Salut à tous, belle compagnie.

Oui, ça fait plus d'un an que je n'ai pas posté, et oui c'est nul.
Mais, sous une subite vague de tendre inspiration pour cette fanfiction, j'ai écris un chapitre: youhou!
J'espère qu'il vous plaira autant qu'il me plaît :)

J'adresse d'énormes bisous à tous ceux qui m'ont encouragée par reviews, même si je ne vous répond pas personnellement à chacun d'entre vous, MERCI MERCI MERCI!


La semaine qui suivit mon réveil s'écoula paisiblement. Une sorte de routine s'était doucement installée, me permettant de reprendre des forces. Peu à peu, j'avais commencé à me nourrir plus convenablement, et à faire des marches de plus en plus longues. Chaque jour, Angélique veillait à ce que je mange convenablement et me forçait à me resservir, me tendant toujours plus de viande, de baies, de pissenlits ou de soupe d'orties.

Les premiers jours, j'étais souvent restée dans la grotte pour me reposer. Je me sentais très régulièrement sans force et épuisée, et je ne parvenais plus à compter le nombre de siestes réparatrices que j'avais effectuées. Parfois, lorsque le temps était clément, je m'asseyais à l'entrée de la grotte, et offrais mon visage et mes bras nus au soleil, savourant avec délice la sensation exquise des rayons chauds sur ma peau.

Puis, lorsqu'enfin j'avais repris quelques forces, et que mes jambes me permettaient de descendre le chemin jusqu'à la clairière en contrebas, j'accompagnais Angélique et ses compagnes dans la forêt pour dénicher champignons, herbes et fruits comestibles. J'étais complètement sidérée par les ressources inespérées que ce milieu montagnard pouvait nous apporter.

Gwirawen semblait s'être prise d'une affection particulière pour ma personne, et elle me parlait très souvent en Westron, avec lenteur, afin que j'apprenne les mots communs d'une conversation. Angélique, elle et moi cherchions souvent dans les sous-bois ensemble, et c'est grâce à l'immense savoir de la gondorienne aux cheveux d'ébènes que nous pûmes reconnaître peu à peu les différentes traces des animaux qui parcouraient cette forêt, quelques chants d'oiseaux, et surtout les vastes variétés de plantes que nous pouvions ramasser.

Peu à peu, grâce au régime riche en plantes ramassées par nos soins et en viandes bien fraîches que nous ramenaient les orques et les uruk, je repris des forces. C'était lent, bien sûr, et je me retrouvais souvent à devoir m'arrêter de marcher, essoufflée, et très frustrée. Je sentais mon corps changer, mes muscles s'affermir, mes côtes s'effacer doucement… et c'était un vrai bonheur de retrouver un corps un peu plus potable.

Le meilleur moment, avait été le deuxième jour de mon « retour » parmi les vivants. Angélique m'avait emmenée avec un petit sourire, suivant mon rythme douloureusement lent, jusqu'à une petite cascade d'eau pure, non loin du campement. Avant de sortir, elle avait adressé un bref signe de tête à Narghaash qui lui avait rendu, avant qu'il ne se remette à sa besogne. J'avais espéré qu'il me regarde également, mais depuis mon réveil, il évitait de croiser mon regard, et cela me troublait.

Lorsque nous atteignîmes la cascade, je m'étais mise à rire. Cela faisait si longtemps que je ne m'étais pas lavée, et cette vision idyllique m'avait ravie au plus haut point. Enfin, j'allais pouvoir être propre ! Il était temps !

Angélique m'avait expliqué que les femmes avaient aménagé un petit bassin avec les quelques pierres qu'elles avaient pu trouver dans les alentours, assez profond pour se mettre à genoux et avoir de l'eau jusqu'à la poitrine.

« -Tu penses que tu peux rester seule un moment ? » M'avait demandé Angélique d'une voix douce.

« -Oui, ça devrait aller, je me sens bien. »

« -Je suis dans les parages, si tu as besoin de moi, crie ».

« -Merci beaucoup ».

Elle m'avait souri, puis avait posé les vêtements qu'elle avait emportés sur une pierre sèche, tout près de l'eau. Après quoi, elle s'est détournée et avait disparu entre les arbres.

Pour la première fois depuis mon réveil, je m'étais retrouvée seule et libre. J'ai pris une longue inspiration, et l'odeur typique de la forêt montagnarde m'avait empli les narines. J'ai soupiré d'aise, et joint mes mains au-dessus de ma tête, m'étirant avec délice, offrant mon corps décharné aux rayons du soleil.

