One-shot écrit dans le cadre de la cent-dix-huitième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Miel". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP ! Texte écrit en plus d'une heure le lendemain de la Nuit.


Gilles arpentait la campagne froide et brumeuse en ce dernier jour de décembre. De la buée s'échappait de sa bouche, l'herbe mouillée faisait pénétrer le froid dans ses chausses. Mais il avait, depuis bien longtemps, cessé de se soucier de ça, même s'il aurait préféré rester au chaud dans le campement de Sherwood. Mais le lendemain, ce serait la nouvelle année, et justement Robin était né le premier janvier. Quoi qu'il était davantage de coutume de célébrer le jour du saint patron des gens qu'on aimait, Gilles voulait faire quelque chose pour l'anniversaire de son frère. Oh, pas grand chose, et ce n'était qu'une broutille sans doute en comparaison de tout ce que Robin avait déjà dû recevoir comme cadeaux, mais il avait envie de faire plaisir à son frère. Il avait peu d'options, et celle qu'il avait choisie se révèlerait particulièrement difficile à mettre en œuvre. C'était l'hiver, les abeilles resteraient dans leur ruche jusqu'aux beaux jours, mais il avait besoin du miel qu'elles conservaient pour la mauvaise saison. Juste un peu, pas de quoi les affamer mais assez pour confectionner quelques gâteaux à Robin.

Heureusement, il connaissait quelques ruchers dans le coin. Le petit propriétaire qui les possédait n'avait jamais remarqué qu'il lui manquait quelques grammes du précieux nectar à l'occasion, et ça ne serait pas différent cette fois non plus. Il était tellement préoccupé par l'idée de ne pas se faire prendre qu'il en avait oublié à quel point les abeilles pouvaient s'avérer féroces quand on leur dérobait leur nourriture. Gilles avait à peine approché la ruche qu'il s'était déjà fait piquer trois fois, à la main et dans le cou, et les tissus qu'il avait enroulés autour de sa peau exposée ne suffirent pas à le protéger de toutes leurs attaques. Vite, en pestant dans l'écharpe qui recouvrait le bas de son visage, le jeune homme accrocha quelques longs filets de miel sur un petit morceau de bois, puis il les racla avec son doigt afin qu'ils tombent dans le récipient qu'il avait apporté. Concentré sur sa tâche, il tressaillit à peine quand on le piqua de nouveau dans le cou, sur le bras, l'épaule, et il se dépêcha pour collecter assez du précieux nectar. Puis, il referma son sac, le serra contre lui et partit bien vite en courant vers l'autre extrémité du champ.

"Elles avaient vraiment une dent contre moi, celles-là, marmonna le jeune homme en grimaçant quand ses doigts effleurèrent un point particulièrement douloureux."

Comme il faisait nuit noire, il dut attendre d'être arrivé au campement et devant le feu qui commençait à mourir pour examiner ses piqûres. De la pointe de son couteau, il ôta les dards qui s'étaient enfoncés dans la peau sensible, remarquant, avec un peu d'anxiété, que la douleur était plus prononcée que d'habitude. Mais il ne s'en préoccupa pas plus que ça et alla récupérer le lait, les œufs et la farine qu'il avait mis de côté pour confectionner les gâteaux. À la faveur de ses mains qui s'activaient pour pétrir la pâte, il remarqua que les endroits où il avait été piqué commençaient à rougir et à gonfler plus que d'ordinaire. Il supposa que ce venin-là était plus mauvais que les autres, et continua son ouvrage. Quelques heures plus tard, il avait confectionné huit petits biscuits dorés, fleurant bon les œufs et le miel, tout à fait acceptables. Gilles sourit; ça lui rappelait sa petite enfance, quand il volait du miel pour en faire des gâteaux qu'il offrait à sa mère. Il fallait croire qu'il aimait témoigner de cette façon aux gens qu'il aimait à quel point ils comptaient pour lui.

Il enveloppa ensuite les biscuits dans un morceau de tissu, noua même un ruban vert qu'il avait ramassé par terre dans un marché, et se décida à aller se coucher. Il frotta un moment ses piqûres qui le démangeaient, puis s'endormit.

Le lendemain, il se mit en route, suivant de loin la colonne des hors-la-loi qui se dirigeait joyeusement vers le château de Marianne pour la nouvelle année et l'anniversaire de Robin, où d'ailleurs leur chef les attendait. Mais, en chemin, Gilles commença à se sentir mal. Une nausée l'avait pris au ventre depuis le matin, et il sentait des perles de sueur rouler le long de sa nuque alors qu'il faisait un froid de canard. La vision soudain trouble à cause de la fatigue, ou de quelque chose de plus violent, il plissa les yeux et essaya de distinguer où il mettait les pieds.

"Ça ne va pas, Gilles ? lui demanda Petit Loup d'un ton presque autoritaire en se plantant soudain devant lui.

-Je... crois que j'ai attrapé quelque chose..., répondit le jeune homme, qui tituba soudain et dut se rattraper à un arbre."

