Hello!

Alors, avant toute chose, je m'excuse pour ces longs mois sans rien. rien. rien. rien. rien. Enfin voilà, je sais ce n'est pas très sérieux. Mais voilà, la vie file à une vitesse, les choses s'entassent, les examens arrivent, les stages. Toussa toussa, et du coup je n'ai plus eu la tête à ma petite fanfiction.
Mais, enfin, je vous livre un petit chapitre, plus court que les précédents (et un peu moins bien à mon avis...).
Je vous promet toutefois que le prochain sera meilleur, et qu'il sera plus vite posté ;)

Je vous fais de gros bisous, et remercie tous ceux qui m'ont ajoutée en favoris, qui ont commenté, et qui me suivent! Je ne pensais pas que mes petites histoires étranges parviendraient à vous plaire :D

Enjoy ;)

(Du point de vue de Narghaash)


Lentement, il tira la corde qui se tendit avec souplesse. Le bois solide dans lequel était sculpté l'arc se courba sans un craquement. Il cessa de respirer, et d'un coup sec, détendit ses doigts. La flèche, mortelle, siffla un instant puis se planta avec un bruit mat dans le flanc palpitant de la biche. Sous l'impact, celle-ci trébucha puis laissa échapper un gémissement de douleur. Implacable, il encocha un deuxième trait, et tira. Un nouveau glapissement, plus faible, retentit dans les bois et Narghaash quitta l'endroit où il s'était caché. Il s'avança vers sa proie défaillante, et de la simple force de sa main, lui tordit le cou. La magnifique créature s'écroula brusquement et il la contempla un moment, caressant avec une certaine fascination le fin pelage qui parcourait son corps.

Il n'avait jamais vu un animal d'aussi près, et cela le perturbait. Depuis sa naissance, il n'avait connu que la Fosse, ses habitants brutaux et la froideur du Maître. Mis à part les raids et les batailles diverses qu'il avait dû mener, jamais il n'était sorti des plaines d'Isengard. Lui qui n'avait vu que le rougeoiement des feux de la Fosse, voilà que devant lui s'étendait une forêt aux couleurs chatoyantes, lui qui n'avait connu que les cris et les grognements, voilà que ses oreilles captaient le doux chant des oiseaux. Pour la première fois de sa vie, il prêtait attention à des détails qu'il n'avait jusqu'alors jamais remarqué. Ses yeux, grands ouverts voyaient les splendeurs de la nature, ses oreilles attentives se tournaient en tous sens, écoutant ces nouveaux et étranges sons.

Les battements de son cœur s'apaisèrent peu à peu, et l'excitation qui était monté en lui durant la chasse s'estompa. Il tendit l'oreille un instant, puis laissa ses muscles se décontracter. Il était seul. Seul dans ces bois inconnus où devaient se cacher bien des dangers, et pourtant aucune crainte n'enflait en lui. Car il comprenait enfin pourquoi une joie intense et inexprimable se levait en lui depuis qu'il était sorti d'Isengard. Ce n'était pas une joie qu'il avait l'habitude de ressentir, comme lorsqu'il détruisait et prenait la vie. C'était quelque chose de plus profond, de plus vrai, qui faisait baigner son corps entier dans la paix.

Il était… libre ? Autrefois jamais une telle pensée n'avait été envisageable, et pourtant voilà que désormais elle se frayait un chemin dans sa réalité.

Qu'était-ce… être libre ? Il ne comprenait pas tout à fait le sens de ce mot, mais confusément, il parvenait à lui donner une certaine saveur. Être libre, c'était être seul, seul dans sa tête et dans son corps : à présent, il pouvait réfléchir par lui-même, et il ne recevait plus d'ordres de personnes plus puissantes que lui.

Ces deux dernières perspectives l'effrayaient grandement, car il avait toujours vécu de cette façon. Ecrasé sous l'autorité du Maître, bridé à suivre les ordres. Mais dans un même temps, ces étranges constatations lui procuraient des sensations si fortes qu'elles menaçaient de l'étouffer.

