vieille de vingt ans.

-Ils n'avaient aucun droit. Elle dit simplement. Sirius, Peter et James, ils n'avaient pas à faire ça, à satisfaire leur ennui ou leur besoin de revanche en vous prenant pour cible. Et ce qu'ils ont fait ce soir là, bien que James semble avoir eu assez de remords pour éviter le pire, mais ce qu'ils ont fait est impardonnable.

Presque inconsciemment, Rogue soupire une expiration longue comme coincée depuis vingts ans.

-Parfois, continue McGonagall, parfois je me demande si ce n'est pas ça qui a fait basculé Peter. Elle s'arrête prend sa tasse y ajoute encore un peu de lait.

-J'adorais ces garçons. Elle sourit à ses souvenirs. On ne le dit pas, on ne le montre pas, mais il y a toujours des élèves qui vous marquent plus que d'autres. Et eux étaient brillants, amusants, espiègles et loyaux. Mais je pense qu'ils partageaient la même faute que celle d'Albus, ils ne croyaient qu'en la lumière. Au Plus Grand Bien. Et quiconque avait une part de gris ne pouvait faire partie de leur monde.

-De leur royaume, plutôt... Grince Rogue.

Minerva sourit tristement.

-Peut-être, oui... Maintenant, avec le recul, je pense que c'est ça qui a effrayé Pettigrew. Le pouvoir il aurait pu en avoir avec eux, certainement plus qu'il n'en aura jamais avec Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le nom. Mais je crois qu'il savait qu'il ne pourrait pas tout sacrifier pour la Lumière. Pas comme les autres, eux auraient été prêt à mourir pour sauver les autres, mais lui, non. Il l'a prouvé plus tard.

Le silence qui suit est apaisant, comme l'image d'une éponge qui efface de vieux écrits d'un tableau noir.

Minerva prend un biscuit, le trempe légèrement dans son thé, elle sait que l'histoire qu'elle attend n'est pas loin.

Elle arrive, et la première phrase et un autre soupir.

-Potter n'est pas... Potter... dit seulement Severus.

Sa collègue rit.

-Je vous ai connu plus sensé.

-Harry Potter ne ressemble en rien à James Potter, enfin si on oublie cette coiffure impossible, son air arrogant et...

-Severus ?...

Nouveau soupir.

-Je l'ai trouvé dans un couloir du second étage, hier soir. Il sortait d'une retenue avec notre chère professeur Ombrage. Commence le maitre des Potions. Il était en pleine crise de panique.

McGonagall, se redresse, abandonne sa tasse.

Ecoute, attentive.

Elle aussi a vu les signes, mais Potter n'a rien voulu lui dire, seulement qu'Ombrage ne voulait pas le croire sur le retour du Mage noire.

-Dolores Ombrage possède une Plume-à-Sang.

-Comment ?

-Certainement volé dans une vieux tiroir d'une salle oubliée du ministère...

-Il faut en parler à Albus !

Rogue soupire, se lève, fait les cents pas devant sa cheminée.

-Potter a soulevé un point important, hier, quand j'ai eu cette même discussion avec lui. Si Albus apprend l'existence des méthode de Dolores, il passera à l'action sans aucun doute.

-Exactement ! Approuve McGonagall.

-Et alors le Ministère aura tout le loisir de trouver un argument quelconque pour le renvoyer. Ombrage n'est qu'un outil pour Fudge, elle est le moyen de se débarrasser d'Albus.

Minerva soupire, comprend elle aussi la logique derrière ce raisonnement.

-Combien de fois l'a t'elle utilisée, sa plume ? Elle demande soucieuse.

-Sur Potter, déjà une bonne dizaine de fois, et il lui reste des retenues. Il y en aurait d'autres, je n'ai pas de noms...

L'enseignante de métamorphose acquiesce.

-J'en parlerai à Filius et Pomona, on pourra certainement essayer d'interférer dans les punitions de cette... cette...

-Sorcière ? Sourit légèrement Rogue.

McGonagall lui rend, timidement, puis elle reprend le cours de ses pensées.

-Vous n'avez pas emmené et gardé Potter ici, pour une crise de panique ?

Severus se rassied, ses yeux frolant l'album photos.

-Il en a eu trois. Deux plutôt importantes. Avec de la fièvre, des tremblements, un pouls fuyant...

Minerva fronce les sourcils. Rogue continue.

-Pétunia déteste la magie. Il dit en surprenant une nouvelle fois son ancienne professeur. Déjà quand nous étions enfants elle nous jalousait. Et Dursley...

Il grimace.

Reprend.

-Je ne l'ai croisé que deux fois, un été chez Lily, déjà immense, énorme et complètement arriéré et la seconde le jour de... de l'enterrement...

Il s'arrête, chasse la peine qui s'enroule dans sa gorge.

-Albus leur a donné une chance de trop. Il dit finalement et Minerva comprend.

Doucement, elle attrape la main de cet homme, comme elle l'a fait de nombreuses fois.

La première c'était un soir de Mai, en 1976. Il était dans un couloir du cinquième étage, assis les marches d'une salle de classe abandonnée. Bien après le couvre-feu. Il regardait son bras. Sa nouvelle marque, sa nouvelle appartenance.

Ce qu'il croyait, alors être sa nouvelle famille.

Comme il s'était trompé.

Elle s'était avancée et il avait voulu cacher la Marque, elle l'en avait empêché. D'un ton sec lui avait dit de la suivre et pendant les trois minutes qu'avait duré le trajet, il pensait sa carrière scolaire à Poudlard terminée.

