22.
C'est le soleil qui le réveille. Il fronce les sourcils, a presque envie de se retourner et d'amener la couverture avec lui. De s'enfouir dedans. D'oublier.
Mais voilà ses mains tremblent encore et ses articulations grincent presque d'être restées inactives. Même si sa nuit n'a duré que quatre heures.
Le Seigneur des Ténèbres était en colère. Le Diadème a été détruit. La Coupe aussi. Il ne lui reste plus que trois Horcruxes avant que son immortalité s'épuise sous les débris de ses objets maléfiques.
Et lui est toujours espion.
Il n'était pas à Gringotts quand la Coupe a été subtilisée. C'est Nymphadora et Black qui s'en sont chargés. La première sous les traits de Bellatrix, le second sous ceux de Lucius.
Préférable que tout ça reste dans la famille, ont-ils dit et lui n'a pas bataillé. Une chose de moins à cacher au Mage noir, une chose à ne pas enfouir sous ses boucliers mentaux, loin des griffes violentes des attaques mentales. Et puis ça a fait du tort au cercle restreint, lui y compris, mais les soupçons sont sur tous.
Évidemment le Maitre des Ténèbres à sonder les souvenirs de tous et bien sûr Bella et Lucius ont su prouver leur bonne foi, ont su vendre leur alibi pour le jour du vol puis de la destruction des Horcruxes, mais Tom Jedusor est paranoïaque, et même ces deux plus fidèles Mangemorts ne peuvent se vanter d'avoir sa confiance… Encore moins aujourd'hui.
Severus soupire, tente de s'étirer sans grogner mais n'y parvient pas. Tous ont été punis et lui doit trouver comment Dumbledore a détruit les substituts de vivant de celui qui se veut être Maitre de la Mort.
Il le sait évidemment, il était présent quand Black puis Lupin ont fracassé de la lame de l'épée de Gryffondor, d'abord la Coupe, puis le Diadème. Il a entendu les mensonges des spectres mourants, le sifflement absurde et finalement le cri perçant.
Il était là, aussi, pour voir Harry se tordre de douleur et sombrer une fois encore dans une panique paralysante à chaque coup d'épée, sa cicatrice s'ouvrant et lui convulsant, les membres rigides, la voix rocailleuse d'avoir trop criée et les larmes récurrentes venant s'échouer comme toujours à la commissure de ses lèvres, là où la grimace reste figée, bien après que les Horcruxes aient rendu leur dernier souffle.
Las, il se passe une main sur le visage, il doit être tôt, la maison est silencieuse, enfin c'est ce qu'il croit. Mais sa fatigue se dispersant, ses sens deviennent conscients qu'il n'est pas seul.
Dans une demi-grimace, il se retourne, et trouve dans son dos Harry endormi les sourcils froncés, le corps tremblant, les mains crispées. Et dans le fauteuil poussé tout contre le lit il trouve Drago, sa main posée sur celle de Harry, lui aussi les sourcils froncés, mais le corps plus lâche, témoin d'un sommeil plus reposant.
Deuxième vague de soupirs.
S'il semble que l'Ordre gagne de plus en plus de batailles contre Voldemort, la guerre est loin d'être gagnée. Surtout si elle repose, comme Dumbledore semble toujours le croire, sur les capacités magiques de Harry.
Plus de deux mois qu'ils sont à Eriskay, cachés, protégés même de ce qui se joue dans les ombres du Monde magique. Deux mois, et Severus a déjà été témoin de ce qu'est capable de produire la Magie de Harry, encore plus quand elle est couplée à l'Elegit Familia. Le pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ne connait pas est réel. Et puissant. Mais les séquelles des derniers mois, des dernières années même, chez les deux adolescents le sont tout autant.
S'ils semblent avoir retrouvé presque toute leur force, les nuits de cauchemars, les attaques de paniques, et les quintes de toux sont toujours présentes.
La dépression également.
Mais sur ce point Severus a décidé d'agir.
Aujourd'hui.
