Aujourd'hui, le 18 août, c'est l'anniversaire de Christian Slater, l'acteur de Gilles !
(et celui de la mort de La Boétie, mais ça n'a pas vraiment de rapport).
L'OS qui suit n'avait pas vocation à être posté pour l'instant, mais un tel événement se fête. Merci Christian Slater d'exister et d'avoir donné un aussi beau visage et tant d'émotions à Gilles l'Écarlate (une vraie âme, en somme !), ce personnage qui s'avère être un de ceux m'ayant le plus inspirée ! (merci aussi à Nantha d'avoir rappelé la date; le défi est partagé avec elle, allez donc lire son texte).
Un orage terrible s'était mis à secouer le château du Shérif de Nottingham. Il pleuvait des trombes d'eau, il y avait du vent qui secouait le verre teinté des fenêtres, des éclairs, des grondements de tonnerre. Pourtant, Gilles ne s'était jamais senti aussi détendu de sa vie. Allongé dans un lit aux couvertures délicieusement moelleuses, à proximité d'un feu de cheminée, il n'était pas loin de s'endormir comme ça, d'un sommeil pesant et tranquille, alors qu'il était dans un endroit qu'il ne connaissait pas et entouré d'un grand nombre de paysans qui n'étaient que des inconnus pour lui. Pourtant, il se sentait en sécurité. Robin était juste à côté et il lui avait dit qu'il revenait bientôt.
Avec un grand soupir d'aise, Gilles enfouit son visage dans son oreiller et il s'assoupissait déjà quand la porte s'ouvrit de nouveau. Intrigué, il ouvrit un œil et vit son frère pénétrer dans la chambre, refermer le battant et se laisser tomber lourdement sur le lit. Il posa la bougie qu'il tenait sur le meuble à proximité, souffla la flamme et s'avachit dans le lit. Il soupira, leva les mains pour se les passer dans les cheveux et n'eut pas le temps de redescendre les bras parce que Gilles se pelotonna aussitôt contre lui. Il posa sa tête et une de ses mains sur son ventre et frotta un peu sa joue contre lui jusqu'à qu'il soit bien installé.
« Bonne nuit, murmura Robin en frictionnant son épaule, avant d'arranger la couverture autour de lui. »
Gilles sourit, s'étonna un peu que son frère ne soit pas plus bavard mais supposa que les évènements de la journée l'avaient épuisé et lui posaient un peu question. Et puis, il ne se demanda plus rien du tout parce qu'il se mit à somnoler d'un sommeil léger, éveillé mais reposant, tout en écoutant la pluie violente qui tambourinait contre les murs. Il savait à quel point il faisait froid, venteux et humide là-dehors et ça lui faisait d'autant plus plaisir d'être blotti au chaud contre son frère. C'était tellement satisfaisant… surtout pour lui qui avait passé tellement de nuits similaires perdu dans le noir et sous la pluie… Même quand il vivait encore avec sa mère, leur cabane était tellement pleine de trous que l'eau entrait facilement à l'intérieur.
« Tu as assez chaud ? finit par lui demander Robin après de très longues minutes, peut-être même une heure, alors que c'était évident qu'il l'aurait senti, depuis le temps, si son cadet avait été frigorifié.
-Mmh mmh, marmonna le jeune voleur sans chercher à comprendre davantage.
-C'est bien… »
L'archer lui caressait les cheveux de temps en temps, mais à des intervalles assez longs, comme si ça lui sortait un peu de la tête à certains moments. En tout cas, il ne s'endormit visiblement pas et, au bout de deux heures, Gilles le sentit se tourner en essayant de poser précautionneusement sa tête à lui sur le matelas. Toujours à moitié endormi, il ne saisit pas du tout l'allusion et se tourna lui aussi pour l'attraper par la taille et le serrer contre lui.
