Coucou, tout le monde!
Vous avez cru que ne publierai plus jamais, hein? ;)
Je suis moi-même surprise! J'espère que ce chapitre vous plaira!

Merci du fond du coeur à tous ceux qui ont laissés des reviews! C'est ce qui m'a donné envie de continuer à écrire!


« -Tiens, tu ne vas pas laver la vaisselle ce soir ? » Me demanda Angélique, en Westron.

« -Non… » Répondis-je, en faisant semblant d'être très occupée par le rangement du repas.

« -Qu'est-ce qui s'est passé ? » Dit-elle en se tournant dans ma direction.

« -Rien… » Dis-je, trop rapidement pour que ce soit crédible.

« -Emilie ? » Gronda-t-elle subitement, se rapprochant de moi.

« -Oui ? » Demandai-je innocemment.

« -Qu'est-ce qu'il a fait ? »

« -Rien, enfin… rien de mal »

« -C'est-à-dire ? » Dit-elle en se rapprochant plus encore.

« -Euh… il m'a plus ou moins fait comprendre que… euh, il m'aimait…bien… enfin ouais »

« -Quoi ?! » Cria-t-elle, ses yeux s'écarquillant d'horreur. « Qu'est-ce que tu dis ? »

J'arrêtai aussitôt ce que j'étais en train de faire et me mis, sans vraiment m'en rendre compte, dans une position défensive.

«- Narghaash m'a avoué qu'il m'aimait bien.» Répétai-je, de façon légèrement provocante.

Angélique laissa tomber ses bras contre ses flancs dans un geste de stupeur et je me demandai ce qui allait suivre. Je savais qu'elle ne voyait pas Narghaash comme je le voyais et je savais aussi que notre amitié toute fraîche n'allait vraiment pas lui plaire.

«- Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis? Et de ce que tu fais ? Emilie ! » Cria-t-elle presque, avant de reprendre son souffle et de continuer : « Comment est-ce que tu peux rester à côté de lui et lui parler ? Je ne comprends pas. » Finit-elle dans un murmure, sa tête se balançant de gauche à droite dans un mouvement de négation.

J'hésitai un moment entre m'énerver sérieusement, ou essayer de lui expliquer. Finalement, je détendis mes épaules, soupirai profondément, et pris le parti d'essayer de lui apporter tous les arguments favorables que j'avais en ma possession. Je posai ce que j'avais dans les mains et me rapprochai d'elle. Dans un mouvement doux, presque désespéré, je pris ses mains entre les miennes et plongeai mes yeux dans les siens.

« - Ecoute, Angélique, je sais qu'ils ont fait des choses horribles et je sais que toi et les filles vous avez beaucoup souffert. Mais... est-ce que tu serais prête à essayer de les voir d'un autre œil ? Je sais... Je sais que c'est plus facile pour moi, car je n'ai pas vécu ce que vous avez vécu à cause d'eux... Mais justement, j'ai un autre regard. Et je commence à voir de belles choses venir d'eux ! » Angélique cilla et eu une moue d'incompréhension. « Oui ! Regarde le plus jeune, Barash, il n'a pas la même attitude que les autres, il est innocent et il n'a vécu que quelques jours dans la Fosse ! Regarde Narghaash qui était le pire d'entre tous, est-ce qu'il vous a fait du mal depuis que nous sommes sortis ? Non ! » Répondis-je avec force. « J'ai pu parler avec lui, et il m'a dit qu'il regrettait ce qu'il avait fait ! Que maintenant, il voyait que ce n'était pas bien ! Ils changent, tous, ils changent... Ils ne sont plus sous les ordres d'un homme fou, pervers et dérangé, et ils changent ! Tu ne vois pas ? »

Je laissai un petit moment de silence pour lui permettre d'absorber tout ce que j'avais dit. Je l'observai attentivement. Ses sourcils étaient froncés, et je sentais qu'elle hésitait entre l'incompréhension profonde et l'envie de voir ce que je voyais.

« -Tu ne crois pas que tout le monde a le droit à une deuxième chance ? Repris-je. Est-ce que eux, qui n'ont jamais connu mieux que la Fosse, n'ont pas le droit à une deuxième chance maintenant qu'ils ont une nouvelle vie, libre des entraves de leur gourou ? »

Puis, je me tus, observant ma seule amie dans ce bas-monde. Je savais que c'était difficile à comprendre, à intégrer, ou même à accepter, et je m'attendais à ce qu'elle m'envoie bouler à tout instant. Elle soupira simplement, et serra mes mains.

« -J'essaie, Emilie. Je ne vois vraiment pas ce que tu vois. Mais... » Elle marqua une petite pause qui me fit espérer. « Je vois aussi que certains ont changés depuis quelques temps : ils nous laissent tranquille, ils sont moins violents... Et je ne vais pas changer d'avis sur leur compte, pour l'instant... J'ai trop de souvenirs qui m'en empêchent. Mais je vais observer pour essayer de comprendre ce que tu vois, ok ? »

« -Oh, merci Angel' » Dis-je joyeusement, serrant ses mains entre les miennes.

