Empoisonné.

Le mot tournait en boucle dans la tête de Gilles sans qu'il puisse s'en défaire.

Empoisonné... C'était un terme qu'on employait pour essayer d'expliquer la mort impromptue d'un quelconque seigneur malfaisant, d'un bourreau ou d'un villageois particulièrement inquiétant. On empoisonnait les malfrats et les sorciers, pas les héros comme Robin. Et surtout pas au beau milieu de son propre campement !

Gilles ne comprenait pas comment une chose pareille était possible, mais déjà, son esprit embrumé par la fièvre tentait de trouver une solution. Et, des solutions, il n'y en n'avait pas cinquante. Il leur fallait un remède. Immédiatement. Sauf qu'il faisait nuit noire, que le monde dormait à des lieues à la ronde et qu'ils n'avaient aucun moyen de savoir quel type de poison Robin avait ingurgité.

Le jeune homme bloqua comme il put les pensées sinistres qui commençaient à s'insinuer dans son cerveau. Ce n'était pas le moment de penser à l'issue fatale. Surtout pas.

"Quelqu'un doit avoir des comptes à régler avec le Chrétien pour venir l'empoisonner dans sa propre chambre, commenta sombrement Azeem.

-Je ne connais personne ici qui puisse lui en vouloir suffisamment au point d'attenter à sa vie, murmura Gilles en posant une main préoccupée sur le front de son aîné. Tout le monde l'adore. Tu le sais aussi bien que moi.

-Tout le monde... sauf les partisans de l'ancien shérif et de son successeur. Ainsi que les marchands qui perdent régulièrement leur chargement en essayant de traverser la forêt, et les nobles que nous détroussons."

Le jeune voleur releva vivement la tête, malgré sa nuque ankylosée par les courbatures de fièvre.

"Comment quelqu'un aurait-il pu s'infiltrer ici pour le tuer, de toute façon ? s'enquit-il en fronçant les sourcils. Pourtant, il n'y a pas eu de nouvel arrivage depuis des semaines.

-Alors, c'est quelqu'un qui nourrit une certaine rancœur à son égard depuis très longtemps. Ou bien qui aura été payé pour exécuter cette tâche."

Gilles baissa de nouveau la tête sur la forme inerte de Robin et sa respiration bien trop laborieuse pour être naturelle. Il ne savait pas quel genre de personne pouvait en vouloir à son frère, et après tout, peu importait. S'ils ne faisaient pas rapidement quelque chose, son frère allait mourir. Ça lui paressait complètement impensable, et pourtant les faits étaient là : le poison qui s'infiltrait lentement mais sûrement dans l'organisme de son aîné allait bientôt le tuer, une chose que Gilles ne pouvait tout simplement pas accepter. Robin n'avait pas le droit de mourir. Il n'avait pas le droit de le laisser seul encore une fois -une fois de trop. Inconsciemment, il empoigna le drap et le serra à s'en faire blanchir les doigts.

Azeem, qui l'observait sans rien dire, demanda alors :

"Et toi, tu ne ressens aucune torpeur anormale, Jeune Chrétien ? Aucune difficulté à respirer, ni aucune sensation de brûlure dans les veines ?

-Non, rien de tout ça, murmura le jeune homme en posant sa main sur la joue brûlante et cireuse de son frère. Si ce n'était la fièvre, je me sentirais parfaitement bien."

Le maure hocha la tête, déjà ailleurs. Il reprit :

"Nous devons impérativement savoir qui l'a empoisonné, Jeune Chrétien.

-Qu'est-ce que ça changera ?

-Cette personne sera certainement en possession d'un antidote, au cas où. Ou bien elle saura comment fabriquer un contrepoison. Qui vous a apporté votre dîner, hier soir ?

-Je... je ne m'en souviens pas très bien..."

