Oh oh oh, joyeux Noël à tou-te-s ! Et plus particulièrement à ma chère Zofra à qui cet OS est dédié 3 Le Père Noël m'a chargé de te remettre un petit DabiHawks pour te récompenser d'avoir été si sage au cours de cette année, j'espère qu'il te plaira owo
Pour celleux que j'aurais perdu en cours de route, cet OS a été écrit dans le cadre du Secret Santa du Forum Francophone de My Hero Academia ! Cependant, malgré la période festive, le texte aborde de nombreux thèmes sensibles que je vous note juste ici : mention de violences conjugales (physiques/psychologiques/sexuelles), de relation majeur/mineur paaas très saine, MAIS, c'est compensé par beaucoup de fluff. (promis, c'est pas une blague). J'utilise aussi le véritable prénom de Hawks, mais comme c'est un UA, il n'y a aucun spoiler concernant le manga dans cet OS.
Merci beaucoup à ma chère Moira-chan pour sa bêta express ! Et merci aux modos pour avoir organisé cet event que j'affectionne tant. Je vous souhaite encore de joyeuses fêtes, et une bonne lecture !
Les personnages de My Hero Academia appartiennent à Kohei Horikoshi, mais l'histoire, elle, m'appartient.
L'agent immobilier déverrouilla la porte d'entrée et invita Keigo et Touya à pénétrer dans l'appartement. Le moins âgé ne se fit pas prier, il se rua à l'intérieur comme un enfant pressé d'ouvrir son cadeau. Son fiancé, quant à lui, esquissa avec peine un sourire contrit à l'agent et marcha sur les pas du blond avec peu d'assurance. Honnêtement, il commençait à fatiguer. C'était le troisième appartement de la semaine qu'ils visitaient, le huitième depuis le début du mois. Depuis qu'ils s'étaient fiancés, les deux amoureux multipliaient les visites. Seulement, à chaque nouveau rendez-vous, le même schéma se reproduisait inlassablement : Keigo s'extasiait et complimentait l'agent immobilier pour son travail acharné, mais demandait à voir autre chose dès qu'il percevait le malaise de Touya. Ce dernier ne voyait pas pourquoi cet appartement-ci dérogerait à la règle. Il voulait juste rentrer chez Hawks, s'allonger sur son torse et décompresser de sa journée…
Mais pour que Touya ne veuille plus rentrer chez Hawks, mais chez eux, il devait surmonter cette épreuve. Pour l'instant, il tenait encore sur ses deux jambes malgré son cœur emballé ; cela relevait presque du miracle. Il soupira pour tenter de se calmer. N'importe qui aurait déjà jeté l'éponge, que ce soit après huit visites n'aboutissant à rien ou après sept ans de relation sans réelle vie commune. Mais pas Keigo, qui serrait sa main avec tendresse et qui précédait ses pas en découvrant la pièce principale. Le salon était assez grand, sa taille étant accentuée par la cuisine ouverte. L'îlot central faisait face à une grande baie vitrée menant au balcon, de laquelle les rayons du soleil s'infiltraient pour diffuser leur éclat sur la peinture orange sablé des murs. Les chambres et la salle de bain étaient accessibles depuis un couloir sur la gauche. Touya s'imaginait sans mal enlacer Keigo dans la cuisine tandis que ce dernier préparerait le petit déjeuner, se nichant dans son cou en se réveillant à peine. Il se voyait déjà se disputer avec Tenko sur le canapé parce qu'il l'aurait encore battu à Smash Bros. C'était étrange, mais… pour la première fois, Touya se sentait déjà chez lui dans cet appartement. Mais puisqu'il n'était que très peu familier des situations où tout se déroulait correctement, il commença à angoisser.