« -Mais, fait attention. » Me coupa-t-elle. « Gwirawen, Adreivia, Eolayne et Haleth n'en peuvent plus. Maintenant qu'elles sont libérées de la Fosse, elles n'ont plus qu'une envie : rentrer chez elles. Et je pense qu'elles sont en train de mettre au point un plan pour partir... Elles ne m'en ont pas parlé, mais je sens que quelque chose se prépare. Je pense que c'est pour bientôt. » Me dit-elle gravement.

« -Et si elles partent, toi, qu'est-ce que tu fais ? » Lui demandai-je, légèrement apeurée.

Il y eut un long moment de silence, entrecoupé seulement par nos respirations et les bruits venant de l'extérieur de la grotte. Mon cœur se serra légèrement.

« -Je... Je ne sais pas encore. » Me répondit-elle, hésitante. Elle lâcha mes mains et croisa ses bras contre sa poitrine, tout en fuyant mon regard.

« - D'accord, je... je comprends. » Dis-je d'une petite voix.

Puis, nous nous mîmes à nouveau au travail, sans un mot ni un regard. Mais, l'heure fatidique arrivait. Malheureusement, je ne m'étais toujours pas décidée. D'un côté, l'aveu de Narghaash m'avait fait peur, et de l'autre, j'appréciais vraiment les conversations que nous avions, ainsi que son évolution dans sa compréhension de la vie. Et surtout, je l'appréciais lui...

J'étais tiraillée entre ces deux parties de moi-même. Plus le moment arrivait, plus je paniquais. Je ne savais pas choisir. Que devais-je faire ? Que voulais-je faire ? Voulais-je continuer à aller voir Narghaash ? Était-il mieux que l'on ne se voit pas pendant quelques temps ?

D'un coup, du bruit se fit entendre à l'entrée de la grotte : les filles revenaient de la vaisselle. En un instant, j'imaginai Narghaash m'attendre et ne pas me voir venir. A cette image, mon cœur se serra.

Je me relevai subitement, et marchai d'un pas décidé vers la sortie. Je ne jetai pas un regard à Angélique, de peur de voir de la réprobation dans ses yeux. Je croisai le groupe de femme et sentis leurs regards brûlants sur moi. Je les ignorai superbement, et sorti hors de la caverne.

J'inspirai profondément l'air pur du soir. Au loin, le soleil déclinait doucement vers les cimes enneigées. Mon cœur battait vite dans ma poitrine alors que je prenais conscience du choix que je venais de faire. Lentement, je tournai mon visage vers l'endroit où se tenait Narghaash. Les rayons rougeoyants du soleil couchant éclairaient son visage aux traits durs. Je contemplai quelques instants son épaisse peau sombre, ses longs cheveux noirs ramassés en dreadlocks, ses yeux étirés à la couleur irréelle, ses drôles d'oreilles pointues…

Il dû sentir mon regard qui le scrutait, car il se tourna vers moi. Ses yeux trouvèrent les miens, et je frissonnai. Je rompis alors le contact et avançai dans sa direction d'un pas décidé. Arrivée à son côté, j'hésitai une seconde, avant de m'assoir sur la peau qu'il avait préparée pour moi. J'eus un petit sourire devant sa gentille attention.

Nous n'échangeâmes d'abord aucun mot, regardant simplement le soleil disparaître derrière les monts. Je ne savais pas s'il avait senti mon trouble, aujourd'hui. Peut-être qu'il avait compris que sa « déclaration » m'avait vraiment chamboulée. Toujours en est-il qu'il ne parlait pas, ce soir. Il y avait comme une tension dans l'air qui me mettait mal à l'aise, et je le sentais tendu. J'inspirai profondément, rassemblant tout mon courage.

« - Comment ça va, Narghaash ? » Demandai-je d'une voix très basse, soucieuse de ne pas briser trop fortement le silence qui pesait entre nous.

Un grognement bref me répondit et je me recroquevillai légèrement, faisant la moue. Il n'avait visiblement pas envie de me répondre. J'eus l'envie subite de repartir me cacher dans la grotte mais résistai tant bien que mal. Je l'entendis humer l'air.

« - Je sens que tu es gênée. » Dit-il soudain de sa voix grave.

Je changeai de position, en effet très gêné par cette situation et maudissant le flaire surentraîné de Narghaash.

« -C'est à cause de ce que je t'ai dit hier soir ? » Me demanda-t-il.

« -Euh… oui. » Répondis-je, jouant franc-jeu.

Un grognement plus fort sortit de sa poitrine.

« -C'est seulement que… je ne sais pas comment te répondre. » Repris-je aussitôt, sentant qu'il était mécontent. « Tu es mon ami et je ne nous ai jamais imaginé autrement. C'est tout ce que je veux pour nous, pour le moment… est-ce que tu comprends ? » Je tournai un regard plein d'espoir vers lui. Je le discernai à peine sous la lueur des étoiles, mais je savais que ses yeux percevaient bien plus que les miens dans l'obscurité.

