Hellow :)

Comme promis, ce chapitre est arrivé beaucoup plus vite que le précédent! Hihi!
Je suis super contente de vous le poster, car j'ai vraiment, vraiment aimé l'écrire! Nous revoilà du point de vue d'Emilie, notre pauvre petite Emilie qui part pour une superbe balade ;)

Enjoy!


En tous cas, je souhaite remercier chacun de vous, qui me lisez. Rien que parce que vous lisez ma chère petite histoire! Je remercie aussi tout ceux qui commentent, qui suivent, qui mettent en favoris, parce que ça me fait immensément plaisir :D

Atiketook: Merci, je suis contente que tu sois contente ;)

Darkkkline: Huhu, je suis toujours tellement heureuse de voir que tu suis ma fiction :) C'est vrai que j'aime beaucoup écrire du point de vue de Narghaash, et je suis contente de savoir que ce que j'essaie de faire ressentir, soit en effet, bien ressenti par le lecteur! Mais tu sais, l'idée des orques et uruk-hai pas si méchant que ça, je l'ai surtout eue en lisant des fanfiction en anglais, qui sont absolument géniales, et qui décrivent justement ça. Ca m'a beaucoup inspirée, parce que je persiste à croire qu'en tout méchant, même très méchant, il y a du bon. Il faut juste savoir creuser, et avoir beaucoup de patience ;) Donc pour moi les orques ne sont pas fondamentalement mauvais, ils sont juste habitué aux mauvaises choses dés leur naissance. Enfin bref, voilà xD

Lizss: Merciiii pour ta compréhension pour ma vie irl, et merci pour ton engouement pour ma fiction :D

Roselia 001: Merci :D

Sakiie-chan: Meuuuh non, ce n'est pas mal, d'où tires-tu cette idée (a) et puis, peut-être qu'il n'y aura aucune romance! Tout peut arriver ;)

Luciferinfernodragon: Je suis super contente que tes réticences soient tombées alors :D

Neiflheim: Oui, je trouve ça mignon aussi :D C'est le fain de la tyranie de Saroumane, alors les uruk commencent à penser par eux-même, c'est pour ça qu'ils commencent à ressentir des choses!

Merci à tous, encore une fois!

ENJOY!


Respire, Emilie, respire ! M'ordonnais-je tandis que je posai mon pied, chaussé du vestige d'une basket de marque, sur le chemin invisible que nous empruntions. Cela faisait des heures que nous marchions dans cette forêt, visiblement peu ou pas entretenue par l'homme. Des ronces s'accrochaient sans cesse à mes vêtements, des branches giflaient mes joues, et il m'était déjà arrivé à plusieurs reprise de m'enfoncer jusqu'au genou dans des trous remplis d'eau vaseuse et de mousse. Généralement, lorsque j'en retirai mon pied, un bruit de succion affreux s'élevait dans l'air. L'écœurement me gagnait alors, et je laissais échapper le plus silencieusement possible de charmant « baaah » « yeuuurk » « deeeg' » « ignoooble », attirant sur moi les regards étranges des créatures qui nous entouraient. Ils avaient l'ouïe très fine, de cela j'en étais sûre : leurs petites oreilles pointues frémissaient au moindre mouvement, aux moindres prémices de son, et il nous arrivait de nous arrêter sous l'ordre de Narghaash, alors même que je n'entendais rien. Dans ces cas-là, nous nous figions tous et attendions, immobiles, le ventre noué, quelque chose qui heureusement n'arrivait jamais. Parfois, j'entendais les arbres craquer dans le lointain, et des images de notre fuite hors de la prison me revenaient. J'en frissonnais encore. Une chose était certaine, jamais plus je ne regarderai les végétaux de la même manière.

Nous avancions à un rythme assez soutenu, je devais l'avouer. Mon corps, faible, malnutri et déshydraté ne fonctionnait plus normalement, et après quelques heures de marche, il devenait réellement difficile de mettre un pied devant l'autre. Parfois, mon cerveau dysfonctionnait, et au lieu de voir mes pieds se succéder inlassablement, je ne percevais que ténèbres. Mais ce n'était que passager, et la plupart du temps, je tentai de me ressaisir rapidement, ne voulant pas ralentir la marche intensive qu'on nous avait imposée. Les horribles créatures qui marchaient devant et derrière nous, bien que silencieuses, nous pressaient de manière inconsciente à accélérer. Je sentais le souffle de la femme derrière moi sur ma nuque, précipité, comme si elle était apeurée. Il y avait de quoi à chaque fois que l'une d'entre nous faisait un pas de travers, ou ralentissait pour reprendre sa respiration, des grognements sourds, néanmoins terrifiants s'élevaient pour nous mettre en garde, nous incitant à reprendre notre route.

