Bonjour à touuuuus!
Oui, je sais, ça fait fort longtemps je ne suis pas venue, et que je n'ai pas posté. Simplement: Shame on me.
Mais, mais, mais, je n'abandonne pas cette histoire, et même si je mets plusieurs mois à retrouver l'inspiration, tant pis, je poste toujours :D
Je suis donc très heureuse de vous donner ce nouveau chapitre! En espérant qu'il vous plaise!
Merci, merci et encore merci à tous ceux qui m'ajoutent en tant que favoris, qui me suivent, et tous ceux qui me laissent ces belles reviews que j'aime tant lire!
Gros bisous à tous,
Enjoy!
Parfois, je revenais à la limite de la conscience, et je sentais ma bouche sèche comme un désert, mon corps trempé de sueur. Chaque inspiration semblait me coûter la vie, et chacun de mes muscles hurlait à l'agonie quand un frisson me secouait. Mon univers n'était alors que douleur et confusion.
Puis, mon esprit replongeait dans les lieux mystérieux et inconnus qui me recueillaient depuis un long moment déjà.
Combien de temps ? Je n'aurais pu le dire. Je n'avais conscience que des songes étranges qui peuplaient mon existence, et de rien d'autre. Le temps, le lieu, mon état, ceux qui m'entouraient… Rien de tout cela n'existait. Il n'y avait que moi, et ma conscience. Toutes deux, nous nous laissions portées par les flots brumeux de l'inconscience, sans savoir où cela nous mènerait et si un jour nous pourrions en sortir.
Etrangement, je me sentais bien. Je flottais, insensible aux tourments du monde extérieur, et à la douleur de mon pauvre corps. Comme si j'étais dans un cocon, une bulle chaude au toucher soyeux, qui me gardait saine et sauve.
Sauve, certes, mais anesthésiée. Heureusement, depuis peu, je parvenais à réfléchir à nouveau. Cette faculté m'avait été enlevée un long moment, et j'avais pu profiter d'un esprit calme et tranquille, avant que ma conscience ne recommence à se manifester. J'avais réussi à la faire taire un moment, car alors, tout ce à quoi avait aspiré mon « moi profond », était le repos. J'avais voulu censurer l'horreur qui m'attendait au-dehors, et cela n'avait que trop bien fonctionné puisque j'étais restée perdue dans les limbes, un temps qui me sembla par la suite très long. Et puis, par bribe, des souvenirs m'étaient réapparus. Le visage d'un être étrange, aux pupilles fendues comme celles des chats. Cet être avait fait monter en moi un puissant sentiment de confiance, mêlé à d'autres sensations que j'avais écartées, trop fatiguée pour les explorer. Puis, un autre visage était apparu dans mon esprit paralysé, celui d'une jeune femme. Alors, de la crainte mêlée à de la joie avaient éclatées dans mon cœur, et peu à peu ma mémoire était revenue, accompagnée de mes chères pensées.
Ce n'était qu'à partir de ce moment-là que j'avais commencé à reprendre connaissance, de façon vague et très brève. Je ne parvenais pas à dater, ni situer avec précision les moments où ma conscience était revenue dans mon corps, mais je me souvenais encore très bien des rares fois où elle l'avait faite.
Une fois, j'étais revenue en mon corps beaucoup trop brutalement, et cela m'avait arraché un sursaut. Des voix s'étaient alors élevées autour de moi, mais j'avais été trop confuse pour comprendre ce qui se disait. J'étais rapidement repartie dans l'inconscience, cette fois-ci, trop faible pour tenir assez longtemps en éveil.
Je m'étais réveillée une seconde fois, de façon beaucoup plus calme. Mon corps n'était plus aussi douloureux, et je sentais mon cœur battre de façon plus ordonnée. J'avais tendu l'oreille, essayant de percer le silence dans lequel je me trouvais. Des bruits de respirations, calmes, posées, avaient peu à peu pris place. Ils se répercutaient autour de moi, comme si nous étions alors dans un espace clos. J'avais essayé de bouger, mais les tiraillements que cela avait produit dans mes muscles m'avaient très vite arrêtée. Frustrée, j'avais tenté d'ouvrir les yeux, sans que cela ne soit efficace. Un gémissement de colère s'était alors emparé de ma gorge, sans qu'il ne puisse en sortir à cause de la sécheresse de celle-ci. Cette manœuvre avait eu pour effet de me faire tousser -ce qui était une très mauvaise idée vu l'état dans lequel je me trouvais-. Les remontées brusques de mon diaphragme avaient secoué tout mon corps, qui s'était mis à crier sa douleur contre mon cerveau. Heureusement, quelqu'un semblait avoir entendu ma détresse, et des bruits de pas s'étaient approchés de moi. Une main puissante avait soulevé à la fois ma tête et mes épaules.
