20.

Il aurait dû le savoir, le sentir. Presqu'un mois sans appel. Sans brûlure. Sans rapport.

Il avait presque oublié qu'il jouait aussi pour l'autre camp.

Ils viennent de terminer leur repas quand la flamme du Seigneur des Ténèbres se glisse sous son bras. Une assiette dans le salon se brise contre le sol, tandis qu'Harry s'effondre sous la douleur de sa cicatrice.

Une inspiration commune, les cinq protagonistes ont tous compris.

Les bols de soupes sont oubliés sur la table près des assiettes restantes. Drago et Hermione sont déjà près de Harry, l'accompagne sur le sofa débarrassé des livres et du plateau d'échecs par Ron.

D'un murmure Rogue fait venir un vieux sac de toile, s'assure que la tenue complète du parfait petit Mangemort y réside toujours avant de prendre le temps de venir vers les quatre adolescents inquiets.

Apeurés.

Sur le canapé le corps entier de Harry et tendu et il sait que les tremblements vont suivre, puis la crise.

Il ne sera pas là.

Mais il va revenir.

Il le dit. Le jure. En posant sa main contre le torse secoué de respirations haletantes du sorcier à lunettes.

-Je vais revenir, mais il faut que tu le bloques, Harry.

L'adolescent secoue la tête, tente d'attraper ses mains. De le faire rester.

Lui soupire.

Déjà se relève, passe une main hâtive dans la chevelure de celui qu'il laisse derrière avant de se retourner vers le trio qui attend.

Drago se tient droit, fort, mais ses mains tremblent, son visage est pâle, et Severus est presque certains que quand il aura disparu vers l'appel qui l'attend, il s'écroulera. De peur et de fatigue.

Alors il regarde la raison. Hermione.

Et le stratège. Ronald

-La crème est sur la table basse, il commence à l'attention d'Hermione. Si ça empire… Il regarde une seconde Harry, puis Drago et finalement Ron.

-Si ça empire, appelez Dobby, il contactera Minerva. Mais personne d'autres. Compris ?

Les deux Gryffondors hochent la tête.

Il acquiesce en retour, attrape le sac de toile, offre une étreinte rapide à Drago avant de filer vers la porte, puis de traverser les barrières magiques et finalement de disparaitre dans la nuit.

Au loin le vent se lève.


Il n'est pas le dernier, et échappe donc à la sentence habituelle. Il retient une grimace devant le corps tremblant d'Amycus Carrow, ne laisse rien paraitre. Reste droit. Indifférent. Il y a longtemps dans les couloirs de Poudlard, quand Severus n'était encore qu'un tout jeune première année c'est Amycus qui lui avait appris les codes de Serpentard.

Faire en sorte que les autres élèves te doivent des faveurs. Gagner en renseignements. Savoir placer sa survie avant le pouvoir. Mais avoir assez d'ambition pour placer son pouvoir aux bons endroits. Ne faire confiance à personne mais connaitre parfaitement un cercle restreint. Observer. Se fondre dans la masse. Collecter. Et apprendre.

Oui, il y a longtemps Amycus s'était assuré de la survie du jeune Rogue. Un septième année pas encore bourreau. Pas encore fou. Pas encore asservi.

Et désormais piégé dans les griffes acérées d'un Mage égocentrique et sociopathe.

Ses réflexions se stoppent alors que le Seigneur des Ténèbres se lève. Nagini à ses côtés. Glissant sur le marbre blanc du Manoir des Malfoys.

-Lucius, il siffle. Quelles sont les nouvelles ?

-Dumbledore devrait être évincé avant les vacances d'avril, Maitre, Fudge lui-même devrait procéder à son arrestation. Le Ministre souhaite faire grand bruit pour faire taire les rumeurs de votre retour.

-Bien…Bien… Parfait. Se réjouit Voldemort avant de se tourner vers son Maitre des Potions.

-Et qu'en est-il nos deux misérables petites vermines, Severus ? Reprennent-elles des forces ?