« -Oui… je comprends. » Dit-il doucement. « Alors, soyons amis » Conclut-il d'une voix décidée.

J'hochai la tête, ravie par la tournure de notre conversation.

« -Très bien, ami » Dis-je avec un sourire.

Je lui donnai un petit coup d'épaule, tout en laissant échapper un petit rire soulagé. Je sentis son regard se poser sur moi et un doux grondement roula dans sa poitrine. Un grondement de satisfaction.

« -Comment s'est passée ta journée ? » Demandai-je avec intérêt.

« -Comme d'habitude. La chasse s'est bien passée. Barash se débrouille de mieux en mieux avec son arc et il a tué un oiseau tout seul. »

« -Ah, c'est bien ! » Dis-je, presque fière des progrès du plus jeune. « -Je suis sûre qu'il va beaucoup s'améliorer, il a vraiment très envie d'apprendre. Je pense que s'il osait venir vers moi, il me poserait encore plus de questions que toi » Dis-je d'une voix amusée.

Narghaash eut un petit rire étouffé et je souris, contente de retrouver cette étrange complicité qui s'était tissée entre nous, et qui grandissait encore.

Je fus réveillée en sursaut alors qu'une main se plaquait violemment sur ma bouche. J'ouvris les yeux tout grand, et mon cœur fit plusieurs bonds précipités dans ma poitrine. Le visage tendu d'Angélique se dessina devant mes yeux, éclairé par une torche. Elle me fit signe de me taire en plaquant un doigt sur ses lèvres, puis se leva précipitamment.

Je m'assis rapidement et jetai un regard autour de moi. Toutes les femmes étaient debout, habillées et visiblement prêtes à partir. Les orques et les uruk, quant à eux, semblaient profondément endormis. Cette constatation me sembla très étrange, et je fronçai les sourcils en regardant Angélique. Ses lèvres formèrent le mot « poison » et j'oubliai de respirer sous le choc.

Stupéfié, je restai assise par terre à regarder ces femmes, avec un air choqué. Adreivia laissa échapper une exclamation méprisante, et pris la main d'Haleth tout en se dirigeant vers la sortie de la grotte. Eolayne et Gwirawen me regardèrent un instant, puis avec une mine qui semblait désolée partirent à leur tour. Angélique seule, resta devant moi. Je n'arrivais pas à lire dans ses yeux, et mon cerveau endormis ne comprenait qu'à moitié ce qui se passait. Je laissai mon regard dériver sur les corps affalés des orques et uruks, incapable de savoir s'ils étaient en train de mourir, ou déjà morts.

Je n'arrivai pas à concevoir qu'elles aient pu tous les tuer.

« -Emilie ». Appela Angélique, et mes yeux se fixèrent sur elle dans un effort surhumain. « Nous devons partir ».

« -Mais… Mais où ? » Bégayai-je.

Elle resta interdite un instant.

« -Là où nous devons être, chez les hommes ! » Dit-elle finalement, un peu plus fort.

« -Les hommes… » Répétai-je bêtement.

J'étais confuse et tout se mélangeait dans ma tête. Une sensation d'urgence, mêlée à un profond sentiment de malaise bouillait en moi.

« -Allez, viens ». Dit-elle d'un ton autoritaire.

Elle attrapa mon bras, me releva d'un seul coup et m'entraîna vers la sortir sans me laisser le temps de protester. Dehors, la lune pleine éclairait abondamment la scène. Gwirawen et Eolayne descendaient déjà le chemin menant à la forêt. Mon regard s'arrêta toutefois sur Haleth, à la gauche de l'entrée, qui s'approchait d'une imposante masse sombre, couchée sur le sol. Mon cœur rata un battement quand je compris que c'était Narghaash qui était allongé à terre... inconscient voire, mort. Haleth se pencha sur lui et commença à hurler des mots qui ne firent aucun sens pour moi, mais qui ressemblaient fortement à des insultes.

Je restai interdite, tandis que pour la première fois, je la voyais exprimer quelque chose. Adreivia s'approcha également et donna un coup de pied dans les côtes de Narghaash en criant un juron. Je tressailli, mais ne dit pas le moindre mot, hébétée par ce déferlement d'émotions et de haine.

Soudainement, Narghaash grogna et remua. Un vent de panique souffla chez les femmes qui reculèrent précipitamment. Le colosse releva son buste, l'air groggy, et son regard balaya la scène. Je pris une inspiration pour dire quelque chose, mais au lieu de quoi, hurlai de toutes mes forces lorsque Adreivia attrapa une grosse pierre et l'abattit violemment sur le crâne de Narghaash. Sous l'impact, il retomba à terre avec un grognement de douleur. Du liquide jaillit de la blessure créée, et coula à terre.

Je vis Adreivia lever à nouveau la pierre, à deux mains. Son regard fou me fit sortir de mon hébètement. Un instinct inconnu me fit entrer en action. Remplie de colère et de peur, je lui criai d'arrêter. Je me dégageai brutalement de l'emprise d'Angélique qui ne réagissait plus, et couru. Je me jetai brutalement sur elle, et la fit tomber. Nous atterrîmes durement sur le sol et je me dégageai vivement pour me remettre debout. Je me plaçai entre Narghaash et elle, prête à me battre si elle tentait le moindre rapprochement. Mon souffle était erratique et tout mon corps était parcouru de tremblements.