« -Ark, Emilie »
Le son de cette voix m'avait paru familier, et je m'étais laissée faire. Un liquide frais avait coulé entre mes lèvres desséchées, calmant ma toux et rafraichissant mon corps en feu. Un grognement indistinct s'était fait entendre, et alors que l'on me reposait sur le sol, un éclair de lucidité m'avait frappée. Malgré ma faiblesse immense, et l'envie intense de retomber dans un sommeil sans rêve, j'avais tenté de dire le nom de celui qui m'avait déjà sauvée plusieurs fois. Sa voix grave avait de nouveau retenti à mon oreille, mais déjà, ma conscience s'échappait de mon corps pour me mener vers d'autres rivages, et je n'avais pas compris le sens de ses mots.
Je ne sais combien de temps il se passa entre ce deuxième réveil et le troisième. Toujours est-il que j'eus l'impression de percevoir de la lumière, lorsque pour la troisième fois, ma conscience décida de réintégrer mon corps. Cette fois-ci, je pus ouvrir lentement les yeux, et bouger faiblement mes doigts. Un plaisir intense m'envahit lorsque je me rendis compte que je parvenais enfin à me mouvoir. Un cri bref me fit sursauter, et alors que je tentais de savoir d'où il provenait, une masse de cheveux blonds s'écroula sur mon visage et le haut de mon corps.
« -Angélique » Dis-je dans un murmure, incapable de contrôler les muscles de ma gorge.
« -Salut Emilie, je suis tellement contente de te voir ! » Dit-elle en se redressant, un sourire illuminant son visage fatigué.
Au prix d'un immense effort de volonté, je parvins à lui offrir un minuscule sourire. Je clignai plusieurs fois des yeux, et tentai de tourner mon visage pour voir si d'autres personnes étaient présentes. Cet effort me fit tourner la tête, et j'y renonçai bien vite. Je soupirai, et sentant le sommeil revenir, j'interrogeai rapidement la jeune femme :
« -Narghaash ? »
Son visage perdit son sourire, et elle posa une main sur mon front. La fraîcheur de sa main sur ma peau moite me fit du bien.
« -Il est partit, mais ne t'inquiète pas pour lui, dort maintenant. »
Je voulus protester, demander des explications, mais un lourd nuage tomba sur mon esprit et je m'endormis aussitôt. Ce fut un sommeil long, paisible et réparateur qui suivit ce troisième réveil. Je fis plusieurs rêves étranges durant cette période. Ces songes firent monter en moi de drôles d'impressions.
C'était comme si on cherchait à me trouver, comme si quelqu'un voulait me voir, me parler. Je remuai dans mon sommeil.
Malaise. Dérangée. Incompréhension.
Je me réveillai subitement, et me redressai sur les coudes, certaine de sentir une présence étrangère non loin de moi. Mes yeux fous papillonnèrent quelques secondes, avant de se fixer sur la silhouette qui s'approchait lentement de mon corps. Mes prunelles s'accrochèrent à ses jambes fines, couvertes jusqu'aux genoux de bottes en cuire noire, à son ventre très rebondit, caché par un large tee-shirt noir où il était écrit « save the cheerleader… », puis à son visage fin entouré de cheveux châtains striés de mèches violettes, coupés en un carré plongeant qui s'arrêtait au niveau de ses épaules. Une sorte d'halo étrange l'entourait, comme si elle était là sans vraiment l'être. Venue d'une autre dimension, comme moi ? J'étais trop stupéfaite pour y réfléchir !
La jeune fille, qui devait avoir mon âge, m'adressa un large sourire.