« - Hé, s'inquiéta Keigo en se tournant vers lui, ses sourcils froncés déformant son si beau visage, tout va bien ? On peut aller prendre l'air, si tu veux. »
Keigo était tellement beau. Touya le trouvait toujours aussi merveilleux que le soir où il l'avait rencontré, aux vingt ans de Natsuo qui avait été si fier de présenter son binôme à son grand frère. Ce même grand frère qui avait perdu toute envie de vivre, mais qui s'était forcé à changer ses vêtements et à se laver les dents pour faire plaisir à son petit frère. Cette soirée d'anniversaire où dans la cuisine familiale des Todoroki, le plus beau garçon qu'il n'ait jamais vu lui avait servi à boire, avait ri et rétorqué à chacun de ses sarcasmes tandis que les autres invités s'étaient mis d'accord pour l'éviter comme la peste. Touya ne leur en avait pas tenu rigueur. Qui aurait voulu passer la soirée avec un grand brûlé ? Qui aurait voulu l'embrasser après un verre et une plaisanterie de trop, ou répéter l'expérience plusieurs fois dans la même soirée, puis chaque fois qu'ils se voyaient ? Qui aurait insisté pour un rencard comme si soixante pourcents du corps de Touya n'était pas brûlé au troisième degré ? … Qui aurait été assez fou pour entamer une relation malgré l'absence de rapports sexuels ni vie commune pendant quasiment une dizaine d'années ? Et qui aurait, malgré tout, souhaité emménager avec le type en question ?
« - T'en fais pas, le rassura Touya en détendant sa poigne qu'il avait dû resserrer sans s'en rendre compte. Ça va. »
Keigo lui adressa un sourire tendre qui s'étira lorsque que Touya baisa son front. Il n'y avait que quelqu'un d'aussi téméraire et excentrique que le blond pour accepter la vie que le brun lui imposait malgré lui. Il avait laissé à Touya tout le temps nécessaire pour qu'il s'accommode à une nouvelle relation, il ne lui avait jamais reproché le manque de démonstrations affectives, qu'elles soient physiques ou verbales. Keigo l'avait accompagné à tous ses rendez-vous chez la psychiatre, l'avait aidé à prendre ses médicaments et avait laissé passer chacune des colères de Touya lorsque celui-ci refusait de les prendre. Ou lorsqu'il s'énervait en se demandant si tous ces traitements finiraient par le mener quelque part, ou tout simplement lorsque ses violentes crises de panique l'empêchaient de respirer et lui susurraient terriblement qu'après tout, qu'est-ce qui empêchait Keigo de le détruire comme son ancien partenaire l'avait fait avant lui ?
Touya soupira à nouveau et tendit ses bras pour serrer Keigo contre lui. Même si le brun avait fait des efforts, il était encore rare que son copain et lui soient physiquement proches ; ce dernier ne faisant jamais de remarque lorsque le grand brûlé baissait finalement sa garde. Keigo sentait les agrumes et le miel, un mélange réconfortant dont Touya était devenu dépendant. Être dans les bras de Keigo lui permettait de garder pieds. Il inspira profondément jusqu'à sentir les cicatrices de son torse le tirer. Il aurait pu rester comme ça toute la journée.
« - C'est joli, avoua-t-il en reposant son menton sur le crâne du blond. On pourrait mettre ton foutu arbre à chats dans le coin.
- Ne fais pas comme si tu ne l'appréciais pas autant que moi, pesta Keigo en lui pinçant les côtes. Il faudra faire attention à ce qu'ils ne sortent pas sur le balcon. »
Touya sentit son cœur s'envelopper dans du coton. Alors lui aussi, il se voyait déjà vivre ici… Ça le rassurait qu'ils soient sur la même longueur d'ondes, même s'ils avaient, pour l'instant, évité le sujet sensible par excellence. Le brun savait que ce n'était qu'une bombe à retardement, mais il pouvait encore un peu faire comme si le problème n'existait pas.
L'agent immobilier se réintéressa à eux une fois leur étreinte terminée. Il donna quelques informations complémentaires aux deux amants concernant le loyer ainsi que le montant des charges. L'appartement rentrait parfaitement dans leur budget. Finalement, le jeune homme s'éclipsa pour laisser au couple tout le temps qu'ils voulaient pour visiter les lieux. Il leur indiqua qu'il passerait des coups de fil dans le couloir en les attendant et il referma la porte d'entrée derrière lui.
« - Il sort alors qu'il nous a quasiment rien montré ? s'interrogea Touya en fixant la porte. Il en a marre d'enchaîner les visites ou q… »
Sa voix mourut lorsqu'il se tourna vers Keigo, qui semblait étonnamment intéressé par le lustre du salon. Touya fronça les sourcils et soupira. Son amoureux était un mannequin réputé mais un bien piètre acteur, le brun connaissait ses mimiques par cœur. Il allait le tuer.