A vrai dire, il dormait à ce moment-là. Oui, il se souvenait clairement s'être réveillé pelotonné contre la poitrine de son frère, tellement à l'aise qu'il n'avait pas eu l'intention d'en bouger. Mais Robin, pressé de manger, l'avait dérangé pour pouvoir tirer sur leurs genoux le plateau qu'on venait d'apporter. Au moment où Gilles avait ouvert les yeux, cette personne était déjà partie.

"C'est étrange, commenta-t-il soudain. J'ai mangé dans l'assiette de Robin, hier soir.

-Vraiment ?

-Oui. Je lui ai chapardé un morceau de gibier et j'ai fini le fond de son potage.

-Et tu es sûr de ne ressentir aucun malaise ? insista Azeem en posant vivement sa main sur le front du jeune voleur.

-Non, aucun.

-C'est étrange..."

Il souleva une nouvelle fois le bras de Robin pour examiner, très inquiet, les veinures noires qui semblaient gagner du terrain sur la peau cireuse de son ami.

"Avais-tu droit à un menu spécial ? Quelque chose qui ne se trouvait pas dans l'assiette du Chrétien ?

-Non, pas que je sache.

-Et lui ? Y'avait-il quelque chose de plus que toi dans son repas ?

-Azeem, si ça avait été le cas, tu peux être certain que je l'aurais mangé sans en laisser une miette."

Soudain, le corps de Robin étendu entre eux se cambra violemment, puis une plainte sourde s'échappa de ses lèvres. Paniqué, Gilles saisit son visage en coupe entre ses mains et l'appela, sans succès. Le corps de l'archer retomba lourdement et il ne se réveilla pas.

"Le poison gagne de l'ampleur ! Réfléchis, Jeune Chrétien ! Tu ne connais vraiment personne qui puisse en vouloir à ton frère ?

-Non, je... je ne sais pas. Même s'il s'est fait pas mal d'ennemis, les gens l'aiment. Même les quelques seigneurs qu'il détrousse s'amusent, pour la plupart, davantage de son espièglerie qu'ils ne se fâchent de son insolence. Il est très apprécié, contrairement à m..."

Gilles se figea soudain.

"Oui ? Qu'allais-tu dire ? demanda Azeem, interpelé par son air stupéfait.

-Il faut que j'aille vérifier quelque chose, murmura le jeune homme en se levant péniblement du lit. Combien de temps lui reste-t-il ?

-Pas plus d'une heure, j'en ai bien peur, s'alarma le maure en prenant une nouvelle fois la tension trop lente de Robin. Quoi que tu aies en tête, Jeune Chrétien... fais-le vite."

Gilles acquiesça tant bien que mal, les jambes tremblantes et la tête lourde. Il gagna péniblement l'entrée de la cabane et se glissa comme il put au bas de l'échelle de corde. Sa tête tournait, et il n'y voyait rien dans toute cette obscurité, mais ça ne devait pas l'arrêter. Robin... Robin avait besoin de lui.

Le jeune voleur avait l'habitude de la nuit, elle l'enveloppait et le protégeait durant une grande partie de ses maraudages, mais là, il ne serait pas question de dérober quoi que ce soit à qui que ce soit. Non, il devrait obtenir des réponses... pas la force s'il le fallait, mais si son intuition était bonne, ce ne serait peut-être même pas nécessaire.

Gilles marcha sur l'épaisse couche de feuilles mortes, les mains prudemment tendues devant lui pour ne pas entrer en collision avec les arbres. Précaution un peu inutile, puisque sa démarche vacillante l'envoyait cogner dans les obstacles quand même, mais le jeune homme rassembla ses forces. Il devait tenir. Il devait... tenir.

Parvenu près des cabanes abritant les familles, la situation se corsa davantage. Il devait trouver la bonne masure, en extraire la bonne personne, sans réveiller ses proches... Et puis s'il se trompait...

Gilles secoua la tête pour s'éclaircir les idées, mais ça ne suffit qu'à envoyer des spasmes de souffrance jusqu'à la racine de ses cheveux. Il ferma les yeux, au bord de la nausée. Tant pis. S'il devait en arriver là...

