One-shot écrit dans le cadre de la cent-quinzième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Étreinte". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !


La pression que le shérif exerçait sur sa trachée était tellement forte qu'il ne donnait pas cher de sa peau, si d'aventure le cruel Nottingham continuait. Gilles suffoqua, tenta de déglutir. Il n'y parvenait pas. Même ses mains qui griffaient le bras du shérif dans l'espoir de le faire lâcher n'étaient pas suffisantes, il allait bientôt manquer d'air. Une large griffure sanguinolente barrait sa joue, vestige des ongles de la sorcière qui s'étaient enfoncés dans son visage pour goûter son sang et déterminer si, oui ou non, il était bien de la même chair que Lord Locksley et, par conséquent, que Robin. Le jeune homme ignorait comment l'horrible bonne femme pouvait savoir quel goût avait le sang de leur père, mais il préférait ne pas y penser.

"Jette ton arme immédiatement, Locksley ! lui cria le shérif, bien conscient d'être en position de faiblesse au vu du chaos qui régnait dans sa cour. Sinon j'égorge le bâtard de ton père !

-Comment as-tu su que Gilles était mon frère ? exigea Robin, qui tremblait de voir Gilles aux mains de cet homme cruel mais ne pouvait rien faire. Quelqu'un te l'a dit ? Parle !

-Ça, c'est mon petit secret, gronda le shérif en appuyant la lame contre la gorge du jeune voleur. Si tu ne veux pas que je l'expédie là-haut demander la réponse à ses ancêtres, tu ferais mieux de me donner ce que je demande. Tout de suite !

-Espèce de lâche ! Épargnerais-tu Gilles pour autant ?"

De tout l'affrontement, Gilles avait gardé ses yeux verts braqués sur son frère. Il avait peur. Son coeur cognait à toute vitesse dans sa poitrine, mais il ne pouvait rien faire. Il était prisonnier, il avait peur et il avait honte aussi. Robin venait tout juste de l'accepter comme son frère. Et voilà qu'il se faisait capturer à deux reprises dans la même matinée ! Il devait être bien déçu d'avoir écopé d'un frère comme lui. Gilles fouilla son regard, suppliant. Il voulait paraître digne, lui signifier de ne pas s'en faire pour lui, mais en fait, il était surtout mort de peur. Il ne voulait pas mourir ! Il ne voulait pas mourir, pas maintenant, pas comme ça.

"Sauve-moi, grand frère, pensa-t-il sans pouvoir s'en empêcher."

Mais Robin ne pouvait rien faire sans condamner Marianne, et c'était sans doute sa bien-aimée qui importait, davantage que lui. Gilles prit une inspiration tremblante et ferma les yeux. Il allait mourir, c'était certain, il allait mourir.

"Attends, ne lui fais pas de mal ! s'écria Robin à sa grande surprise. Tu as gagné, je vais faire ce que tu veux."

Gilles rouvrit les yeux et le dévisagea, stupéfait. Il vit son frère déposer son épée à terre, mais alors qu'il levait les mains pour lui montrer qu'il était désarmé, il flèche fendit les airs depuis une tour voisine et se planta dans la main du shérif. Celui-ci poussa un cri de surprise et de douleur et son couteau tomba au sol. Son étreinte sur la gorge de Gilles se desserra et le jeune homme en profita pour se dégager. Son premier réflexe fut de courir vers Robin, mais il s'arrêta et tira à la place un poignard qu'il portait à la ceinture. C'était sans doute le moment ou jamais de se débarrasser du shérif... Alors, il fit volte-face et pointa son arme sur Nottingham, qui le regarda en haussant des sourcils étonnés malgré la douleur.

"Gilles, ne fais pas ça ! cria Robin à la grande surprise du jeune voleur.

-Aussi chevaleresque et stupide que son père, rétorqua le shérif en dégainant une épée courte à une vitesse impressionnante pour la plonger dans le ventre de son vis-à-vis.

-Gilles ! hurla Robin quand la lame exécuta un arc de cercle sanglant et que le jeune voleur poussa un grognement de douleur."

Avant que Nottingham puisse terminer son œuvre, une autre flèche se planta près de son pied. C'était Azeem qui, depuis le chemin de ronde, accourait pour sauver ses amis. Le shérif poussa un grognement de colère et de douleur et s'enfuit par la porte derrière lui. Robin aurait dû le poursuivre, mais Gilles venait de s'effondrer au sol en se tenant le côté, il ne pouvait pas le laisser là !

"Tu te sens bien ? le pressa l'archer, fiévreux, en lui prenant le bras pour l'aider à se relever.

-Je survivrai, répondit le jeune homme en soulevant sa main pleine de sang. Tu devrais..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Robin, délaissant la traque du shérif, l'avait attrapé pour l'engloutir dans une puissante étreinte qui le prit totalement par surprise.

"Robin ? Qu'est-ce que tu fabriques ? s'étonna Gilles, la tête pressée contre l'épaule de son frère.

-Ce que je fabriques ? J'ai bien cru qu'il allait t'égorger ! répondit son grand frère en l'écartant pour observer l'entaille sur sa gorge. Ne me refais jamais une peur pareille !

-Tu as eu peur ? répéta Gilles, n'osant pas tout à fait y croire encore, mais le coeur rempli d'un puissant sentiment de gratitude et de bonheur."

Son grand frère s'était soucié de lui, vraiment. Il avait eu peur de voir le shérif le tuer, il avait été prêt à se rendre pour que Nottingham épargne sa vie. Il s'assurait même qu'il allait bien avant de poursuivre son ennemi pourtant longuement combattu.

"Bien sûr que je m'inquiétais ! répliqua Robin en l'attirant dans un nouveau câlin. Ne doute jamais de mon affection, Gilles. Tu es l'une des personnes qui comptent le plus pour moi.

-Je suis content..., avoua Gilles, ému, en refermant ses bras autour de son frère."

La situation était critique, pourtant il sentit des larmes de bonheur lui monter aux yeux. Il avait donc bien un frère. Un vrai grand frère qui le protègerait et qui l'aimerait toujours. C'était le cadeau le plus inestimable qu'il aurait jamais pu demander.

"Ne te mets plus jamais en danger comme ça, mon frère, conclut Robin en lui pressant la nuque, puis Azeem sauta sur la terrasse et ils s'engouffrèrent par la petite porte à la suite du shérif."

Gilles resta en arrière mais il savait ce qu'il lui restait à faire. Défendre son frère comme Robin l'avait défendu. C'était bien ça, avoir un frère.