Il avait envie de rugir de joie, pour montrer au monde entier combien sa tête et son cœur étaient légers.

Le colosse sourit et un doux grondement roula dans sa poitrine, tandis qu'il profitait de ces instants de paix si nouveaux. Que ce soit dans la Fosse, en raid ou même dans la tour du dushatâr, il n'avait jamais réellement été seul. Il y avait toujours le Maître dans un coin de ses pensées, toujours la présence d'orques ou d'uruks autour de lui… Cela ne l'avait autrefois jamais dérangé, et pourtant, maintenant qu'il goûtait à la solitude et à ses bienfaits, il comprenait pourquoi certains avaient ressentis le besoin de s'isoler.

Seul, il pouvait agir comme il le souhaitait, il pouvait penser comme il le voulait... Et il aimait cela.

Il se releva souplement et inspira goulûment l'air frais. Il fit quelques pas et roula des épaules, puis grimaça légèrement sous le geste. Son combat un peu plus tôt avait rouvert les blessures qu'il avait reçues dans la tour, et des filets de sang noir coulaient dans son dos, sinuant sur sa peau sombre.

Narghaash repensa alors à ce qui s'était déroulé quelques heures plus tôt, et son humeur s'assombrit.

Il s'était légèrement éloigné de la clairière pour faire un tour de reconnaissance autour de leur campement, par sureté. Il avait brièvement regardé Emilie, encore endormie, au moment où il s'enfonçait dans les bois alentours. La vue de cette étrange petite humaine dont il connaissait le prénom avait fait surgir de drôles de sensations dans son corps, et il avait préféré les fuir en partant dans la sombre forêt. Malgré son envie pressante de s'engager plus loin dans les sentiers sinueux de la forêt, il s'était retenu, sentant un infime changement dans l'air.

Il avait su dès le premier contact que certains des uruks, ceux qui étaient nés il y a peu, n'étaient pas assez matures pour agir de la bonne façon. Ils n'avaient pas été élevés, éduqués dans la Fosse, ou trop peu. Il avait craint que ceux-là ne causent des problèmes, mais il n'avait pas eu la force nécessaire, le soir où Emilie et lui étaient arrivés au campement, pour redresser ces jeunes uruks indomptés. Il s'était simplement accroupi en regardant le ciel, savourant cette sensation de… liberté qui l'avait habité. Et puis… Emilie était venue se coucher à côté de lui, et il n'avait plus osé bouger, malgré les moqueries de ses semblables.

Il avait cru pouvoir mater les nouveau-nés plus tard. Ce que Narghaash n'avait pas prévu, c'était que leurs instincts bestiaux resurgissent d'aussi tôt, et aussi fortement. Etait-ce un tour du dushatâr, qui furieux de les avoir perdu, avait raffermi son pouvoir sur leurs faibles esprits ? Si tel était le cas, le colosse ne pouvait qu'haïr plus encore celui qui avait été son Maître pendant si longtemps.

Au moment où il avait entendu le hurlement, alors qu'il sécurisait les alentours du campement, il avait cru entendre la voix d'Emilie, et une rage intense s'était propagé en lui. Fou de colère et d'une autre sensation qu'il connaissait peu, il s'était précipité avec une force peu commune à travers les arbres, pour surgir sauvagement d'entre les fourrées. En quelques secondes, ses yeux surentraînés avaient englobés la scène, remarquant qu'Emilie était sauve, mais que l'un des nouveau-nés tenait par le bras une jeune femelle. L'odeur caractéristique de la peur avait brûlé ses narines, et il avait grondé.

Il s'était préparé à se jeter en rugissant sur le jeune uruk, le terrassant d'un seul geste. Et puis, il avait hésité. Il n'avait plus envie d'être cet être froid et cruel qui avait tant tué dans la Fosse. Maintenant, il était… autre. Neuf.