Ce matin.
N'en déplaise à Albus, Black ou à Lupin.
Mais d'abord il doit effacer ce froncement de sourcils des visages des deux adolescents. Dans un geste rapide et malgré ses muscles endoloris, le Maitre des Potions sort de son lit, sans un mot, tendant seulement la main, il fait venir à lui un gros pull, le mois de mars de ce côté de l'Écosse n'est pas des plus chaud, il l'enfile en même temps que sa paire de chausson, avant de se diriger vers Drago.
Avec une tendresse acquise au cours des derniers mois et qui lui semble désormais innée, il réveille le jeune sorcier d'une main sur la tête et du murmure de son prénom. L'effet est immédiat. Et si la panique a presque disparu il reste dans ces réveils un soupçon de peur qui ne disparaitra qu'une fois Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le Nom définitivement disparu, il en est persuadé.
_Hey Pa… Severus. Dit Drago se reprenant rapidement, avant de bailler contre l'accoudoir du fauteuil.
Rogue sait ce qu'allait dire l'adolescent. Le sobriquet est sur le bord des lèvres des deux jeunes sorciers depuis plusieurs semaines. Harry le lui a déjà murmuré plusieurs fois, après des crises, ou après des visions, mais jamais pleinement conscient.
Drago lui se reprend toujours, comme perdu entre sa vie d'avant et son envie du présent. Severus esquisse un sourire que personne ne voit. D'ici ce soir tout aura changé.
-Tu devrais aller finir ta nuit dans ton lit… Murmure le professeur, sa main glissant de la tête du jeune sorcier jusqu'à l'arrière de sa nuque.
Drago acquiesce, puis hésite, ses yeux se posant sur Harry.
- Il te suivra, juste le temps de détendre ses muscles.
Autre hochement de tête.
- Tu vas bien ? Il demande, en pliant le plaid de laine qu'il affectionne sur le rebord du fauteuil.
-Il sait ce que nous faisons des Horcruxes… Avoue Severus, il a décidé, il y a des semaines de cela, d'arrêter de cacher ce qu'il se passait dans le Cercle restreint des Mangemorts à Harry et Drago. Déjà parce que la plupart du temps Harry est toujours trop faible pour se protéger des visions du Seigneur des Ténèbres et aussi parce qu'étrangement les deux adolescents, ainsi que Ronald et Hermione, ont parfois de bonnes idées pour contrecarrer les plans du Mage noir. Et bien que leurs plans manquent souvent de ruse et d'astuce, Rogue doit bien avouer que Drago et Ron ont un talent certain pour la stratégie, là où Harry semblent se fier à son instinct, souvent juste mais terriblement dangereux. Hermione quant à elle semble être une source inépuisable de savoir, aussi bien magique que Moldu.
Malgré ce que pense Molly Weasley ces quatre-là ainsi que les jumeaux et certainement la moitié du petit club de défense qu'ils ont mis sur pied sont un atout non-négligeable pour l'effort de guerre.
-Il ne sait pas pour toi... Rétorque Drago, ses yeux balayant Severus. Il voit les tremblements et la posture un peu trop droite mais rien de menaçant pour la vie du Maitre des Potions.
Rogue secoue la tête.
-Bellatrix, Rabastan et ton père semble être les principaux suspects du fiasco, ma mission actuelle en plus de vous entrainer à devenir des guerriers dignes de mourir sous le joug du Seigneur des Ténèbres, et de découvrir avec quoi l'Ordre détruit les Horcruxes.
-Pas mon père. Grince Drago, en regardant ses pieds.
-En effet, acquiesce Severus, avant de venir enfermer le sorcier blond dans une étreinte. Je te réveillerai pour le petit déjeuner, nous allons avoir de la visite …
-Les Gryff-idiots ? Ricane le Serpentard.
-Certains… Et quelques Serpentard.