Nous n'avions pas bu, pas mangé, ne nous étions pas reposés depuis un nombre d'heure qui me semblait titanesque. Toutefois, je n'osais pas me plaindre. D'une part parce que ma fierté m'en empêchait, et d'une autre parce que j'avais peur de me faire rabrouer. Mais… mes pieds étaient si douloureux qu'ils me semblaient transpercés de milliers d'aiguilles. Je devais probablement avoir deux à trois ampoules à chaque orteil ! Mes jambes, trop lourdes, me faisaient souffrir et ma tête se mettait lentement à tourner. Je jetai un coup d'œil terne aux créatures monstrueuses qui nous précédaient, me demandant un instant comment ils parvenaient à tenir ce rythme sans broncher. J'étais en nage, de la sueur dégoulinait le long de mes tempes, de mon dos, de mes aisselles, sur mon torse, alors même que le soleil était caché par les épais feuillages des arbres. Mais, eux ne semblaient pas touchés. Comme si ce n'était qu'une insignifiante marche de mise en jambe. Pour moi, c'était une marche de fin de jambe.

Je détachai rapidement mon regard de ces êtres étranges, et me concentrai sur ma respiration, sur mes pas. Heureusement, je n'avais rien à porter, et la fraîcheur des sous-bois était suffisante pour que je ne me traîne pas à terre à cause de la chaleur. Mais, j'aurais donné tout ce que je possédais pour un verre d'eau. Un verre d'eau froid... Un thé glacé, un coca, même un sprite ! N'importe quoi, qui soit un minimum froid, qui puisse couler le long de ma gorge, m'hydrater avant que je ne tombe !

Il me semblait n'avoir jamais ressenti aussi intensément mes besoins primaires qu'en ce moment, et que ces dernières semaines. La fatigue intense, la soif intense, la faim intense, la chaleur intense, presque tout y était passé.

Je savais maintenant ce que cela faisait, de ne rien avoir, et de se battre pour sa survie tous les jours. De connaître la véritable faim, la réelle déshydratation, la vraie fatigue. Et ça craignait. Ca craignait un maximum.

J'inspirai profondément, essayant de faire disparaître les douleurs qui s'insinuaient dans mon être. La seule chose qui me réconfortait, c'était de savoir qu'Angélique était devant moi, et qu'elle était de mon monde. Autrement, tout n'était que souffrance. Mon corps, comme mes pensées, comme ce monde. Je trébuchai, et me rattrapai de justesse, évitant d'attirer la foudre sur ma pauvre personne. Deux yeux bleutés me fixèrent un instant avant de se retourner. Je vis l'ombre d'un sourire encourageant, et repris le rythme, ébauchant un sourire discret à mon tour, remerciant intérieurement la jeune femme qui m'accompagnait dans ce périple insensé.

La tête embrouillée par la fatigue, je tentai de me remémorer la dernière fois que j'avais bue. Je n'avais pas eu une goutte aujourd'hui, ni le soir d'avant puisque c'était la fois où nous avions échappés aux arbres mouvants, alors cela remontait à un peu plus loin. Oui, je le voyais à présent, la dernière fois que j'avais pu m'hydrater, était hier matin. Cela faisait donc bien plus de vingt-quatre heures que je n'avais pas pu abreuver mon corps en eau. Et les effets s'en ressentaient j'avais les lèvres sèches, la langue horriblement pâteuse, et une fatigue prodigieuse se répandait sur mon corps. Je jetai un coup d'œil à Angélique, devant moi, et me demandai un instant comment elle tenait ce rythme sans avoir la moindre soif. Toutefois, la sécheresse de ma gorge me rappela bien vite à mon mal être, et je fis tout mon possible pour éviter de penser à quelque chose de buvable, comme un liquide… de l'eau par exemple. Oh, de l'eau ! Qu'est-ce que j'avais soif ! Qu'est-ce que j'étais fatiguée !

Faiblement, je passai une main tremblante sur mon front en sueur et grimaçai. J'étais brûlante. Mes yeux papillonnèrent un moment vers la tête de notre cortège silencieux, espérant de tout mon être que nous pourrions nous arrêter d'ici peu afin de nous reposer, et de boire… surtout de boire. Mais mes espoirs étaient bien vains, car nous continuâmes à marcher un long moment avant que ma tête ne commence sérieusement à tourner. Je passai ma langue sur mes lèvres craquelée dans l'espoir de les humidifier, mais cela ne fit qu'empirer leur état déjà lamentable. Je cessai donc très rapidement, et me concentrai sur mes pas, de plus en plus chaotiques.

Quand soudain, je relevai les yeux, et fixai les oreilles pointues des créatures devant moi. Elles avaient bougées, très légèrement. Je n'étais donc pas folle ! Quel était ce bruit alléchant, que j'entendais ? Un glougloutement, le bruissement délicat d'un ruisseau. Un bruit frais, enchanteur, qui me vendait tellement du rêve, que je me contins afin de ne pas gémir sous la tentation. Il était sur notre droite, et m'appelait par son chant doux et léger. Je continuai de regarder les meneurs, dans l'espoir fou qu'ils détourneraient leur attention de la route, afin de nous mener vers ce bruit exquis, mais ils ne firent pas mine de l'avoir entendu. Je faillis couiner de désespoir, au moment où je trébuchai à nouveau, perdant l'équilibre. Mon cœur battait à tout rompt, ma langue était sèche, mes yeux voyaient flous, et j'avais si chaud que j'aurais pu me liquéfier sur place.

