4.

Il sait ce qu'il a dit. Que rien n'a changé.

Qu'il ne s'est rien passé.

Il sait pourquoi il l'a dit.

Parce qu'il ne peut rien se passer.

Rien ne peut changer.

Potter doit rester Potter.

Cet arrogant petit imbécile, portrait de son père tortionnaire, et de sa mère...

Sa mère...

Severus serre sa fourchette un peu plus fort, alors que ses yeux tombent sur la silhouette dudit Potter.

Les yeux fatiguées, les joues creusées et la main ensanglantée.

Encore.

Un coup d'oeil sur la gauche et l'air satisfait de la Grande Inquisitrice, lui dit tout ce qu'il y a savoir.

Alors pourquoi Potter n'est-il pas venu le voir?

Il lui a dit qu'il aurait une solution, qu'il saurait quoi faire.

Alors pourquoi ne pas être venu ?

Parce que rien n'a changé ?

Il change de stratégie.

-J'ai remarqué que vous passiez beaucoup de temps avec notre célébrité locale, Dolores ? Ne me dites pas que vous aussi êtes tombée dans le tableau de l'Elu sauveur de monde magique.

Ombrage glousse, il a son attention.

-Absolument pas Severus. Bien au contraire, j'essaie d'instaurer chez Potter une notion d'honnêteté dont il semble cruellement manquer. Une lacune certainement due au trop grand laxisme qui règne à Poudlard. Elle explique en jetant un regard entendu à Dumbledore.

Ce dernier ne s'en formalise pas, sourit poliment et répond.

-Certainement Dolores, certainement...

Puis les yeux du vieux sorcier trouvent le regard de Rogue et l'un comme l'autre se comprennent.

Le premier y montre son impuissance et son manque d'action.

Le second la colère et l'envie de revanche.

Rien a changé ou presque, mais c'est assez.

-Il se trouve que j'essaie moi-même de résoudre le manque de respect face à l'autorité chez Potter, peut-être pourrions-nous nous partager la tache de le remettre dans le droit chemin. J'ai cru comprendre que nos méthodes éducatives n'étaient pas si éloignées. Explique Severus, ses yeux restant sur Dolores.

Le sourire de la sorcière s'agrandit, enfin elle a trouvé un allié.

Elle hoche la tête

-Argus loue souvent vos méthodes, Severus, c'est dans votre Maison que les règles semblent être le moins enfreintes. Sans parler que beaucoup de vos élèves me payent le respect qu'ils me doivent contrairement à d'autres. Elle termine en regardant Minerva, l'air menaçant.

McGonagall sourit dans un grincement de dents mais ne dit rien.

-La permissivité de certains n'est malheureusement plus à prouver, Dolores, croyez-moi j'en ai eu fait les frais. Insiste Rogue dans un faux air compatissant

Le sourire du crapaud grandit encore finissant de déformer son visage.

-Très bien Severus, je veux bien partager la tâche d'instaurer chez Monsieur Potter un semblant de bienséance.

Rogue ne dit rien, acquiesce seulement d'un signe de tête, comme dans une révérence. Ombrage jubile et lui, donne le coup de grâce.

-Trois soirs par semaine jusqu'à la fin du trimestre devraient suffire pour venir à bout d'une partie de l'idiotie de Potter.

Il voit la paupière droite d'Ombrage tiquer.

-Trois fois par semaine, mais... C'est à dire que... Potter est déjà en retenue avec moi quatre fois par semaine, alors...

-Dolores, il faut savoir partager, même les meilleures choses.

Elle semble réfléchir un instant, comme si elle voulait dire non, puis finalement :

-Très bien Severus, trois fois par semaine pour vous, de toutes façons maintenant que Potter est banni de Quidditch, je suis certaine que je trouverai bien une soirée pour avoir quelques mots choisis avec lui...

-Banni ?! Demandent d'une même voix Minerva et Severus.