Il avait voulu parler, mais quelque chose l'avait retenu. Ses semblables, présents au moment où le nouveau-né avait pris la sharlob étaient restés insensibles et n'avaient semblés vouloir l'arrêter. Le colosse avait cessé de bouger, des sensations contradictoires se bousculant dans son cerveau. Après tout, il avait toujours été normal de prendre par la force une femelle humaine lorsqu'ils en avaient envie, dans la Fosse, alors pourquoi ne continueraient-ils pas ? Oui… après tout ils en avaient envie, alors pourquoi ne pas les laisser faire ? Lui-même en avait eu envie pendant bien longtemps. Cela avait semblé être bon, alors pourquoi arrêter ?

Et puis… il avait repensé à ce que les rebelles avaient tentés de lui enseigner, ce qu'ils lui avaient fait voir et comprendre, ce que Nurzûm lui avait montré… et il s'était secoué. Son regard avait dérivé sur Emilie, et son expression horrifiée avait renforcé son malaise. Non, ce n'était pas comme cela qu'il fallait faire : ce n'était pas bon. Ce qui était bon, et il l'avait peu à peu compris, c'était de ne pas vouloir ces femelles. Ce qui était bon, c'était d'attendre, et… d'essayer de les comprendre, comme Emilie. Et puis, une image fugace s'était frayée un chemin dans son esprit, et il avait grondé, pensant à ce qu'il aurait fait à ce misérable nouveau-né s'il avait osé toucher à la petite sharlob qui lui avait sauvé la vie.

Alors, il s'était avancé et tentant de calmer les tremblements de fureur qui le parcourait, il avait parlé au jeune uruk, essayant de lui faire entendre raison. Il avait senti bien avant que celui-ci ne réponde ce qui allait se passer, et avait raffermi ses appuis.

Le combat avait été différent de tous ceux qu'il avait menés jusqu'alors, car pour la première fois, il n'avait pas souhaité la mort de son adversaire. Il n'avait pas lutté pour quelque chose lui appartenant, quelque chose qui lui reviendrait ou qui serait sien, mais pour le bien des autres, et cela avait été véritablement déstabilisant. Il avait deviné le regard d'Emilie sur lui pendant la lutte, et malgré la fatigue qu'il avait ressenti, malgré ses blessures ruisselantes, il avait tenu bon.

Toutefois, à l'issu du combat, il n'avait pu résister à l'envie primitive qui avait fait bouillir son corps, et avait gouté au sang de son adversaire. Il avait fait éclater sa joie sauvage en rugissant de toutes ses forces contre l'uruk vaincu, marquant ainsi sa place de chef dans ce groupe. Puis, il avait donné le corps en pâture à ses semblables, sachant qu'ils avaient faim et que cela les rassasierait. Dans la mêlée, il avait pris soin de se pencher vers le mort, et d'emporter avec lui la meilleure part. Cela lui était revenu de droit, et les autres orques et uruk-hai le sachant pertinemment, l'avaient laissé faire.

Après quoi il s'était tourné vers Emilie, de la joie dans le cœur, afin de lui donner ce morceau si tendre, se doutant qu'elle devait avoir faim. Il s'était senti redevable, et comme moyen de payer sa dette, il avait voulu la nourrir à son tour. Mais cela ne s'était pas passé comme il l'avait prévu. Au lieu de se réjouir à la vue de ce repas, elle avait reculé. L'odeur piquante de la peur, et celle plus âpre du dégoût avaient chatouillées son nez, et il s'était arrêté, ne comprenant pas pourquoi elle ne voulait pas manger. Il s'était approché à nouveau, lui tendant le morceau de choix. Elle avait encore reculé, se penchant sur le côté pour vomir. L'odeur acide de son rejet lui était parvenue et il avait grondé brièvement, une sensation forte de frustration montant en lui. Il n'avait pas compris pourquoi elle rejetait son cadeau, qui avait beaucoup de valeur à ses yeux puisqu'il était la meilleure part de sa victoire. Alors, une dernière fois, il s'était avancé vers elle et avait failli se rétracter lorsqu'il avait senti son odeur changer légèrement. Le dégoût s'était transformé en peur et en colère. Et elle avait crié. Sa voix frémissante sous les émotions qui se bousculaient en elle, et il s'était arrêté, une drôle de sensation alourdissant sa poitrine. Il n'avait pas compris ce qui lui était arrivé, et était resté à quelques mètres d'elle.

