Brûlés comme l'encens
- Castiel ! Attend, Castiel !
L'interpellé se retourna pour faire face à une ravissante blonde d'un an son aînée aux boucles soyeuses et aux yeux bleu aigue-marine. Ambre s'arrêta, essoufflée, devant le jeune homme. Ce dernier remarqua la paperasse qu'elle empoignait fermement et considéra la jeune fille avec un agacement non dissimulé.
- Tu… Nathaniel… M'a demandé de te remettre ça au plus vite, expira la blonde en lui tendant d'une main tremblante les fiches. Il… Il dit que c'est important.
Castiel prit le paquet et s'en alla sans plus de manières.
- Tu pourrais au moins dire merci !, désespéra la blonde.
Un silence lui répondit. Elle regarda avec tristesse son tendre-aimé se diriger vers la cour sans se retourner. Ambre regarda autour d'elle. Elle était seule. Seule, emmurée dans sa solitude. Alors, pour une fois, elle s'écroula. Elle pleura, sanglota, hurla. Elle avait si mal…
- Ambre ?
- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Les yeux bouffis et le nez rempli, Ambre tourna la tête vers ses interlocutrices. Li et Charlotte, ses deux meilleurs amies. Elles étaient toujours collées à elle et avaient adopté avec leur chef ce masque superficiel de filles parfaites sans rechigner. Elles avaient toujours été là pour elle, Ambre le savait. Mais elle ne pouvait pas leur rendre leur gentillesse. Tout ce qu'elle voulait, c'était pleurer. Et elle n'avait pas besoin d'elles pour le faire.
- Dehors !
- Mais, commença Charlotte.
- J'AI DIT DEHORS !
Vexée, les deux jeunes filles s'en allèrent vers la sortie. Ambre resta là, à genoux, parcourue de spasmes. Elle ne savait plus quoi faire. Elle, la reine du lycée, adulée de tous les garçons et jalousée de toutes les filles n'arrivait pas à séduire l'objet de sa convoitise. Le beau Castiel restait et demeurait inaccessible, malgré tous ses efforts. Elle avait tout essayé mais rien n'y faisait. Pourtant, ça n'était pas les beaux garçons qui manquaient, ici. Mais Castiel avait toujours été différent. Il… Il avait quelque chose de spécial, de…
Soudain, Ambre remarqua quelque chose sur le sol. Un vieux bout de papier, sale et un peu déchiré. Elle s'empressa de le ramasser, se releva et observa l'objet avec curiosité. Il y avait marqué dessus « Pour Castiel ». La jeune fille retourna le papier et fut comme frappée par ce qu'elle vit. C'était une photo. La photo d'une jeune fille blonde aux yeux rieurs qui souriait d'un air innocent, presque enfantin. Le soleil illuminait son visage et rendait cette vision paradisiaque plus joyeuse encore. Des fossettes se creusaient au bas de ses joues, et elle semblait regarder au loin quelque chose qui la faisait rire.
Ambre réfléchit. « Pour Castiel »… Était-ce là une photo de sa petite amie ? Ça ne faisait aucun doute. De rage, Ambre faillit chiffonner la photo tant elle serra les poings. Elle ne connaissait pas cette fille, mais elle la détestait déjà. Elle allait la retrouver. Et faire souffrir celle qui lui avait enlevé celui qu'elle aimait plus que tout au monde.
Arrivé chez lui, Castiel daigna enfin accorder de l'importance aux feuilles que lui avaient rendues Ambre. Il soupira devant la demande de convocation adressée à ses parents. Monsieur Faraize devait avoir porté plainte auprès de la directrice.
Fatigué, Castiel s'affala sur un vieux canapé légué par son père. Allongé ainsi, il repensa à tout ce qu'il avait vécu en un temps si lointain. Tout lui semblait si vieux… La maladie, l'hôpital, elle… Il repensa à sa guérison miraculeuse, ce traitement trouvé subitement après des années de recherche dans les laboratoires pharmaceutiques. C'était peut-être ce qui les avait séparés, elle et lui… Si c'étaient ça, il aurait préféré rester malade jusqu'à la fin de ses jours.
Rêveur, il tripota la poche droite de sa veste en cherchant le bout de papier au contact si particulier… Ses sourcils se froncèrent. Il retira sa veste, la secoua et l'inspecta sous tous ses angles. Rien à faire. La photo avait disparu. Dans une lancée de jurons, Castiel jeta sa veste. C'était la seule photo qu'il avait d'elle.
