One-shot écrit dans le cadre de la cent-cinquantième nuit d'écriture (du Chaos) du FoF (Forum Francophone), avec pour contrainte Interdiction d'utiliser "Dire".
Entre 21h et 4h du matin, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !
Robin avait l'impression de sentir la puanteur de ces geôles – un mélange de terre, de sueur et de sang –, jusque sur sa langue. Il ne pouvait pas se débarrasser du goût, pas plus que du son des chaînes qui tintaient à ses oreilles.
L'archer sentait que son corps était lourd, mais il ne savait pas exactement pourquoi. Peut-être était-il malade… Parfois, le peur de nourriture, infecte, que les Maures leur servaient lui donnait de la fièvre ou bien c'était la chaleur insupportable des prisons de Jérusalem qui leur tournaient les sangs. En tout cas, il ne se sentait vraiment pas bien. Mais s'il se laissait aller, c'en serait fini de lui ! Il fallait qu'il se reprenne.
Au prix d'un terrible effort, Robin tenta de bouger ses membres, mais son corps était lourd, si lourd… Peut-être que c'était trop tard… Peut-être qu'il allait mourir !
Et le cliquetis des chaînes qui devenait de plus en plus fort… C'était terrible, il ne le supportait plus ! S'il était vraiment fichu, alors il refusait de mourir comme ça, agonisant sur sol sale tel une bête attachée par son maître. Il préférait encore s'étrangler avec ses entraves !
Robin rassembla le peu de force qu'il avait encore et leva les mains vers sa gorge…
« Hé. Qu'est-ce que tu fabriques ? marmonna une voix endormie à côté de lui. Robin, arrête.
-Pierre ? haleta l'archer en sentant la chape de plomb qui pesait de tout son poids sur lui commencer à se dissiper.
-Gilles, corrigea la voix. Qu'est-ce que tu f… Robin ! Lâche ça immédiatement ! »
Robin sentit des mains agripper les siennes et dénouer ses doigts pour arracher un morceau de métal tranchant de sa poigne de fer.
« Qu'est-ce que tu fais ? répéta la voix effrayée de Gilles. Tu as perdu la tête ou quoi ?! Ou bien c'est encore une idée d'imbécile de noble, se suicider en héros maintenant que tu as vengé… Père ?! »
Robin roula sur le dos et finit par ouvrir les yeux. Le sol était bien dur et sale et constellé de saletés, mais il n'était pas dans les prisons de Jérusalem. Il était à Nottingham, dans le château du Shérif… couché par terre dans un coin à peine éclairé par les premières lueurs de l'aube. Il voyait Gilles s'agiter à la périphérie de son champ de vision, mais il ne comprenait pas ses paroles.
« D'où… d'où vient ce bruit de chaînes ? demanda-t-il au lieu de répondre à la question de son frère.
-Des hommes qui remontent la partie effondrée du château où se trouvent les communs, du pont-levis qu'on abaisse, de l'attelage des animaux de trait ! rétorqua Gilles. De quoi d'autre ?
-Je… Je croyais que j'étais toujours en Terre Sainte. »
L'esprit un peu plus clair, Robin tourna enfin la tête vers son frère. Il se sentait étrangement calme, à présent. Presque… serein. Il n'était plus en Orient, il était à Nottingham. Dans la verdoyante, sauvage, immense, frileuse et magnifique Nottingham. Il était chez lui.
Et puis, il avait un frère depuis deux jours. Qu'il y avait-il de plus apaisant qu'un frère cadet penché au-dessus de soi dans la lumière rose et blanche du matin ?
Gilles le regardait toujours, l'air de ne pas trop savoir quelle conduite adopter.
« C'est le bruit de chaînes qui t'a réveillé ? finit-il par s'enquérir.
-Oui… Je crois que c'est le bruit le plus douloureux que j'aie jamais entendu de ma vie, murmura Robin, le regard dans le vague.
-Je peux comprendre, affirma Gilles en se rallongeant la tête sur sa poitrine afin de finir sa nuit. »
Encore un peu chamboulé, Robin referma ses bras autour de lui et se tint à son frère comme à une peluche. Saleté de cauchemars. Ils ne finiraient donc jamais ?