Il avait été rejeté par Emilie, et cela l'avait rendu… étrange. Et en même temps que cette drôle de sensation, une fureur ravageuse avait commencé à monter en lui, aussitôt bridée par la vague de peur affreuse qui était provenue du corps de la jeune humaine. Elle avait eu peur de lui, et cela l'avait tant chamboulé, qu'il n'avait plus pu réagir lorsque l'une des femmes –une guérisseuse- de la Fosse s'était avancée, parlant dans une langue qui lui était inconnue. Et Emilie avait réagi, comme si elle avait compris. Et elle avait compris. Abasourdi, Narghaash n'avait pu interrompre cet échange, et avait regardé les deux jeunes femmes s'attraper par les mains.

Ce dernier geste, ainsi que la complicité qui s'était tout de suite installée entre les deux humaine avait fait naître des tiraillements légèrement douloureux dans le corps du colosse, qui avait cillé. Rudement, il avait interpellé la guérisseuse en grondant.

-Sharlob, pourquoi ne veut-elle pas manger ?

Avec un certain plaisir, il avait vu la jeune femme se rétracter et baisser les yeux.

-Elle préfère les animaux, cuits.

La réponse l'avait étonné un instant : Elle ne mangeait donc aucun homme, aucun Uruk-hai ? Et jamais cru ? Quelles étaient ces étranges coutumes ? Et puis, il s'était vite repris. Ce soir, elle mangerait de la viande cuite car après tout, il lui devait bien ça. Toutefois, encore tiraillé par de drôles de sensations, et parce qu'il n'avait pu s'adresser directement à Emilie, il avait continué à parler à la guérisseuse, qui s'était levée. Il n'avait toutefois pas résisté à l'envie de lui jeter un rapide coup d'œil.

-J'vais chercher à manger pour elle. Occupe-toi d'elle. J'reviens avant que le soleil n's'couche.

Il n'avait pas vérifié si ses dires étaient exécutés. Il s'était retourné, pressé de quitter cet endroit et les yeux d'Emilie qui étaient fixés sur lui. Il s'était rapidement dirigé vers l'un des orques à la lisière de la forêt.

-Vous avez réussi à emporter des armes ?

-Oui, des épées et un arc.

-Donne-moi l'arc.

-Oui, pizdur.

Il avait récupéré l'arme et s'était aussitôt enfoncé dans la forêt. Puis, il avait couru, longtemps et fort pour faire partir toutes ces sensations… ces sentiments qui croissaient en lui. Lorsqu'il s'était arrêté, il avait été étonné par le silence autour de lui. Il avait pris quelques longues minutes pour reprendre son souffle, et sans réfléchir s'était lancé sur les traces du premier animal sentit. Une biche. En reniflant son odeur, le colosse s'était dit qu'Emilie aimerai surement ce bel animal à manger, et il s'était mis en chasse. Cela avait été la première fois qu'il chassait : le dushatâr avait toujours pourvu à leurs besoins dans la Fosse. Cela lui avait énormément plu. Les heures à pister, chercher, traquer cette proie dont il avait besoin pour nourrir Emilie l'avait calmé et il avait pu réfléchir sur ce qui s'était passé, et ce qu'il devenait.