Il fallait que je choisisse. La mort, ou la mort. Bien, ce fut très simple. Subitement, portée par l'élan de la vie et surtout, de la survie, je m'élançai à toute vitesse dans la direction du cours d'eau. Des exclamations rauques suivirent mon départ précipité, mais je décidai de les ignorer, et fonçai entre les arbres. L'air se rafraîchit, et je su que je touchai au but lorsque les clapotis de l'eau sur la roche se firent plus proche. J'entendis des pas lourds, mais rapides me suivre quelques secondes à peine après mon départ. C'était probablement l'une des grandes créatures, peut-être même Narghaash. Mais je ne pouvais décemment pas m'arrêter ainsi, pas avant que je ne puisse tremper mes lèvres dans l'eau fraîche. C'était impossible. Je savais qu'ils pourraient me tuer pour ce brusque écart, ou me torturer… ou je ne savais quoi, mais au fond de moi, je comptais sur Narghaash pour empêcher une telle chose, et puis… j'avais bien trop soif pour m'en soucier. Je me faufilai entre les arbres, mon cœur battant à un rythme effréné, un point de côté labourant mes côtes. J'espérai pouvoir arriver à la source d'eau avant qu'ils ne me rattrapent. Les pas se rapprochaient. Ils avaient la vigueur, la force et l'endurance, mais j'avais la finesse, et mon corps élancé sinuait entre les troncs avec plus d'aisance.

Enfin, le bruit s'accrut, et devint bien plus fort, plus fort même que ce à quoi je m'étais attendue. Je n'y prêtai pas attention, et continuai de courir dans sa direction. Comme l'abeille qui volait à la rencontre du pollen, irrésistiblement attirée, je volais à la rencontre de l'eau. Les pas se rapprochaient, et des grognements distincts se faisaient entendre derrière moi. Ils étaient sur mes talons ! Je gémis, le corps tremblant de fatigue, certaine qu'ils allaient m'avoir.

Finalement, je débouchai dans une trouée, les arbres n'avançaient plus. A la place, se trouvait un terrain herbeux, qui descendait en pente douce vers un petit lac miroitant, dans lequel s'écoulait une cascade ruisselante. Le bruit que j'avais entendu.

J'émis un cri de joie et de soulagement, avant de reprendre ma course. J'avalais les derniers mètres qui me séparaient de cette eau tant désirée, et au moment où mes pieds entraient en contact avec l'onde, les premières créatures surgissaient d'entre les arbres.

Vacillante, je tombai à quatre patte dans l'étendue, et me mis à boire tout mon saoul. Je buvais comme jamais je n'avais bu, ne prenant pas le temps de respirer. L'eau gelée, qui venait probablement des monts couverts de neige, fit crisser mes dents et hurler de douleur mes gencives, mais je continuai, sentant avec satisfaction le liquide s'écouler le long de mon œsophage et atterrir brutalement dans mon estomac brulant. Le choc thermique me congela le cerveau, et mon ventre se contracta sous l'attaque. Je plaçai une main sur mon abdomen dans un réflexe, mais continuai de boire, incapable de m'arrêter. Jusqu'au moment où je me mis à manquer d'air. Entre deux gorgées, je tentai de prendre une respiration, et m'étouffai à moitié. Ce ne fut qu'à cet instant que je me redressai, assise sur mes talons, de l'eau jusqu'au nombril, je tentai de recracher l'eau qui s'était par mégarde engouffrée dans ma trachée. Celle-ci fut rapidement expulsée, et après trois ou quatre inspiration, je repris goulûment ma tâche première, c'est-à-dire, boire le plus possible, jusqu'à ce que mon ventre en éclate.

Heureusement, je m'arrêtai bien avant, des crampes aigues secouant mon abdomen. Mais je n'y prêtai que peu d'attention j'avais pu boire, et de ce simple fait, j'étais heureuse. Mon besoin primaire avait été comblé, et j'étais désormais beaucoup mieux. Soudainement, tout me semblait beaucoup plus beau. Je relevai les yeux et découvris alors la beauté du paysage qui me faisait face. La cascade ruisselait le long de rochers couverts de mousse, puis se jetait élégamment dans un lac à l'eau claire, teinté de différentes nuances de bleu. Les berges couvertes d'herbes vertes tendres s'élançaient jusqu'au bord de l'eau. Partout autour, des arbres à la magnificence suprême se dressaient, courbant leurs longues branches graciles vers les cieux. Un paysage idyllique, qui me fit frissonner sous sa beauté sauvage. Je me mis à rire. Ma soif atténuée, je me rendais maintenant compte d'où je me trouvais, de la douce brise qui caressait ma peau, de la faim légère qui tiraillait mon ventre, de l'eau froide qui entourait mes membres inférieurs, du soleil sur mon visage, et… de mon odeur. Je baissai mes yeux, qui s'agrandirent rapidement d'horreur. Jamais de ma vie entière je n'avais été aussi sale. De la crasse s'était accumulée sur tous les recoins de mon corps, et mon plongeon, la veille, dans la bouillasse autour de la tour n'avait rien arrangé. Cela faisait plusieurs semaines que je n'avais pas pris de douche, de bain, et ne m'était pas lavée. Il était temps, vraiment temps de faire un brin de toilette!