Lentement, j'avais enlevé mes chaussures défoncées, puis mes chaussettes en lambeaux. J'avais eu quelques difficultés à enlever mon jeans difforme, qui s'était presque incrusté à ma peau tant elle était sale, mais j'y était tout de même parvenue à grand renfort de patiente et de grognements. J'avais alors pu contempler mes jambes amaigries à loisir, et m'apercevoir que les poils avaient largement pris leur place. J'avais levé les yeux au ciel. Après tout, il n'y avait pas grand monde à impressionner ici, et probablement aucune esthéticienne existante capable de me les enlever par ici !

Enfin, j'avais enlevé mon haut crasseux et probablement fort puant, et m'était débarrassée de mon soutien-gorge. Un vent léger et frais m'avait fait hérisser les poils et j'avais frémis. J'avais pris une nouvelle inspiration et avait baissé mon regard sur mon corps. Je les avais presque aussitôt relevés, horrifiée par la maigreur cadavérique de celui-ci.

Puis, enfin, je m'étais approchée de l'eau si claire, et y avait plongé mes deux pieds. Au même moment, il y avait eu des bruissements dans les arbres alentours, et je m'étais retournée, scrutant les sous-bois. Personne. Tout du moins, je l'espérais. Après cela, je m'étais vite avancée dans le bassin aménagée, grimaçant à cause de la fraîcheur de l'eau. Enfin, fraîcheur… elle était tout bonnement glacée ! Puis, lorsqu'elle m'était arrivée au milieu des cuisses, je m'étais mise doucement à genoux, laissant échapper des petits cris tandis que je passais l'étape délicate du ventre.

Une fois immergée jusqu'aux épaules, j'avais poussé un long soupire de bien-être. Je m'étais déjà sentie plus propre. L'eau froide me picotais la peau, mais je m'en fichais, je pouvais me laver. J'avais passé frénétiquement mes mains sur tous les recoins de mon corps, frottant avec énergie, tandis qu'une vieille habitude m'était revenue : je m'étais mise à chantonner sans même m'en rendre compte. Une fois que mon corps avait paru être débarrassé de toutes crasse et saleté, je m'étais attaquée à la partie la plus ardue : les cheveux. J'avais d'abord cherché un long moment l'élastique avec lesquels je les avais attachés longtemps auparavant, sans le trouver. En effet, il était bien emmêlé dans ma touffe de cheveux sales, et j'en avais arrachés quelques-uns en l'ôtant.

Après quoi, avec délice, j'avais penché ma tête vers l'arrières et plongé mon cuir chevelu dans l'eau glacée. Cela avait été un véritable bonheur.

Finalement, après ce qui m'avait paru n'être que quelques minutes, j'avais entendu quelqu'un s'approcher, faisant rouler les pierres qui entouraient la cascade. Je m'étais retournée et avait souri en voyant Angélique, les yeux rivés au sol.

« -Tout va bien ? Tu devrais sortir avant d'attraper froid ! »

« -Je suis au top ! » Avais-je répondu avec joie. « Oui, maman je vais sortir, retourne-toi ! »

J'avais vu du coin de l'œil qu'elle s'était tournée, et j'en avais profité pour me relever. J'avais essoré du mieux que je le pouvais mes cheveux, puis était sortie doucement de l'eau, frissonnante sous la froide brise du matin. Je m'étais ensuite précipitée vers le bout de tissu avec lequel j'étais censée me sécher, et l'avait rapidement passé sur tout mon corps frigorifié. Puis, j'avais enfilé sans tarder une tunique trop grande, et une longue jupe informe, puis m'était couverte d'une sorte de châle sans couleur définissable. Ce n'était pas le luxe, mais c'était mieux que mes habits précédents. Et au moins, je m'étais sentie propre…

En repensant à la sensation de l'eau glacée sur mon corps, je frissonnai. Depuis, nous étions retournées à la cascade tous les matins, Angélique et moi. Cela nous faisait une bonne petite marche de mise en jambe, et nous permettait de nos débarbouiller à notre convenance. C'était un moment que j'aimais particulièrement, et je prenais un grand plaisir à me laver le visage, les mains et les pieds. J'avais l'impression que ce n'était jamais assez, et qu'une vie entière ne parviendrait pas à enlever toute la crasse que j'avais accumulée au cours du dernier mois.

