Chapitre 3: Dans les Ténèbres

Porpentina dit au revoir au Professeur Chourave et ferma la porte vitrée de la serre derrière elle avec douceur. Elle soupira, et ajusta la lanière de son cartable sur son épaule, fatiguée après le cours de rattrapage. Non que Porpentina ait besoin de cours de rattrapage, mais la Botanique était sa matière la plus faible et elle devait admettre qu'elle avait besoin d'aide. Bon, elle avait encore deux ans devant elle avant les BUSEs, mais mieux valait mettre toutes les chances de son côté. En plus, ça n'aurait simplement rien dû lui faire que ses notes soient moins bonnes que celles des meilleurs, comme il convenait à tout Serpentard qui se respecte. Elle se mit en route à travers le terrain vers le château, se demandant ce que ses camarades de Maison faisaient. Probablement vautrés dans leurs lits, ronflant si fort qu'ils pourraient chasser les chauves-souris, songea Porpentina avec une ironie désabusée. Mais, réfléchit-elle, étant donné nos conditions de vie, ce ne serait probablement peut-être pas une si mauvaise chose.

L'air de la nuit était frais, et les lueurs du château semblaient lointaines et faibles. Les nuages masquaient la lune presque pleine et couvraient le terrain d'obscurité. A l'occasion, un hibou hululait dans les hauteurs, la faisant sursauter, et des gémissements plutôt mystérieux semblaient venir de la Forêt Interdite. Elle pressa le pas, et se demanda ce qui lui avait prit de refuser l'offre du Professeur Chourave de l'escorter jusqu'au château. Elle se concentra sur ses pieds, essayant d'ignorer les bruissements et les sons de déplacement furtifs derrière elle, et marcha aussi vite qu'elle put sans vraiment se mettre à courir.

Juste à ce moment-là, quelque chose lui rentra dedans.

Porpentina se retourna, et donna à quoi que ce fut qui l'attaquait un coup efficace avec son cartable. Je savais bien que ce tome de 980 pages d'Exercices de Sortilèges que je trimballe tout le temps me serait utile…mais pas de cette façon, pensa t-elle. Son assaillant s'écroula au sol en grognant, et cria d'une voix hélas familière : "C'était pour quoi, ça? Tu ne peux pas être à ce point en colère contre moi! Et de toute façon, je venais m'excuser."

Les nuages qui couvraient la lune se déchirèrent, elle distingua les traits de son agresseur sous la lumière argentée avec un vif soulagement, confirmée dans ses soupçons.

"Newt Scamander! C'est une idée de blague? Essayer de me faire mourir de peur? T'avais pas une retenue aujourd'hui? Qu'est-ce que tu fais dehors, d'ailleurs?" Porpentina fit une pause, l'air plus furieuse que jamais. "Donne-moi une seule bonne raison pour que je ne te réduise pas en charpie immédiatement!"

Newt se releva lentement, serrant toujours son épaule souffrante. "Pour répondre à tes questions... Non. Non. Oui, mais je me suis arrangé pour me sauver. Un hippogriffe s'est aventuré dans la Forêt Interdite et nous devons le sauver. Et pour finir, tu regretterais de ternir ton record parfait en perdant des points pour avoir frappé un autre élève."

Porpentina ignora le dernier commentaire et fixa Newt avec suspicion. "Et qu'est-ce que ça peut faire si une créature est dans la Forêt Interdite? C'est là qu'elles vivent. Et qu'est-ce que tu veux dire par 'nous' devons le sauver?"

Newt se balança d'un pied sur l'autre, l'air vraiment mal à l'aise. "J'ai besoin de ton aide. Cet Hippogriffe, c'est mon... le préféré de ma mère. Tu sais, celui qui est célèbre."

Porpentina hocha la tête. "Oui. Patrick m'en a parlé."