Prudemment, le jeune voleur se glissa jusqu'au seuil de la maisonnette la plus à gauche, en bordure de camp, et jeta un coup d'oeil à l'intérieur. Par chance, il n'était pas difficile de différencier, dans la lueur faiblarde dispensée par la lune, la silhouette de la femme et des enfants endormis et celle de l'homme qu'il cherchait. A pas légers, Gilles pénétra dans la cabane, enjamba le corps endormi de plus âgé des enfants et s'accroupit à côté du père. Souffrant, courbaturé, il faillit basculer en avant mais tint bon. D'une main délicate, il tira de l'étui sur sa cuisse le poignard dont il ne se séparait jamais et en piqua doucement les côtes de l'homme. Celui-ci se réveilla, les yeux grands ouverts dans l'obscurité.

"Surtout, ne fais pas un bruit, gronda Gilles à son oreille avant qu'il ait pu ouvrir la bouche. Suis-moi. J'ai besoin de te parler. Tout de suite."

L'homme paraissait abasourdi, et pourtant son trouble ne semblait pas dû à la soudaine agression dont il était la victime. Au contraire, il fixait Gilles, ébahi, comme s'il voyait un fantôme. Encouragé par le couteau qui accrochait la lumière de la lune, il se leva sans bruit et suivit son agresseur à l'extérieur. Lequel profita d'un instant où il ne le regardait pas pour s'appuyer contre l'un des murs de la cabane, à bout de forces.

"Qu'est-ce que tu me veux ? exigea l'homme, mal à l'aise, lorsque Gilles l'eut entrainé, bien contre son gré, un peu à l'écart de la zone habitée. Tu... tu ne devrais pas être là !

-Vraiment ? Peut-être que tu peux m'expliquer pourquoi ? gronda le jeune homme, les nerfs à fleur de peau, en brandissant son poignard devant lui. Tu sembles vraiment très étonné de me voir, Thomas. J'habite ce campement et je sors souvent la nuit, tu le sais, pourtant.

-Oui, mais... tu devrais être..

-Être quoi ? Être quoi ? Réponds-moi si tu tiens à ta main !

-Ça suffit ! Laisse-moi tranquille, espèce de fou ! s'écria le dénommé Thomas en détournant maladroitement les yeux. Tu es... tu es dangereux pour l'ensemble de ce campement, je l'ai toujours su ! Tu ne devrais même pas être encore ici !

-Et c'est pour ça tu as essayé de m'empoisonner, c'est ça ?! rugit le jeune homme, laissant enfin éclater son angoisse, sa colère et son malaise. Il y avait du poison dans mon repas d'hier soir, avoue-le ! Avoue-le ! Je sais que c'est toi !"

Thomas parut encore plus sidéré, si c'était possible. Il fixa Gilles, de plus en plus mal à l'aise, mais également avec une pointe de culpabilité que le jeune voleur n'avait pas remarquée auparavant.

"Tu... tu racontes n'importe quoi ! se défendit l'homme, mais il mentait très mal - et Gilles sentit une vague de soulagement indescriptible monter en lui. Laisse-moi tranquille, à présent, sinon j'appelle les...

-Sauf que tu n'as pas pris en compte le fait que je partageais mon repas avec Robin, et maintenant c'est lui qui risque de mourir par ta faute !

-Quoi ?!"

Thomas releva vivement la tête vers lui, horrifié.

"Quoi ? Robin ? Mourant ? Mais... mais je..., balbutia-t-il, je n'ai jamais... je n'ai jamais voulu...

-Tu n'as jamais voulu quoi ? L'empoisonner ? Le conduire tout droit à la mort ? aboya Gilles sans se soucier une seule seconde de réveiller tout le campement. Sauf que ce qui est fait est fait, et il va mourir à cause de toi ! Alors donne-moi l'antidote ! Immédiatement !

-Je... je ne l'ai pas !

-Quoi ?