Il reste impassible quand il répond :

-Drago Malfoy a tenté de mettre fin à ses jours la nuit dernière.

Sur le visage de son Maitre il voit de la malice, de la colère et un peu de satisfaction.

-La lâcheté des Malfoys n'a donc aucune limite…

-Maitre !... Tente d'intervenir Lucius avant d'être mis à genoux par un simple mouvement de poignets.

-Et comment ce parasite s'en est-il sorti ?

-Un simple sort d'attraction, mon Seigneur.

L'effet et immédiat. Et glaçant.

Voldemort s'esclaffe.

Un rire tonitruant, vite suivi par ses fidèles un peu surpris, mais aussi galvaniser par l'humeur singulière de leur guide.

Le Mage noir se reprend, retourne son regard sur Severus.

-Et Potter ? Il demande du dédain dans la voix.

-Toujours aussi médiocre sorcier, cependant il reprend peu à peu des forces depuis qu'il n'est plus soumis aux visions…

-Comme si j'allais perdre mon temps à regarder dans l'esprit pathétique de ce…

Il ne finit pas sa phrase, se retourne, choisi une victime au hasard et la soumet à l'Endoloris.

-Bien, bien… Le plan avance, il faudra qu'ils soient prêts Severus, le jour où Poudlard tombera, il faudra qu'ils y soient. Souviens-en toi ?

-Bien-sûr Maitre, mais le temps étant une essence primordiale dans vos desseins, quand pensez-vous passer à l'action ?

-Mmmmhh… Ne te concerne pas avec cette information, elle viendra en temps voulu, il faut seulement que je termine de rassembler quelques…bricoles…

Rogue entend le mot qui n'est pas dit : Horcruxes.

-Celle dont tu devais t'occuper est toujours en sécurité.

-Inatteignable, Mon seigneur.

-Parfait. Tu es excusé, Severus, mais assures-toi la prochaine fois d'avoir des nouvelles plus convaincantes des progrès de tes deux « protégés ».

Severus s'agenouille et dans une grimace persuasive dit :

-Je dois faire avec leurs misérables aptitudes, Maitre.

Voldemort sourit, rit presque, puis d'un geste de la main, le congédie.

Sans un sortilège de souffrance.


Minerva est là.

Un instant il ferme les yeux, trouve sa force, se souvient de sa promesse.

De son devoir aussi.

Mais surtout de sa promesse.

Autour de lui la magie pulse.

Dans ses veines aussi, il sent l'Elegit Familia s'embraser.

Soudain une tornade blonde le percute.

Un soupire s'échappe, mais déjà sa magie apaise l'adolescent dans ses bras.

-C'était long… Dit simplement Drago, la voix tremblante et étouffée dans ses robes.

-Drag…

-Même Hermione n'a pas réussi…alors…alors…

-Vous avez appelé Minerva.

L'adolescent acquiesce.

Autre soupir, tandis qu'il prend le temps de le serrer un peu plus fort. De le protéger, de le rassurer.

-Il ne m'est rien arrivé, Drago, Le Seigneur-des-Ténébres ne m'a rien fait…

Le Serpentard recule un peu, restant tout de même dans l'étreinte de son Directeur de Maison.

Satisfait de ne voir aucune blessure, il replonge dans la chaleur du vieil ami de son père.

Rogue le serre encore un peu, puis avance vers le canapé

Minerva a les yeux fermés, ses mains dans celles de Harry elle semble répéter des phrases en gaéliques.

-De la magie celtique ? Il questionne en s'approchant Il vient s'accroupir devant le canapé, celui-là même où Harry est allongé. Son corps tendu, ses muscles se contractant sous des spasmes incontrôlables.

McGonagall acquiesce laissant s'échapper une dernière vague de Magie avant d'ouvrir de nouveau les yeux et de se tourner vers le professeur de Potions

- Ça n'a pas grands effets mais ça lui a apporté un certain calme, et son corps ne semble pas rejeter l'ancienneté de l'énergie magique… Avant ça il a perdu connaissance deux fois Elle dit seulement.