Lorsque nous sortions toutes ensembles, les femmes, il y avait toujours l'un des orques qui nous accompagnait. C'était celui qui semblait être le plus vieux, comme en témoignait les nombreuses cicatrices, et les quelques cheveux gris qui poussaient sur son crâne dégarni. Il ne nous parlait jamais, et ne nous regardait que très peu. Plusieurs fois, je l'avais observé à la dérobée, et l'avais surpris à regarder vers les montagnes, une drôle de lueur illuminant ses yeux rougeoyants. Je m'étais souvent demandée ce qui attirait son attention, là-bas. Peut-être avait-il caché quelque chose ? Quelque chose de précieux ? Et puis un jour, l'évidence me frappa. Oui, il avait probablement quelque chose de précieux… une famille. Une famille qu'il aurait laissée pour aller se battre. Les orques avaient-ils des familles ? Des enfants ? Je n'en avais encore jamais vu, et quand je demandais à Angélique, elle ne sut me répondre.

Le silence entre les femmes et les créatures d'Isengard semblait s'être creusé depuis mon réveil. Les échanges entre les deux « clans » étaient brefs, froids et distants. Chacun semblait avoir trouvé sa place. Les femmes cueillaient, évidaient, tannaient, allaient chercher de l'eau, préparaient à manger pour elles, et de leur côté, les « hommes » chassaient, montaient la garde, créaient de nouvelles armes, construisaient et mangeaient leur viande parfois crue, parfois cuite.

Et moi, je me sentais étrangement tiraillée. Bien sûr, je commençais à apprécier la douceur des sourire d'Eolayne, et les mots d'encouragements de Gwirawen, mais il me manquait quelque chose. Ou quelqu'un ? Je ne savais pas exactement.

Je n'avais que très peu vu Narghaash depuis mon réveil, sept jours plus tôt. Il disparaissait lorsque le jour se levait, et ne réapparaissait qu'une fois le soleil caché derrière les montagnes. Soit il fuyait quelque chose, ou quelqu'un. Des tourbillons de sentiments ambivalents se levaient dans mon cœur à chaque fois qu'il apparaissait à l'entrée de la grotte. J'étais… énervée parce qu'il m'ignorait, contente de le voir parce qu'il était l'une des seules personnes à qui je faisais confiance dans ce bas monde et que sa présence me donnait la garantie que je n'allais pas mourir entre les mains de ses compagnons. J'étais également frustrée, à l'idée que si j'entamais une conversation, je ne pourrais malheureusement pas aller très loin, avec le peu de vocabulaire que je connaissais. J'étais aussi méfiante, après tout ce que m'avait raconté Angélique de sa conduite dans la Fosse, et horrifiée par les récits que Gwirawen et Eolayne avaient osé me partager sur leur quotidien après leur capture dans leurs villages.

Ces deux pauvres femmes avaient été enlevées, après avoir vu leurs proches leur être arrachés. Gwirawen avait alors quatre enfants, qu'elle avait caché du mieux qu'elle le pouvait avant d'avoir été arrachée à sa maison, violée, puis emportée jusqu'en Isengard. Elle ne savait pas si son mari et ses petits avaient survécus à l'attaque. Eolayne voyageait en compagnie de son frère lorsqu'ils avaient été surpris par une patrouille d'orques. Ils avaient eu beau résister de toutes leurs forces, ils n'avaient pu vaincre ces créatures bien plus fortes, et Eolayne avait été emportée, sous les yeux impuissants de son frère, qui avait réussi à s'échapper.

S'en était suivi des mois et des mois de souffrance, dans le ventre d'Isengard. De la maltraitance, des viols à répétitions, des coups, des morts… L'horreur absolue.

J'avais pleuré avec elles, de chagrin, de compassion, d'horreur.

Et finalement, j'avais compris leur répulsion face aux orques et aux uruks. Une part de moi était en colère. En colère contre ces monstres et ce qu'ils avaient fait subir à ces pauvres femmes, arracher à leur maison, leurs bien-aimés pour être violentées de la plus viles des façons. Mais… une autre part de moi, malgré l'horreur que cela m'inspirait, avait envie de comprendre. Pourquoi faisaient-ils une chose pareille ? Qu'est-ce qui les poussait ? Etaient-ils tous aussi cruels et sans cœur ?

Je ne fis toutefois pas part de mes questionnements aux autres femmes, sachant qu'elles ne comprendraient pas. Moi-même je ne me comprenais pas tout à fait. J'avais les faits devant les yeux, et malgré moi j'espérais qu'autre chose, que quelqu'un d'autre soit « coupable » de ces vilénies. C'était sûrement me bercer d'illusions, mais j'en avais besoin.

