One-shot écrit dans le cadre de la cent-vingt-et-unième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Chercher". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !
Gilles fronça les sourcils en observant les arbres autour de lui. Il ne reconnaissait pas cette forêt, et elle lui paraissait même étrange. Presque absurde, floue, fantomatique... Il ne parvenait pas à se souvenir de ce qu'il faisait là, mais il était presque certain qu'il cherchait quelque chose. Quelque chose ou alors... quelqu'un ?
Une douleur lancinante le prit soudain au ventre et il chancela. Sa main se porta à son abdomen, mais il ne vit pas de sang. Et, quand il souleva sa chemise, pas non plus de blessure. Son coeur s'emballa. S'il n'était pas blessé, ça signifiait que la douleur venait de l'intérieur, et c'était bien pire ! Il avait déjà vu des gens mourir à cause de maux internes que personne n'arrivait à soulager.
Un pic de douleur le saisit une nouvelle fois, en plus fort, et il s'effondra à genoux dans l'étrange forêt. Et puis, alors qu'il allait gémir de détresse, malgré la puérilité certaine d'un tel comportement, il sentit deux mains douces se poser sur son visage.
"Mon petit garçon, est-ce que tu as mal ? s'inquiéta une voix féminine qui lui fit redresser brusquement la tête.
-Maman ? balbutia-t-il malgré la souffrance. Que faites-vous ici ? Est-ce que je rêve ? Pourtant, ça semble... ça semble tellement réel...
-Tu ne rêves pas, mon petit garçon, répondit Ann en souriant doucement. Mais... tu n'es pas tout à fait réveillé non plus.
-Que voulez-vous dire ?
-Allons, calme-toi, mon chéri. Il ne faut pas que tu laisses la panique t'emporter. Surtout pas.
-Aide-le à se redresser, Ann. Je crois qu'il a besoin d'une seconde pour reprendre ses esprits."
Cette fois, Gilles sentit clairement son sang se figer dans ses veines. Il en oublia presque sa douleur à l'abdomen. Cette voix, qu'il n'avait entendue que deux ou trois fois, forte mais douce à la fois, c'était celle de...
"Père ?! balbutia-t-il quand, à moitié remis sur ses pieds par sa mère, il découvrit Lord Locksley qui lui avait pris l'autre bras pour l'aider. Ce n'est pas possible, je ne peux y croire !
-C'est pourtant bien moi, mon petit garçon, répondit le comte en lui gratifiant les cheveux d'une caresse qui le bouleversa.
-Mais vous... vous... vous ne devriez pas... et vous, Maman..., balbutia Gilles pendant que les larmes s'accumulaient dans ses yeux. Tous les deux, je vous ai...
-Ne pleure pas, mon chéri, murmura Ann, émue elle aussi. Je ne veux jamais te voir pleurer, mon petit garçon, tu le sais.
-Ça va aller, mon fils, renchérit Lord Locksley en lui pressant doucement la nuque. Nous sommes avec toi."
Sans plus chercher à comprendre ce qui lui arrivait, comment, pourquoi, le jeune homme laissa échapper un sanglot et s'effondra dans les bras de ses parents. Ann lui caressa les cheveux et Lord Locksley lui essuya les joues avec douceur, et plus ils le berçaient, plus Gilles sanglotait. Sa douleur avait même disparu. Il était tellement heureux ! Il ne savait pas comment, mais il avait retrouvé sa famille, enfin, après toutes ces années où...
D'un seul coup, le jeune voleur se figea. Sa famille... Son père et sa mère, ensemble, comme il en avait toujours rêvé, mais...
"Où est Robin ? demanda-t-il en reculant un peu pour s'essuyer les yeux. Je ne peux pas... Je ne peux pas me considérer avec ma famille s'il n'est pas là. Où est-il, Père ? Mon frère...
-Il n'est pas ici, mon petit garçon, répondit le comte doucement, et Gilles ne manqua pas le regard qu'il échangea avec Ann.
-Pas ici ? Me laisseriez-vous... aller le chercher, alors ? Je sais qu'il vous a beaucoup tenu rancune, Mère, mais j'aimerais tellement vous le présenter. Il a changé depuis l'époque où il a demandé votre renvoi, et... je sais que vous l'apprécierez.
-J'aimerais beaucoup rencontrer ton frère, Gilles, mais ce n'est pas possible. Pas... pas maintenant, en tout cas...
-Comment ça, pas maintenant ? Il ne doit pas être loin. Je me suis un peu égaré, mais nous sommes partout ensemble, et il est vraiment collant quand il s'y met.
-Écoute, mon fils, intervint Lord Locksley en lui pressant l'épaule, Robin est sans aucun doute auprès de toi, mais il ne peut pas nous atteindre pour le moment. Et pas avant un très long moment, j'espère.