Sans comprendre et toujours à terre, elle me regarda, interloquée. Puis, une ombre passa dans ses yeux et son visage se tordit en un masque de mépris. Elle se releva, puis enleva la terre restée sur ses mains d'un seul geste. Elle me jeta un regard hautain et rempli de haine.

« -Alors ça y est, tu as choisi ton camp, fille de chien ! » Dit-elle d'un ton grinçant.

Je ne bougeai pas, essayant de calmer ma respiration et les battements affolés de mon cœur.

« -Qu'il en soit ainsi. » Dit-elle avec mépris. « Ne compte pas sur nous pour t'épargner lorsque le temps viendra ! »

Après quoi, elle passa devant moi sans un regard, attrapa le bras d'Haleth et se mit à descendre le chemin pour rejoindre les autres. Mon corps se relâcha imperceptiblement et mon regard accrocha celui d'Angélique qui se tenait toujours au même endroit, l'air perdu. Après avoir vérifié que Narghaash bougeait encore, je fis un pas vers elle, l'implorant du regard.

« -Angel'… » Lui dis-je d'une voix suppliante. La suite ne franchit pas mes lèvres hésitantes.

Je voulais la supplier de rester avec moi. Je voulais lui promettre que ça irait, qu'ensemble nous pourrions tout affronter. Qu'elle était le seul pilier, la seule montagne à laquelle je m'accrochais dans ce monde barbare, que sa présence seule m'aidait à me sentir mieux… Je ne voulais pas qu'elle parte.

Son regard se détacha du mien pour se poser sur le groupe de femme, en bas, qui l'appelait. Ses yeux firent quelques va et vient entre elles et moi. Puis, finalement, ils se fixèrent sur moi. Son visage pris un air désespéré et ses yeux s'embuèrent. En réponse, les miens commencèrent à s'humidifier : je sentais très bien ce qui allait se passer ensuite.

« -Je suis désolée… » Dit-elle d'une toute petite voix.

« -Non… » Gémis-je, une larme se frayant un chemin sur ma joue.

Elle inspira précipitamment, et détourna le regard. Elle se mit à dévaler le chemin, ne jetant plus aucun regard en arrière.

« -Angélique ! » Je criai... mais c'était en vain, elle avait choisi de partir.

Je tombai à terre sous le poids de la tristesse. Je ramenai mes genoux contre ma poitrine et éclatai en sanglot. Je ne sais pas combien de temps exactement je restai prostrée ainsi, à déverser toutes les larmes de mon corps, mais au bout d'un moment, je sentis une main chaude se poser doucement sur mon épaule. Un coup d'œil me permit de savoir que c'était celle de Narghaash, qui s'était assis derrière moi.

Nous restâmes un long moment ainsi et après un certain temps, mes larmes commencèrent à se tarir. J'inspirai profondément puis soufflai longuement, essayant de reprendre le contrôle de mon souffle. Peu à peu, je me calmai. Alors, lentement, je me tournai vers Narghaash. Je tentai de parler, mais ne sut que dire et secouai la tête.

« -Je sens » Me dit-il à voix basse. « Tu es triste, et tu as peur ».

J'hochai simplement la tête, et me retins de verser quelques nouvelles larmes. Angélique était partie. Celle qui me permettait de ne pas devenir folle était partie. Je ne savais pas comment j'allais survivre, désormais. Peut-être aurais-je dû les suivre ? Qu'avais-je fais? Quel était le bon choix?

« -Je promets que je vais te protéger, Emilie » Me dit alors Narghaash d'une voix grave.

Lentement, je remontai les yeux pour rencontrer les siens. J'y vis une telle sincérité que cela me réchauffa un petit peu le cœur. Inconsciemment, je relâchai les muscles de mon corps. Oui, j'étais en sécurité: Narghaash allait y veiller et je lui faisais confiance. J'avais conscience que c'était une folie: j'étais complètement folle d'être restée. En y réfléchissant, je ne comprenais pas ce qui m'était passé par la tête. Tout ce que je savais, c'est qu'un fort instinct de protection envers Narghaash m'avait portée pendant un instant, et que j'avais décidé de l'écouter.

Je lui offris un faible sourire, mais ce fut tout ce dont j'étais capable. Je lui étais vraiment reconnaissante de me promettre une telle chose et je sentais en mon cœur qu'il ferait tout pour tenir parole. Il était ma dernière -et seule- bouée de sauvetage, à présent. Sans lui, je mourrais très certainement. Mes yeux dérivèrent sur son visage et s'arrêtèrent sur le liquide qui s'écoulait le long de sa tempe jusqu'à son menton.

« - Tu saignes! » Dis-je précipitamment.