« Je reviens, petit frère, lui murmura l'archer en détachant doucement ses bras. Mais j'ai besoin de sortir un instant. »
Gilles poussa un grognement ensommeillé et, cette fois, il se redressa un peu sur un coude. Il remarqua à ce moment-là à quel point son frère paraissait agité et nerveux. Pourtant, il aurait dû se réjouir de sa victoire contre le Shérif, d'avoir vengé leur père, de son engagement auprès de Marianne… Alors pourquoi n'était-il pas heureux ? Le jeune voleur se retourna sur le dos et observa le plafond. Sa préoccupation pour Robin l'avait un peu réveillé et, malgré les jours de fête et la fatigue qu'ils faisaient peser sur lui, il tâcha d'y réfléchir. Est-ce qu'il craignait que des partisans du Shérif soient toujours dans le coin ? Qu'ils veuillent se venger ? Est-ce que d'autres nobles lui prenaient la tête ? Essayaient de lui voler son autorité ?
D'un grand mouvement du bras, Gilles écarta les couvertures et se leva. Pieds nus, en vêtements de nuit, il marcha jusqu'à la porte et l'ouvrit. Il y avait encore des gens dans le couloir, qui se rendaient dans les autres chambres, bavardaient ou même dansaient sur le rythme de la musique de fête qui ne s'était toujours pas arrêtée. Le jeune voleur se faufila silencieusement entre les fêtards en faisant en sorte de ne pas se faire remarquer, ce qui était plus facile sans ses vêtements rouges. Il savait très bien que personne ne le portait dans son cœur, même maintenant, et il n'avait pas envie de perdre du temps avec des hors-la-loi soupçonneux et agressifs.
Assez vite, il trouva le bureau où son frère s'était retiré avec Marianne, deux ou trois nobles mais surtout des clercs. Ces derniers avaient presque l'air de faire un procès à Robin, vu comme ils étaient installés en demi-cercle autour de lui, debout alors que l'archer se tenait assis, et ils n'arrêtaient pas de parler d'une voix nerveuse et colérique en agitant dans les bras. Gilles les observa quelques instants dans l'entrebâillement de la porte puis, galvanisé par sa proximité nouvelle avec Robin et le manque de sommeil, il pénétra dans la pièce. Aussitôt, tous les regards convergèrent vers lui, étonné pour son frère, préoccupé pour Marianne, méfiant pour les autres. Pendant une seconde, Gilles se figea, intimidé, mais se reprit et marcha jusqu'à son aîné.
« Tu confesses tes pêchés ? s'enquit-il en lui donnant une claque sur les épaules. Il y en a tant que ça pour que tu aies besoin d'un conseil de curés uniquement pour t'écouter ?
-Gilles, ce sont des hommes d'Église importants, le reprit doucement Robin, visiblement surpris et amusé par son insolence. Ils ont beaucoup de choses à me dire à propos… à propos du meurtre du Shérif…
-Au beau milieu de la nuit ? Est-ce que des conversations aussi prises de tête ne peuvent pas attendre demain ?
-Non, c'est une histoire sérieuse, Gilles, insista Robin en lui frictionnant le bras. Tu veux bien retourner te coucher ? Je ne tarderai pas à venir.
-Si je te laisse continuer ces palabres, je gage que tu ne réapparaîtras de sitôt, rétorqua le jeune voleur en lui saisissant d'autorité le coude. Nous sommes au beau milieu de la nuit, tout le monde est fatigué et vous aussi, mes pères. Quelle que soit l'affaire qui vous préoccupe, elle attendra demain, que vous ayez l'esprit plus clair pour en parler. Allez, grand frère. Viens te coucher. Vous aussi, Dame Marianne. Ce n'est pas correct de laisser une noble dame veiller aussi tard. »
L'heure nocturne, la lassitude et l'assurance du jeune voleur eurent raison de la résistance des gens assemblés. Ils s'entreregardèrent, hésitèrent et finalement, tout le monde se mit en marche vers la porte. Robin lui jeta un regard clairement reconnaissant et, après les quelques instants que le jeune homme lui fit la grâce de lui accorder pour dire bonne nuit à sa fiancée, il se retrouva tiré dans le couloir.
« Allez, où tes admirateurs risquent de t'intercepter pour continuer à te faire boire, lui ordonna Gilles en le manœuvrant jusqu'à la chambre.