-Je ne l'ai pas ! Ce... ce n'est pas moi qui ai fabriqué ce poison...

-Quoi ? Mais... qui, alors ?

-Je... je ne sais pas ! Il m'a été donné par un homme que je n'avais jamais vu, de la part de quelqu'un dont il n'a même pas prononcé le nom. Je... je n'ai pas d'antidote !

-Mais... tu es apothicaire, non ? Tu dois savoir comment le neutraliser !

-Non, je ne sais pas ! J'ignore même la composition de ce breuvage...

-Et... est-ce qu'il t'en reste ?

-Non, j'ai tout mis dans ton... dans le repas. Je suis... heu... désolée."

Gilles laissa retomber sa lame, la main tremblante. En fait, il tremblait de la tête aux pieds, et ce n'était pas seulement dû à la fièvre. Il avait l'impression d'un gouffre immense s'était ouvert dans son estomac et aspirait toute l'énergie contenue dans son corps. Terrassé par le choc, par cette horrible vérité -il n'y avait aucun moyen de procurer un antidote à Robin-, le jeune homme fit demi-tour et s'éloigna en vacillant vers la cabane de son frère. Thomas resta sur place, horrifié et se tordant les mains, et il se moquait éperdument de savoir s'il allait finir par rentrer chez lui ou non, et ameuter tout le campement.

Lorsque Azeem le vit revenir, se détournant d'un Robin de plus en plus faible, sa mine défaite et les frissons incontrôlables qui le parcouraient le renseignèrent bien vite.

"Jeune Chrétien..., murmura le maure, atterré, tu n'as pas...

-Non..."

Gilles ne prit même pas la peine de développer son escapade; il se laissa tomber à plat ventre sur le lit de Robin et enfouit sa tête contre sa poitrine. Ses épaules se mirent à trembler, et Azeem comprit que c'était des sanglots. La main pâle et osseuse qui cramponna désespérément la chemise du mourant acheva de lui pulvériser le coeur. Ainsi, c'était donc vrai... Le Chrétien allait...

"Jeune Chrétien, murmura le maure en lui frottant doucement l'épaule, geste bien vain de réconfort. Que s'est-il passé ? Tu semblais si sûr de toi...

-Thomas Fletcher ne m'a jamais apprécié, chuchota Gilles sans montrer aucune volonté de relever la tête. Il m'avait souvent menacé à demi-mot, et... comme il est apothicaire... j'avais pensé... j'avais pensé qu'il avait pu glisser du poison dans ma nourriture pour mettre fin à mes jours, mais...

-Ça aurait donc été toi la cible, et non pas le Chrétien ? comprit Azeem, impressionné.

-Oui... mais... mais il n'a pas d'antidote ! Ce n'est même pas lu le commanditaire de cet empoisonnement ! Et il a épuisé tout le poison... il n'y a aucun moyen de sauver Robin ! Aucun, Azeem !"

Le jeune homme releva la tête, le visage baigné de larmes. Jamais Azeem ne l'avait vu aussi mal, même pas quand Robin l'humiliait en public, même pas quand il avait dû ôter la flèche qui lui avait transpercé la main. On aurait dit que le jeune homme allait se laisser terrasser par la souffrance. Etendu contre son frère, il lui caressait le visage d'une main tremblante, et à chaque fois, ça amenait encore plus de larmes dans ses yeux.

"Robin..., gémit-il en enfouissant de nouveau sa tête contre la poitrine presque inerte de son aîné, Robin..."

Azeem le dévisagea, bouleversé. Son cher ami chrétien et son jeune frère ne devraient pas avoir à souffrir autant. Tout ça à cause d'un homme qui en voulait à ce jeune voleur pour quelque obscure raison ! Et aucun médicament ne pouvait soigner ce...

Le maure se figea, frappé par une révélation soudaine. Et si...

"Par Allah, je sais..., souffla-t-il en se précipitant vers la table, dans l'angle de la pièce. Jeune Chrétien ! Redresse la tête de ton frère, dépêche-toi !