Lorsque vint le soir du septième jour, je me rendis compte que je n'avais pas parlé à Narghaash de la semaine, pas une fois depuis mon retour. Je savais que je n'avais pas encore tous les mots nécessaires pour tenir une conversation, malgré mes progrès. Mais je savais aussi qu'auparavant, nous avions pu nous comprendre ! Lorsque je lui avais donné à manger, donné mon nom ! Oui, il n'y avait pas beaucoup de mots là-dedans, mais nous nous étions compris ! Ou alors ce n'était qu'un jeu de mon imagination, torturé par la faim, la soif et la peur ?

Pour en avoir le cœur net, je pris la décision d'aller lui parler. Avec mon accent Westron pourris, avec les quelques mots que j'avais galéré à apprendre pendant cette semaine. Je m'en fichais. Je voulais lui parler, et surtout lui dire merci. Parce qu'il m'avait sauvé la vie, et ce n'était pas rien. Ce soir-là, près du feu, emmitouflée dans une couverture trouée, je me promis que le lendemain, je suivrai Narghaash jusqu'à ce que nous ayons une occasion de parler.

Je dormis mal ce soir-là, attendant que Narghaash aille se coucher. Lorsqu'il entra enfin dans la grotte, il était tard, et tous dormaient ; sauf l'orque qui montait la garde.

Je l'observai grâce aux rougeoiements que projetait le feu sur les murs.

Il déposa son arc et ses flèches contre le mur, puis balaya les corps endormis de son regard.

J'eus l'impression distincte que ses yeux restèrent plus longtemps posés sur moi, et je frémis. Je ne savais pas s'il pouvait voir que je l'observais, plongé dans la pénombre. Dans le doute, je fermai légèrement les yeux, assez pour que je paraisse endormie tout en me permettant de l'observer à la dérobée.

Au bout de quelques secondes, il détacha ses yeux, enleva ses bottes et se coucha non loin de ses semblables, pas trop proche toutefois, pour marquer la distinction entre eux et lui. Entre le chef, et les autres.

J'observais un moment son corps endormis, des milliers de pensées se bousculant dans ma petite tête.

Comment allais-je l'aborder ? Oserais-je seulement ? Et s'il me tuait d'énervement ? Il l'aurait probablement déjà fait depuis un certain temps !

Après tout, il m'avait porté toute la nuit lorsque j'avais été malade, il m'avait donné à boire -je me souvenais de cet épisode, désormais -, il nous avait installés dans cette cave le temps que je me rétablisse. Tous ces signes me montraient qu'il ne me tuerait pas ; mieux, qu'il me prêtait attention.

Mon esprit repassait en boucle toutes les possibilités pour le lendemain. Qu'est-ce qui était le mieux ? Le suivre lorsqu'il se rendait à la chasse ? L'attendre le soir, en dehors de la grotte ? Crier très fort jusqu'à ce qu'il soit obligé de venir me voir ? Je tournai et me retournai encore un moment, avant de finalement trouver le sommeil, ayant enfin ficelé un plan dans mon esprit.

Autant dire que je dormis très mal. Chaque heure -ça devait être des heures, mais étant donné que je n'avais aucun repère, je ne pouvais pas en être certaine !-, je me réveillai en sursaut et fixai mon regard sur l'endroit où Narghaash dormait, persuadée d'avoir manqué son départ.

Non, il était toujours là, son dos couvert de cicatrices me faisant face, quelques mètres plus loin.

Lorsque je me rendormais, au bout de quelques minutes, je rêvais alors que je me réveillais tard le matin et que tous étaient déjà sortis de la grotte, et que je ne parvenais pas à croiser Narghaash de la journée. Frustration extrême.

Et soudain, mue par une sorte d'intuition, je me réveillai. Quelqu'un bougeait dans la grotte.

Il ne faisait pas encore jour, mais déjà je pouvais entendre quelques chants d'oiseaux, célébrant la venue de l'aurore.

Les yeux entrouverts, j'observais Narghaash se mouvoir lentement. Il se releva, passa son regard sur les corps endormis, puis enfila ses bottes. Il prit ensuite son carquois, et réveilla l'un des uruk.

La relève pour la garde, réalisai-je tandis qu'ils s'échangeaient des mots en chuchotant dans leur langue gutturale.