D'un mouvement vif, je m'approchai et lui attrapai la tête pour que je puisse observer sa blessure. Il grogna doucement, mais se laissa faire. Malheureusement, malgré la grande clarté que la lune offrait, je ne parvenais pas à voir grand-chose.

« - Ca n'a pas l'air profond. » Déclarai-je, peu sûre de moi.

« - Je n'ai pas mal. » Dit-il en se dégageant doucement.

Soudainement, des grognements mécontents s'élevèrent de la grotte. Quelques secondes plus tard, les uruks en sortaient, titubants et reniflant l'air à la recherche de celles qui manquaient. Intérieurement, je fus grandement soulagée qu'ils se soient réveillés: le poison qu'elles avaient utilisé ne devait pas fonctionner sur les uruks, ou alors elles les avaient simplement endormis!

Ces derniers éructèrent quelques mots en langue noire, qui devaient sûrement être des insultes, puis firent mine de vouloir les poursuivre. Narghaash se redressa lentement et secoua la tête en ajoutant quelques paroles que je ne compris pas. Toutefois, j'eus l'idée principale: il ne les laissait pas poursuivre les femmes. Je fus si étonnée de ce choix que j'écarquillai les yeux et restai bêtement assise à terre. Les uruks parurent également décontenancés par la réponse de leur chef. L'un d'eux tenta de discuter, mais le colosse coupa court en répliquant quelques phrases dont le sens me fut obscur. La réponse sembla satisfaire la plupart d'entre eux qui rentrèrent dans la grotte, mais l'un des deux jeunes grogna. Narghaash grogna encore plus fortement dans sa direction. Il se recroquevilla légèrement, se soumettant à l'autorité indiscutable du plus fort, puis rentra.

Après quoi, Narghaash s'avança vers moi. Je me trouvais toujours assise par terre, légèrement hébétée par la rapidité du déroulement des derniers évènements. Il s'accroupit et nos regards s'accrochèrent.

« - Nous allons bouger, va préparer tes affaires. »

« - Bouger? » Demandai-je. « Mais... pourquoi? »

« - On va aller plus loin dans la montagne. Maintenant que les sharlob sont parties, elles vont prévenir les peauxblanches que nous sommes là. C'est dangereux de rester ici. »

« - Oh, je vois. » Répondis-je, hochant la tête.

Il se releva et me tendit sa main. Je l'attrapai et d'un bond, il me mit debout. Nous retournâmes ensemble dans la grotte. Les femmes n'avaient pas pris grand chose, probablement pour pouvoir fuir plus rapidement sans être ralenties par des charges non nécessaires. Mon coeur se serra à nouveau lorsque je pensai à elles. Je poussai ces pensées dans un tiroir et le fermai violemment: ce n'était pas le moment de s'apitoyer. Je me concentrai à faire mon sac, me sentant tout de même bien seule au milieu de ces... des autres. Je rassemblai plusieurs petits outils -les plus utiles- que je plaçai au milieu d'une peau de bête. Je pris également une large fourrure, pour dormir au cas où il ferait froid. Dans un coin, je trouvai une robe pliée, et après une seconde d'hésitation, je la pris. J'emportai également quelques herbes et de la viande séchée. Je repliai ensuite la peau pour former un baluchon et le refermai avec une corde que nous avions fabriquée. Je me relevai et le plaçai sur mon épaule, puis jetai tout de même un dernier regard autour de moi afin de vérifier que tout ce qui était utile avait bien été pris. Une drôle de sensation me traversa tandis que j'observais une dernière fois cet endroit qui avait été comme une maison, pendant un certain temps.

Les orques versèrent de l'eau sur le feu et le bois mouillé se mit à cracher une fumée grisâtre. Je soupirai, puis sorti lentement de la grotte. Il faisait encore nuit, mais la lune était si ronde et si imposante dans le ciel piqueté d'étoiles, que je parvenais à voir de façon décente. Peu à peu, les uruks et les orques sortirent de la caverne. Nous nous assemblèrent tous autour de Narghaash, qui était chargé de plusieurs gros sacs ainsi que de ses diverses armes: arc, épée et javelot. Il fit un signe de tête et Ufthak le vieil orque s'approcha de lui.

« - Ufthak va nous guider dans les montagne. » Dit-il en langue commune.

Celui-ci passa devant Narghaash et tous le suivirent. En passant devant lui, je lui adressai un léger sourire auquel il répondit par un bref mouvement de tête. Il m'emboita le pas, fermant la file disparate que nous composions.

...

Nous marchâmes pendant un long moment, profitant du couvert de la nuit pour avancer le plus loin possible. Nos respirations erratiques -enfin, surtout la mienne- étaient les seuls indicateurs de notre effort soutenu. Nous avancions vite, les orques et les uruks étant taillés pour l'endurance et l'effort physique. Moi de mon côté, j'avais du mal. Je n'avais pas encore entièrement récupéré de la maladie qui m'avait laissée avec un corps squelettique et sans forces. Heureusement, Narghaash semblait comprendre ma difficulté à suivre le rythme et il interrompait souvent notre procession pour quelques minutes de pause salvatrices. Je buvais alors goulûment, et en profitais pour reprendre mon souffle.