-Quoi ? Mais, je..., balbutia Gilles, toujours sous le choc.

-Je crois avoir trouvé la solution ! Il faut lui faire boire ceci, Jeune Chrétien ! Immédiatement !

-Mon... mon médicament ?"

Il avait reconnu le flacon rempli aux trois quarts d'une mixture verdâtre : le remède qu'Azeem lui avait prescrit pour soigner son rhume.

"Comment veux-tu que cette potion...

-Tu as toi aussi consommé les aliments où se trouvait le poison, et pourtant tu n'as pas été infecté, déclara le maure en soulevant rapidement la tête de son ami. Le Chrétien et toi ingurgitez les mêmes produits, sauf... cette potion, que je t'avais prescrite à toi uniquement pour soigner ta fièvre ! Il s'agit peut-être du bon antidote !

-Tu... tu penses vraiment que..."

Sans perdre le temps de discuter, Azeem bascula tout le contenu de la fiole dans la bouche de son ami, entre ses lèvres sèches et presque bleues. Et puis, les deux hommes attendirent. C'était tout ce qu'ils pouvaient faire.

Les secondes s'étirèrent comme autant d'heures, dans l'attente insupportable de voir Robin guérir ou mourir. Il ne bougeait plus du tout, à présent, et on distinguait à peine le mouvement que faisait sa poitrine en se soulevant. Leur seul moyen d'être certains qu'il vivait encore, c'était la main que Gilles avait gardé posée sur son coeur.

Et puis, sa peau retrouva peu à peu des couleurs. Sa respiration se fit plus profonde, son visage se détendit. Gilles laissa échapper un rire qui ressemblait presque à un sanglot et il laissa retomber son visage contre la poitrine de son frère. Il pouffait toujours, ou peut-être qu'il pleurait, et Azeem les couva tous les deux d'un regard plein de tendresse, le coeur gonflé d'un soulagement comme il en avait rarement éprouvé. Pour être sûr, il reprit la tension de son ami, mais tout était rentré dans l'ordre.

"Loué soit Allah..., murmura-t-il avec ferveur. Il est sauvé... il est sauvé..."

/

Gilles était pelotonné sous plusieurs couvertures, la gorge et la tête en feu. Bien sûr, tout ça n'avait pas arrangé son rhume. Ça l'avait aggravée, même. Affaibli, enrhumé, il lança un regard maussade à son frère resplendissant de santé. Il n'y avait donc pas de justice, en ce monde !

"J'espère que tu es content de toi, coassa-t-il d'une voix faiblarde. Tu vois dans quel état tu m'as mis ?"

Robin se contenta de sourire et il tendit la main pour en poser le dos sur la joue de son frère. Gilles ferma les yeux et prit une longue inspiration. Il se sentait vraiment horrible.

"Gilles, murmura Robin d'une voix douce pour ne pas agresser sa tête douloureuse. Azeem m'a dit tout ce que tu as fait.

-Tant mieux, marmonna le jeune homme. J'ose espérer que ça me vaudra un peu de reconnaissance de ta part.

-Tu m'as sauvé la vie, Gilles.

-Si la moitié du camp ne voulait pas ma peau, tu n'aurais jamais été mis en danger en premier lieu.

-Pas la moitié du camp, tout de même, rit le frère aîné.

-D'accord, au moins le quart."

Robin sourit et s'accroupit au chevet de son frère. Il caressa doucement la frange de cheveux blonds en désordre qui lui tombait sur le front et effleura la peau chauffée par la fièvre.

"Merci, murmura-t-il avec gratitude, tandis que Gilles faisait de son mieux pour garder les yeux ouverts. Je serais probablement mort sans toi.

-Arrête... tu n'aurais jamais été empoisonné sans moi...

-Ça n'a pas d'importance. Tout ce que je sais, c'est que tu as bravé la maladie et l'un des hommes du camp pour me venir en aide. Je ne l'oublierai jamais. Merci, Gilles.