J'attendis un moment, essayant de calmer ma respiration et ainsi les battements de mon cœur. Je savais que ces créatures avaient une ouïe bien plus développée que la nôtre, mais jusqu'à quel point, ça je ne le savais pas. Je préférais prendre des précautions et ne pas éveiller leurs soupçons, même si mon plan au final n'avait rien de très original ou abracadabrant. Mais ça me fit bien rire intérieurement de les observer sans qu'ils ne le découvrent… Les petites joies de jouer l'espionne, comme une gamine de douze ans !

Lorsqu'ils furent tous deux sortis, et que l'orque ayant fait la garde de nuit fut couché, je me levai doucement, emportant avec moi ma couverture trouée. J'enfilai les chaussures en toile horribles que l'on m'avait donnée, et sortis de la grotte.

Je tombai nez à nez avec l'uruk qui montait la garde.

Il me dit approximativement -enfin, c'était ma compréhension qui était approximative- :

« -Tu fous quoi ? »

« -Faire pipi » Lui répondis-je fièrement dans un Westron horrifiant.

Il grogna, ce que je pris pour un oui. Je me mis donc à descendre en trottinant le chemin qui sinuait le long de la pente menant à la grotte. De loin, je vis Narghaash entrer dans la forêt de sapins, et je mémorisai l'endroit pour le retrouver.

Il me sembla entendre un « vite » lointain, mais je l'ignorai. Le soleil n'était pas encore levé, mais ses rayons éclairaient déjà le ciel, je pouvais donc plus ou moins voir où je mettais les pieds. J'atteignis la partie herbeuse du paysage, un peu moins pentue, et me mis à courir jusqu'à la forêt. Cette courte course me vola mon souffle. Cela m'avait fait du bien de courir, mais j'avais perdu la plupart de mes capacités physique pendant la maladie, et j'étais encore loin d'avoir tout récupéré.

C'est donc essoufflée que je pénétrai dans la forêt. C'est à ce moment que je me rendis compte que mon plan était tout simplement foireux. Certes, le ciel était plus éclairé que pendant la nuit, toutefois, la pénombre qui régnait sous les arbres était bien plus dense que ce que j'avais imaginé. Je ne voyais quasiment rien.

Je soufflai et levai les yeux au ciel, me grondant mentalement pour ma débilité absolue.

Cependant, je n'étais pas connue pour abandonner une idée facilement. Je chassai les quelques craintes qui s'était faufilées dans mon esprit -noir, bêtes sauvages, ennemis…-, et me mis à avancer dans la direction la plus plausiblement prise par Narghaash. Ça n'allait tout de même pas être si difficile de le retrouver !

Tu parles d'une idée…

Je me perdis rapidement, même si je mis un moment à me l'avouer. Bientôt, tous les arbres se ressemblèrent, et je ne parvins même pas à retrouver le chemin que j'avais emprunté pour entrer dans la forêt. A un moment, j'eus l'envie subite de m'assoir pour pleurer, mais abandonnai rapidement l'idée : ça ne servirait strictement à rien.

Je pris donc une grande inspiration, appréciant la fraîcheur de l'air dans mon corps déjà chaud et transpirant. Je continuai à marcher, me tordant les chevilles sur des racines traîtresses, et espérant que j'allais tomber sur Narghaash par hasard. En levant la tête, je m'aperçus que le ciel était plus clair que tout l'heure. Bien, cela ne me disait néanmoins pas combien de temps s'était déroulé depuis ma sortie de la grotte. Peut-être que par chance, le garde allait partir à ma recherche, voyant que je mettais trois plombes à faire pipi.

Je continuai ainsi un petit moment, me maudissant copieusement pour ma bêtise. Jusqu'à ce qu'un grognement proche me fasse sursauter. D'instinct, je reculai de quelques pas, et resserrait les pans de la couverture sur mes épaules. Des feuilles bougèrent, et un autre grognement se fit entendre, se décalant sur ma droite. Je déglutis difficilement, et optais pour l'option de sûreté.

Je me retournai, et me barrait en courant le plus vite possible.

Courir dans une forêt sombre, et bien ce n'était pas du gâteau. Je lançai mes pieds dans l'inconnu à chaque seconde, pas sûre de trouver un appui stable. Parfois j'atterrissais sur une branche qui craquait sous mon poids, parfois sur des cailloux qui avaient la bonne idée de rouler, parfois sur du sol dur et palpable qui me permettait de me propulser plus loin avec assurance.

Je fus très vite à court d'haleine, mais l'adrénaline qui se ruait dans mes veines me donnait un tel coup de fouet que je continuai à me ruer à toute jambe vers… euh… l'infini et au-delà. Tant et si bien, que je finis par trébucher.