Narghaash s'ébroua, chassant de son esprit pensif toutes ces choses qui l'encombraient. Il se baissa et attrapa la biche, puis la jeta sur son épaule. Ce geste familier le fit penser à la fois où il avait transporté Emilie ainsi, dans la tour du dushatâr. Un grondement bref sortit de la gorge du colosse, quand il se souvint du peu de force qu'elle avait alors, et de la tâche significative qui s'étalait sur son pantalon. Son rire s'éteint brusquement au fil de sa pensée. A cette époque, elle n'avait été qu'une pitoyable femelle humaine à ses yeux, mais maintenant… tout avait changé. Elle était devenue plus importante, plus importante même que ses semblables ou le maître, et à cause de cela il se sentait perdu. Car il ne savait pas comment agir, avec une personne importante.

Il avait toujours traité les humaines de la même façon, mais Emilie, c'était différent. Et il ne savait pas. Il ne savait pas comment faire avec elle. Il ne savait pas comment lui parler, il ne savait pas comment la toucher, il ne savait pas comment la regarder. Elle l'effrayait tout en le rendant fort. Fort, parce qu'il avait une raison de se battre, et de chasser, maintenant. Autrefois, il n'en avait pas eu puisque c'était toujours le maître qui les envoyait se battre. Mais aujourd'hui, c'était différent.

Au début, Narghaash avait détesté de tout son cœur cette différence. Puis il s'était peu à peu habitué, apprivoisant cette chose étrange et cette humaine étrange… Emilie.

Il rassura sa forte poigne sur la biche, satisfait d'avoir eu une telle prise. Il n'avait pas souvent chassé, alors qu'il vivait dans la Tour, mais son instinct de prédateur redoutable, et son expertise dans les armes lui avaient très vite permis de comprendre et sentir comment la chasse marchait, et son cœur était heureux d'avoir attrapé un si beau morceau pour Emilie. Il se demanda un instant si cela allait lui plaire, puis un léger grognement frémit dans sa gorge, et il se mit à marcher vers la clairière. Il décida de ne plus laisser ses pensées vagabonder vers la jeune humaine, car elle n'était pas le problème le plus important à régler. Ce fut donc à contre cœur qu'il se mit à réfléchir à ce qu'ils allaient faire ensuite.

Quelles étaient les chemins à prendre ? Où aller ? Que faire ? Comment allaient-ils se débrouiller ? Allaient-ils laisser partir les sharlob?

Narghaash secoua vivement la tête, indécis. Il savait qu'il était inconcevable, autant pour lui que pour ses compagnons de retourner vers la tour, ce n'était plus qu'un vestige tordu de leur foyer, un lieu maudit et cent fois haï. Ils ne pouvaient pas non plus s'enfoncer plus encore dans la forêt, de peur de voir surgir de nouveaux arbres-marchants. Non. Que leur restaient-ils ? Les montagnes. Le colosse s'arrêta brusquement, repensant soudainement à une conversation qu'il avait eue avec deux orques avant qu'ils ne les fassent exécuter. Ils lui avaient alors parlés de leurs familles, se cachant dans les montagnes... Familles qu'il avait faites exécuter. Il remua alors, mal à l'aise sous cette pensée, sans réellement chercher à comprendre pourquoi. Toutefois, malgré l'inconfort soudain, un espoir nouveau se levait en lui : peut-être que dans ces montagnes, se cachaient d'autres clans qui pourrait les accueillir. Un frémissement le prenant tout entier, l'uruk gronda légèrement, laissant échapper sa satisfaction.

Après quoi, il se remit à marcher, traçant fermement son chemin entre les arbres vacillants. Finalement décidé sur leur destination.