« - Pardon, tu disais ? lui demanda Keigo, faisant mine de rien.
- Je vais te jeter par-dessus le balcon, promit Touya. Qu'est-ce que tu as encore fait ?
- Mais rien du tout ! »
En plus d'être un piètre acteur, il mentait très mal. Voyant que son petit ami n'abandonnerait pas, Keigo baissa le regard pour finalement avouer :
« - … Je lui ai juste demandé de nous laisser pour découvrir la chambre. C'est toujours le moment qui t'angoisse le plus, alors… Je me suis dit que… »
Il fixa ses pieds en se grattant l'arrière du crâne, habitude qu'il avait lorsqu'il était mal à l'aise. La tension dans les épaules de Touya s'évanouit instantanément ; il était incapable de lui en vouloir. Keigo était très précautionneux lorsqu'il s'agissait d'assurer le confort de son fiancé. Il n'hésitait jamais à requérir des aménagements pour que Touya soit le plus à l'aise possible. Touya avait détesté cette manie pendant bien des mois, la prenant à tort pour de la pitié. Il voulait juste… être aussi normal que tout le monde, sans que son état physique et mental n'ait de rôle à jouer là-dedans. Il savait désormais que ce n'était pas de la pitié, mais une preuve de l'amour profond que Keigo éprouvait pour lui. Le blond aurait décroché la Lune et les étoiles si Touya l'avait convaincu que cela l'aiderait à aller mieux.
Le brun ne se serait jamais cru capable d'aimer quelqu'un aussi fort.
Il soupira et ouvrit à nouveau ses bras, invitant Keigo à s'y réfugier – il le traita d'imbécile lorsque celui-ci nicha son nez dans son cou et le blond fit miner de bouder. Keigo n'était jamais à l'initiative des contacts physiques, par peur de brusquer Touya. Paradoxalement, c'était celui d'eux deux qui en avait le plus besoin. Il avait beau avoir été repéré très jeune par une agence de mannequinat, Keigo avait passé la majorité de son enfance en orphelinat. Touya était conscient que, même s'il n'en parlait que très rarement, cette expérience l'avait énormément marqué. Le grand brûlé culpabilisait souvent de ne pas pouvoir combler le manque d'affection que son fiancé traînait depuis sa jeunesse. Mais d'une certaine manière, cela le rassurait bizarrement de savoir qu'un être aussi parfait et bienheureux que Keigo avait, lui aussi, sa dose de traumatismes à gérer. Parfois, y penser parvenait à lui redonner confiance en l'avenir.
« - Pardon d'avoir été maladroit, s'excusa Keigo en dessinant des cercles dans le dos de Touya. Tu n'es pas fâché ?
- Évidemment que je ne suis pas fâché, crétin, assura Touya. Je vais pas t'en vouloir d'essayer d'être le copain parfait…
- Essayer ? Parce que je ne le suis pas ? »
Touya souffla du nez et Keigo le rejoignit dans un faible rire. Ils restèrent plusieurs secondes ainsi, dans les bras l'un de l'autre, dans le quasi-silence du salon brièvement entrecoupé par le bruit de la circulation avoisinante qui s'entendait en fond sonore. Ça, par contre, ça risquait d'être rapidement usant…
« - Faudrait pas qu'on fasse attendre l'agent immobilier trop longtemps. »
Le cœur de Touya s'emballa dès qu'il eut fini de parler. Keigo n'aurait pas osé le dépêcher, quand bien même la nuit aurait fini par tomber. L'heure était venue, ils allaient enfin aborder le fond du problème. La face cachée de l'iceberg que le grand brûlé aurait préféré laisser dans les profondeurs de l'océan.
Keigo se redressa et plongea ses topazes dans le bleu profond des yeux de Touya. Ce dernier replaça une mèche blonde derrière son oreille et laissa sa main contre sa joue. Il était magnifique… Touya aurait bien volontiers passé l'éternité à dévisager Keigo de la sorte, à imprimer chaque millimètre de son beau visage dans son esprit. Malheureusement, il n'avait pas autant de temps devant lui. Il avait déjà gâché sept années de sa vie à avancer à reculons, il était temps qu'il aille de l'avant. Tant que Keigo lui tiendrait la main, il pourrait avancer jusqu'à ne plus sentir ses jambes.