Je tombai vers l'avant en criant, et roulai sur quelques mètres, me cognant les genoux, les coudes, les mains et le menton. J'atterris à plat ventre sur une surface plane, ce qui me coupa le souffle. J'ouvris la bouche pour prendre une grande goulée d'air et toussais.

Je tentais de me relever lorsqu'un hurlement se fit entendre non loin de moi, et quelques secondes plus tard, un grondement tout proche. Electrisée par ce bruit terrifiant, je me relevai à quatre pattes, la tête rentrée dans les épaules, le souffle erratique. Mes yeux rencontrèrent ceux d'un loup, qui grondait en montrant des dents dans ma direction. Il hurla à nouveau, et de nouveaux hurlements lui firent échos dans toute la forêt.

Mon cœur se mit à battre plus fort encore, et tous mes membrent commencèrent à trembler.

Shit, ces loups avaient visiblement décidés de me prendre comme casse-croûte. Leur dernier casse-croûte de la nuit, avant de rentrer à la niche. Et ça ne sentait vraiment pas bon pour moi.

Je gardai mes yeux fixés sur le loup, sans pour autant le défier du regard. Je me relevai doucement, tout en emportant dans ma main un bâton de la taille de mon bras. Je le serrai convulsivement, tout en observant le féroce mammifère me tourner autour, cherchant sûrement une faille dans ma pitoyable défense.

Et tout à coup, quelque chose changea. Le loup se ramassa puis bondit. Je parvins à reculer d'un pas, tout en brandissant le bâton devant moi. Il frôla seulement le canidé qui me fit tomber à la renverse, sans toutefois parvenir à me mordre. Ma tête cogna brutalement contre quelque chose de dur, et je vis sombre pendant quelques secondes. Je serrai à nouveau la branche dans ma main, incapable de savoir comment je ne l'avais pas lâchée dans ma chute. Tout mon corps tremblait de façon incontrôlée. Je recouvrai la vision au moment où il revenait à la charge. Je le vis sauter au-dessus de moi, la gueule grande ouverte, et je criai en remontant le bâton vers mon visage.

Je ne sais par quelle chance, je parvins à retenir le loup qui grognait de rage, la gueule à quelques centimètres de mon visage, freiné par la branche que je tenais à deux mains. Ses pattes me labouraient le ventre, tandis qu'il forçait en avant pour m'atteindre, et je criai encore, retenant de toutes mes forces le bâton. Je le frappais de mes genoux, essayant de le faire partir, tandis que sa bave me coulait dans le cou.

Soudain, dans un ultime geste de désespoir, je forçai d'un seul coup sur le bâton en vrillant mon corps sur le côté. Le loup, surpris, lâcha afin de se rattraper. Ce court laps de temps me permit de m'accroupir, et d'abattre mon arme de fortune de toute mes forces sur la tête du loup en hurlant. Il gémit de douleur, et tenta de reculer, mais je ne lui laissai pas le temps de s'en aller, et le frappai à nouveau. J'entendis un craquement, et il hurla. Mais je frappai encore, et encore, et encore, et encore, folle de peur.

Je ne voyais plus rien, je ne sentais plus rien. Il n'y avait plus que moi, le bâton, et ce loup.

Je m'arrêtai quelques secondes plus tard, le corps tremblant, la respiration hachée. Il ne bougeait plus.

Une douleur explosa alors dans mon épaules gauche et j'hurlai à nouveau. Emportée par un poids, je tombai de côté contre le sol, et tentait de me dégager en roulant. Je me relevai à moitié, les yeux fous, et regardai mon épaule ensanglantée sans comprendre. Le loup qui m'avait mordu se tenait devant moi, accompagné par deux autres qui grondaient en me toisant. Subitement, je me rendis compte que j'avais lâché mon bâton, mais je n'osais pas détourner les yeux de mes attaquants, certaine que si je le faisais ils en profiteraient pour me terrasser.

Voilà, c'était fini. Que pouvais-je faire si ce n'est les regarder m'attaquer ?

Je jetai tout de même un coup d'œil rapide vers l'endroit où mon arme gisait, et gardant mes yeux fixés sur les chasseurs, je reculai doucement vers lui.

Ce qui était sûr, c'est que je ne partirai pas sans me battre.

Petit à petit, je me rapprochai de la branche sans qu'ils n'attaquent, et je me baissai. Je l'attrapai tout doucement, sans faire de geste brusque, et me relevai. Mon cœur battait à toute allure et ma tête pulsait de douleur à un même rythme. Je serrai les dents, certaine que ma dernière heure était venue.