Ombrage acquiesce.

-A vie ! Elle sourit, avant de faire disparaître son diner d'un claquement de doigt. Les mots qu'il échangeait avec Monsieur Malfoy n'étaient pas dignes de ce que je veux que Poudlard représente. Cet ignoble petit ingrat ! Elle s'emporte avant de regarder Rogue.

-Peut-être devriez-vous commencer vos leçons dès ce soir Severus ?

Le professeur de Potion laisse une fraction de secondes ses yeux voguer vers son élève. Le temps d'y voir les légers tremblements, la respiration trop rapide et les sueurs froides.

-Avec plaisir, Dolores.

Un dernier petit sourire en coin, un hochement de tête et elle est partie. Elle n'a pas le temps de voir le regard connaisseur que partagent McGonagall et Rogue.

Dumbledore non plus.


Il n'a pas touché à son assiette, rien, pas un morceau. Depuis vingt minutes il s'amuse à bouger ses petits poids d'un côté ou de l'autre du plat, sans jamais en manger un bout.

Le Quidditch.

Cette vieille peau lui a volé le Quidditch.

Il veut vomir, vraiment.

Une seconde ses poings se ferment avant qu'il ne se souvienne de la blessure sur sa main gauche.

Il grogne pour étouffer un sursaut de douleur, et sa côte mal soignée qui a pris un coup à l'entrainement.

Son dernier entraînement.

Pour la vie.

Il voudrait pleurer, comme pour la millième fois cette année et comme pour la millième fois il n'y arrive pas.

Peut-être n'y arrivera t'il plus jamais.

Une sueur froide le fait frissonner, puis les tremblements, il sait que la crise de panique n'est pas loin, mais il ne veut pas y succomber, pas ici dans la grande salle, avec tout le monde pour témoin.

Eux, qui le croient déjà fou, menteur, lâche et peut-être même meurtrier.

Deuxième frisson, puis la main d'Hermione sur la sienne, la droite.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé Harry ? Elle demande.

-Il est banni de Quidditch, Hermione, de Quidditch, pour la vie ! C'est bien assez pour mettre le moral à zéro de n'importe qui. Surtout quand c'est à cause de ces crétins de Serpentards ! Répond Ron, en lançant un regard noir à la table des Serpents.

-Dans le bureau de Ombrage, Harry, que s'est-il passé, continue la jeune sorcière ignorant totalement le rouquin.

Surpris, Harry croise son regard. Alors Hermione ne s'arrête pas là.

-Je sais déjà pour la plume, mais même Fred et George ont l'air un peu effrayé, sans compter qu'ils n'arrêtent pas de te lancer des regards depuis que tu es arrivé.

A ces mots le jeune garçon se penche un peu vers l'extrémité de la table et découvre en effet les jumeaux Weasley en train de le regarder avec une certaine inquiétude.

Son cœur rate un battement puis un autre.

Ses yeux retournent vers Hermione, avant de se poser sur ouvre la bouche pour leur dire de ne pas s'inquiéter que tout va bien, qu'il va bien mais déjà la colère est partout.

Dans le tremblement de ses membres et le picotement de ses doigts, dans le battement de ses tempes. Dans l'accélération de sa respiration.

Il veut hurler, leur dire de le laisser tranquille, depuis quand ils s'intéressent à ce qui lui arrive? Personne ne s'y intéresse jamais.

Pas pour les Dursley.

Pas pour Cédric.

Alors pourquoi pour Ombrage, hein, pourquoi ?

Mais il n'y cède pas, il ferme les yeux une seconde, n'arrive pas à prendre d'inspiration et sait que la panique est là.

Il regarde ses amis, Ron, Hermione, voit les sourcils froncés de Neville, le regard en biais de Ginny, ceux de Fred et George.

Et il ne veut plus crier, seulement fuir pour ne pas tomber. Succomber à la détresse qui semble teinter cette année.