« - Tu es sûr ? s'inquiéta tout de même Keigo. Tu te sens prêt ? »
Par peur que sa voix trahisse son malaise, Touya ne répondit rien. Il se contenta de hocher la tête, puis de suivre les pas de Keigo quand celui-ci le mena vers le couloir. Ils découvrirent tout d'abord la salle de bain, légèrement plus petite que celle de l'actuel appartement du blond, mais qui comportait une grande baignoire. À sa droite se trouvait une chambre d'amis qui pourrait très facilement être transformée en bureau pour Touya ; être developer web était un métier plutôt confortable, mais nécessitait des aménagements bien spécifiques.
En face, la chambre à coucher.
Touya fixa la porte comme si elle était celle des Enfers. L'entièreté de ses peurs, ses craintes et ses angoisses étaient renfermées dans cette chambre. Dans n'importe quelle chambre. Il craignait qu'en l'ouvrant, il soit noyé par le torrent de larmes qu'il avait pu y verser, broyé par tous les coups qu'il y avait reçus, psychologiquement détruit par tous les mots, les phrases, les réflexions qu'il avait endurées pendant des mois sans jamais osé se rebeller. Il savait que ce n'était pas la même chambre que celle de son passé, celle de ses cauchemars, mais où était la différence ? Keigo pourrait très bien- non. Keigo n'était pas comme ça. Keigo n'était pas lui. Keigo ne lui ferait jamais aucun mal. Il ne le blesserait jamais au point que l'immeuble entier entende ses hurlements d'agonie.
Keigo n'était pas lui.
C'était le huitième appartement qu'ils visitaient. Touya n'avait pas eu le courage de se rendre aux deux premières visites. Le troisième appartement était mal placé, le quatrième trop petit, le cinquième trop grand, le sixième trop cher. Touya avait failli s'évanouir en découvrant la chambre parentale du septième, qui ressemblait trait pour trait à celle de son tout premier appartement. Cette fois-ci devait forcément être la bonne, après quoi il considérerait ses chances d'avoir une vie conjugale normale comme nulles. Il inspira un grand coup. Tout allait bien se passer.
« - Tu veux qu'on ouvre la porte en même temps ? »
Touya secoua la tête pour éviter de répondre oralement. Sa main tremblante avança vers la poignée, il tressaillit lorsqu'il la sentit entre ses doigts. Tout allait bien se passer. Les chances étaient déjà suffisamment minces pour que deux chambres de deux logements différents soient identiques, il y en avait encore moins que ce soit le cas pour un troisième.
Plutôt que d'ouvrir lentement, il propulsa la porte contre le mur voisin. Elle claqua dans un bruit assourdissant, mais ni Keigo ni lui ne firent la moindre remarque à ce sujet. Le regard paniqué de Touya balaya la pièce avec précipitation, il aurait parié qu'un flot de larmes auraient bordé ses yeux s'il avait encore été en capacité de pleurer.
La pièce était vide.
Kai n'était pas là.
Il pénétra lentement dans la pièce. La disposition des meubles lui faisait penser à la chambre de Keigo, le lit king size installé face à la fenêtre plutôt qu'au centre de la pièce. Le mannequin adorait regarder les étoiles en s'endormant et Touya avait fini par prendre cette habitude. Ils pouvaient désormais identifier au moins quatre constellations et connaissaient de nombreux mythes concernant certaines étoiles. L'armoire contre le mur du fond était immense, de quoi ravir Keigo qui la dévisageait avec admiration. Touya soupira en s'imaginant la quantité de vêtements qu'il allait y foutre, plus celle qu'il irait acheter pour « combler le vide ». Même s'ils ne vivaient pas encore ensemble, il avait déjà cerné certaines de ses habitudes.
« - Qu'est-ce que tu en penses ? » osa demander Keigo dans un murmure.