Un grognement retentit dans mon dos, et réalisant subitement que j'étais loin d'être seule, je me retournai. Je vis Narghaash, à quelques mètres de moi, son visage exprimant une colère peu contenue, qui m'effraya. Derrière lui se trouvaient tous les autres, les femmes fermement entourées par les étranges créatures –les petites et les grandes-. Certains crièrent des choses dans la direction de leur chef, dans leur langue, que je ne comprenais pas. Je sentis que mon sort pouvait basculer d'une minute à l'autre, et je rivai mes yeux dans ceux d'Angélique. Elle était la seule à pouvoir me comprendre, et la seule à pouvoir traduire mes excuses. D'autres cris furent poussés, et certains me pointèrent du doigt, puis poussèrent les femmes au milieu d'eux. Paniquée, sentant la tension monter dans l'air, mes prunelles vacillèrent, passant du colosse à Angélique. J'avais fait une erreur, je le savais. J'avais bravé l'autorité et la vigilance de ces créatures, ainsi que de Narghaash, et à cause de ma désobéissance ces jeunes femmes, et moi-même allions en pâtir. Je me relevai subitement, l'eau ruissela le long de mes jambes tandis que je revenais sur la berge. Je me précipitai près de Narghaash, les bras tendus, mes paumes de main ouvertes dans leur direction, et cherchai le regard de ma traductrice. Je le trouvai rapidement et sautai sur l'occasion.

-Angélique ! Criai-je, le souffle précipité. Traduis pour moi s'il te plaît. La jeune femme, l'air anxieux, hocha doucement la tête.

Je pris une inspiration, tentant de calme les battements de mon cœur. Les pupilles dilatées par la peur, le ventre noué par l'appréhension, je plongeai mes yeux dans ceux de Narghaash, si particuliers. J'y vis de la colère, et d'autres émotions que je ne parvins pas à décrypter. Mais surtout de la colère. Contre moi. Tout du moins c'est ce qu'il me sembla.

-Je suis désolée, dis-je d'une voix assez forte pour qu'Angélique puisse entendre. J'attendis qu'elle traduise, puis continuai, marquant des pauses à chaque fin de phrase afin qu'elle puisse suivre. Je ne voulais pas vous mettre en colère, mais j'avais besoin de boire, autrement je vous aurais ralentis plus encore… La prochaine fois, je vous promets de vous dire avant de… de partir ! Ça ne se reproduira plus… Je vous le promets ! Mes yeux glissèrent et croisèrent à nouveau ceux de Narghaash, je joignis mes mains dans une supplication probablement vaine. Je vous en supplie, ne les blessez pas, elles n'ont rien fait !

Il y eu un court silence, puis, les voix gutturales des créatures retentirent à nouveau, me pointant du doigt, ils vociféraient avec force.

-Thlûk! Gronda Narghaash, et tous se turent.

Son regard brûlant passa en un instant sur l'attroupement disparate, puis se posa sur moi. Incapable de supporter davantage ses prunelles, je baissai les yeux. Un grondement que je ne sus interpréter monta dans la poitrine de Narghaash, et malgré moi, je rentrai la tête dans les épaules. Qu'allaient-ils me faire ? Qu'allait-il me faire ? Qu'avais-je fais ?

Finalement, des ordres donnés dans leur langue gutturale claquèrent, et je relevai légèrement la tête. Je vis de la réticence sur le visage des autres créatures, jusqu'au moment où l'un d'eux amena une corde au colosse. Celui-ci l'attrapa, puis me regarda à nouveau. Je fronçai les sourcils. Que voulait-il que je fasse avec cette corde, que je me pende ? Mais il n'attendit pas que je la prenne, et entoura mes mains toujours jointes en une vaine supplique. Il fit un nœud solide qui me laboura les poignets, puis relâcha mes bras qui retombèrent contre mon ventre. Je mis quelques secondes à comprendre que ma punition pour m'être éloignée ainsi serait les liens. Je jetai un coup d'œil au groupe de femme, mais aucune ne semblait être attachée. Au moins, elles évitaient cette peine. Je relevai mon visage vers Narghaash, et hochai la tête, pour lui montrer que j'avais compris, et que j'avais ce que je méritais… plus ou moins. Dans mon monde, j'aurais discuté pour trouver un accord, mais avec ces personnages-là, ce n'était pas une option envisageable.

Le colosse m'observa un instant, puis tira légèrement la corde dans sa direction, et je fus obligée de faire un pas vers lui. Je grimaçai, mais ne protestai pas, même si j'en mourrais d'envie. Après quoi, il donna quelques nouveaux ordres, brefs, et avec hésitation, les femmes s'approchèrent de l'eau pour y boire. Les autres créatures s'abreuvèrent également. Me tenant toujours par mes liens, Narghaash s'agenouilla à son tour pour s'hydrater, et je me résignai à attendre qu'ils finissent. Profitant de l'occasion, je m'assis afin de reposer mes jambes, et malgré moi, me mis à observer mon ancien compagnon de cellule. Les gestes qu'il effectuait pour porter l'eau à sa bouche me rappelèrent le temps, finalement proche, où je la lui donnais moi-même, car il était attaché et très mal en point. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres tandis que je me remémorai ces temps de peur, d'angoisse, et finalement, de découverte.