Alors il s'échappe.

Comme il l'a fait mille fois chez les Dursley pour éviter les insultes ou les coups il détale.

Avec vitesse et précision.

Sans un regard en arrière.

Il est presque aux escaliers qui le mèneront à la tour de Gryffondor quand il percute un amas de robe noire.

-Pressé Potter ? Lance la voix avec dédain.

-Heu... Désolé Professeur, il s'excuse dans l'espoir d'échapper à Rogue.

En vain.

-Une retenue Potter, maintenant.

-Quoi ? Pourquoi ? Déjà dans ses oreilles, les battements de son cœur résonnent.

-Maintenant Potter !

Et le voilà trainé vers les cachots, sans qu'il ait pu dire un mot de plus.


Rogue ouvre la porte de son bureau, pousse Harry à l'intérieur, la referme dans un claquement sonore, lève sa baguette vers la porte, tout en posant son doigt sur ses lèvres, signifiant au jeune garçon de rester silencieux.

Harry fronce les sourcils, tente de comprendre ce qu'il se passe.

Rogue pointe sa baguette vers la porte, murmure trois incantations latines, avant de demander à Harry de le suivre d'un signe de tête.

Etrangement le jeune sorcier s'exécute sans broncher.

Rogue ouvre ce qui semble être un placard à balais mais qui en fait se révèle être une porte menant à ses appartements.

-Je crois que vous avez déjà apprécié la qualité de mon canapé, Potter... Lance Rogue en désignant le sofa.

Harry se laisse tomber sans un mot, puis se surprend à attraper un coussin moutarde et à venir le serrer contre sa poitrine.

Rogue voit le geste, demande :

-Comment est-elle la panique ?

Harry le regarde. Tend sa main droite tremblante.

-Dur d'inspirer aussi...

Rogue acquiesce, disparaît dans ce que Harry sait être sa réserve personnelle. Moins d'une minute plus tard il réapparait, une fiole d'essence de Murlap et un bol dans la main droite, un bocal contenant une pommade de couleur bleue dans la main gauche. Sans un mot il s'assoit sur la table basse, comme lors de leur dernière rencontre.

-Pas de retenue ? Demande Harry le souffle court.

-Pour la Grande Inquisitrice, qui je n'en doute pas doit être encore en train d'écouter à la porte de mon bureau, vous êtes actuellement en train de récurer une trentaine de chaudrons, à l'aide d'un mélange de vinaigre et d'essence d'ortie fort désagréable pour votre main abimée.

Potter frissonne, Rogue le rassure.

-Sinon, non, pas de retenue.

Harry fronce les sourcils.

-Pourquoi ? Il demande. Pourquoi maintenant ?

Severus soupire, ouvre la fiole et prend le temps de préparer le bol salvateur avant de répondre.

-Il se peut que j'ai entretenu envers vous une rancoeur qui semble déplacée.

-A cause de mon père ? Questionne Harry.

Rogue acquiesce seulement.

-Parce que vous étiez ami avec ma tante Pétunia...

Rogue relève la tête et dans ses yeux le jeune homme pourrait presque voir un sourire malicieux.

Presque.

-Non Potter, je vous assure que Pétunia et moi n'avons toujours échangé que des insultes. Certes plus créatives et plus sournoises que celles dont Weasley et vous semblez raffolez à l'égard de mes Serpentards, mais des insultes néanmoins.

-Eux aussi nous insultent, se défend faiblement Harry.

-Je n'en doute pas une seconde. Ils feraient de bien piètres Serpentard s'ils se laissaient intimider par quelques lionceaux.

Harry laisse échapper un soupir d'affliction avant de revenir à ce qui le tracasse.

-Alors vous étiez amis, ma mère et vous ? Il demande.

-Un souvenir Potter ? Répond Rogue dans un sourire suffisant. Je ne crois pas avoir entendu vos histoires...