Rogue ne dit rien, ferme les yeux une seconde, sent la peur battre dans l'Elegit Familia.

Doucement il s'assoit sur le canapé, voit Harry ouvrir un œil. Le jeune sorcier ne dit rien, agrippe juste, avec la force qui lui reste la main de son protecteur, la pose sur son torse Rogue sourit presque, puis se tourne vers le quatuor restant

Il est tard et eux aussi sont fatigués, épuisés même, apeurés et tout prêt à s'effondrer

-Peut-être devriez-vous aller nous préparez quelques infusions Minerva ? Avec de la compagnie ?

La directrice de Gryffondor comprend, sourit au travers de sa fatigue.

-Une merveilleuse idée Severus.

Et sans un mot elle conduit les trois autres jeunes sorciers, vers la cuisine.

Une fois seul avec Harry, Severus, enlève doucement le tee-shirt de l'adolescent avant d'attraper la crème bleutée.

Derrière lui il entend la vaisselle oubliée plus tôt que l'on amène vers l'évier, puis l'eau couler, une éponge, une théière mise sur le feu, et un soupir collectif.

Le pire est passé.

Ou presque. Doucement comme il l'a déjà fait des dizaines de fois au cours des mois écoulés Severus prend soin de son protégé.

Il étale précisément la pâte bleutée aux senteurs apaisantes sur la cage thoracique du jeune sorcier. Avant de le recouvrir de « son » plaid de laine et de replacer sa main tout près du cœur de celui qui désormais n'est plus que son simple élève.

-Je vais bien… Il dit seulement en voyant la peur qui réside encore dans les yeux de Harry.

Le sorcier veut lui répondre, ouvre la bouche, mais les hoquets de sa respiration encore haletante l'en empêchent.

-Tout le monde va bien Harry… Tu dois juste respirer, laisser passer la panique…

-Vol… S'essouffle l'adolescent.

-Veut toujours que je fasse de vous des supers guerriers pour vous asservir en pleine gloire. Délivre Severus sans émotion, son pouce droit délivrant des cercles réguliers et doux contre le torse de Harry, l'aidant à calmer la douleur et la panique.

Il faut encore quelques minutes au jeune sorcier pour réussir à s'apaiser, mais soudain son corps se détend et la fatigue s'abat, il perd la lutte contre le cocon chaud où il est enfoui et la main de son protecteur. Mais il veut plus.

Avant de se perdre dans une nuit, ou est-ce un matin, qu'il sait sans rêve, il veut plus qu'une simple caresse. Aussi avec la force qu'il lui reste, il se relève doucement et plonge sans grâce et sans force dans l'étreinte de son gardien.

Rogue est là comme toujours, comme ce soir-là dans ce couloir et les nuits suivantes. Celles de simples compagnies, celles de paniques et celles de joies aussi. Dans un souffle commun, le professeur de Potion engouffre le jeune sorcier et ce n'est qu'avec le bruit sourd, lent et rassurant des battements de cœur de son protecteur que Harry Potter se laisse doucement aller à l'inconscience.

-Drago est endormi sur la table de la cuisine. Dit soudain la voix de Minerva, faisant presque sursauter Severus.

Elle sourit.

Lui esquisse juste un peu l'étirement de ses lèvres.

-J'irai le coucher. Il répond simplement.

La directrice de Gryffondor acquiesce.

-Hermione et Ronald sont allés prendre leurs quartiers, séparés, sous les toits.

-Qu'avez-vous transfiguré ?

-Rien de bien compliqué, des chambres modestes pour cette fin de nuit, mais peut-être une fois le calme revenu devrions-nous nous pencher sur la question de rendre cet endroit plus… familier, ou devrais-je dire familial ? Les garçons voudront certainement un jour avoir leurs espaces distincts… Surtout avec Harry et Miss Gran…

-Minerva !

McGonagall rit.

-Je pourrai avoir la discussion avec eux si cela vous est trop difficile.

Rogue grimace, avant de passer une main dans la chevelure ébouriffée de Harry.