Soudain, l'un des loups se ramassa sur lui-même, prêt à bondir, et je me préparai à le frapper. Je le vis sauter sur moi, et resserrai ma prise sur mon arme de fortune. Mais avant qu'il ne m'atteigne, un projectile le frappa en plein flanc et il s'écroula sur le côté dans un jappement de douleur et de surprise. Je restai figée de stupeur, lorsqu'une deuxième flèche se planta dans sa gueule, le tuant sur le coup.

Puis, un rugissement ébranla la forêt, et je vis une masse noire sortir d'entre les arbres pour se jeter sur un troisième loup, qui s'était furtivement glissé derrière moi. Je me retournai et vis Narghaash, empoigner le canidé entre ses bras, en ignorant les coups de dents désespéré près de son visage, et serrer de toute ses forces. Un craquement résonna, et il retomba, inerte. Les deux loups restants grognèrent de plus belle, et Narghaash leur répondit en grondant plus fort encore, faisant hérisser les poils de mes bras. Voyant le carnage et la force menaçante du colosse, leurs oreilles se rabattirent sur leurs têtes, et ils s'enfuirent aussi vite qu'ils étaient arrivés.

Après qu'ils soient partis, nous restâmes quelques secondes sans bouger, nos respirations saccadées seules témoins de notre vitalité. Puis, mon corps douloureux se rappela à moi, et je lâchai le bâton. Mes jambes suivirent peu après, vidées de leur force. Je m'écroulai, et restai assise sur le sol, chacun de mes membres secoués par des tremblements incoercibles. Choquée, je ne parvenais pas à prononcer le moindre mot, ni même à regarder Narghaash. Lui non plus, ne dit rien pendant un moment.

Finalement, après avoir pris une brève inspiration, je me tournai légèrement vers lui et m'efforçai de lever mon regard. Il sentit que je bougeai, car ses yeux se tournèrent très brièvement dans ma direction. Mais il resta de profil, les poings serrés, et un grondement sourd se répandit alors dans sa poitrine. Je me recroquevillai aussitôt, et rentrai la tête dans les épaules. Ce mouvement me fit grimacer, mais je n'osai ni gémir, ni me plaindre. Car tout était entièrement de ma faute. Et je le savais.

Après quelques secondes, il se mit en mouvement, et récupéra son arc qu'il avait jeté à terre pour me porter secours.

« -Qu'est-ce que tu f'sais ici ? » Me lança-t-il sans me regarder, la voix grondante de colère.

« -Chercher toi. » Lui répondis-je d'une toute petite voix, gardant mon visage baissé vers le sol.

Il se mit à marcher de long en large devant moi, visiblement furieux.

« -Pourquoi ? »

« -Parler avec toi… »

« -Emilie ! » Rugit-il subitement en s'arrêtant devant moi, son corps massif me surplombant.

Je me recroquevillai plus encore, tremblante de douleur et d'appréhension.

« -T'as faillis mourir ! » Hurla-t-il à nouveau. « Stupide sharlob » Dit-il entre ses dents, se remettant à marcher de long en large, parlant dans sa barbe en langue noire. Il donna un coup de poing dans un arbre, faisant craquer l'écorce et fuir tous les oiseaux des environs.

« -Je suis désolée » Dis-je finalement, d'une voix presque inaudible.

Il s'arrêta de marcher, et prit une grande inspiration. Puis, il se tourna vers moi. Je n'osai néanmoins pas relever la tête, trop honteuse pour croiser son regard furieux. Il huma à nouveau l'air, et j'entendis un léger grognement.

« -Tu saignes. » Constata-t-il d'une voix plus calme.

Je tournai alors le visage vers mon épaule, et presque aussitôt, la douleur se remit à pulser dans mon bras. Je grimaçai, tandis que tout mon corps se faisait connaître à moi. Mes coudes et mes genoux écorchés, mon crâne qui me lançait affreusement, et la morsure qui me brûlait.

Narghaash grogna à nouveau, passa son arc et son carquois au-dessus de sa tête pour les caler sur son épaule, puis il s'accroupit devant moi. Je baissai à nouveau la tête. Et alors que je m'attendais à une autre remontrance, il m'attrapa par la taille, passa une main sous mes genoux, puis me souleva comme si je ne pesais absolument rien. Surprise, je laissai échapper un petit cri et m'agrippai à son cou. Imperturbable, il se mit à avancer à grand pas dans la forêt.

