Le 14 juin dernier a signé l'anniversaire des trente ans de ce film. Pour l'occasion, voici un prompt proposé par DePlumeAPlume :
-500 mots minimum
-à placer la phrase « Pourquoi tu ne m'écoutes jamais et pourtant je continue toujours à venir t'aider ? »
-Robin qui sort pour la énième fois Gilles d'une situation plus ou moins dangereuse et risible
Merci pour le prompt et merci d'avoir rappelé la date !
Cet événement est partagé avec Nanthana14, allez donc lire son texte (et tous les autres aussi, d'ailleurs).
Robin songea, avec un mélange de reconnaissance et d'ironie, qu'ils avaient bien de la chance que la nature l'ait pourvu des dons d'habilité et de réactivité qui l'avaient conduit à devenir le meilleur archer du royaume. Sinon, il n'aurait pas les bras aussi musclés, habitués à devoir rester tendus, sûrs et à ne pas trembler. Ça pouvait paraître anecdotique, dit comme ça, mais encore une fois, ces prédispositions naturelles sauvaient la vie de son frère. Comment ? En tirant une flèche à travers une foule en fuite pour tuer le bourreau avant qu'il ne le décapite ? En déviant de sa trajectoire un objet qui pourrait le blesser ? En se battant à la force de ses mains pour le défendre ?
Non. Simplement en le tenant agrippé par son écharpe et le col de son gilet pour l'empêcher de s'écraser au fond d'un gouffre, quelque part à la périphérie des bois de Sherwood.
« Franchement, tu exagères ! siffla l'archer entre ses dents serrées, le moindre muscle de son corps complètement contracté. Après m'avoir tenu tête dans le campement il y a huit mois, prétexté que vous autres hors-la-loi étaient incapables de vous défendre contre les soldats du Shérif et renvoyé de toi l'image d'un lâche, pourquoi te mettre aujourd'hui dans une situation aussi critique ?
-Économise ton souffle, Robin, le coupa Gilles en essayant de se faire le plus léger possible. Si tu continues à palabrer, tu vas avoir un point de côté. »
Du bout de la botte, le jeune voleur tapota l'épaisse couche de ronces qui s'étendait de part et d'autre du gouffre, comme un piège épineux, incongru, dense mais très fragile. Robin tremblait de voir le tapis végétal céder sous le poids de son frère et le faire basculer dans la fosse.
« Accroche-toi à mon bras et essaye de te rapprocher du bord, ahana l'archer, qui sentait l'écharpe de son frère commencer à se défaire sous ses doigts.
-Pas question, refusa Gilles à sa grande surprise. Le faisan est toujours pris au piège dans les ronces ! Je dois aller le chercher, Robin !
-Mais tu as perdu l'esprit ! Reviens ici immédiatement ! »
Gilles fit la sourde oreille. Robin le voyait à son regard résolument tourné vers l'oiseau, qui se débattait en agitant ses ailes brunes. C'était vrai qu'il était énorme et que le camp de hors-la-loi, qui comprenait aussi des femmes, des enfants et des vieillards, n'avait pas vu d'aussi gros gibier depuis longtemps. Mais rien ne garantissait que le jeune voleur serait capable de l'atteindre avant qu'il ne parvienne à reprendre son envol. Et, même si c'était le cas, Robin refusait de risquer la vie de son frère pour quelques morceaux de viande. Sans lui, il n'aurait plus jamais envie de rien. La santé des autres hors-la-loi, même si c'était terrible à admettre, ne le préoccuperait plus que distraitement sachant que son cadet avait perdu la vie. Il tenait à ses hommes et à ces familles, mais Gilles était ce qu'il avait de plus cher à protéger depuis deux mois. Il ne pouvait pas se résoudre à le laisser se mettre autant en danger, même pour leurs camarades.
« Reviens ici, ordonna-t-il encore une fois. Gilles !
-Non ! Laisse-moi faire. Je sais que je peux l'attraper.
-Si tu tombes dans ce gouffre, tu vas te tuer !
-Peut-être pas.
-Gilles, s'il te plaît ! »
Robin sentit sa gorge se nouer. Il n'était pas en position de forcer son frère à revenir vers le bord. Peut-être que sa détresse serait capable de l'émouvoir ?
« Gilles, s'il te plaît… Je n'ai pas envie de te perdre. »
Mais il avait parlé trop bas et son frère ne réagit pas. Au contraire, il saisit son écharpe d'une main et entreprit prudemment de la dénouer pour avoir un peu plus de jeu et s'approcher du faisan. Il s'accroupit et continua d'en tenir fermement le bout en avançant en crabe vers sa proie. Cette dernière, en le voyant arriver, cria de terreur et se mit à se débattre avec encore plus de vigueur. Mais Gilles ne lui laissa pas le temps de se libérer et le captura par les pattes.