Je m'aperçus alors, qu'il me regardait de ses yeux aux pupilles de chat, et m'arrêtai aussitôt de sourire bêtement. Je détournai le regard. Il n'était pas le même que dans la cellule. Angélique avait raison, il était… imprévisible, presque cruel, et je n'arrivais pas à croire qu'il était le Narghaash que j'avais appris à connaître dans les prisons. Mais, malgré mes efforts, je n'arrivais pas à me départir de ce sentiment de confiance ravageur qui me traversait, dès que je le voyais. Il m'avait sauvé la vie, au péril de la sienne, et je n'étais pas prête d'oublier une telle chose.

Une personne sauvant la vie d'une autre, et risquant par la même occasion la sienne, ne pouvait pas être aussi mauvaise que cela… si ?

La colosse se releva, et gronda quelques mots. Presque aussitôt, les femmes et les créat… les orques ? Oui, c'était cela, et les… hum… Uruk-hai se levèrent. Une nouvelle parole claqua, et tous se remirent en marche. Liée à Narghaash par cette corde, qui me dérangeait déjà, je ne pus que suivre le mouvement. Je me retrouvai donc dernière, avec pour seule vision le dos de mon ancien compagnon de cellule.

Les premiers mètres, je m'appliquai à reprendre la marche, désormais beaucoup plus alerte que précédemment. Mon corps semblait revivre après cette simple hydratation, et je m'émerveillai de la capacité inouïe de celui-ci à me maintenir en vie si longtemps, alors même que je manquais des éléments les plus essentiels.

Après la soif, ce fut la faim qui commença à labourer mon ventre. Toutefois, j'avais pris l'habitude d'avoir cette sensation, et je passai outre très rapidement, me concentrant sur mes pas. Il était plus difficile de marcher ainsi liée, car je ne pouvais pas utiliser mes bras, et puis je devais me tenir assez proche de Narghaash pour qu'il n'ait pas à tirer sur mes liens –ce qui m'arrachait la peau, et m'allongeait les muscles de bras et des épaules de façon désagréable-.

Comme je n'avais rien d'autre à faire que de suivre, et souffler pour garder le rythme, je me mis à observer les alentours. Nous étions toujours dans cette immense forêt, mais au fur et à mesure de notre avancée, la végétation se mettait à changer. Les sapins, et autres arbre à épines commençaient à faire leur apparition, tapissant le sol d'aiguilles sèches, embaumant l'air de leur sève à l'odeur particulière. De plus, le terrain s'inclinait doucement, montant en pente douce. Bientôt, mes mollets se mirent à chauffer désagréablement, et je serrai les dents pour éviter de me plaindre.

Je bougeai légèrement les mains, tentant de trouver une position un peu plus confortable, malgré la corde qui me cisaillait la peau. Puis, je relevai les yeux, et mes prunelles s'arrêtèrent au niveau du dos de Narghaash, nu car il ne portait qu'un pagne noué à la taille. Je retins une exclamation de surprise, en voyant les cicatrices et plaies boursoufflées qui s'étendaient de part et d'autre de celui-ci. Je savais qu'il avait été battu, fouetté ou quelques horreurs de ce genre, puisqu'il était arrivé ainsi dans ma cellule. Les semaines qui avaient suivies, j'avais rincé presque chaque jour ses blessures, espérant qu'elles ne s'infectent pas. Mais depuis que nous avions été libérés, je n'avais plus posé mes yeux sur ses meurtrissures. Je n'étais pas une experte dans ce domaine, et je ne savais pas grand-chose en cicatrisation, mais certaines plaies me semblaient être sur la bonne voie, tandis que d'autres… me donnaient la nausée. Je regardai d'un peu plus près, et découvris que des cicatrices blanchâtres, plus fines et plus anciennes s'étendaient également sur son dos, son cou, ses épaules et ses jambes. Aucun membres n'était épargné, et je frémis d'horreur en essayant d'imaginer ce qui avait pu causer toutes ces blessures. Je repoussai rapidement ces pensées, jugeant qu'il était trop dangereux pour ma santé mentale de m'aventurer dans ce sens-là. De toute façon, je savais que des choses terribles s'étaient produites dans cette tour et sa fosse, et je n'avais pas besoin de savoir quoi exactement, car je n'étais pas sûre d'en ressortir indemne.