« -Salut Emilie, ça boom ? » Dit-t-elle en se déplaçant plus près de moi. Elle s'arrêta à un mètre de ma personne, et croisa ses bras au-dessus de son imposant abdomen. « - Fermes ta bouche, tu vas gober les mouches », Enchaîna-t-elle avec un sourire malicieux. Automatique, je pinçai mes lèvres, et gardai mes yeux sur elle. Mon cerveau ne parvenait pas à faire le point sur cette situation, et je n'arrivai plus à avoir une seule pensée cohérente. Devant mon absence de réaction, elle changea de position, passant le poids de son corps d'une jambe à l'autre, puis elle soupira. « Bon désolée, faut que je m'assoie, ça commence à peser ce bide ! ». Et elle s'assit à même le sol. Elle croisa ses jambes et posa ses coudes sur ses genoux. Puis, comme je ne disais toujours rien, elle se mit à rire.
« -T'inquiète, je comprends, la première fois que je suis venue ici, ça m'a fait la même chose »
« -Tu… » Je me raclai la gorge pour éclaircir ma voix, « - Tu es déjà venue ici ? »
« -Ouais, je viens souvent même, selon le bon vouloir des types qui ont créés ce monde. »
« -Le bon vouloir de… quoi ? »
« -Bon, je n'ai pas le droit de tout te dire, mais en clair, je suis une Voyageuse, une Randír. Enfin bref, je suis venue ici pour te voir, et pour te dire que tu es là pour une raison. Laquelle, ça j'en sais rien, faut pas m'le demander à moi !» Dit-elle avec un petit rire. « - D'ailleurs, même si tu leur demandais à eux, ils te diraient rien ! Crois-moi, j'ai essayé ! ».
Soudain, avec une vivacité surprenante pour son état, elle se leva et ses fins sourcils se froncèrent à l'entente des lourds bruits de pas qui s'approchaient de la… oui, la grotte. Ses pupilles se fixèrent à nouveau sur moi, et elle me dit d'un ton plus pressant : « -N'aie pas peur, tu es ici pour une raison, comme Angélique. Okay ? Alors, courage Emilie, et à la prochaine ! » Elle me fit un clin d'œil, et l'étrange halo autour d'elle se mit à briller plus intensément. Mais alors qu'elle allait s'éclipser, quelqu'un pénétra dans la grotte, et cria un mot dans une langue que je ne compris pas. En me retournant, j'aperçus l'un des Uruk-Hai qui s'était enfui de la tour avec nous. Il regardait la jeune fille d'une façon intense, et son visage exprimait une sorte d'admiration sans borne. Je tournai alors mes yeux vers l'étrange apparition, et restai perplexe devant la multitude d'émotions qui défilèrent sur son visage en l'espace de quelques secondes.
Peur, colère, soulagement, regret. La jeune fille frémit, puis passa dans un réflexe, l'une de ses mains sur son ventre distendu. Ce geste fit réagir l'uruk. Il émit un grondement que j'interprétais comme une manifestation de surprise. Puis, il s'avança de quelques pas vers l'apparition, qui, tétanisée, ne bougeait plus. Visiblement conscient de son malaise, la créature s'arrêta et lui demanda quelque chose en langue noire. Après quelques secondes d'hésitations, la jeune fille lui répondit dans le même langage, et je crus m'être remise à rêver tant cela me parut incroyable. Je papillonnai des yeux, certaine de m'être évanouie à nouveau. Mais malgré mes efforts pour tenter de me réveiller, je parvenais toujours à entendre leurs voix. Je fixai donc mon attention sur eux, tentant de comprendre ce qui se jouait devant moi.
Les oreilles abaissées, l'uruk s'était approché de l'apparition qui semblait hésiter, ne sachant visiblement pas comment réagir. Soudain, il tendit sa main, paume tournée vers le ciel, dans la direction de la jeune fille. Elle le regarda un court moment, puis baissa la tête en soupirant. Elle sembla se battre quelques instants contre des pensées intérieures, puis décolla lentement la main de son ventre. Elle releva doucement le visage vers la créature, puis posa ses doigts sur les siens.
Et d'un seul coup, une lumière intense éclata dans la grotte. Lorsque je parvins à ouvrir les yeux, quelques secondes plus tard, il ne restait que l'uruk. La jeune fille avait disparu.
La créature resta quelques longues minutes ainsi, et bientôt je n'eus plus assez de force dans les bras pour tenir assise. Je me recouchai lourdement sur le dur sol de la grotte. Mon mouvement eu pour seul mérite de sortir l'uruk de sa rêverie. Il cligna des yeux, puis sans un seul regard pour ma pauvre personne, il sortit en courant, me laissant seule dans cet endroit inconnu.