Harry grimace un peu, serre le coussin un peu plus fort contre lui et tente de calmer sa respiration toujours erratique, vainement.

-Est-ce que c'est de la pitié ? Est-ce qu'un jour, vous allez rire de moi devant toute la classe de Potions ou devant toute la grande Salle et leur montrer à quel point je ne suis pas le digne fils de James et Lily Potter. A quel point l'Elu n'est qu'un minable petit sorcier incapable de se défendre contre ses proches moldus ?

Rogue ne cille pas, répond sincère.

-Non.

Et Harry soupire de soulagement, comme si à cet instant une nouvelle confiance venait de se tisser.

Doucement, mais surement.

-Il n'y a rien de mauvais à ne pas être comme votre père Potter, surtout quand votre nature profonde se rapproche tellement plus de celle de votre mère.

Un silence et puis :

-Alors maintenant vous me voyez ? Moi, juste moi? Dit seulement Harry.

-Je vous voie, Potter. Assure Rogue. Seulement vous et les quelques influences d'un héritage que vous avez à peine connu, et pour les fausses idées qui m'ont poussé à vous traiter d'une manière peut équitable, je vous dois des excuses. Il termine en regardant le jeune sorcier dans les yeux.

Ce dernier acquiesce dans un léger sourire, avant que le Maitre des potions ne reprenne:

-Maintenant Potter tout ce qu'il se passe ici, doit rester ici. Pour le professeur Ombrage, et pour vos amis vous serez en retenue avec moi trois soirs par semaine. Ce qui ne vous laissera plus que deux soirs pour vos retenues avec la Grande Inquisitrice.

Harry comprend.

-Merci, Monsieur.

Rogue balaye son remerciement d'un geste de la main avant de continuer.

-Durant ces trois soirs, vous compléterez bien évidemment vos devoirs dans les différentes matières, si vous avez besoin d'aide, peut-être mon simple savoir pourra t'il vous éclairer.

Sourire de Harry.

-Bien évidemment notre accord sera toujours en place. J'ai pu remarquer durant le diner de ce soir que votre côte vous faisait de nouveau souffrir et je suis certain que Dolores a su vous faire payer votre affront bien au delà que seulement vous bannir de Quidditch.

Potter acquiesce, en baissant les yeux sur son coussin.

-Enfin Potter et c'est la partie où vous devez prêter la plus grande attention, personne ne doit savoir que notre... relation a changé. Pour le reste du monde je vous déteste et vous me haïssez. Les enjeux du côté de la Lumière comme celui du Seigneurs des Ténèbres sont trop importants pour qu'il n'y ait pas des yeux qui nous observent constamment.

Il s'arrête une seconde s'assure qu'Harry a bien entendu, quand il ne trouve que l'assurance qu'il gardera son rôle dans les yeux du jeune garçon, Rogue termine.

-Le Professeur McGonagall est au courant de ce petit arrangement, il faut parfois savoir trouver des alliés, histoire de couvrir un peu plus de terrain. Peut-être le Directeur a-t-il découvert la supercherie, mais il ne m'a pas encore confronté avec son opinion quant à cette idée.

Le silence qui suit scelle leur nouvelle entente.

Harry pose doucement sa tête sur le dessus de son coussin, regarde une minute cet homme qu'il y a encore une semaine il détestait.

Cet homme qui ce soir, à sa façon, vient de promettre de le protéger.

L'adolescent rigole un peu, cache son sourire dans le tissu moutarde.

-Qu'est-ce qui mérite ce gloussement Potter ?

-J'imaginais seulement la tête de Sirius, s'il venait à découvrir la conversation que l'on vient d'avoir.

Rogue grogne.

-Essayons de laisser votre imbécile de Parrain en dehors de notre arrangement, le plus longtemps possible.

-D'accord, Professeur, mais vraiment Sirius n'est pas si mauvais que vous le pensez.