« Et comment tu vas faire, maintenant ? siffla Robin, dont les muscles du bras commençaient à être tordus par une crampe. Essayer de le cogner très fort contre les ronces pour l'assommer en espérant qu'aucune brèche ne se créera ?
-Tais-toi, je me concentre, maugréa son jeune frère. »
Le danger les rendait tous les deux nerveux et agressifs. Le cœur battant la chamade, Robin observa son frère ramener la bête contre lui et essayer de la coincer entre ses jambes pour lui tordre le cou.
« Gilles, cette situation est de plus en plus ridicule… et je sens que je vais lâcher !
-Retiens-toi de rire et tiens encore le coup, lui lança Gilles sans se retourner. Je l'ai presque… »
Mais, à ce moment-là, les ronces cédèrent soudain et les jambes du jeune voleur disparurent dans le trou.
« Gilles ! hurla Robin en se sentant brusquement partir vers l'avant. »
Les dents serrées, le jeune homme ne lâchait toujours pas le faisan qui continuait de se débattre. Robin le vit regarder autour de lui, comme s'il cherchait obstinément un moyen de se tirer de ce mauvais pas tout en gardant son butin, puis, soudain, le jeune voleur lâcha son côté d'écharpe et s'agrippa aussitôt aux ronces épaisses qui se trouvaient du côté de son frère.
« Gilles, bon sang ! jura Robin en se mettant aussitôt à plat ventre pour lui attraper le poignet. Tu pourrais te tuer, à quel moment est-ce que tu vas comprendre ça ?! »
D'un geste sec, sans laisser à son cadet le temps de répliquer, il le tira vers le bord et le hissa hors du gouffre à deux bras, profitant du peu de forces qu'il lui restait.
« Merci, murmura Gilles en jetant à peine un regard à sa main écorchée avant de tordre, d'un geste sec, le cou du faisan.
-Pourquoi tu ne m'écoutes jamais et pourtant je continue toujours à venir t'aider ? gronda Robin d'une voix sourde en restant assis à côté de lui, mais sans le regarder. Cette idée était stupide depuis le début. Tu aurais pu te tuer. Est-ce que tu te rends seulement compte que tu aurais pu te tuer ?!
-Robin…
-Non, je le veux pas entendre tes "Robin" ! Qu'est-ce que je deviendrai sans toi ? Y'as-tu seulement pensé ?
-Évidemment ! Je sais ce que tu ressentirais si je me faisais tuer, parce que je ressentirais la même chose si ça t'arrivait à toi ! Mais ce faisan était à notre portée et nous n'avons pas trouvé de gibier pareil depuis des jours ! Les gens ont faim, Robin, et je pensais qu'un héros comme toi le comprendrait.
-Le héros que je suis a déjà perdu tout ce qu'il avait. Il ne veut pas perdre aussi son frère. »
Gilles soupira et ses épaules se relâchèrent. Il jeta un coup d'œil morose à sa main écorchée par les ronces malgré ses mitaines et se rapprocha de Robin pour s'appuyer contre lui.
« Pardon, murmura-t-il. Je n'avais pas l'intention de t'abandonner. Ni de te faire peur comme ça. Prendre des risques pour attraper ce faisan m'a juste semblé la meilleure chose à faire.
-L'aurais-tu fait il y a quelques semaines, quand nous n'étions pas encore frères ? demanda doucement Robin en soulevant sa main blessée pour l'examiner.
-Probablement pas, admit le jeune homme. Mais les choses sont différentes depuis que je t'ai à mes côtés. Je me sens… plus fort. Plus sûr de moi.
-Pourquoi ? »
Gilles lui jeta un regard désabusé, comme s'il était le dernier des imbéciles, et précisa :
« Parce que tu es mon grand frère. »
Robin sentit une douce chaleur se diffuser dans son ventre et il sourit.
« Je m'en doutais, mais j'aime bien quand tu m'appelles comme ça, avoua-t-il d'un air enchanté qui lui valut un coup de coude dans les côtes. Quoi ?
-Tu es trop niais, par moments, lui fit remarquer son frère en roulant des yeux.
-Pas du tout ! Et d'ailleurs, tu aimes bien ça aussi. »
Gilles sourit et secoua la tête, avant de la poser sur l'épaule de son frère.
« C'est vrai, admit-il. »
Il laissa Robin lui caresser les cheveux et ferma les yeux. L'archer avait encore le cœur qui cognait dans la poitrine, mais il était rassuré par l'odeur douce et familière qui se dégageait des mèches blondes de son frère, pressées sous son menton. Spontanément, il lui posa un baiser dans les cheveux et Gilles passa son bras autour de sa taille. Chaque jour passé ensemble lui faisait l'effet d'un petit miracle de joies et d'aventures, malgré des péripéties parfois dangereuses qui leur tombaient dessus, et il avait envie que jamais ça ne s'arrête.