Il avait été surpris de se retrouver dans les appartements de la directrice de Gryffondor, bientôt un thé dans les mains et une demande d'explication.

Et lui avait expliqué.

La mort de sa mère, les coups de son père, l'offre de Lucius et la reconnaissance des autres.

Ceux qui dispersent la mort pour ne pas monter qu'ils en ont peur.

Elle l'avait écouté, n'avait pas jugé.

Ils avaient terminé leur thé, et avant de le renvoyer chez les Serpentards, elle l'avait enlacé.

Quelques années plus tard, en 1981, tout juste professeur à Poudlard, il est venu frapper à sa porte, un paquet contenant du thé venu de Chine dans les mains et une excuse dans le regard.

Elle l'a laissé entrer.

Il lui a tout avoué.

La torture sur douze personnes.

Les deux meurtres.

La prophétie.

Lily, James.

Harry.

Tout.

Encore, elle a écouté, puis elle est allée chercher des biscuits et à simplement dit :

-J'aime nos discussions autour d'un thé.

L'habitude était née, leur amitié aussi.

C'est pour ça qu'ils se comprennent à cet instant, et sans un mot ou presque ils se font un serment. Un serment plus fort que le respect et l'affection qu'ils portent à Albus Dumbledore.

Un serment qui les lie, et les allie.

Un serment qui porte un nom : Harry Potter.


Il ne sait pas pourquoi il est nerveux.

Il ne s'est rien passé .

C'est ce que Rogue lui a dit. C'est ce qu'il veut croire

Rien.

Rien n'a changé, son professeur de Potions le déteste toujours autant et lui...

Lui aussi, il le déteste.

Une soirée d'amabilité, n'efface pas cinq ans de remarques désobligeantes et de retenues abusives.

Non, absolument pas !

Il le déteste.

C'est ce qu'il se répète avant de rentrer dans sa salle de classe pour les deux prochaines heures de potions.

Il regarde sa main gauche, le bandage n'est plus là, et les lignes sur sa main ne sont plus que ça : des lignes.

Des traces blanches, visibles mais estompées.

Le bleu de son torse à complètement disparu comme ceux de ses côtes, seule celle qu'il pense fêlée le fait encore souffrir. Juste un peu.

Alors il est nerveux.

Parce qu'il ne sait rien passé, mais tout a changé.

Et Rogue connaissait sa mère.

Et sa Tante Pétunia.

Certainement était-il plus ami avec Pétunia.

Peut-être s'amusaient-ils à tourmenter sa mère, comme il l'a fait avec lui.

Sinon, pourquoi personne ne lui aurait rien dit ?

Pourquoi pas Remus ou Sirius ?

Rogue et sa mère.

Amis.

Il est sorti de ses pensées par un coup d'épaule et des livres qui tombent à terre.

-Tu rêvasses Potter ? Lance Drago Malfoy en s'accroupissant pour ramasser ses livres tombés par-terre. Peut-être que tu essayais de savoir comment faire pour que Cho veuille bien sortir avec toi, maintenant que Cédric n'est plus là...

-La ferme, Malfoy ! Répond Harry, ramassant à son tour ses livres tombés.

Ils sont tous les deux accroupis quand ça arrive.

Harry va pour attraper son dernier livre, quand Drago lui en glisse un dans les mains. Vite et sans un mot.

Puis le Serpentard se redresse, regarde Potter dans les yeux, mais la malveillance n'y est plus.

Il jette un regard à Crabbe et Goyle un peu plus loin qui sourient bêtement à Pansy Parkinson et dans un murmure lance au Gryffondor.

-Ça pourrait aider pour échapper aux portes.

Harry n'a pas le temps d'essayer de comprendre que le blond est déjà parti,entrant dans la classe, son air arrogant et méchant de nouveau en place.

Une main sur son épaule le fait sursauter, avant que Ron ne lui demande.

-Qu'est-ce qu'il voulait Malfoy ?

Harry hausse les épaules, avant que ses yeux ne tombent sur le livre dans ses mains, celui que Malfoy vient de lui... donner ?

-L'Occlumancie pour débutants ? Lit Hermione derrière son dos. Pourquoi est-ce que tu t'intéresses à l'Occlumancie Harry ?

Une seconde il voudrait lui dire qu'il ne s'y intéresse pas, que c'est Malfoy qui est certainement en train de lui faire une nouvelle blague cruelle. Qu'il n'a aucune idée de ce qu'est l'Occlumancie.

Mais il se souvient des paroles de Malfoy.

Les portes.

Celles qui reviennent encore et toujours dans ses rêves.

Surtout la dernière, celle qu'il veut ouvrir mais n'y parvient pas.

Alors il ment.

A ses deux meilleurs amis, pour protéger l'acte étrange et insensé de Drago Malfoy, il dit d'un haussement d' épaule.

-Je l'ai trouvé à la bibliothèque...

Il n'a pas besoin d'en dire plus, sauvé par Neville qui arrive en courant, trébuche sur une dalle de pierre et s'étale de tout son long.

Les Serpentards s'esclaffent, quelques Gryffondors aussi, Hermione et Harry aident Neville à se redresser avant qu'une voix derrière eux ne grogne :

-Dix points en moins pour Gryffondor, Londubat, pour cette entrée pitoyable.

Et sans autre mot, il leur fait signe d'entrer dans la salle, le regard noir, l'air austère.

Il ne s'est rien passé ou si peu et pourtant tout a changé.

A suivre.

N/A: Merci une nouvelle fois pour vos commentaires superbes, je m'éloigne un peu du récit original, pour faire de la place à des personnages que j'affectionne, mais les grandes lignes resteront celles de l'intrigue de l'ODPh.