-Si vous le dites, Potter, maintenant enlever votre tee-shirt, je pensez que nous avions un accord, et il se fait déjà tard.

Encore un peu réticent Harry s'exécute, laissant son tee-shirt et ses lunettes sur l'accoudoir du canapé.

-Allongez-vous. Demande Rogue. Sur le dos.

-Mais... Commence Harry.

-Je suis conscient des marques dans votre dos, Potter, mais comme vous, j'ai aussi remarqué votre incapacité à prendre une inspiration correcte depuis notre rencontre dans le couloir.

Il saisit le bocal à sa gauche.

-Je pourrais vous donner un philtre de Paix pour venir à bout de la crise de panique, mais j'ai développé quelque chose qui vous conviendra mieux, au vu de la fréquence des crises. Je vous donnerai également une dose de Poussos que vous prendrez avant de dormir, pour soigner la côte qui vous fait souffrir. Nous nous occuperons de votre dos, la prochaine fois.

-Pas d'histoire alors. Pas de souvenirs ?

-Je suis certain qu'il y a une histoire derrière votre détention impromptue avec le professeur Ombrage cet après-midi et vu l'état de votre main, je suis persuadé qu'elle a dû pousser le vice un peu plus loin. Maintenant allongez-vous Potter !

Il pose le coussin qu'il tenait contre sa poitrine, sur l'accoudoir du sofa avant de venir y poser sa tête, avec attention il suit les gestes de son professeur, se demandant ce qu'il attend et toujours un peu anxieux de se trouver dans une position si vulnérable.

Rogue saisit d'abord le bol d'essence de Murlap qu'il positionne près de la hanche du jeune garçon où réside sa main gauche.

-Mettez-là dedans, Potter.

Le jeune sorcier obtempère, grimaçant quand sa main rencontre le liquide jaune.

-Je vous avez dit de venir me voir avant qu'elle ne réutilise sa plume.

-Elle m'a pris par surprise, et... et je ne savais pas si les choses avaient vraiment changé...

-Et maintenant ? Demande Rogue.

-Maintenant je sais.

Le professeur de Potion ouvre le bocal, avant d'y plonger sa main.

-C'est un mélange de valériane, de camomille et d'aubépine. Il a un effet calmant s'il est également pris en infusion mais l'application directement sur la peau permet un résultat rapide et plus efficace.

Harry hoche la tête signifie à son professeur qu'il a compris.

-Je vais d'abord en étaler au niveau de votre cage thoracique ce qui devrait vous permettre de prendre de meilleures inspirations. Ensuite je ferai pareil au niveau de vos tempes. Ça soulagera le mal de tête et apaisera les tremblements.

Deuxième hochement de tête avant que Rogue ne commence à étaler le baume.

Sous le froid de la pommade Harry ferme les yeux, puis petit à petit, commence à se relaxer.

-Alors, comment Dolores en est-elle venue à vous donner cette retenue aujourd'hui?

Harry soupire, puis commence son récit.

-L'équipe de Quidditch de Serpentard. Il explique.

-Drago ? Questionne Rogue.

-Graham Montague et Cassius Warrington, en y repensant Drago a été plutôt silencieux, c'est seulement à la fin qu'il a commencé à nous insulter, quand Ombrage est arrivé nous a attrapé, Fred, George et moi.

-Et qu'a t'elle fait ?

Harry ouvre un œil, se demandant comment Rogue fait pour savoir qu'Ombrage s'est montrée particulièrement cruelle, surtout avec lui.

-Elle nous a fait écrire des lignes. Pour moi les habituelles, pour les jumeaux quelque chose comme : Je ne peux pas rire face à la Grandeur des autres, et ensuite...

Il se tait, se concentre sur la main de Rogue, sur ce geste presque affectueux, ce geste qui ne lui fait que du bien, lui qui connait si peu la tendresse.

-Ensuite ? Demande Severus.