Touya lui-même ne savait pas trop. Il était étrangement calme et il s'inquiétait de ne pas paniquer. Il avait beau chercher des points négatifs à la pièce, il n'en trouvait aucun. Son cœur ne s'emballait pas, sa respiration non plus. Il se sentait… bien. C'était comme s'il avait eu un déclic miraculeux et que ses traumatismes étaient enfin derrière lui. Il était conscient que c'était loin d'être aussi simple, mais dans ce cas, pourquoi n'éprouvait-il aucune inquiétude alors qu'il s'était évanoui lors de la précédente visite ?
Il sentit la présence de Keigo dans son dos et il se tourna vers lui. Ce dernier n'avait pas lâché sa main, qu'il caressait du bout du pouce avec tendresse. Son regard débordait de tellement d'amour… C'était peut-être ça qui avait chassé toutes les mauvaises pensées de Touya. Keigo était bien le seul capable d'un tel miracle.
« - J'en pense que je dois être le gars le plus chanceux au monde, avoua-t-il finalement.
- Pour m'avoir dans ta vie ? rétorqua Keigo d'un air taquin. Mon cœur, ça, tout le monde le sait. Mais je te parlais plutôt de la chambre… »
En pestant, Touya lui tira le bras pour qu'il s'écroule dans ses bras. Celui-là alors, il ne ratait jamais une occasion de détendre l'atmosphère en blaguant… C'était bien le trait de caractère que Touya appréciait le plus chez lui.
« - Elle est très bien, dit simplement le brun. Elle a l'air plus grande que la tienne.
- Oui, j'en ai aussi l'impression, confirma Keigo. On aurait certainement la place de mettre deux lits… »
Les sourcils de Touya se froncèrent. Non, il n'y pensait quand même pas. Il saisit délicatement le menton de Keigo pour relever son visage vers le sien. Il le dévisageait toujours du même regard, rempli d'amour et de compassion. Touya lui aurait volé un baiser s'il n'était pas sur le point de l'engueuler.
« - Kei', on en a déjà parlé. C'est hors de question.
- Mais, protesta le mannequin, si jamais tu-
- Si jamais ça va pas, t'iras pieuter sur le canapé, le coupa Touya, campé sur ses positions. Le but qu'on s'installe ensemble, c'est qu'on ait une vraie vie de couple. Autant que je reste chez mes parents si on fait chambre à part. »
Keigo replongea dans les bras de son amant en boudant. Ils avaient tous les deux conscience que Touya avait raison, mais ce dernier savait que le blond cherchait simplement à le ménager. Ils avaient commencé à dormir ensemble seulement après trois ans de relation. Il arrivait encore à Touya de se réveiller en sursaut et de s'éclipser en espérant que son fiancé ne remarque rien – puis même si celui-ci remarquait quelque chose, il ne disait jamais quoi que ce soit. Mais Touya était sincère. S'il s'installait avec Keigo, c'était pour démarrer une toute nouvelle vie avec lui, non plus tenter de raccrocher les morceaux de son existence avec le mannequin comme spectateur.
« - Tu n'es pas le seul à angoisser, tu sais, chuchota Keigo en soupirant contre son torse. Je suis tellement stressé à l'idée que tu penses que je te force à faire quoi que ce soit, que… que notre vie commune te rappelle de mauvais souvenirs, ou… »
Touya reprit son visage entre ses mains et planta son regard grave dans le sien. Keigo était un expert lorsqu'il s'agissait de garder ses sentiments négatifs pour lui, par crainte de surcharger le brun qui avait déjà bien à faire de son côté. Il était tellement gentil. Bon sang, ce que Touya pouvait l'aimer.
Il aurait voulu lui dire que jamais, au grand jamais, leur relation ne pourrait lui faire penser à celle qu'il avait eue avec son ancien partenaire. La toute première relation de Touya n'avait été qu'une succession d'erreurs, entre le fait de draguer un type plus vieux simplement pour faire enrager son père, offrir à ce même type sa première fois à l'arrière de sa voiture, ou emménager avec dès qu'il était devenu majeur. Mais c'est ce qui avait séduit le brun dès le départ ; se lancer dans une relation qui le détruirait pour qu'il puisse se sentir vivant. Il ne s'était simplement pas attendu à… ça.