Avisant le pas rapide, et sûr de Narghaash, et voyant ses muscles jouer dans son dos et ses jambes, je me demandai un instant comment il tenait. Il était affreusement blessé, probablement dénutris, s'était battu, avait chassé, ne s'était pas reposé –ou alors je ne l'avais pas vu- et il marchait encore. Fort, semblant inébranlable. Ces créatures étaient faites à partir d'autres matériaux, c'était sûr. Peut-être à partir de magie… ? Ça ne m'aurait pas étonnée. Après tout nous étions dans un pays où des papys pouvaient entrer dans nos têtes, alors pourquoi ne pas créer des êtres vivants supérieurs ! Dans tous les cas, j'étais impressionnée par la résistance et l'endurance dont ils faisaient preuve. Mais justement, quelles étaient leurs limites ? Pas infinie, car j'avais déjà vu Narghaash s'évanouir, et dormir. Mais depuis que nous étions sortis de la tour, il me semblait indestructible. Changé. Peut-être que le statut de « chef » qu'il avait à présent, l'aidait à tenir ? Je ne savais pas, et ne saurais probablement jamais puisque je ne connaissais pas leur langue.

Ah ! Cette langue étrange, qui me semblait tellement incompréhensible et rugueuse. Je n'en connaissais qu'une seule phrase : celle que le geôlier m'avait sans cesse répétée quand je chantais, en prison, et qu'il souhaitait que je me taise. Et encore, je n'étais pas sûre de la prononciation, ni du sens exact. Que devais-je faire, à présent ? Me contenter de les regarder et d'attendre qu'Angélique me traduise ? Ce qu'elle ne faisait pas tout le temps puisqu'elle avait peur d'ouvrir la bouche sans leur accord. Non, il n'en était pas question ! Je détestais ces moments où ils échangeaient des paroles, peut-être sur moi, et que je ne comprenais rien. Il fallait que je me prenne en main, que j'écoute le plus possible, et que surtout, je demande à Angélique de m'enseigner ce qu'elle savait de leur langue. Puisque j'étais condamnée à rester dans ce monde, la « Terre du milieu », pour une durée indéterminée, je voulais pouvoir parler. Et leur dire le fond de ma pensée, si c'était possible ! Oui, c'était décidé : j'allais apprendre. C'est ainsi que je passai le reste de notre marche à m'imaginer leur déballer mes quatre vérité dans un « noir parler » parfait.

Nous ne nous arrêtâmes que lorsque le soleil commençait à se coucher derrière les montagnes, désormais légèrement plus proches. Il dardait encore ses rayons rosés quand deux orques furent désignés pour aller chasser en forêt. Mes jambes tremblaient, et je n'arrivais même plus à marcher droit. Je m'écroulai près du feu qu'ils avaient allumé, attendant impatiemment que les créatures reviennent avec quelque chose à manger. Finalement, ils rentrèrent avec quelques bonnes prises. Narghaash ne m'avait pas détachée, alors j'observai avec minutie la façon dont les femmes préparaient la viande. Elles enlevaient d'abord la peau, puis les vidaient, ce qui était assurément la partie la plus ragoûtante… j'eus la nausée de nombreuses fois mais ne détournai pas le regard. Désormais, j'avais vu bien pire. Lorsque les lapins qu'ils nous avaient donnés furent posés sur des broches, au-dessus du feu, je laissai dériver mon regard sur les créatures, rassemblées un peu plus loin. Certaines montaient la garde, d'autres se reposaient. Mais la plupart étaient bien éveillées et regardaient les montagnes. Je cherchai un instant Narghaash, et le trouvai debout à plusieurs mètres du feu, tourné vers les monts. Il ne bougeait pas, et seule sa respiration, lente, trahissait son immobilité. Au bout de quelques instants, je détournai le regard et le fixai sur les flammes.

Parfois, certains orques échangeaient quelques phrases, et je tentais désespérément de saisir certains mots, et de me les approprier. Mais c'était peine perdue mes oreilles n'entendaient qu'un ramassis de sons imprononçable.

Plus tard, après avoir observé cuire la viande pendant un long moment, je me tournai vers Angélique.

-Hey… Elle dirigea son visage pensif vers moi. Je lui adressai un sourire fatigué, puis repris : Tu sais où est-ce qu'on va ?

Un court silence s'installa.

-Je crois, commença-t-elle d'une voix lasse, qu'ils parlent des montagnes. De… familles, ou de clans, qui se tiendraient là-haut. Mais je ne comprends pas tout, ils vont trop vite.

-D'accord, merci.

Mon regard s'égara un instant vers les monts, que l'on voyait à travers la cime des arbres, caressés par les dernières lueurs du soleil. Puis, j'avisai les autres femmes, assises près de nous, qui contemplaient le feu.

-Angélique, tu pourrais me dire leur nom ? Chuchotai-je.

Le visage de la jeune femme s'éclaira un instant, et elle me désigna de la main celle qui était à sa droite.

-Voici Gwirawen. A l'entente de son prénom, celle-ci releva la tête et regarda Angélique. Puis voyant le geste qu'elle effectuait, elle se tourna dans ma direction et m'adressa un sourire. Je le lui rendis, tout en la détaillant. Elle avait la peau très blanche, des yeux clairs, et des cheveux très longs, noirs comme la nuit. Son visage était légèrement rond, son nez long et droit, et sa bouche très fine. Elle avait l'air d'être la plus âgée d'entre nous, car déjà des fils gris se mêlaient à ses cheveux, et des rides se formaient sur son front et sous ses yeux. Toutefois, malgré la lassitude et les malheurs qu'elle semblait avoir vécu, une impression de gentillesse infinie se dégageait de son visage.