Newt frémit, bien que cette fois ça ne semblait pas être de douleur. "Oui, bon. Je ne sais pas ce qui est arrivé à cet hippogriffe, mais il s'est aventuré dans la Forêt, et il va vraiment se faire du mal... ou pire, si on ne le sort pas de là. Je pense qu'il est malade ou quelque chose comme ça. Il s'est presque envolé dans la Forêt quand je l'ai monté aujourd'hui." Porpentina sourit à ça cette allusion.

"S'il te plaît," insista Newt. "Je n'arrive pas à trouver Patrick et je ne vois personne d'autre qui pourrait m'aider. Je n'ai pas ma baguette. J'ai besoin que tu m'aides. Je ferai n'importe quoi!"

Le visage de Porpentina s'étira en un faux sourire innocent. "N'importe quoi?"

Newt déglutit et hocha la tête. Les sourcils de Porpentina se plissèrent, comme toujours quand elle réfléchissait dur. Elle demanda, "Tu es sûr que ce n'est pas dangereux si on va là-dedans?"

"Non! J'y suis allé plein de fois, et j'ai jamais été blessé," dit-il, presque un peu trop vite.

Porpentina n'arrivait pas à décider si elle allait faire confiance à Newt ou pas, mais elle se dit que ça pourrait être intéressant de découvrir à quoi ressemblait cet endroit à la réputation si mauvaise. Si un idiot comme Newt pouvait sortir de là sans une égratignure, alors comment ça pouvait être dangereux? Et en plus, avoir un Gryffondor complètement à sa merci pouvait être très bénéfique.

Elle sortit sa baguette de sa robe, ajusta de nouveau la lanière de son sac, et retroussa ses manches. "Je ne peux pas croire que je suis en train de dire ça, mais je vais t'aider. En plus, en tant que Serpentard j'ai une dette envers cet hippogriffe. Il nous a assuré la victoire de la Coupe des Maisons pour la quatrième année consécutive."

Pendant les dix premières minutes, la lumière de la lune éclaira leur chemin, mais plus ils s'enfonçaient dans la Forêt, plus elle devenait dense ; et la voûte de feuillages au-dessus d'eux se ferma bientôt, empêchant les rayons de la lune de pénétrer dans les ténèbres qui les environnèrent soudain. La baguette de Porpentina ne délivrait qu'un faible rayon de lumière, ce qui était difficilement suffisant pour leur permettre d'observer les environs. Elle menait la marche, et Newt la talonnait, appelant Eddy à grands cris toutes les deux secondes. La frondaison devint de plus en plus épaisse, et ils devaient souvent baisser la tête pour éviter de se cogner dans les branches basses. Porpentina tremblait de partout, et pas seulement de froid. Elle n'avait pas imaginé que la Forêt pouvait être si intimidante, et elle connaissait à peine quelques sorts puissants qui pourraient les aider au cas où des bêtes sauvages les attaqueraient, ou même pire, si elle ou Newt était contaminés par quelque poison des plantes vénéneuses qu'elle avait vu dans les livres... Si ça arrivait, au moment où ils s'en rendraient compte, il serait trop tard pour leur administrer l'antidote.

Porpentina se retourna et dirigea la lumière de sa baguette juste sur le visage de Newt, le regardant droit dans les yeux. "Newt," chuchota t-elle, jetant des coups d'œil apeurés aux alentours. "Partons d'ici, maintenant. J'ai un très mauvais pressentiment. Ton hippogriffe trouvera son chemin lui-même. S'il te plaît, partons."

Newt sourit, ce qui était la dernière chose à quoi Porpentina s'attendait à ce qu'il fasse. "Du calme. On est toujours à la lisière. La plupart des animaux vivent à l'intérieur de la Forêt. Et puis, tu n'as pas remarqué qu'on suit un sentier?" demanda t-il, désignant le sol. Porpentina remarqua alors qu'ils avaient en effet marché sur une piste, même si c'était plutôt une voie étroite où la végétation semblait relativement moins dense que le reste.