Bon, pour être honnête, à cet instant, je préférai être seule qu'en compagnie d'une de ces créatures inconnues. Je me réinstallai plus confortablement sur mon lit de fortune, et pris alors conscience de l'état déplorable dans lequel je me trouvais. Mes habits, désormais de véritables haillons, étaient collés à ma peau, incrustés de sueur et de saleté. Sur moi se trouvaient plusieurs couches de vêtements sales, qui me tenaient bien chaud, mais qui dégageaient une odeur difficilement supportable.
Je me rendis subitement compte que j'avais soif. Je tournai alors la tête sur le côté et fouillai la grotte du regard. Non loin de moi se trouvait un petit récipient. Je tendis mon bras vers celui-ci, et tentai avec toutes les peines du monde de l'attraper. Ma faiblesse évidente me fit grogner de colère, mais après plusieurs essais infructueux, j'empoignai le verre avec détermination et le portait doucement à mes lèvres, soulevant péniblement la tête. J'avalai goulument quelques gorgées, et sentis l'eau fraîche descendre le long de ma gorge. Cette douce sensation me fit soupirer de bien-être.
Très bien. Maintenant que ce besoin avait été comblé, je pouvais prendre le temps de me repérer un peu. Où étais-je ? Je promenai mes yeux autour de moi, détaillant les alentours. J'étais dans une grotte d'une vingtaine de mètre de large, d'une trentaine de long et d'une dizaine de haut. C'était une belle grande grotte, à n'en pas douter, et il y aurait fait bien froid si un large feu crépitant n'avait pas été allumé, à quelques mètres de moi. Je restai quelques instants à le regarder, fascinée par les mouvements hypnotiques des flammes.
Ce fut une discussion en langue inconnue qui me sortit de ma rêverie. Elle provenait de la large ouverture, de laquelle entrait un flot de lumière vive. Ma curiosité fut piquée. Je tentai de plier mes jambes, mais ne réussis qu'à faire trembler chacun des muscles de mes membres inférieurs. Je soupirai de frustration, puis, en prenant un peu d'élan, je parvins à me tourner sur le côté gauche. Lentement, je ramenai mes genoux près de mon ventre, et appuyai sur ma main droite pour relever mon buste. Les tremblements de mon bras droit m'inquiétèrent, et lorsque je fus assise, essoufflée, je me demandai pour la première fois depuis combien de temps j'avais été allongée. Vu la faiblesse de mes muscles, je m'attendais au pire. Mue par un drôle d'instinct, je soulevai les loques qui me couvraient, pour voir l'état de mon corps.
Je retins une exclamation d'horreur. Ce n'était pas la saleté et la crasse me couvrant qui me dérangeaient le plus, mais la maigreur cadavérique de mes cuisses, de mon ventre, et de mes pauvres bras. Doucement, je tâtais mes côtes, choquée de les sentir si bien, et de voir un tel dénivelé entre ma cage thoracique et mon ventre. Je n'avais que la peau sur les os, et ce n'était pas peu dire ! Plus de graisse, certes, mais plus de muscles non plus... Je me recouvris brutalement, incapable de m'observer plus longtemps. Il fut un temps où j'aurais peut-être souhaité perdre du poids, mais jamais jusqu'à un tel point, et surtout pas en ce monde, où j'étais affreusement vulnérable.
Tant pis pour mon corps, ce n'était pas en me regardant que j'allais reprendre du poids. Je serrai les dents, et avec difficulté, me mis accroupie. Ma tête tourna légèrement, et je restai plusieurs minutes ainsi, à respirer profondément, focalisant mon esprit sur un point plus loin devant moi. Puis, je pris appui sur le sol et flageolante, je dépliai mes jambes. Quelques longs instants plus tard, j'étais débout. A nouveau, je sentis mes pensées tournoyer et je restai à demi courbée quelques secondes.
Lentement, je dépliai mon corps endoloris, et respirai profondément. Je fis un pas, puis deux. Je chancelai dangereusement, mes faibles jambes ne supportant le poids de mon corps que d'extrême justesse. J'avançai à nouveau mon pied, et parcourai ainsi quelques mètres. Après quoi, toujours extrêmement curieuse, je me dirigeai difficilement vers la sortie.