-Elle vient du Gondor. Compléta Angélique, et j'hochai la tête.

Après quoi, je m'aperçus que les autres jeunes filles s'étaient tournées vers nous et nous regardaient, semblant comprendre ce qui se déroulait. Angélique les interpella alors dans leur langue, le Westron, qui était apparemment la langue commune en Terre du milieu. Celle-ci était bien plus douce, et sonnait à mon oreille de façon plus familière que le Noir parler. La jeune femme à côté de Gwirawen changea de position, puis me regarda à son tour. Elle me sourit, et posa sa main sur sa poitrine.

-Eolayne. Je viens du Rohan. Dit-elle, ou tout du moins, c'est ce que je crus comprendre. Angélique ne fit aucun commentaire, et je sus qu'elle était en train de m'apprendre, à la dure, les bases du langage. Je devais essayer d'écouter, et de comprendre par moi-même des phrases simples. J'inspirai, puis hochai la tête, pour montrer à… Eolayne que j'avais compris, et elle sourit. C'est ainsi que pour la deuxième fois, je remarquai son beau sourire, toutefois ternit par ses dents peu alignées et jaunâtres. En observant de plus près chacune des autre jeunes filles, je découvris qu'elles avaient toutes des dents à l'hygiène douteuse, avant de me rendre compte que seules Angélique et moi avions des dents droites, plus ou moins blanches, et avec très peu de carries. Cela me frappa et me choqua plus que ce que je n'aurais cru. Nous étions bien dans une époque différente, et le dentifrice ne devait effectivement pas avoir été inventé. Une sorte de panique se répandit en moi tandis que je m'imaginai, quelques années plus tard, les dents pourries, tombantes… Non, non, il ne fallait pas que je pense à cela.

Je lui souris à mon tour et passai mes prunelles sur son visage. Une cicatrice partait de sa tempe pour arriver jusqu'à son oreille. Mis à part ce détail, elle avait un beau visage ovale, une bouche charnue, de très longs cheveux blonds foncés et des yeux noisette, traversés de filaments verts. Son nez était légèrement retroussé, et ses yeux avaient une belle forme d'amande. Elle semblait avoir le même âge que moi, si ce n'est un peu plus, et elle me laissa une impression sympathique.

Mon regard passa ensuite sur la jeune fille suivante. Elle était très belle de visage et de corps. Peut-être un peu trop… c'était surement pour cela que la veille, l'Uruk-hai avait voulu la prendre. Elle avait des traits fins, élégants, un port presque altier, des cheveux blonds, ondulés qui lui coulaient dans le dos jusqu'aux hanches, des yeux bleus saphir, de longs cils… Mais elle ne me regarda pas, ne me parla pas. Ses prunelles étaient perdues dans le vide, ses mains autour de ses genoux, ceux-ci pressés contre elle. Elle se balançait d'avant en arrière, visiblement traumatisée. Je l'estimai plus jeune que moi, à cause des rondeurs presque enfantine qui marquaient encore son visage. Je fus attristée de la voir en pareil état, et alors que j'allais passer à la personne suivante, Eolayne me la présenta, un chagrin infini dans le regard.

-Elle s'appelle Haleth, elle vient du Rohan.

J'hochai simplement la tête, incapable de prononcer le moindre mot. La jeune Haleth ne réagit même pas à l'entente de son prénom, et continua à se balancer. Je me mordis les lèvres, et avec une peine immense dans le cœur, mon regard poursuivis sa course et s'arrêta sur la dernière femme, qui semblait avoir la trentaine. Elle m'observa durement, sans me sourire, et je soutins son regard. Ses yeux gris et impitoyable ne m'impressionnèrent que peu, et je donnais un léger coup de menton dans sa direction, lui enjoignant peu poliment de se présenter. Elle resta plusieurs secondes silencieuse, puis d'une voix presque hautaine, et très désagréable, me répondit :

-Adreivia. Du Rohan.

J'hochai doucement la tête, observant rapidement ses cheveux châtains, mis-longs. Ses sourcils froncés, ses petits yeux, ses lèvres plissées en une moue presque dédaigneuse, son nez autoritaire, ses joues creusées… Elle n'était visiblement pas heureuse de me rencontrer, et cela eut le don de m'énerver.

Je me calmai toutefois très vite : je n'avais pas le droit de la juger –même si j'en avais très, très envie-. Elle avait surement vécu l'enfer, là-bas dans la fosse. Et puis, qui pouvait me dire si je n'aurais pas réagi de la même façon, face à une inconnue un peu trop joyeuse qui m'embêtait alors que je n'avais pas envie de parler ? J'aurais probablement été pire. Je n'avais donc pas le droit de m'énerver contre elle, même si elle était désagréable. Bon, c'était bien plus facile à dire qu'à faire, mais je me contrôlai du mieux que je pus, et très vite mes mauvaises impressions à son égard s'envolèrent. Je me tournai vers Angélique, qui souriait légèrement.

-Je crois que j'ai compris ce qu'elles voulaient dire.

-Oui, mais c'était plutôt facile.