Newt recommença à appeler Eddy, et Porpentina se reprit un peu. Elle se retourna et continua à marcher, gardant à présent les yeux sur le chemin de fortune. Elle avait toujours peur, mais Newt semblait savoir ce qu'il faisait, et quelque part cela la rassurait.

Mais elle ne pouvait toujours pas échapper à la sensation qu'elle n'était pas censée être là. Toute la forêt semblait l'observer, lui disant silencieusement que ce n'était pas sa place, et que sa présence ici dérangeait l'ordre naturel des choses. Les arbres semblaient la regarder sinistrement, étirant leurs membres noueux, comme si ça les démangeaient juste de se pencher et de l'attraper. Porpentina secoua la tête dans une tentative pour chasser ces pensées capricieuses. Ce n'était pas le moment de laisser son imagination s'emballer. Mais elle ne pouvait toujours pas se défaire du sentiment inconfortable d'être surveillée de partout.

Newt n'avait de toute évidence pas de tels scrupules. Il trompetait tout du long derrière elle, presque joyeusement, appelant toujours son animal de compagnie bien-aimé. Il agit comme s'il était le propriétaire des lieux, pensa Porpentina avec dégoût. C'est un truc de garçon? Je ne vois vraiment pas Patrick s'approcher de cette zone... même s'il était là, il ne sourirait pas comme un idiot et agirait comme si c'était une foutue marche forcée.

"Alors... tu viens souvent ici?" demanda t-elle, dans une tentative pour faire la conversation.

"Des fois," répondit Newt. "Quand je veux... m'éloigner de certaines choses."

"Oh," dit-elle en comprenant, et tous deux s'enferrèrent dans le silence, sauf quand Newt continuait à appeler Eddy toutes les secondes, bien qu'avec un peu d'inquiétude à présent.

Porpentina s'arrêta en cours de route pour libérer sa robe d'un arbuste épineux dans laquelle elle s'était accrochée, et murmura "Newt, est-ce que tu sais seulement où est ton hippogriffe? Ca fait déjà vingt minutes qu'on est là, tu crois pas qu'on l'aurait déjà trouvé?"

Sans prévenir, Newt s'élança soudainement. "Hé, attend!" cria Porpentina, sa robe toujours prise dans l'arbuste. "Il est par là!" entendit-elle crier Newt, et elle soupira. Avec un dernier coup sec, elle libéra sa robe, ajusta son sac sur son épaule, et se mit en route avec précaution dans la direction prise par Newt. Elle réalisa que la lumière de la lune était plus visible désormais, et que les arbres n'étaient plus aussi serrés les uns contre les autres. Elle pouvait apercevoir Newt, à demi dissimulé par les branches, qui se tenait dans ce qui semblait être une clairière au milieu de la Forêt. En s'approchant, elle eut finalement la vision du célèbre hippogriffe Eddy. Sa première réaction fut d'être contrariée. L'hippogriffe ne ressemblait pas vraiment à ce qu'elle avait imaginé. Pour une bête qui avait acquis une renommée mondiale, il paraissait vraiment pathétique, avec ses yeux tombant et sa silhouette affaissée. Elle ravala une insulte et jeta un œil à Newt.

"Viens là... et incline-toi. Attend qu'il s'incline aussi," dit-il, d'une voix très incertaine. Qu'est-ce qui l'inquiète? songea Porpentina avec irritation. On a trouvé cette satanée chose, non? Cependant, elle s'avança timidement vers l'hippogriffe, et s'inclina avec raideur. L'hippogriffe s'inclina alors avec presque autant de répugnance et Newt sembla se détendre un peu. "Je ne sais pas ce qui ne va pas avec lui... il n'a jamais demandé que quelqu'un l'approche comme ça. C'est presque comme si... il était en colère qu'on l'ait trouvé," murmura t-il doucement pour lui-même.