Pour tout avouer, je faillis tomber plus d'une fois. Et pourtant, il n'y avait que quelques ridicules petits mètres qui me séparaient de la sortie.
J'arrivai finalement, au prix de lourds efforts, près de l'ouverture et restai un moment debout, éblouie par la lumière éclatante du soleil. Je fermai les yeux, des points lumineux et dansants sous les paupières. Après quoi, je mis ma main en visière sur mon front, et exposai à nouveau mon visage à l'astre du jour. Cette fois-ci, mes pupilles captèrent quelques images fugaces avant que je ne cligne plusieurs fois des yeux, leur permettant ainsi de s'accoutumer à la luminosité.
Enfin, je pus voir ce qui se tenait devant moi. Un petit chemin caillouteux descendait, depuis l'entrée de la grotte, sillonnant entre d'imposants rochers gris, jusqu'à un terrain plus plat, couvert d'herbes folles. Un peu plus loin, se trouvait une dense forêt de conifère, masse sombre et imposante qui s'étendait jusqu'à l'horizon. Je tournai la tête, et restai bouche-bée devant les chaînes montagneuses qui se découpaient sur le ciel azur, majestueuses, ciselées avec soins par les forces de la nature. Je me sentis faible et minuscule, face à la pureté et la grandeur de ce paysage.
Des éclats de voix me sortirent de ma rêverie, et je baissai les yeux pour tenter d'apercevoir les auteurs de ce bruit. Plus bas, un groupe de personne émergeait hors de la forêt. Mon cœur fit un saut dans ma poitrine, et je reculai de quelques pas. Qui était-ce ? Qu'allaient-ils me faire s'il me voyait ? Je me rendis compte que dans ma précipitation, je n'avais pas pris le temps de regarder correctement les individus. Je m'avançai alors, et me mis à détailler le groupe. Je faillis rire de soulagement en reconnaissant les carrures familières des Uruk, et celles plus frêles, des femmes qui les accompagnaient.
Dans un élan de joie, et parce que c'était les premières personnes que je voyais -mis à part l'apparition singulière de tout à l'heure- depuis bien longtemps, je leur fis des grands gestes des bras et criai un beau « héééé hoooo ».
Leur réaction ne se fit pas attendre, et j'entendis distinctement un petit cri de surprise. Une des femmes se détacha du groupe et se mit à courir en direction de la grotte. Je reconnu Angélique à sa longue et opulente chevelure blonde.
Je voulus me précipiter également sur le chemin, mais me ravisait rapidement en sentant la faiblesse de mes jambes. A la place, je m'appuyai contre un rocher pour éviter de tomber.
Un peu malgré moi, je scrutai le groupe, cherchant Narghaash du regard. Il n'était pas avec eux. Une petite pointe de déception se ficha dans mon cœur, bien vite remplacée par la joie de serrer Angélique dans mes bras.
Elle se mit à rire, en me berçant dans une étreinte pleine de douceur. Je la serrai de toutes mes maigres forces, surprise d'être aussi heureuse de la revoir. Cela devait être dû à nos origines communes, et aux circonstances de notre rencontre. Tout avait été fait pour que notre lien soit rapidement établi, et surtout très fort. Je souris, contente de l'avoir à mes côtés en ces moments si difficiles et incompréhensibles. Nous n'étions pas chez nous, mais nous étions deux, et à deux, nous étions plus fortes.
Elle rompit l'étreinte la première, et se recula, gardant tout de même ses mains sur mes bras, me soutenant imperceptiblement. Derrière elle apparurent les autres femmes que j'avais à peine eu le temps de connaître. Gwirawen, la plus âgée d'entre nous, passa près de moi et me sourit, en posant une main sur mon épaule. Elle était visiblement contente de me voir en vie, et je lui retournai son sourire, mon cœur papillonnant de gratitude. Adreivia et Haleth passèrent devant moi en me regardant à peine. La première, je savais qu'elle ne me portait pas dans son cœur, et la deuxième devait être encore trop sous le choc des derniers évènements pour prêter attention au monde autour d'elle, je ne m'en formalisai donc pas. Puis, Eolayne, du Rohan, avec sa cicatrice sur la joue me serra également l'épaule, me souriant avec une joie non feinte, qui me fit un bien immense. A son tour, elle entra dans la grotte. Derrière elle, se suivaient les orques et les uruk-hai. Certains me lancèrent un regard, et je leur répondis par un hochement de tête. D'autres m'ignorèrent. Mais je n'en avais cure. Mes yeux cherchèrent à nouveau le seul uruk-hai que j'aurais vraiment voulu voir. Mais, je ne le trouvai pas.