Drago lève un sourcil à la manière de son professeur, avant qu'un bâillement lui rappelle qu'il veut dormir. Rogue le laisse se dégager, serre une dernière fois son épaule, puis une fois la porte refermée pose son regard sur l'autre adolescent dont il a la charge.
Il vient s'assoir sur le rebord du lit, ouvre le tiroir de la table de chevet et sort le pot de crème qu'il a spécialement conçu pour parer les attaques de paniques et de tétanie de Harry. Puis comme c'est devenu une habitude depuis les six derniers mois et bien que désormais Harry pratique de nouveau de la magie et que son corps ne rejette plus celle d'autrui, encore moins celle qui le lie à l'Elegit, Severus le redresse et le débarrasse de son tee-shirt.
-Pa ?... Demande la voix rouillée du jeune sorcier. Ses yeux toujours fermés ne voient pas le discret sourire sur le visage du professeur de Potions
-Où as-tu le plus mal ? Répond seulement Rogue.
Harry pose une main sur son torse puis montre également la rigidité de ses doigts.
-Des crampes dans les cuisses aussi… Il ajoute en ouvrant les yeux.
Severus acquiesce et vient étaler d'abord la crème sur le torse de l'adolescent. L'effet est immédiat, Harry laisse échapper une longue respiration, un soupir de soulagement et referme les yeux.
-Toi ? Il demande tout de même.
-Tout va bien…
Il voit Harry rouvrir un œil, suspicieux.
-Presque bien, abdique son gardien.
L'adolescent hoche la tête, referme les yeux, laisse ses muscles se dénouer sous les mains expertes du Maitre des Potions, qui passe de son torse à ses bras, puis reste longuement sur les articulations de chacune de ses phalanges.
-Combien de temps a duré la crise ? Demande Rogue.
-Longtemps… Dit Harry, je n'ai rien pu bloquer, Draco m'a trouvé via l'Elegit…
Autre hochement de tête de Severus qui comprend que la nuit a dû être longue pour les deux sorciers si Drago a eu besoin de recourir à leur lien pour sortir Harry de sa terreur.
C'est un pouvoir qu'ils ont découvert récemment, lors d'une crise violente de Harry. Alors que ce dernier rejetait toutes formes de Magie, Drago avait saisi sa main et s'était comme projeté au côté du spectre magique de Harry endurant une partie de sa douleur et permettant au Gryffondor de reprendre pied avec la réalité. Les deux adolescents ont dormi pendant douze heures après cet épisode.
Sans un mot, le professeur termine de masser les muscles presque atrophiés de son protégé, puis le rhabille et vient le border, ajoutant le plaid de Drago au-dessus des couvertures. Il passe une main sur le front de Harry, une autre habitude désormais ancrée, avant de se diriger vers la porte pour aller se faire un café en découvrant le lever du jour.
Un murmure soufflé mais audible l'arrête au chambranle de la porte.
-Un jour tu le seras vraiment ? Questionne Harry.
-Quoi donc ? Demande Severus, son épaule se posant contre le bois de la porte.
-Notre père…
-Promis…
Il voit le sourire de Harry, puis comprend vite qu'il s'est rendormi, il reste un instant sans bouger, secoue la tête et se dirige, décidé vers la cheminée du salon. Le café attendra, sa décision, non.
Elle sourit dans sa tasse de thé, tandis qu'il fait les cent pas pour la trentième fois de la matinée. Albus ne doit pas tarder et avec lui Kesley Warrington. Sirius et Remus devront être présents aussi, certainement Molly et Arthur. Faire venir Ron et Hermione risque d'être compliquée puisque c'est en pleine semaine, mais Albus est souvent surprenant.
Pour le moment elle se contente de regarder son jeune collègue faire des allers-retours dans son salon, réchauffant toutes les dix minutes sa tasse de café noir.
L'image étrangement, ironiquement même, lui rappellerait presque celle de James Potter lors de la naissance du jeune Harry. Elle n'ose pas avancer cette comparaison, elle aime avoir Severus comme ami, et se contente simplement de sourire dans sa tasse.