Porpentina fut soudainement consciente de nombreuses paires d'yeux incandescents qui les fixaient à travers les ténèbres. Saisissant fermement sa baguette, elle se tourna vers Newt et fit un signe de tête en direction des points fluorescents. Les yeux de Newt s'écarquillèrent et il grimpa d'un bond sur le dos de l'hippogriffe. Il tendit ensuite la main à Porpentina pour l'aider à monter sur l'animal. La mâchoire de Porpentina se décrocha. "Je suis censée monter sur l'hippogriffe?" questionna t-elle avec incrédulité.

"Porpentina, ce n'est pas le moment de faire la dégoûtée! Monte qu'on puisse partir!"

Mais Eddy avait de toute évidence d'autres projets. Il se tortilla et lutta, et sur son dos, Newt, surpris, glissa jusqu'au sol. Newt se releva et s'adressa doucement à l'animal, "Quel est le problème, mon vieux? Tu ne vois pas qu'il faut qu'on parte maintenant? C'est dangereux ici... Allons-y." Sur ce, il saisit le morceau de corde qui pendait toujours au cou d'Eddy et le tira avec douceur. L'hippogriffe sembla s'adoucir, et commença à marcher avec lenteur auprès de Newt, la tête baissée.

Quand Newt rejoignit Porpentina, il chuchota "Je ne pense pas qu'il veuille voler. Je ne pense même pas qu'il veuille quitter cet endroit. En fait," dit-il sur le ton de la confidence, sa voix baissant encore d'un ton, "il devrait être temps de faire une autre visite au V-E-T-O-M-A-G-E."

Porpentina roula des yeux, même si elle savait que l'effet était perdu dans le noir. "Tu parles comme s'il comprenait ce que tu disais."

"Oh, on se comprend parfaitement tous les deux, pas vrai, vieux?" dit Newt avec affection, se tournant vers Eddy. Mais Eddy continua de marcher de mauvaise grâce, la tête basse et en traînant la patte. Porpentina nota avec soulagement que certains des yeux lumineux derrière eux semblaient avoir disparus maintenant qu'ils étaient en compagnie de l'hippogriffe. Mais certains surgissaient dans l'ombre des arbres, la fixant. Quel endroit affreux. Je doute que la Forêt soit moins intimidante de jour. Un peu peut-être, mais pas trop. Je n'arrive vraiment pas à imaginer de gentils écureuils habitant ces troncs d'arbres.

Brusquement, Eddy redressa la tête, et il commença à tirer sur sa longe, ses yeux agrandis par la peur. Newt lutta pour maintenir sa prise sur son hippogriffe, tout en lui parlant de façon rassurante. Cependant, Eddy semblait vouloir quitter cet endroit aussi vite que possible. Sans un mot, Newt monta son animal, et tendit de nouveau la main pour que Porpentina le rejoigne. Effrayée, elle n'hésita pas. Quand elle fut devant Newt, il lui dit, "Eddy a senti du danger. Je crois qu'il est prêt à partir maintenant."

Porpentina hacha la tête sans un mot, réalisant que monter un hippogriffe n'était pas aussi facile que Newt semblait le faire. Elle sentait que si elle serrait quelques-unes des plumes de l'animal pour conserver son équilibre, elles lui échapperaient des mains. Finalement, elle enroula ses bras autour du cou osseux de l'hippogriffe, et elle sentit Newt attraper son cartable pour garder l'équilibre tandis qu'Eddy commençait à galoper hors de la clairière. Pendant quelques secondes, elle bougea à peine tellement elle avait peur, et puis elle risqua un œil derrière elle. Elle remarqua de nombreuses grandes silhouettes lourdaudes qui les suivaient et elle gémit de désarroi.

"T'inquiète pas," entendit-elle Newt chuchoter. "Tout ira bi- arrgh!"

Surgie de nulle part, une énorme branche basse avait frappé Newt, l'assommant et le jetant à bas de l'hippogriffe. "Newt!" cria Porpentina de terreur, agrippant toujours le cou de l'hippogriffe, alors que Newt s'écroulait à terre, son corps paraissant de plus en plus petit pour Porpentina tandis que l'hippogriffe continuait à avancer rapidement.