-Après trois jours, crois-moi, je n'en ai plus du tout envie, jura son frère en se trainant, plus qu'il ne marcha, dans ses pas. »
Une fois qu'il l'eut poussé dans le lit, Gilles put clairement sentir son soulagement et sa gratitude.
« Tu es complètement épuisé, nota-t-il en grimpant à son tour sur le matelas. Qu'est-ce qui t'a pris de te relever pour aller subir les remontrances de ces prêtres ?
-Comment tu sais que c'était des remontrances ? demanda Robin en ouvrant un œil fatigué.
-Ça se voyait à leur posture et leur façon de te regarder. Qu'est-ce qu'ils te voulaient ?
-Ils pensent que c'est de ma faute si nous sommes frappés par un orage aussi violent.
-Heu… quoi ? Un orage ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Quel est le rapport avec toi ? »
Robin soupira et s'enterra sous les couvertures, avant de tirer son frère par le bras pour l'inviter à le rejoindre. Le jeune homme s'exécuta avec plaisir et s'enfouit contre la poitrine de son aîné.
« Alors, quel est le rapport entre l'orage et toi ? insista-t-il avant de s'endormir complètement.
-Ces hommes d'Église pensent que Dieu m'en veut d'avoir assassiné le Shérif et que ce n'était pas à moi de décider s'il devait mourir ou non.
-Quoi ? Mais c'est ridicule !
-Gilles, s'il te plaît, dis-moi que tu ne vas pas encore leur manquer de respect. »
Pendant une seconde, le jeune voleur se crispa. C'était vrai, son frère était parti faire les Croisades en Terre Sainte… Il était un chevalier de Dieu, en quelque sorte, et il devait sûrement prendre très mal ses piques. Pourtant, Robin se contenta de lui gratouiller la tête puis de lui caresser la joue.
« Je ne vois pas pourquoi Dieu se donnerait la peine de donner Son avis sur la mort du Shérif, grommela Gilles en posant sa tête sur la poitrine de Robin. Il doit avoir mieux à faire, tu ne crois pas ?
-Oui, peut-être… Tu as sûrement raison.
-Et puis, s'Il devait se manifester à chaque fois que quelqu'un commet un crime, il aurait foudroyé bien avant l'évêque cupide qui prêtait main-forte à Nottingham. »
Le jeune voleur sentit son frère se crisper et se redressa, surpris.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il en regardant dans les yeux bleus de son aîné. Pourquoi as-tu l'air si triste ?
-L'évêque cupide de Nottingham… Tu sais, c'est lui qui a fait en partie mon éducation quand j'étais petit, expliqua Robin. Il était toujours ferme, mais très gentil. Et mes traits d'esprit le faisaient rire, lui au moins.
-Ah… Je suis désolé, souffla Gilles avec une pointe de compassion malgré le ressentiment que lui inspirait ce religieux lâche et corrompu. J'ai encore raté une occasion de me taire, pas vrai ?
-Ce n'est pas grave, assura son frère. Je sais que tu ne pensais pas à mal. »
Le jeune voleur se fit la réflexion qu'il aimait bien en apprendre davantage sur son aîné à la faveur de cette conversation impromptue. Même sur les sujets les plus désolants. Il se re-blottit contre lui et revint au sujet de départ :
« Alors tu vois bien que tu n'as pas à t'inquiéter de cette tempête davantage que pour les dégâts matériels qu'elle peut occasionner. Et même si c'était un signe de la colère de Dieu…
-Oui ?
-Ça n'aurait aucune importance pour moi. Je te soutiendrai toujours. »
L'archer rit doucement et serra son bras autour de ses épaules.
« Merci, j'ai de la chance de pouvoir compter sur toi, déclara-t-il avant de réprimer un bâillement et d'arranger la couverture autour d'eux. Un peu de repos, maintenant ?
-Volontiers, murmura Gilles. Merci…
-Mais de rien. Merci à toi d'être venu me sauver. »
Le jeune voleur sourit en gardant les yeux fermés et fourra un peu plus sa tête contre son torse. Il ne s'y connaissait pas en présages de Dieu ou quoi que ce soit d'autre, mais une chose était sûre : pour lui, cet orage signait le début de centaines de nuits réconfortantes et complices.