-Vos aller-retours ne feront pas avancer le temps plus vite Severus. Elle dit simplement
-Je le sais Minerva ! Il grogne, elle sourit un peu plus et lui se laisse tomber dans un fauteuil.
-Kesley est fiable. Tente de rassurer McGonagall.
-Je sais.
-Et il vous est redevable.
-Je le sais aussi.
-Mais même sans cette dette, il l'aurait fait, il vous respecte et il sait ce que c'est que de grandir dans un environnement néfaste…
-Il le sait…
-C'est un Serpentard, personne ne découvrira rien…
Le silence.
-Pas même Lucius…
Severus laisse échapper un sourire, comme pour se persuader qu'elle a raison.
-Il le saura bientôt… Il dit simplement.
-Savoir quoi ? Demande Drago en apparaissant dans le salon, une trace d'oreiller sur la joue et venant s'assoir le plus naturellement du Monde aux côtés de Minerva. Cette dernière lui sourit avant de lui tendre une tasse de thé préparée comme il aime.
Il sourit à son tour, elle, lui offre un clin d'œil.
Rogue quant à lui ouvre la bouche pour lui répondre, mais déjà la cheminée gronde des flammes vertes avant de délivrer un Dumbledore souriant et un jeune homme droit, les cheveux bruns, impeccablement coiffés et un regard franc, sans peur.
Kesley Warrington.
-Severus, Minerva, Drago, quel plaisir de vous voir en ce jour radieux ! s'exclame Dumbledore en venant s'assoir sur un fauteuil.
Drago et Minerva échangent un regard, leurs yeux se perdant sur la pluie battante qui fouette les fenêtres de la bâtisse. Severus de son côté se lève pour accueillir le jeune homme qu'il a suivi pendant ses années à Poudlard.
-Kesley, il dit sans sourire mais ses yeux traduisant le contentement de voir son ancien élève. Ce dernier capture avec affection la main de son ancien directeur de Maison.
-Professeur Rogue…
-Severus, le rassure le Maitre des Potions, Warrington acquiesce avant de s'assoir dans le fauteuil que lui indique son ainé.
-Bien, bien, nos autres invités ne devraient pas tarder, assure Dumbledore, le regard pétillant. Et je vous rassure Severus, ils passent par le réseau de mon bureau, pas par celui du Square Grimmaurd… Je sais que Sirius n'est pas toujours le bienvenu dans vos quartiers.
-Jamais, en fait. Grince Rogue.
-Black ? Black vient ici ? Demande Drago. Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Il insiste en se relevant.
Minerva pose une main rassurante sur son avant-bras.
-Rien de grave Monsieur Malfoy, nous mettons juste au clair juridiquement une situation qui nous parait à tous être la meilleure.
Drago fronce les sourcils, puis regarde le nouvel arrivant.
-Vous travaillez au Ministère. Il dit simplement.
-En effet, répond Kesley.
-Dans quel service ?
Warrington ne laisse rien paraitre et répond d'une voix neutre, en saisissant la tasse de thé que lui tend son ancien professeur de Métamorphose.
-La protection de l'enfance.
Il faut une poignée de secondes au sorcier blond pour comprendre. Il se tourne vers Severus, la bouche à demi ouverte, sans qu'aucun son n'en sorte.
-Tu devrais aller réveiller Harry, explique seulement Severus.
Drago hoche la tête, se lève puis se dirige vers l'escalier, il n'a pas fait un pas sur la première marche qu'il se retourne et fonce vers les Maitre des Potions, pour se glisser dans une étreinte qui l'attendait.
-Merci, il dit, les mots sont chuchotés seulement pour le Professeur et pourtant dans la pièce tout le monde les entend.
A suivre…
NdA : Promis, promis, promis la suite arrive très vite, genre pas dans 6 mois Merci à tous pour vos commentaires plus sympathiques les uns que les autres et merci pour les « favourite » et les « follows » vous êtes des choux de suivre encore cette histoire. A tout vite. M.