Je gardai les yeux baissés durant tout le temps qu'il me porta, des émotions contradictoires se bousculant dans mon petit être. J'étais encore tremblante de peur, à cause de mon aventure avec les loups. J'étais soulagée et reconnaissante que Narghaash soit arrivée, et m'est à nouveau sauvée. Mais j'étais surtout honteuse, car si je ne m'étais pas entêtée à chercher Narghaash dans la forêt, je nous aurais probablement évité bien des soucis.

La marche fut de courte durée. Il faut dire que Narghaash connaissait le chemin, et qu'il avançait bien plus vite que moi. Nous débouchâmes bientôt à l'air libre, sous les premiers rayons du soleil. J'entendis alors le ruissèlement typique de la chute d'eau, près de la grotte. Il se dirigea vers l'eau, et me posa doucement sur le sol.

« -Il faut nettoyer ça » Ma dit-il en montrant mon épaule.

J'acquiesçai, et dégageai doucement mon bras de la couverture, puis de ma tunique trop large. Je vis Narghaash détourner les yeux avec un grognement, puis se pencher pour récupérer de l'eau entre ses deux mains en placées coupes. Accroupis près de moi, il versa ensuite le liquide sur mon épaule. Sous la sensation, j'inspirai brutalement par la bouche, les dents serrées. Il jeta un coup d'œil un mon visage, puis continua sa besogne, jusqu'à ce que mon épaule soit engourdie par le froid, et les plaies bien nettoyées.

Nous n'échangeâmes aucuns mots, ni aucuns regards.

Au bout d'un moment, gênée par le silence, je pris tout de même mon courage à deux mains et me décidai à parler :

« -Merci » Dis-je dans un murmure.

Je tournai mon visage vers lui, mais il ne me regarda pas, les yeux perdus dans les mouvements de l'eau.

Je bougeai légèrement dans sa direction.

« -Merci pour… ça, et pour avant… l'eau, les arbres… » Ajoutai-je doucement, peu désireuse de briser la tranquillité du moment.

Je n'eus pour réponse qu'un grondement doux. Finalement il se tourna vers moi, et ses yeux de chat me fixèrent. Je ne soutins son regard qu'une seconde, puis toujours honteuse, je baissai les yeux. Je me mis à sourire. Finalement, malgré les aventures qui avaient découlées de ma stupide décision, il y avait au moins une chose positive : j'avais enfin eu l'occasion de remercier Narghaash.

Je serai encore restée longtemps ainsi, à contempler tranquillement la nature à côté de Narghaash, si Angélique n'avait pas furieusement déboulé d'entre les arbres. Narghaash se releva presque aussitôt, tandis que mon amie marchait d'un pas vif jusqu'à nous. Il me lança un regard que je lui rendis, puis se dirigea vers la blonde.

« -Il faut que tu oerutnbbjhureuh efhnu zrobzjnhn sang azeijvnh » Oui, c'est ainsi que je compris la phrase de Narghaash. En clair, je ne compris pas grand-chose.

En tous cas, cela eu un effet non escompté sur Angélique, dont le regard s'arrêta un instant sur mon épaule dénudée et lacérée, puis retourna se fixer sur Narghaash. Je compris ce qu'elle pensait sans même avoir besoin de mots.

Aussitôt, je me relevai.

« -Non, Angélique, il ne m'a rien fait, je te promets ! » Dis-je dans notre langue natale, en baissant graduellement ma voix, afin qu'elle comprenne que je n'étais pas paniquée, ou en train de mentir. « Je me suis faite attaquer par un loup. »

La jeune femme lança un regard suspicieux à l'uruk, puis passa à côté de lui, et me fit m'asseoir pour regarder mon épaule de plus près, son petit sac remplis de plantes médicinales à côté d'elle.

« -J'espère qu'il n'avait pas la rage » Marmonna-t-elle dans sa barbe d'un air agacé.

Je me tournai pour qu'elle puisse accéder à toute la blessure, et en profitai pour regarder Narghaash disparaître entre les arbres. Bizarrement, je ne tremblais plus, et même si j'étais encore sous le choc de ma confrontation avec les loups, mon être brûlait d'un étrange sentiment de reconnaissance pour le colossal uruk.

Oui, peut-être qu'auparavant, il avait été l'un des pires êtres foulant la terre, cruel, mesquin et sans pitié.

Mais j'étais persuadée qu'il ne l'était plus.

Il avait changé.