Lorsque le ciel commença à pâlir, annonçant l'arrivée imminente du soleil, nous nous arrêtâmes sous le couvert d'épais conifères. Aussitôt, comme une mécanique bien huilée, les uruks se répartirent aux alentours pour chercher du bois sec afin de faire du feu. Les orques installèrent de quoi s'allonger et je les aidai à mettre en place le campement. Ufthak et moi nous affairèrent ensuite à sortir les quelques provisions que nous avions afin de les partager entre nous.

Je jetai quelques coups d'œil dans sa direction, mais il semblait aussi imperturbable que d'habitude. Je me demandais tout de même pourquoi était-ce lui qui nous guidait dans les montagnes... En effet, Narghaash n'avait pas précisé pourquoi il laissait Ufthak prendre la tête. Peut-être parce que ces montagnes lui étaient familières? Peut-être parce qu'il avait déjà emprunté ce chemin autrefois? Ce devait sûrement être cela. En tous cas, Narghaash lui faisait suffisamment confiance pour nous mener tous, et cela me rassurait.

Quand tout fut prêt, nous partageâmes un repas frugal en silence. Après quoi, éreintés, nous nous allongeâmes sur les peaux installées autour du feu. Gênée par le fait que j'étais la seule femme restante au milieu d'un tel groupe, je me couchai à deux mètres des autres et m'enroulai dans la fourrure que j'avais emportée. Ce n'est que lorsque je fus bien installée que je me rendis compte combien j'avais besoin de dormir: j'étais exténuée. Avant de fermer les yeux, je vis Narghaash assis non loin de moi, sans doute pour faire le guet. Cette vision me rassura, et je sombrai aussitôt dans les bras de Morphée.

...

Les jours suivants furent très similaires. Nous nous levions quand le soleil commençait à se coucher, nous mangions rapidement un petit morceau puis nous nous mettions en route, marchant inlassablement vers un endroit inconnu de tous, sauf peut-être d'Ufhtak. Celui-ci prenait la tête en silence, sans jamais broncher. Une ou deux fois, j'avais essayé de lui tirer les vers du nez et de lui demander où nous nous rendions, mais il ne m'avait jamais répondu clairement, à mon grand désarroi.

Petit à petit, je commençais à prendre le rythme. La marche en montagne n'avait jamais été mon fort mais j'avais eu l'occasion de pratiquer depuis que j'avais atterris dans ce pays. Au fur et à mesure des journées, je sentais mes jambes être moins douloureuses et moins lourdes. Les muscles de mes cuisses, aussi, tremblaient moins lorsque nous nous arrêtions pour dormir, et j'en étais ravie. Je reprenais des forces : tout ce que j'avais désiré depuis que tous les muscles de mon corps avaient fondus.

C'était étrange de marcher la nuit, mais nous l'avions déjà fait dans le passé et je prenais garde de bien suivre les pas de Barash, qui était souvent devant moi. De plus, je savais que Narghaash était derrière moi et que si par mégarde je trébuchais, il serait là pour me rattraper.

La seule chose qui m'embêtait, c'était les regards lourds de reproches et de haines qui déversaient sans cesse les deux jeunes uruks sur Narghaash. Je les sentais parfois se diriger vers moi, et je frissonnais alors de tout mon corps à cause du dégoût qu'ils m'inspiraient. Je savais que Narghaash le sentais, peut-être même mieux que moi, mais il ne montrait aucun signe disant qu'il l'avait remarqué, ce qui inspirait sans doute plus de frustration chez les concernés. Toutefois, j'avais un peu peur. Un peu peur que les choses ne dégénèrent...

...

« - Emilie! » Me pressa une voix.

Je me réveilla en sursaut, pour voir Narghaash accroupis à côté de moi, l'air à la fois furieux et soulagé. Je jetai un coup d'œil aux alentours, croyant que nous étions attaqués, mais tout semblait normal. Je clignai plusieurs fois des yeux. Les rayons du soleil traversaient les arbres sous lesquels nous nous étions arrêtés.

« - Qu'est-ce qu'il se passe? » Demandai-je en me mettant assise, la bouche un peu pâteuse.

« - Les deux petits sont partis. »

« - Hein? »

« - Ils sont partis pendant leur changement de garde, tout le monde dormait... Ils ont emportés les provisions. »

« - Non... » Dis-je à la fois surprise, mais très peu étonnée par cette annonce.

« - J'avais peur qu'il t'aie emmenée, mais je pense qu'ils ont eu trop peur. »

« - Trop peur de toi, sûrement... » Affirmai-je. « Où penses-tu qu'ils sont allés ? »

« - Je n'sais pas trop. Ils sont partis de leur côté... ou alors ils ont voulu suivre les femmes. Mais dans tous les cas, ça va mal finir... »

« - Ca, c'est sûr. » Acquiesçai-je.

« - Je pensais qu'ils arriveraient à s'adapter, à trouver du bon sans le maître... mais j'ai eu tord. » Dit-il plus bas.

