Chapitre huitième

… et Directeur

Impromptu n°3 en sol bémol op. 10 – F. Schubert

Il se retourna d'un bond et se retrouva nez à nez avec Dumbledore. Celui-ci avait l'air inquiet, préoccupé et il s'adressa à Harry en ces termes :

"Oh… désolé de t'avoir fait peur… J'aurais dû passer par en bas, mais j'ai très peu de temps, malheureusement, alors j'ai préféré transplaner… Comment vas-tu "

Harry soupira, irrité de cette intrusion mais soulagé de voir que ce n'était "que" Dumbledore. Il décocha un regard acéré au Directeur, l'observant calmement avant de répondre avec détachement :

"Bien, merci."

Ses sentiments envers Dumbledore étaient encore ambigus ; il avait dépassé le stade de la colère brute qu'il avait éprouvé au commencement mais, s'il lui était somme toute reconnaissant d'avoir tenté de lui épargner des épreuves supplémentaires, il lui en voulait encore de lui avoir caché la prophétie… Il soupira, ajoutant un peu plus chaleureusement :

"Enfin, je me sens un peu… perdu... Mais j'ai appris beaucoup de choses sur…"

Sa phrase resta suspendue entre eux et le regard dans le vague, il dériva au fil de ses souvenirs : la scène dans le bureau, la prophétie… mais la douleur qui s'était estompée auparavant submergea tout de nouveau, si forte, omniprésente, accompagnée par ce serrement de cœur qui le prenait quand il songeait au destin qui l'attendait…

Dumbledore s'approcha de lui, l'air soucieux et fit d'une voix douce :

"Je ne sais que dire, Harry… D'un certain côté, je sais ce que tu ressens, et je peux te dire que cela finira par passer… Enfin, cela s'atténuera, plutôt, car nos peines, comme nos joies, nous marquent de manière indélébile… Elles peuvent nous apporter quelque chose comme elles peuvent nous l'ôter. On peut en retirer une grande force mais l'inverse est aussi possible et une émotion non maîtrisée peut détruire jusqu'à l'essence de notre être… J'imagine qu'en ce moment, tu dois souvent avoir des visions, des cauchemars "

Harry fut profondément surpris, car bien qu'il ait parlé au Directeur de ses rêves les plus violents, il avait passé sous silence nombre des plus faibles, préférant laisser croire qu'il avait surmonté ces intrusions de Voldemort dans son esprit… Comme s'il avait lu dans ses pensées, Dumbledore continua, l'air toujours soucieux :

"Je n'ai pas besoin que tu me parles de tes visions pour savoir que tu en as… Tu es en ce moment même dans un état émotionnel fragile et cela rend ton esprit plus perméable encore aux incursions extérieures, et de toute façon… Je n'ai qu'à te regarder, Harry, tu es dans un état épouvantable. Pour tout te dire, ta tante m'a écrit il y a peu ; elle s'inquiétait de ta santé. J'avais dû m'absenter quelques jours et je n'ai trouvé son message et le tien que ce matin et je suis venu immédiatement… Je crois qu'il faut que tu reprennes enfin des cours d'Occlumencie."

Harry, plongé brusquement dans les souvenirs de ses leçons passées et de la fin pénible qu'elles avaient eu, réalisa abruptement que Rogue avait fini par parler au Directeur de ce qui s'était passé et sa haine pour Rogue refit instantanément surface. Il gratifia Dumbledore d'un regard de défi, mais le Directeur le lui retourna, impassible, laissant sa phrase en suspens. Face à l'expression impénétrable de Dumbledore, il sentit son ressentiment s'effriter, sapée par le déferlement de culpabilité qui l'envahissait dès qu'il repensait à son parrain. Il s'était juré de ne jamais pardonner Rogue, mais depuis qu'il était revenu à Privet Drive, il s'était rendu compte que, aussi haïssable que soit ce dernier, il n'était en rien responsable de la mort de Sirius… ou alors certainement moins que lui-même l'était. Finalement, Harry finit par rompre le silence, baissant la tête et bafouillant :

"Ah… je vois… Professeur, je… Je regrette vraiment ce qui s'est passé avec R… le professeur Rogue. Je… j'aurais du vous…"

Relevant les yeux, il rencontra ceux de Dumbledore qui le fixaient avec une intensité déconcertante, l'examinant attentivement. Puis l'expression du vieil homme se radoucit et il déclara :

"Effectivement, tu aurais pu venir me parler ; c'était une erreur de ta part mais là n'est pas la question. Essaie cependant de ne pas faire la même erreur que Severus ; il n'a jamais réussi à dominer ses sentiments. Dis-toi que ce n'est pas la solution…"

Il s'interrompit, gratifiant Harry d'un bref coup d'œil, puis marchant de long en large, il reprit :

"Il faudra recommencer les leçons là où elles en étaient restées… De plus, il te faudra désormais commencer la Légilimancie. Cette discipline est encore plus délicate à maîtriser que l'Occlumancie. Nous travaillerons donc d'abord la première avant de débuter ; c'est moi qui te donnerais tes cours cette fois, malgré les risques. Tu verras aussi le Transplanage. Comme tu le sais, seuls les sorciers ayant passé le permis ont le droit de transplaner ; cependant cela nécessite beaucoup de préparation : si la pratique est interdite avant dix-huit ans, beaucoup commencent la théorie plus tôt. C'est le professeur McGonagall qui viendra te donner quelques leçons. Enfin je testerai ton aptitude à pratiquer charmes et autres sortilèges sans baguette magique."

Le Directeur s'interrompit, avec un sourire malicieux et Harry vit le pétillement familier apparaître dans les yeux bleus :

"Je pense que cela suffira pour commencer ; et puis avec tous ces devoirs de vacances, Miss Granger finirait par être jalouse de toi…"

Harry eut un petit sourire ; il essaya d'imaginer les têtes d'Hermione et de Ron apprenant qu'il avait travaillé durant les vacances : Hermione serait stupéfaite et Ron vraisemblablement horrifié… Il demanda alors :

"Professeur, en parlant d'Hermione et de Ron, est-ce que je pourrai les voir cet été "

"C'est la seconde raison de ma visite… Comme tu le sais, je voulais que tu reviennes ici pour un certain temps car la protection que ta mère t'avait léguée passe par ta tante… les liens du sang… Mais ta protection me cause quelques soucis et pour être franc, je serais plus rassuré que tu sois chez les Weasley. Cependant, il te faudra encore patienter quelques semaines, deux, peutêtre trois : l'Ordre est débordé en ce moment, car les Mangemorts font preuve d'une activité accrue ces derniers jours. Je vais commencer à planifier ton… transfert dès demain, si tu le souhaites, bien entendu."

Harry se sentit immédiatement soulagé, mais brusquement, son cœur se serra tandis qu'une pensée lui venait à l'esprit :

"Oh… ouiévidemment… mais pourquoi ne pas m'emmener chez… enfin, Square Grimmaurd "