Mais, il restait un dernier problème à résoudre, et celui-ci n'était pas des moindres : qu'allaient-ils faire des femmes ? Les tuer ? Les emmener ? Les relâcher ? Quelle était la solution ? Aucune ne semblait être la bonne aux yeux de Narghaash. S'il les tuait, comment allait-il expliquer son désir de garder Emilie en vie ? Et puis, elles pourraient leur être utiles à l'avenir : l'une d'entre elles était guérisseuse. Mais s'il les emmenait, cela l'exposait également à bien des complications car il savait de quoi il était fait, ainsi que les autres, et l'attrait de tant de chair fraîche était tout à fait tentateur. Et s'il les laissait partir… le colosse était certain de se retrouver quelques jours plus tard avec une cavalerie d'hommes furieux à leurs trousses.

Il hésitait. Cela n'était pas commun, car il avait toujours su ce qu'il voulait ou ce que le maître souhaitait, mais désormais il semblait bien plus complexe de choisir ce qui était bon. Mais bon pour qui ? Pour lui, pour son groupe, pour les humaines ? Toutes ses pensées, tous les facteurs se mélangeaient sans cesse, et Narghaash gronda de frustration sous son incapacité totale à cerner clairement la situation. Avant, quand il n'y avait pas toutes ces sensations dans son ventre, il avait été si facile de faire des choix. A présent, cette capacité qu'il avait eue très tôt, semblait s'être estompée, ou alors elle avait simplement changée, s'était affinée, ne suivant plus le cours de ses envies seules, mais également les fugaces impressions qui l'habitaient. C'était compliqué, de ne plus seulement penser à ce qu'il voulait, et ce que le maître voulait. Désormais, il devait penser pour le groupe, et cette responsabilité étrange lui donna la sensation d'avoir revêtu une armure de plomb complète, qui le clouait impitoyablement au sol.

Narghaash s'arrêta un instant, et se retourna brusquement, sa poitrine se soulevant avec force et rapidité. Il se sentait oppressé sans comprendre pourquoi, et cherchait un indice dans les alentours. Tous ses sens en alertes, il poussa un rugissement, espérant éloigner les imprudents qui auraient pu s'approcher de lui. Etrangement, son cri n'eut pas l'effet escompté : une bande d'oiseaux sauvage s'éparpilla entre les arbres, puis ce fut tout. Narghaash inspira, constatant que cela l'avait quelque peu libéré du poids qui l'oppressait.

Après quoi, il se remit à marcher, fendant la végétation avec une force spectaculaire. Le crâne de la biche lui tapait contre la cuisse à chaque foulée, lui rappelant qu'il n'avait pas failli à son devoir aujourd'hui : il allait pouvoir nourrir le petit groupe dont il était désormais chef.

Il marcha encore un moment avant de parvenir à la clairière où le groupe était installé, et ce fut pendant ces précieuses minutes qu'il parvint à prendre une décision. Un léger grognement de satisfaction fit frémir son poitrail, tandis qu'il émergeait d'entre les arbres. Il embrassa la scène du regard, et ne trouvant aucune raison d'user de son autorité, ses yeux se rivèrent sans qu'il n'en soit réellement conscient sur Emilie, qui discutait avec la sharlob guérisseuse. Celle-ci tourna son visage vers lui, mais avant même que ses prunelles ne frôlent les siennes, elle détourna le regard. Narghaash fronça les sourcils, ne comprenant pas ce soudain revirement.

Toutefois, ne sachant comment il convenait de réagir, et surtout par fierté, il se détourna et se dirigea vers le groupe insolite, composé d'orques et d'uruks. Plus le colosse s'approchait, et plus il comprenait qu'il était temps d'agir. Il remarqua les tremblements et l'impatience des plus jeunes, et l'air presque inquiet qui se peignait sur le visage des plus vieux. Ils n'étaient pas dans leur environnement naturel, ils n'avaient plus la voix du maître dans leur tête, et tout cela était si déconcertant que pour la première fois ils se sentaient perdus. Narghaash comprenait cela, puisqu'il le vivait en même temps qu'eux. Mais il savait qu'il devait leur montrer plus fort qu'eux, plus sûr qu'eux, plus dur si il en avait besoin, car au moindre signe de faiblesse, il était certain de se faire arracher les membres à la première occasion.