-Arrête, ce n'est rien..."

Robin écarta doucement les cheveux qu'il caressait toujours et se pencha pour déposer un tendre baiser sur le front de son frère. Gilles inspira longuement et ferma les yeux. C'était doux. Même après tout ce temps, c'était tellement doux.

"Gilles ? Est-ce que tu te sens mal ? s'inquiéta Robin.

-Non, je suis particulièrement en forme, ces temps-ci, figure-toi.

-D'accord, c'était une question bête."

Même quand Gilles se moquait de lui, ses répliques le faisaient sourire. Il avait toujours aimé son sens de l'humour, malgré tout ce qui avait pu les opposer par la suite. Et, s'il trouvait encore un moyen de le tourner en dérision, c'était qu'il allait bien.

Le regard de Robin se durcit lorsqu'il songea à cet homme qui avait tenté de tuer son frère. Thomas Fletcher était introuvable depuis son empoisonnement manqué, et si Gilles semblait douter qu'il s'y risquerait une seconde fois, l'archer n'oubliait pas qu'il y avait des gens, ici et dehors, qui en voulaient à la vie de son frère. Il l'avait toujours su.

"Robin ? Ne te fâche pas pour si peu. C'était juste une plaisanterie."

Il fallut quelques instants à Robin pour comprendre que son frère ne faisait pas allusion à la tentative d'empoisonnement. Il croyait l'avoir froissé.

"Oh... non, ne t'inquiète pas, je ne suis pas vexé, promit-il en caressant le front de son frère. Je réfléchissais. Ne réponds rien ! prévint l'archer en voyant son frère ouvrir la bouche."

Celui-ci sourit et referma la bouche, les yeux brillants. Ce n'était pas seulement dû à la fièvre, réalisa Robin. Gilles avait l'air tellement heureux de le voir en vie, un bonheur que ne pouvaient même pas occulter la souffrance et la maladie. Le jeune noble s'en sentit profondément ému. L'inquiétude d'un frère, c'était une chose qu'il avait si peu connue. Et c'était doux. Même après tout ce temps, c'était tellement doux.

"As-tu besoin de quelque chose avant que je m'en aille ? s'enquit-il, prêt à accepter n'importe quoi. Plus de couvertures ? Une tisane ? Que je retape tes oreillers ? Que j'ouvre la fenêtre ?"

Comme son frère souriait sans répondre, il se pencha plus près de lui et ajouta, malicieux :

"Un câlin ?"

Gilles pouffa et laissa Robin l'embrasser sur le tempe, puis sur le front.

"Repose-toi bien, recommanda l'archer en fixant son carquois de flèches à son dos. Si tu es sage, je te ramènerai le gibier que tu aimes.

-Merci, c'est trop aimable. Et si tu es sage, je ne baverai pas sur ton oreiller, rétorqua Gilles, malicieux.

-Ahah, tu me fatigues, tu le sais, ça ?"

Robin sourit tendrement à son frère et se décida enfin à quitter la cahute. Gilles demeura dans son lit à fixer le plafond. Après cette affaire d'empoisonnement, il aurait dû craindre d'être la victime d'une nouvelle tentative d'assassinat. Mais Robin était guéri. Il allait bien et il se baladait dans la forêt, resplendissant de santé. Cette simple image était douce et rassurante. Comme s'il était encore enfant, Gilles savait qu'il ne craindrait rien. Tant que son frère serait là.


Et le médicament de Will était également le remède au poison qui rongeait Robin. Comme quoi, la vie des fanfics est bien faite.

J'avoue, j'ai galéré sur ce texte.

Sinon, j'en ai écrit une bonne partie sur la musique de la Route 201 de Pokémon version Diamant/Perle/Platine. Une mélodie guillerette incitant au voyage, pas du tout adaptée aux thèmes du texte, mais j'ai vachement mieux trouvé mes mots ainsi. Comme quoi.