Je laissai passer un petit moment de silence. Visiblement, il s'en voulait de ne pas avoir pu les "changer" davantage.

« - Tu as fait ce que tu as pu, Narghaash. » Dis-je, doucement. « Maintenant, c'est leur choix... Nous ne pouvons plus faire grand-chose pour eux. »

Il hocha lentement la tête, mais il semblait encore contrarié. Je fus touchée par la façon dont il se livrait à moi. Il l'avait rarement fait, jusqu'à présent.

« - On a presque plus rien à manger et à boire... j'vais aller voir Ufthak. »

Il se releva d'un geste, et s'éloigna à grand pas. Précipitamment, je me levai et passai mon regard sur le camp. Barash, le plus jeune des uruk, ainsi que le plus âgé, Aklash, étaient encore là. Les quatre orques -dont Ufthak- étaient également restés. Je poussai un soupire de soulagement. Bien sûr, j'éprouvais une certaine tristesse d'avoir perdu deux membres du groupe... Mais d'un autre côté, j'en étais immensément soulagée. J'étais beaucoup plus à l'aise avec ceux qui restaient car ils me semblaient moins belliqueux que ceux partis. Peut-être que Narghaash aussi, se sentait mieux sans les fauteurs de troubles?

Je m'approchai des orques et de Narghaash qui discutaient un peu plus loin. Je n'entendis qu'une infime partie de la conversation, mais cela me réjouis grandement: il restait un peu moins d'une journée -ou plutôt, d'une nuit- de marche avant d'arriver à l'endroit où Ufthak nous menait. Il fut donc décidé que nous allions continuer de nous reposer jusqu'à ce que le soleil se couche, puis que nous repartirions ensemble jusqu'à notre destination -encore inconnue-. Bien sûr, les uruks allaient monter la garde à tour de rôle, afin de pouvoir accueillir correctement tout éventuels revenants...

Ma curiosité avait atteint un trop haut niveau pour que je puisse m'endormir. Je m'enroulai tout de même dans ma fourrure après avoir bu une gorgée d'eau. Je restai un long moment allongée sans pouvoir trouver le sommeil. Mes pensées s'égarèrent dans différentes directions. L'une d'elle retint mon attention: Angélique. Presque aussitôt, un mélange de tristesse et de colère m'envahit. J'étais tellement en colère contre elle! Elle m'avait abandonnée, et avait préféré suivre ces femmes avec qui elles n'avaient pas grand chose en commun... Mais j'étais aussi tellement triste de ne plus l'avoir avec moi. Tellement triste de l'avoir laissée partir, ou de ne pas l'avoir suivie... Souvent, lorsque nous marchions, je me demandais si j'avais fait le bon choix. Et quel était le bon choix d'ailleurs? Etais-je véritablement folle d'avoir choisi de rester avec Narghaash et toutes ces créatures? Aurais-je dû suivre Angélique pour aller chez les hommes? Etais-je vraiment à ma place, ici?

Au fond de moi, j'espérais qu'elle aille bien, et qu'elle ait trouvé un endroit où se poser. Je comprenais également son choix: la sécurité. Elle allait vers un avenir un peu moins sombre... Elle allait retrouver la civilisation et ses semblables.

Quant à moi... Je soupirai. Mon avenir ne me semblait pas très prometteur. Mieux valait ne pas trop y penser pour le moment.

Je m'endormis un peu plus tard, des larmes ayant coulé dans les coins de mes yeux fermés.

Quelques heures plus tard, alors que le soleil se couchait derrière les montagnes enneigées, nous nous réveillâmes pour repartir vers notre destination surprise. Etrangement, je sentis une certaine excitation dans l'air. Les deux personnes qui avaient toujours amené un mauvais esprit dans le groupe étaient partis, et ne restaient que ceux qui espéraient un avenir meilleur. Nous avions tous hâte d'arriver, et de pouvoir recommencer quelque chose.

Narghaash semblait calme, mais je devinais une légère fébrilité dans la façon dont il donnait ses ordres. Moi-même, en préparant les affaires, me surpris à me dépêcher plus que d'habitude. Tout fut d'ailleurs prêt en très peu de temps, et nous nous mîmes en route rapidement. Plus nous avancions, plus Ufthak et les orques semblaient être silencieux. Ils échangeaient des regards entendus, sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Puis, de manière régulière, Ufthak se mit à siffler quelques notes perçantes qui fendirent la nuit. J'écoutais souvent avec eux pour voir si quelqu'un répondait, mais mon ouïe n'était pas assez développée et je n'entendais rien. Nous marchâmes un long moment de cette façon, et ne prîmes que très peu de pauses.

Soudainement, quelques sifflements se firent entendre, à notre gauche, à notre droite, puis derrière nous. Ufthak s'arrêta, et nous fîmes tous de même. Je me tournai légèrement vers Narghaash qui semblait subitement tendu. Il humait l'air, son visage se tournant vivement dans plusieurs directions.

« - Ils sont partout. » Dit-il à voix très basse.