Il laissa tomber la biche au milieu d'eux, et se redressa. Une lueur d'autorité pure s'alluma dans son regard tandis que les visages de chacun des huit individus se tournaient vers lui.

-La chasse a été foutrement bonne, pizdur !

-Ces foutus animaux sont aussi lents que les peauxblanches. Grogna celui-ci avec un ricanement.

Des ricanements sans joie s'élevèrent ensuite du groupe. Ils furent vite dissipés.

-Chef, c'quoi l'plan pour après ?

-Les montagnes.

Des grognements surpris fusèrent, et certains jetèrent des coups d'œil étonnés vers les monts enneigés que l'on voyait apparaitre derrière les cimes mouvantes des arbres.

-Les orques, vos familles sont dans les montagnes ?

-Oui Pizdur, répondit le plus vieux des quatre orques, qui répondait au nom de Shaporrûrz.

-Alors emmenez-nous.

Les orques échangèrent de rapides regards, et refusèrent de lever les yeux vers le colosse. Narghaash gronda, menaçant les trois individus fluets. Leurs oreilles se rabattirent sur leurs crânes, tandis que Shaporrûrz prenait une légère inspiration.

-Les règles dans les clans des montagnes sont différentes d'ici… j'sais pas si vous pourrez entrer. Et j'sais même pas si j'me souviens bien d'où c'est… pt'être même qu'ils ont changés de camp.

-Je m'fous des règles, je m'en fous s'ils ont bougés, toi vermine, tu nous amèneras là-bas. Et si ça plaît pas, nous f'rons notre foutu propre clan. Fulmina Narghaash, furieux du refus de l'orque. Nous partons après l'repas… et nous prenons les sharlob.

Après quoi, sans attendre les avis et les protestations de ses compagnons, il attrapa la biche et s'éloigna. Il lâcha la bête près du feu de camp, et donna l'ordre aux femmes de le dépecer et de préparer une partie de la créature pour elles, le reste ils le mangeraient cru. Deux d'entre elles s'approchèrent timidement de la bête, et le colosse s'éloigna, ne jetant aucun regard à Emilie.

Le repas fut rapide. Lorsque les sharlob finirent de préparer leurs bouts de viande cuits, les créatures d'Isengard avalèrent les restes. Puis, ils gardèrent les tripes pour faire des arcs, et rassemblèrent toutes les affaires qu'ils avaient sauvées des flots. En quelques minutes, la clairière fut débarrassée, et les traces de leur séjour furent effacées avec soin par les orques, qui détenaient ce savoir de leur vie dans les montagnes, des années auparavant. Les sharlobs furent rassemblées sans grand ménagement vers l'abord de la clairière. Narghaash adressa quelques ordres brefs à ses semblables qui tenaient les armes. Les quatre orques se mirent au début afin de les guider, puis venait deux uruks, les femmes humaines, les deux plus jeunes uruks, et le colosse se positionna en dernier.

Il avait soigneusement choisi cette place afin de garder un œil sur chacun des membres de ce groupe insolite. Il avait confiance en certains des uruks car il se souvenait d'eux, dans la fosse et savait qu'ils pourraient obéir à ses commandements sans discuter. Il se méfiait toutefois des plus jeunes, et des orques. Des femmes humaines, il ne craignait rien elles étaient bien trop faibles pour lui causer le moindre tort.

Finalement, ils se mirent en marche, et Narghaash put desserrer les dents, gardant toutefois son arme à portée de main, au cas où ils en viendraient à faire des rencontres impromptues.

Malgré tout, au fil des pas, il se détendit. Leur dur périple commençait, et déjà il avait hâte de parvenir aux montagnes, afin de trouver un refuge, un abri, n'importe quoi qui pourrait les abriter… et surtout abriter Emilie.