Sa main s'enfonça dans l'écorce et il glissa le long du tronc. Autour de lui, des bruits de pas se firent soudain entendre, et quelqu'un s'agenouilla à la périphérie de son champ de vision. Une main se posa sur son front; il reconnut sans aucun mal celle d'Azeem.

"Que t'arrive-t-il, Jeune Chrétien ? demanda le maure en avisant son regard fiévreux. Tu es malade ?

-Non, je..."

Par réflexe, le jeune homme porta la main à son cou, où son pouls semblait s'être soudain emballé. Les piqûres de la nuit avaient doublé de volume.

"Des piqûres d'abeille ? s'inquiéta Azeem. Combien en as-tu reçues ?

-Je... je ne sais pas..."

Il avait vraiment envie de vomir, à présent. Sa chemise glissa en partie, révélant les piqûres sur son bras et une sur son abdomen.

"Apportez-moi de l'eau, ordonna Azeem aux paysans qui l'entouraient.

-Qu'est-ce qui se passe ? demanda soudain la voix de Robin tout près de lui, et Gilles reconnut sa silhouette qui s'accroupissait auprès de son ami.

-Je crois qu'il réagit mal à des piqûres d'abeille, Chrétien.

-Des piqûres d'abeille ? s'inquiéta Robin. Gilles, où est-ce que tu encore allé te fourrer ? Tu m'entends ? Hé, ne t'évanouis pas !"

Il passa sa main sur son front et lui pressa la joue pour le maintenir éveillé. Les yeux vitreux, Gilles leva son visage vers lui. Il y voyait quand même assez pour remarquer l'air inquiet de Robin et il s'en voulut.

"Désolé... c'est ton anniversaire aujourd'hui..., marmonna-t-il, essayant de rassembler un semblant de pensées cohérentes.

-Oui, je le sais, mais tu devrais plutôt te préoccuper de toi, là, répliqua son frère en lui caressant les cheveux d'une main. Où t'es-tu fait piquer ?

-Heu... les mains, le cou... l'épaule et le bras, je crois... et le ventre..."

Sans attendre, Azeem retroussa la chemise du jeune homme pour observer les piqûres qui gonflaient.

"Est-ce que c'est grave ? s'inquiéta Robin en maintenant Gilles pour lui éviter la chute en avant.

-Les piqûres sont mauvaises... Je vais lui préparer une potion pour soulager les effets du venin. En attendant, garde-le hydraté."

L'archer hocha la tête et échangea de place avec son ami pour se rapprocher de Gilles. Il le fit boire, puis le détacha carrément de l'arbre où il s'appuyait pour l'allonger dans ses bras.

"Écartez-vous, laissez-le un peu respirer ! ordonna-t-il aux hors-la-loi qui les entouraient. Gilles, comment tu te sens ?

-Ça va, je crois que c'est en train de passer..., assura le jeune voleur qui, effectivement, commençait à se sentir un peu mieux.

-Ça ne t'empêchera pas de prendre ce médicament, jeune Chrétien, intervint Azeem en brandissant une décoction sous le nez de son patient. Il devrait combattre les effets du venin. Comment as-tu fait pour collecter autant de piqûres ?

-Je suis allé..."

Gilles s'interrompit le temps de boire la potion. Elle avait un goût affreux, mais sembla être particulièrement efficace. Peu à peu, les douleurs du jeune homme s'estompèrent, puis la fièvre le quitta en partie et des couleurs lui revinrent aux joues.

"Est-ce que tu te sens mieux ? murmura Robin en vérifiant sa température.

-Oui... je crois... merci, Azeem...

-Mais qu'as-tu fait pour te mettre dans un tel état ? embraya aussitôt l'archer, rassuré sur son état. Des piqûres d'abeille... Je parie que tu es encore allé voler du miel.

-J'en avais besoin... J'ai un cadeau pour toi. Pour ton anniversaire..."

Gilles prit appui sur le sol terreux et couvert de feuilles pour se redresser dans les bras de son frère. Il fouilla dans sa poche et en sortit le petit paquet qu'il avait préparé pour lui.

"Tiens, c'est pour toi... Joyeux anniversaire !

-Pour moi ? s'étonna Robin en prenant le cadeau et en défaisant le ruban. Des biscuits ? Tu les as faits toi-même ?

-Oui... Mais je crois que les abeilles m'en voulaient particulièrement, cette fois-ci..."

Il essayait de plaisanter pour dissiper un peu l'inquiétude qu'il avait causée à Robin, mais il n'eut pas le temps de continuer parce que son frère le serra aussitôt dans ses bras.

"Qu'est-ce que tu fais ? marmonna le jeune homme en posant quand même sa tête sur l'épaule de son aîné.

-Merci, Gilles. C'est l'un des plus beaux cadeaux qu'on m'ait faits, murmura l'archer avec tendresse. Mais j'aurais préféré que tu ne risques pas de t'empoisonner les sangs pour ça !

-Très bien, la prochaine fois j'emballerai un caillou pour te l'offrir."

Il sentit Robin rigoler contre lui et il sourit. Puis il enfouit un peu plus sa tête contre l'épaule de son frère. Il était heureux d'avoir réussi à lui faire plaisir pour le premier anniversaire de Robin qu'ils passaient ensemble.