Un léger frisson me parcouru le corps alors que les feuilles des arbres autour de nous semblaient bruisser sous le passage d'un grand nombre d'individus. Subitement, comme sortis de nulle part, ils nous encerclèrent, leurs armes pointées dans notre direction. Mon cœur battait à tout rompt et instinctivement je levai mes deux mains en signe de reddition. Narghaash grogna très légèrement, mais fit de même et les autres l'imitèrent. Dans la pénombre environnante, je n'arrivais pas bien à distinguer ceux qui nous entouraient.

Ufthak échangea alors quelques mots avec eux, dans un langage que je ne compris qu'à moitié : on aurait dit un mélange entre le westron, et une autre langue qui ressemblait fortement au noir parler. J'eus l'impression qu'ils me désignèrent du doigt, à un moment, et je sentis Narghaash se rapprocher légèrement de moi. Finalement, après ce qui sembla de très longues minutes de discussions -ou de négociations-, Ufthak se tourna vers nous.

« - Ils vont nous bander les yeux.» Dit-il simplement.

J'eus très envie de demander pourquoi, mais me retins. Nous n'étions pas en sécurité, et je ne voulais pas tout gâcher par des questions auxquelles j'aurais sans doute la réponse plus tard. Je me laissai donc approcher et lorsque la personne fut plus proche, j'eus la surprise de découvrir que c'était un orque. Il était bien plus clair que ceux que j'avais déjà pu apercevoir, d'ailleurs il avait même la peau plus claire que moi. Il faisait à peu près ma taille, avait de longs bras, des oreilles pointues et des yeux étirés. Je ne pus en voir davantage car il passa derrière moi et me banda les yeux. Par réflexe, je posai ma main sur le dos de Barash, devant moi. Je le sentis bouger légèrement, mais il ne dit rien. Bientôt, la main de Narghaash se posa également sur mon épaule, et quelques secondes plus tard, nous marchions en file indienne vers l'infini et au-delà.

Le trajet fut extrêmement pénible. Heureusement, j'avais été habituée à marcher dans la nuit, et mes sens s'y étaient adaptés. Mais là, nous ne voyions absolument rien. Tous, nous trébuchions sans cesse sur des pierres, des racines et d'autres obstacles inconnus. Je n'étais pas la seule à galérer, et je le savais car j'entendais régulièrement des grognements irrités après un léger bruit -très reconnaissable- de trébuchage.

Nous marchâmes pendant un temps qui me parut immensément long. Tout ce que je percevais était les bruits de mes compagnons, ainsi que de ceux qui nous "escortaient", la chaleur de la main de Narghaash sur mon épaule et celle du dos de Barash. J'avais également une conscience aiguë des battements sourds de mon cœur, s'intensifiant sous l'effort, la peur et l'excitation.

Au bout d'un moment, de nouveaux sons se firent entendre. Il me sembla arriver près d'une chute d'eau. Son grondement se fit entendre de loin, et d'après les rugissements de l'onde, nous ne passâmes pas loin. Puis, peu de temps après, des voix diverses nous parvinrent. Elles étaient lointaines, mais semblaient être un joyeux mélange de voix. Tantôt féminines, tantôt masculines et tantôt... enfantines ? Plus nous nous rapprochions, plus ce brouhaha s'intensifiait et plus je me demandais où nous nous rendions. Mais, lorsque nous fûmes au plus proche, elles s'éteignirent petit à petit, remplacées par des chuchotements incompréhensibles. D'un coup, il fit plus frais et mon nez capta l'odeur lourde et caractéristique de l'air souterrain : nous étions proches d'une grotte. Il ne fit aucun doute que nous y entrions lorsqu'une indicible fraîcheur se fit ressentir sur la peau de mon visage. Nous marchâmes encore un petit moment sous les chuchotements des individus autour, tant et si bien que je me demandai quelle était la grandeur de cette grotte !

Finalement, nous nous arrêtâmes. Quelqu'un m'attrapa par le bras et me déplaça légèrement. Je me laissai faire avec une certaine appréhension, espérant qu'ils ne m'éloignent pas trop des autres, et de Narghaash. Puis, on me fit me mettre à genoux et j'obtempérai sans protester. J'entendis quelques grondements menaçants quand ils firent de même avec les autres. J'imaginai très bien Narghaash avoir du mal à faire une telle chose. Mais, d'après les bruits sourds sur le sol, tous furent rapidement à terre.

Soudainement, on m'enleva mon bandeau. Je fus d'abord éblouie par les lueurs des grandes torches qui flambaient, et je clignai plusieurs fois des paupières. Puis, quand ma vue s'habitua à la luminosité, je fus bouche-bée.

Devant nous se tenait un couple d'orque, assis sur des trônes de bois sculptés et parés de nombreux bijoux. Ils respiraient une certaine autorité, et en jetant un coup d'œil à mes compagnons, je vis qu'ils étaient tout autant impressionnés que moi. Ufhtak, un peu plus loin, était profondément incliné. Mes yeux revinrent ensuite, comme attirés, sur les deux individus qui nous surplombaient.

« - Bienvenue, rescapés, au clan de la chute féroce. »