-Ouais, c'est super ce que tu as fait en tous cas, je crois que c'est comme ça que j'apprends le mieux.

-C'est comme ça que j'ai appris, je n'avais pas d'autre choix, alors je ne vais pas te laisser le choix, tu vas te débrouiller, et je t'aiderais quand tu en auras besoin.

-D'accord. Et merci beaucoup… vraiment, merci. Dis-je en lui souriant.

-Tu sais… j'aurais vraiment voulu que quelqu'un m'aide, quand j'étais seule, alors je vais le faire pour toi.

Je lui souris simplement, touchée.

Après quoi, lorsque les étoiles se mirent à piqueter les cieux, nous mangeâmes la viande qu'elles avaient préparée, les créatures avaient gardée certaines prises pour elles, et les mangeaient crues. Autrefois, il m'était arrivé d'être difficile, selon les plats qu'on me présentait, mais désormais ce caprice était tout à fait passé. S'il y avait de la nourriture, je prenais. Quelle qu'elle soit. D'aspect ragoûtant ou non. J'avais faim, et c'est tout ce qui comptait pour moi. Il y avait de quoi manger, je mangeais. Je souris un instant en pensant à ma mère, qui s'était souvent arraché les cheveux, lorsque je ne voulais pas manger ce qu'elle préparait. Mon sourire se transforma bientôt en une moue nostalgique.

Cela faisait environ deux mois et demi que j'étais dans ce monde, et le manque de mon univers, de ma vie, de mes proches était chaque jour plus présent. D'un autre côté, j'avais la vive impression que certains souvenirs s'effaçaient lentement… remplacés par tous les malheurs, toutes les souffrances de ce monde.

Mon cœur était déchiré, brisé, torturé par mes interrogations, et mes souvenirs. Mes parents savaient-ils que j'étais partie ? Me croyaient-ils disparue ? Morte ? Me cherchaient-ils encore ? Et Chloé, ma meilleure amie, comment allait-elle ? Je savais qu'elle pouvait être fragile sous certaine circonstance, et j'espérais de tout mon cœur qu'il ne lui était rien arrivé, et qu'elle tenait le coup. Peut-être que je n'étais pas vraiment partie, et que j'étais encore là-bas. Peut-être m'étais-je seulement dédoublée ! Peut-être que leurs mémoires avaient été effacées, et que je n'avais simplement pas existée ? Peut-être que le monde lui-même s'était effacé et que tout ce que je croyais être des souvenirs n'était plus rien ?

Je ne savais pas. Je ne savais pas. Je ne SAVAIS PAS ! Et cela me tuait plus surement que la faim, la soif, et la fatigue

Plus tard, lorsque nous eûmes finis de manger, alors que je pensais que nous allions nous arrêter pour la nuit, Narghaash nous fit nous remettre en route. Perplexe, et complètement crevée, je suivis le mouvement sans même me plaindre. Je me mis difficilement debout. Le colosse reprit la corde qui me liait, et à ma grande surprise, il la coupa entre mes deux poignets, me libérant. Je restai étonnée un moment, n'arrivant pas à voir son visage dans la pénombre, et donc à observer son expression.

- Lat, Dit-il alors en pointant un doigt dans ma direction. Nar, continua-t-il en secoua la tête de droite à gauche. Irz, fini-t-il en montrant la forêt, les alentours.

Mes prunelles cherchèrent les siennes pour lui assurer que j'avais compris. Je les trouvai rapidement, car elles luisaient étrangement dans l'obscurité. Deux ronds d'or coupés par des pupilles verticales. Toutefois, je n'étais pas sûre qu'il puisse voir les miennes, alors, j'hochai simplement la tête, en répondant avec deux simples mots que j'avais appris en Westron grâce à Angélique :

-Je. Non. Irz ! Répétai-je en devinant que le mot utilisé en Noir parler était probablement « s'enfuir » ou l'un de ses synonymes.

Un léger grognement vibra dans la poitrine de Narghaash, et je devinai son contentement. Je souris doucement, peu sûre qu'il puisse voir mon sourire, puis nous nous mîmes en route. Le colosse fermait de nouveau la marche, et je me trouvai juste devant lui.

La première heure de marche fut très dure pour mon pauvre corps. J'étais fatiguée, c'était incontestable. Mes cuisses me brûlaient, tout comme mes mollets, et mes pensées divaguaient sans cesse. Peu à peu, alors que les heures défilaient, il me sembla être comme dans un rêve. J'étais un funambule, mes pieds s'envolaient, tout comme mon corps et mon esprit. Je ne commandais plus rien : mon corps avait été mis en pilote automatique. Plusieurs fois, je faillis tomber à cause de mon manque d'attention, et surtout de l'absence de lumière. Mais pas une seule fois je ne touchai terre, car Narghaash, visiblement bien plus réveillé que moi, me rattrapait toujours avant que je ne heurte le sol.

Finalement, nous ne nous arrêtâmes que quelques heures à peine avant l'aube. Lorsqu'ils définirent où se trouverait notre campement, je m'y précipitai et m'y allongeai. Ma tête ne touchait pas encore le sol, que déjà, je m'étais endormie, complètement exténuée.