-Ils ne veulent pas se séparer pour le moment, Harry et Drago. Je pense que c'est un effet de l'Elegit. Deux enfants uniques, et si peu désirés par ceux qui les ont élevés…

-Les combles sont immenses, assure McGonagall, avec l'aide d'Albus, peut-être même Filius nous pourrions faire quelque chose qui leur conviendrait. Quelque chose qu'ils méritent…

-Drago a toujours eu une chambre immense, Harry… Harry ne saura pas ce qu'il veut…

Minerva sourit un peu, laisse une main sur l'épaule de Severus avant de se diriger vers la cheminée.

-Je vais finir la nuit qu'il me reste, mais je viendrai plus tôt demain, nous verrons ce qu'ils en pensent.

Rogue hoche la tête, sa main toujours dans les cheveux de son protégé.

-Allez dormir, Severus, la tempête est passée.

-Il faut que je parle à Dumbledore… Son éviction est proche…

-Elle ne se fera pas demain, allez dormir.

Le maitre des Potions soupire, puis acquiesce.

-Bonne nuit Minerva… Et merci.

-Avec autant de Gryffondors, c'était comme être à la maison. Elle rit doucement puis s'échappe dans une nuée verte.

Severus reste un instant dans le silence, la respiration encore trop rapide de Harry contre son épaule, rythmant ses pensées embuées.

Son œil attrape les paquets de médicaments à peine ouverts sur la table du salon et il grogne un peu en pensant que les deux sorciers n'ont certainement pas suivi leurs prescriptions.

Poppy va vouloir sa peau.

Dans un autre grognement il soulève Harry dans ses bras et l'amène jusque dans sa chambre, sourit presque au contraste entre les deux espaces des adolescents dont il a désormais la charge.

L'absence des Elfes de Poudlard fait défaut à Drago, dont la garde-robe s'étale entre son armoire, sa malle et son lit. Les livres qu'il dévore sont aussi éparpillés sous ses draps, sous son lit, près de la fenêtre où l'a piégé Harry et sur une des deux tables basses. Sa couverture est en boule et un drap plat semble être coincé sous l'un des pieds de son sommier.

A l'inverse le lit de Harry est fait au carré, son pyjama plié sur la couverture, l'album de ses parents caché sous son oreiller et sa table basse dépourvue de toute possession.

Ses vêtements sont rangés dans l'armoire et son coffre fermé au bout de son lit.

Harry ne veut pas déranger.

Ne veut pas fauter.

Et ne veut pas perdre les maigres objets qu'il possède.

Severus le dépose doucement son lit, enlève le plaid de laine, avant de tirer les couvertures et de le border, comme certainement personne ne l'a jamais fait si ce n'est dans la première année de sa vie.

Sa main droite se perd sur son front, n'y trouve pas de fièvre. Il se rassure. Enlève les lunettes déjà bancales de l'adolescent, les dépose sur la table basse vide.

Reste encore un instant.

Un autre.

Puis va chercher la deuxième partie du duo.

D'un geste de la main, il dégage le lit de Harry, le colle de nouveau contre le mur de la chambre pour accéder au lit de Drago. Il n'a plus peur d'une autre échappée.

Plus maintenant.

Comme pour Harry, avec les mêmes gestes, il emmitoufle l'adolescent dans les confins de son lit.

Vérifie la fièvre.

Présente mais pas alarmante.

Laisse le bazar, ils en parleront demain.

Oui demain, ils construiront vraiment les bases de leur nouvelle famille.

Pour ce soir, cette nuit, ce matin il va rester un peu là, contre le chambranle de la porte, à s'assurer que tout va bien aller.

A s'assurer que tout va bien.

A suivre.

NdA : Merci et merci et merci pour tous vos commentaires et vos messages privés.

Ça donne vraiment envie de continuer à écrire même dans les moments tendus ou étranges comme on peut vivre actuellement. Je vais essayer de mettre à jour plus souvent cette histoire, que je n'abandonne pas, promis !

J'espère que tout le monde va bien et vos proches également. Bon courage à .s. à très vite. MauoW =)