C'était allé au-delà de tout ce qu'il avait pu imaginer. Touya était devenu un défouloir pour Kai, avec lequel celui-ci prenait un plaisir malsain en l'humiliant, en le blessant de toutes les manières possibles. Kai avait fait de la situation la plus banale un cauchemar, transformant les rendez-vous galants en sources de profonde appréhension, les cadeaux et les marques d'affection en causes d'angoisse profonde, les relations sexuelles en moments de souffrance totale. Comme si l'être entier de Touya n'était plus qu'un pantin incapable de réflexion et qui lui était entièrement dû. Touya avait lui-même fini par en être convaincu, jusqu'au jour où un reportage sur les violences conjugales lui avait fait prendre conscience de l'horreur qu'était devenue sa vie.
Il avait attendu que Kai soit au travail pour rassembler le peu d'affaires qu'il avait dans une valise, avait appelé son père en pleurant et s'excusant au téléphone, le suppliant de venir le sauver – plutôt que de venir le chercher. Il n'y avait qu'une quarantaine de kilomètres qui séparaient la maison familiale des Todoroki et l'appartement de Touya. Une distance assez grande pour permettre à Kai de rentrer plus tôt du travail et d'asperger Touya et leur chambre d'essence avant d'y mettre feu.
Keigo ne pourrait jamais lui faire penser à Kai. Chaque fois que le mannequin le regardait, Touya se sentait comme la huitième merveille du monde. Chacun de ses mots, de ses gestes, de ses sourires, dégoulinait de l'amour qu'il pouvait lui porter. C'était déjà le cas quand ils se connaissaient à peine. Touya l'avait fait tourner en bourrique en utilisant l'alcool comme excuse à leur baiser lors de l'anniversaire de Natsuo et c'était rapidement devenu son excuse favorite. Il l'avait utilisée à chacun de leurs rencards au lieu d'assumer qu'il était peut-être attiré par le binôme de son petit frère. Keigo l'avait beaucoup charrié, mais ne le lui avait jamais reproché. Dès le début, Keigo s'était comporté comme un ange. Il ne pourrait jamais lui faire penser à Kai.
Touya aurait voulu lui dire toutes ces choses, mais aucun mot ne sortit de sa gorge. Perdu dans la contemplation du visage de celui qu'il aimait, c'était comme si plus rien d'autre n'avait de sens que leur bonheur. C'était tout ce qui comptait, à présent. Le bonheur de la vie commune qu'ils étaient sur le point de démarrer. Puisque les mots ne viendraient probablement pas, Touya se pencha pour déposer délicatement ses lèvres sur celles de Keigo. Il le sentit sourire contre lui, puis soupirer d'aise lorsque leurs langues finirent par se rencontrer. Touya saisit Keigo par les cuisses pour le soulever et le faire tourner comme une princesse. Le rire joyeux et mélodieux du mannequin irradia la pièce comme la plus belle des lumières et bon sang. Touya était tellement, tellement heureux.
« - Je t'aime, Kei'.
- Je t'aime aussi, Touya. »
Ils se serrèrent encore dans les bras l'un de l'autre, comme s'ils venaient de célébrer leur union. Un an plus tard, ils le firent officiellement.
Messieurs Todoroki se marièrent aux États-Unis, mais fêtèrent leurs noces dans leur appartement en compagnie de leurs proches. Tenko battit Touya à plate couture sur Smash Bros – comme d'habitude – pendant que Keigo discutait avec ses désormais beaux-parents. La nuit qui suivit la fête fût la première où Touya offrit à Keigo ce qu'il pensait ne plus jamais pouvoir offrir à qui que ce soit. Ils passèrent des nuits entières à regarder les étoiles depuis leur lit, à visionner des documentaires animaliers dans leur salon, à partager des instants de pur bonheur à n'en plus finir. Au fil des années, Touya n'eut plus besoin de prendre ses médicaments ; Keigo et l'amour qu'il lui portait étaient le remède à tous ses maux. Ils ne déménagèrent jamais, nostalgiques de ce tout premier appartement où ils partagèrent tant, toutes ces années qui ne furent que joie et amour. Jusqu'à leurs vieux jours, Keigo et Touya regardèrent chaque soir les étoiles depuis leur lit, comme si c'était la toute première fois.
Touya n'aurait jamais pu rêver d'un avenir aussi radieux.