Alors, une boule d'incompréhension dans le ventre, je suivis Angélique dans la grotte. Mes jambes qui avaient supportées mon pauvre poids tout ce temps me rappelèrent très vite à l'ordre et je m'écroulai à moitié devant le feu, incapable de rester debout plus longtemps.
« Reposes-toi, tu es encore faible. Tiens, mange ça. » Me dit Angélique en me tendant un petit sac en toile où se trouvait des baies à l'air alléchantes. J'en pris une, et l'éclatai entre mes dents, savourant le goût et l'arôme savoureux du fruit. Cet apport en sucre me fit un bien fou, et bientôt je dû les reposer pour mettre fin à la dangereuse descente des provisions. Après quoi, Angélique me tendit un breuvage au goût étrange, composé d'eau de source et de différentes plantes qui m'était inconnues. Il était censé me réhydrater et rétablir une flore intestinale plus décente, après tous ces jours sans aucune nourriture ou boisson. D'ailleurs, combien de temps étais-je restée dans les vapes ?
« Angélique ? » Dis-je en me tournant vers elle. Je me rendis alors compte de l'activité qui régnait autour de moi. Les femmes étaient assises en rond. Certaines triaient des baies, tandis que d'autres dépeçaient lapins et autres animaux à fourrure.
La jeune femme se retourna vers moi, les mains ensanglantées. J'avalai difficilement ma salive, un peu dégoûtée par la vue qui s'offrait à moi, et m'éclaircit la gorge.
« Combien de temps je suis restée évanouie ? »
« Depuis le moment où tu t'es effondrée quand nous marchions, cinq jours. Tu as beaucoup vomi, puis tu as eu de la fièvre… » Son regard s'embua légèrement. « J'ai cru que tu ne t'en sortirais pas ». Elle m'offrit un pâle sourire et essuya ses yeux avec son épaule, « Mais tu t'en es sortie, par je ne sais quel miracle, et je suis vraiment contente de te revoir ! » Emue, je lui souris à mon tour. « Je suis contente aussi de te revoir, et puis d'être en vie, accessoirement. » Finis-je en riant. Elle me suivit dans ma joie, et bientôt nous nous retrouvâmes à rire de bon cœur, simplement heureuse de pouvoir partager ce moment.
Lorsque nous nous arrêtâmes, je la vis regarder derrière moi et me retournai pour voir les uruk, visiblement étonné par notre démonstration publique de bien-être. C'était comme s'ils n'avaient jamais vu de joie, de rire, de bonne entente. Et c'était triste. Je leur offris un petit sourire, qu'évidemment ils ne me rendirent pas. Peut-être ne savaient-ils tout simplement pas sourire.
Finalement, je me détournai. Tant bien que mal, je me traînai jusqu'au groupe de femme, et malgré le dégoût certain que leurs activités m'inspiraient, je décidai de mettre les mains à la pâte. Je les aidais à évider les écureuils chassés, malgré mon manque évident d'expérience. Elles étaient si précises et si assurée dans leurs gestes, que je pris un moment pour les observer, admirative. Puis, tant bien que mal, je tentai de les imiter. Je finis mon premier écureuil au moment même où Eolayne, à côté de moi, terminait de vider son troisième. La vague flamme de fierté qui s'était allumée en moi s'éteignit aussitôt, et je fis la moue. Comprenant la raison de mon air déçu, elle se mit à rire, et me tapota gentiment l'épaule en me disant quelque chose dans sa langue, qui devait ressembler à « Ne t'inquiète pas, ça viendra avec l'expérience ! ».
Après quoi, je les regardai préparer les animaux afin de les cuire, en laissant certains de côté pour les uruk et les orques. Je m'intéressai alors à ce que ces derniers faisaient et remarquai qu'ils étaient en train d'amasser un nombre important de branchage et de morceaux de bois. Certains d'entre eux étaient en train d'affuter leurs armes avec des pierres, et d'autres encore fabriquaient des flèches. Je remarquai alors que des peaux d'animaux avaient déjà été étendues par terre dans un coin de la grotte, probablement afin de les tanner plus tard.