-Ensuite elle a sorti un dossier, il y avait l'insigne du bureau des Aurors dessus et c'était...

La main sur son torse s'est arrêtée. Dans un geste enfantin il vient taper doucement dessus avec sa main droite, pour lui demander silencieusement de reprendre son rythme, de l'aider à respirer au travers de son récit.

Rogue capitule, doucement reprend sa cadence apaisante contre le torse du garçon.

-C'était le dossier de la mort de mes parents. Avoue Harry. Elle l'a lu, entièrement et ce n'était pas sanglant, mais... mais ils étaient morts... encore... Et elle, elle le relisait... après, après elle a pris le Quidditch.

Il s'arrête une nouvelle fois, surpris par le picotement de ses yeux, puis par les larmes.

Alors il peut encore pleurer.

Il n'y croyait plus.

Et ça le soulage.

Il ne laisse échapper aucun sanglot, seulement quelques larmes.

-Elle a pris le Quidditch et c'est comme si elle avait pris un peu plus de mon père, encore plus que ce qu'il y avait marqué dans ce rapport.

Les larmes continuent, il ferme les yeux.

Il n'y a plus rien à dire.

La main de son professeur quitte son torse et il voudrait le supplier de la laisser là, de l'ancrer de nouveau, de lui assurer que quelqu'un est là avec lui. Que quelqu'un l'écoute. Enfin.

Mais la main s'en va, pour finalement venir sur ses tempes et avec douceur, étaler une autre dose de pommade.

Sans arrêter les larmes.

Les laissant couler.

Les comprenant.

-La première fois que j'ai vu Lily c'était sur une air de jeu. Commence Rogue. Nous habitions à Cokeworth et autant dire que les jours de beaux temps se comptaient souvent sur les doigts d'une main. C'était à la fin de l'été 1969. Elle venait de faire apparaître une marguerite dans le creux de sa main et ça semblait être pour Pétunia le plus grand crime au monde.

Il cache un sourire.

Harry écoute, les yeux fermés, les respirations profondes.

-Je lui ai avoué que je savais ce qu'elle était. Une sorcière, comme moi. J'ai pris un malin plaisir à faire peur à Tuney.

-Tuney ?

-Le charmant surnom familial de votre tante.

Potter sourit, écoute encore.

-Lily n'a pas apprécié ce petit tour de magie, alors pour me faire pardonner je lui ai tout raconté. Pendant des heures on est resté sur cette aire de jeux. A voir qui pouvait se balancer le plus haut et retomber le plus loin, à parler de Poudlard, des Maisons, de Grindelwald, d'Azkaban... Et quand on s'est séparé plus tard dans la soirée, avec la promesse de se retrouver le lendemain, je savais. Je savais que j'avais trouvé ma meilleure amie. Ma première amie.

Severus se tait, son visage ne trahissant en rien le tumulte d'émotions qui se pressent dans sa tête, dans son cœur.

Seulement quand les yeux d'émeraude de Harry s'ouvrent et viennent se poser dans les siens pour lui demander :

-Je peux rester là ce soir ?

Il sait qu'il ne peut pas dire non, pas à ces yeux là.

Alors d'un geste de baguette il fait disparaître le bol de Murlap, puis referme le bocal, tend une fiole de Poussos au jeune sorcier qui la boit sans un mot. Puis il attrape la plaid de laine et de velours, le jette à son invité surprise.

-Six heures, demain matin, Potter. Je préviendrai Minerva.

Il n'y a pas de réponse, Harry a déjà les yeux fermés, enfouie sous son unique couverture, sa respiration lente et calme

Severus secoue la tête, se surprendrait à sourire, n'en fait rien, puis se dirige vers sa chambre, une biche argentée filant déjà vers Gryffondor.

A suivre.

N/A : La suite ! Merci et merci, pour vos retours ! Vous êtes adorables, à tout vite pour un autre chapitre. Belle nuit ou bonne journée !