Le lendemain, tout le lycée put admirer Ambre se pavaner avec ses copines. Comme à l'accoutumé, Li et Charlotte conservaient leurs visages dédaigneux et hautains, mais Ambre, elle, rayonnait de bonheur. Tous les garçons se retournaient à son passage en bavant d'envie, alors que les filles fronçaient les sourcils. Que pouvait rendre Ambre si heureuse ?
La blonde avançait avec sûreté en chantonnant le dernier titre de son idole, Rihanna. Ce qui la comblait de bonheur ? Elle avait découvert comment amadouer son cher Castiel. Elle tapota la poche de son jean pour s'assurer que la photo était toujours à sa place. Ainsi, la reine du lycée se dirigeait vers la salle de classe où se tenait le professeur de mathématiques.
Vers midi, alors que Li et Charlotte se dirigeaient vers la cafétéria, Ambre sautilla tout droit vers la cour, apercevant au loin l'élu de son cœur. Son tendre Castiel. Enfin, pas si tendre que ça, mais canon.
- Castiel !
L'interpellé leva la tête. Ambre fut frappée par les cernes sous ses yeux, plus violacés qu'à l'accoutumé. Il avait toujours des cernes, mais cette fois on sentait bien qu'il n'avait pas dormi de la nuit. Et il semblait de pire humeur que d'habitude… ce qui n'était pas peu dire.
- Qu'est-ce que tu me veux encore, Ambre, soupira-t-il.
La jeune fille sourit d'un air sadique.
- Disons que je me posais quelques questions…
- Ah non, tu ne vas pas jouer à Peggy numéro deux, hein !, se plaignit-il.
- Ne saute pas vite aux conclusions ! Juste une toute petite question…
Castiel la jaugea avec dégoût. Finalement, il soupira.
- Je t'écoute.
- Est-ce que tu as une petite amie ?
- Qu'est-ce que je disais !, dit-il en levant les bras au ciel comme pour implorer la grâce de dieu.
- Bah quoi ?, s'étonna la jeune fille.
- Peggy m'a posé exactement la même question.
- Ah…
Ambre attendit un moment, histoire de laisser le temps à Castiel de répondre. Ce qu'il était long à la détente ! Au bout de dix minutes, ce dernier regarda la blonde avec agacement.
- Tu es encore là, toi ?, cracha-t-il.
- J'attends une réponse, figure-toi !, répliqua Ambre, agacée.
- Je ne t'avais pas répondu ?
- Non !
Castiel croisa les bras et la jeune fille faillit s'évanouir devant la beauté de son prince charmant.
- Alors ?, demanda-t-elle.
- Non.
- Non ?
- Non.
Alors Ambre eut le sourire d'une enfant gâtée qui va ouvrir une énorme surprise.
- Alors tu peux m'expliquer cette photo ?
Et dans un geste théâtrale, la blonde dévoila le bout de papier bien caché dans la poche de son jean. Aussitôt, Castiel se redressa.
- Ahah, alors tu la reconnais !
Les sourcils de Castiel se froncèrent jusqu'à ne former plus qu'une ligne. Il avait l'air vraiment en colère.
- Où as-tu trouvé ça ?
- Par terre, dans le couloir. Hier soir. Alors ? Qui c'est ?
Le rouquin ne répondit pas. Il la jaugea avec froideur, et finalement lui arracha la photo des mains. Agacée qu'on lui reprenne son dût, Ambre s'impatienta.
- Alors, c'est ta petite amie ?
- Non.
- Alors qui c'est ?
- Je ne sais pas.
La jeune fille éclata d'un rire sournois.
- Tu crois vraiment que je suis assez bête pour croire ça ? Elle a signé « Pour Castiel » au dos, il me semble évident que tu la connais !
- En effet, je la connais, répondit-il simplement. Mais je ne connais pas son nom.
- Arrête avec ça ! Allez, raconte !
Énervé, Castiel fit volte-face vers la cafétéria et lança sans se retourner :
- C'était une personne que j'appréciais. Et pour te rassurer, Barbie, ça fait neuf ans que je ne l'ai pas vu. Et je ne la reverrais certainement jamais.
Et Ambre resta plantée là, tous ses beaux espoirs effondrés.