Je reportai mon regard sur le gibier, à présent en train de cuire au-dessus des flammes. Une douce odeur de viande délicieusement cuite se répandit dans la grotte, et je sentis mon ventre gronder sous la torture. Je savais que je ne pourrais pas en manger beaucoup, mon estomac n'étant plus habitué à autant de nourriture, mais j'avais tout de même hâte de savourer quelques doux morceaux bien cuits. Des raclements me tirèrent de mes alléchantes pensées, et je tournai le visage dans leur direction. Eolayne et Gwirawen étaient en train de racler à l'aide de petits couteaux la peau des animaux précédemment évidés, sous le regard attentif d'Angélique qui semblait découvrir tout autant que moi cet étrange geste. Je m'approchai pour essayer de comprendre les explications données par la doyenne, tandis qu'elle frottait avec force l'instrument, détachant les restes de chair et de graisse. Je restai un moment à les observer faire, me laissant bercer par les gestes réguliers, et les mots inconnus qui flottaient autour de moi sans que je n'en saisisse le sens.
Des bruits de pas se firent alors entendre à l'entrée de la grotte, me faisant sortir de ma douce torpeur. Plusieurs visages se tournèrent dans leurs directions, et je suivis le mouvement. Mon cœur fit un drôle de bond dans ma poitrine lorsque j'identifiai la personne qui entrait. Narghaash pénétra dans la grotte, et sa silhouette imposante jeta un silence sur ses habitants. Je ne sentis même pas la légère crainte qui s'éleva du groupe des femmes, ni la vague de respect qui se détacha du groupe des orques et des Uruks, mes yeux étaient fixés sur celui que j'avais attendu de voir depuis mon réveil. Restant assise, je bougeai légèrement sur mes appuis. Mon mouvement attira l'attention de Narghaash. Nos regards s'accrochèrent aussitôt, et ne pouvant me retenir de lui faire comprendre que j'étais heureuse de le voir, je lui souris. Son visage resta impassible, mais je pu lire dans ses yeux un soulagement immense, mêlés à d'autres choses que je fus incapable d'interpréter. Je sentis qu'il aurait voulu faire un mouvement vers moi. Mais il sembla se retenir, et détacha son regard du mien. Il posa son arc contre le mur de la grotte, et rejoignit ses semblables. Presque déçue, je baissai les yeux. Je me tournai à nouveau vers le groupe de femmes, et sentant le poids de leur regard sur moi, je relevai le menton dans une attitude de défi. Elles arrêtèrent aussitôt de me fixer, et reprirent leurs tâches. Je croisai les prunelles d'Angélique, et y lut de l'incompréhension. J'haussai alors les épaules, et m'allongeai sur le sol en terre battu de la grotte, épuisée.
A travers les flammes, je pouvais voir Narghaash parler avec ses semblables, et le détaillai un instant. Il ne portait qu'un pagne, ceint autour de ses reins, mais semblait s'être trouvé de lourdes bottes qui lui arrivaient jusqu'aux genoux. Je portai un regard légèrement inquiet sur son dos et son torse, cherchant ses plaies. Avec soulagement, je remarquai que la plupart semblaient s'être refermées. Quant aux autres… il leur faudrait encore un peu de temps. Soudain, il sembla sentir mon regard sur lui et se retourna, ses yeux aux pupilles de chat cherchant l'auteur de ce malaise. Aussitôt, je fermai les paupières, espérant qu'il croirait que je dormais déjà. Quelques instants plus tard, je les rouvris à demi, puis entièrement quand je vis qu'il s'était retourné. Un léger rire monta en moi : ce que je pouvais être bête.
Secouant mentalement la tête, je m'installai un peu plus confortablement et fermai les yeux. Je n'eus le temps d'explorer que quelques pensées avant que le sommeil ne m'attrape et m'emporte loin de ce monde. L'une d'entre elles, fut le fait que je devais impérativement me lancer dans l'apprentissage intensif de leur langue si je voulais un jour communiquer avec eux. Je me promis intérieurement d'apprendre par cœur le plus de mots possibles dès le lendemain. Contente de cet objectif, je sombrai dans le sommeil en m'imaginant dire merci à Narghaash de m'avoir sauvé la vie, dans sa langue.
