One-shot écrit dans le cadre de la cent-trente-cinquième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Boue". Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !


Robin s'affairait à superviser l'approvisionnement et le stockage du fourrage pour les écuries, dans la cour du château, quand deux petites voix d'enfants se firent entendre, quelque part au milieu de ce grand remue-ménage. Intrigué, il releva la tête et, en repérant du regard les paysans qui semblaient trébucher ou s'écarter en titubant du passage, il repéra bientôt les deux petites filles qui accouraient vers lui.

« Mon oncle ! s'écria la plus grande, qui avait sept ans, en venant se pendre de ses petites mains au revers de ta tunique. Est-ce que nous pouvons vous aider ? Vous paraissez si débordé !

-Aider, répéta la plus petite, âgé d'à peine deux ans, en tendant les bras pour que son oncle la soulève. 'te plaît ?

-Mes petites princesses, je crois que vous n'avez pas encore assez de force pour soulever ces bottes de foin, rétorqua l'archer en riant et en prenant la plus jeune de ses nièces dans ses bras. Mais peut-être que vous pourriez m'aider à vérifier que tous les cheveux ont assez à manger, d'accord ?

-Oui ! »

Enthousiastes, les deux enfants le suivirent tandis qu'il passait de box en box, vérifiait le niveau d'eau des abreuvoirs et de foin dans les mangeoires. Toujours soucieux de leur fournir le moindre prétexte à amusement, il les laissa même verser un peu d'eau dans les récipients à l'aide de tous petits bols. Ce n'était pas grand-chose, mais elles en ressortirent absolument enchantées et, comme elles étaient très petites, bientôt couvertes de paille et de boue jusqu'aux yeux.

« Vous êtes dans un bel état, toutes les deux, constata leur oncle en voyant leur visage tout brun et leurs cheveux emmêlés. Si votre père vous voit comme ça, il va encore me tomber dessus !

-Oh non, mon oncle ! protesta l'aînée des deux filles avec conviction. Père ne vous en veut jamais pour rien !

-Je le sais, Louise, se corrigea Robin en lui souriant tendrement. C'est juste une façon de parler. Tu te disputes avec ta sœur, parfois, pas vrai ? Eh bien, nous aussi, mais c'est pour rire. »

Il se pencha et la souleva dans ses bras, avant de faire de même avec la cadette.

« Non, Aliénor et moi ne nous disputons jamais, affirma Louise avec conviction, pendant que sa sœur tendait ses petites mains pour les poser sur le visage de son oncle.

-Voyez-vous ça ! s'exclama Robin en riant. Eh bien, c'est tant mieux. Que diriez-vous d'aller prendre un bain, maintenant ? Je connais une petite rivière près d'ici qui est très agréable en cette saison.

-Oh, Père ne veut jamais que nous nous baignions dans la rivière, fit remarquer Louise pendant qu'il se dirigeait résolument vers la porte du château.

-Il a peur que vous attrapiez froid, lui expliqua son oncle, mais ce ne sera que l'affaire de quelques minutes, juste pour le plaisir de barboter, d'accord ? »

Prévoyant, il saisit quand même un grand drap épais qui était étendu à une fenêtre et sortit dans l'air tiède du début de printemps.

wwwwwwww

De grandes exclamations enthousiastes se firent entendre dans toute la forêt, entrecoupées à intervalles réguliers de joyeux gazouillis de très jeune enfant. Robin était assis à moitié dans le lit de la petite rivière, à moitié sur la berge affaissée, et tenait Aliénor tandis qu'elle s'ébattait gaiement dans l'eau peu profonde. Sa petite robe était toute mouillée en bas mais, au moins, ses petites jambes étaient redevenues toutes propres. De temps en temps, l'archer lui passait un peu d'eau sur le visage pour en ôter la terre, ce qui ne lassait pas de la faire rire aux éclats.

« Oh, mon oncle ! Regardez ces petites fleurs emportées par le courant ! s'exclama Louise en lui montrant les pétales blancs qui glissaient rapidement sur l'eau.

-Elles doivent provenir les arbres alentour, lui expliqua le comte en ôtant des brins de paille dans les cheveux noirs d'Aliénor. »

Il faisait bien attention à l'endroit où Louise mettait les pieds. L'eau n'était pas très profonde et le courant, pas très fort, mais il ne voulait pas qu'elle trébuche et se fasse mal. De fait, il lui avait demandé de se tenir à lui et de ne pas trop s'éloigner, ce que la fillette n'avait visiblement pas l'intention de tenter. Ceci dit, ce n'était qu'une question de temps. Louise était une enfant curieuse, elle aurait rapidement envie de savoir ce que ça faisait de partir plus loin dans l'eau. À peine s'était-il fait cette réflexion qu'elle lâcha soudain son épaule à laquelle elle s'agrippait et s'avança pour attraper les pétales de fleurs. Vif comme l'éclair, Robin se redressa en calant Aliénor sous un de ses bras et tendit l'autre pour cueillir Louise par la taille et la ramener près de lui.

« Hé là, jeune fille, je t'avais dit de ne pas t'éloigner, la réprimanda-t-il sévèrement. Souviens-toi que tu ne sais pas nager.

-Et en plus, ton oncle se débrouille vraiment très mal, ce serait bête que ce soit toi qui doives le sauver, n'est-ce pas ? »

Robin releva la tête vers la berge opposée et un sourire lui monta aussitôt aux lèvres.

« Je nage mieux que toi, rétorqua-t-il à son frère qui émergeait des fourrés.

-Ah, ça reste à prouver ! répliqua Gilles, dont la voix fut bientôt couverte par des cris d'enthousiasme.

-Père ! s'écria Louise en essayant une nouvelle fois d'échapper à son oncle.

-Papa ! babilla Aliénor en tendant ses petites mains vers l'ancien voleur.

-Quel accueil, je suis flatté ! »

Gilles traversa le courant et vint soulever ses petites filles dans ses bras, avant de remarquer les brins de paille qui s'accrochaient encore à leurs cheveux.

« Eh bien, qu'est-ce que votre oncle vous a encore fait ? fit-il mine de s'indigner en se tournant vers Robin, mais Louise mit immédiatement sa petite main sur sa bouche pour lui couper la parole.

-Chut ! dit-elle avec autorité pendant que sa petite sœur essayait de l'imiter. Oncle Robin pensait vraiment que tu lui en voudrais pour ça, mais ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ?

-Bien sûr que ce n'est pas vrai, la rassura son père en embrassant ses petits doigts. C'est juste pour rire. Tu te disputes avec ta sœur, parfois, pas vrai ?

- Non, Aliénor et moi ne nous disputons jamais !

-J'ai comme un air de déjà-vu, intervint Robin en riant, avant de passer un bras autour des épaules de son frère. Est-ce que tu étais déjà comme ça à son âge ? À tout savoir mieux que tout le monde ?

-Ha, je pense qu'elle tient plutôt de son oncle ! »

Robin rit une nouvelle fois et embrassa la tempe de son frère, avant d'envelopper ses deux nièces ensemble dans le grand morceau de drap.

« Et maintenant, que dirais-tu de rentrer au château ? lui suggéra Gilles. Les filles et toi avez besoin d'un vrai bain. »