-Co... comment ?"
Gilles sentit un sentiment désagréable, de stress et de peur, remonter depuis son ventre. Et là, la douleur qu'il avait ressentie à l'abdomen se réveilla brutalement. Poussant un cri de souffrance, il tomba à genoux dans l'herbe pendant que sa mère posait précipitamment une main dans son dos.
"Je... je ne peux pas rester avec vous, haleta Gilles quand son père fit glisser une nouvelle fois sa main sur son cou. Si je suis ici, c'est que je... je suis presque mort, n'est-ce pas ? Mais ce n'est pas... ce n'est pas ce qui doit se passer... je ne peux pas mourir maintenant.
-Alors accroche-toi à la douleur, mon fils, lui murmura Lord Locksley. Retourne parmi les vivants. Retourne vers ton frère. Lui aussi, il a besoin de toi. Ne le laisse pas tout seul.
-Je... je sais... Je ne peux pas... abandonner Robin..."
La souffrance était de pire en pire. Juste avant qu'elle le submerge, Gilles entendit le doux murmure de sa mère :
"Je t'aimerai toujours, mon petit chevalier. Ne l'oublie pas. Jamais.
-Je t'aime aussi, mon fils, termina son père avant que l'abîme ne l'absorbe. Et dis à Robin que sa mère et moi le chérissons de tout notre coeur."
Ce fut la dernière chose que Gilles entendit, puis ce fut le noir.
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"Oh, mon Dieu... merci mon Dieu, il revient à lui !"
La première chose que Gilles, malade et désorienté, ressentit, ce fut la pression presque désespérée que Robin exerça sur sa main.
"Laisse-lui le temps de se reprendre, Chrétien, recommanda la voix d'Azeem. Le choc a été puissant.
-Gilles... montre-moi seulement que tu m'entends, petit frère, murmura Robin dont il vit le visage, encore flou, se pencher sur lui."
D'une main douce, il lui caressa la joue. Gilles sourit faiblement et s'appuya contre la paume de cette main, ce qui fit apparaître un grand sourire sur le visage de plus en plus net de son frère. À cette occasion, il vit aussi des larmes déborder de ses yeux bleus.
"Robin..., coassa le jeune voleur faiblement. Ne pleure pas... Je suis revenu, tu vois...
-Tu m'as fait tellement peur, souffla son frère en embrassant sa main, puis en gardant sa bouche pressée contre ses doigts, visiblement incapable de maîtriser ses tremblements et ses larmes. Tu m'as tellement fait peur !
-Je sais... excuse-moi..., chuchota Gilles en tendant sa main libre vers lui, que Robin s'empressa de saisir aussi. Mais tout va bien, maintenant...
-Son corps a repris des forces et a lutté efficacement contre l'infection, acquiesça Azeem en pressant l'épaule de son ami. Il ne risque plus rien, à présent.
-Robin, tu sais... J'ai vu notre père, là-bas, poursuivit Gilles pendant que le maure quittait la cabane de son frère. Il m'a demandé de te dire que ta mère et lui te chérissent de tout leur coeur.
-Tu les as vus ? répéta son frère en embrassant ses doigts. Tu en es sûr ? Ce n'était pas dû à la fièvre ?
-Non, j'en suis sûr."
Encore déboussolé, Gilles remua pour tenter de s'assoir, mais son aîné l'en empêcha en posant sa main sur sa poitrine.
"Chhhut... ne bouge pas. Qu'est-ce que tu veux ? Tu as soif ?
-Oui...
-Tiens."
Prenant un bol sur le côté de son lit, Robin le remplit d'eau et la porta aux lèvres de son frère. Celui-ci but avec avidité, puis laissa l'archer le rallonger et leurs doigts se serrèrent à nouveau.
"J'ai vu ma mère aussi, poursuivit Gilles doucement. C'était... c'était merveilleux, Robin...
-Tu... Tu as voulu rester là-bas ? demanda l'archer en levant vers lui des yeux bleus remplis de douleur et de crainte. Tu aurais aimé... être avec eux ?
-Non, Robin, répondit le jeune voleur avec une fermeté étonnante pour son état de faiblesse. Pas sans toi. Jamais... sans toi.
-Merci... merci d'être revenu vers moi...
-Je ne t'abandonnerai jamais. Je sais que tu as besoin de moi..."
L'archer rit doucement au milieu des larmes qui brillaient encore dans ses yeux, et Gilles sourit faiblement. Puis, quand son frère se redressa pour l'embrasser sur le front, et poussa un soupir d'aise et s'enfonça un peu plus dans les oreillers. Vivant, avec son frère... c'était là qu'il était le plus heureux.
