Défilé

Entre passé, réalité et futur

Encore souvenirs

Les souvenirs d'un hommeconstituent sa proprebibliothèqueA. Huxley

Quelle est la différence entre le passé et les souvenirs ? Pour moi, les souvenirs font le passé, et pas l'inverse. Le passé est un laps de temps où sont compressés pleins de souvenirs. Ceux-ci sont une infime partie de la vie, alors que le passé, toute une époque. Ceux qui me passent par la tête sont bien évidement ceux qui concernent mon japonais. Parce que ce sont les meilleurs. Parce que mon passé, un gros nœud de souvenirs compressés, ne m'intéresse plus, je préfère voir un souvenir comme on effiloche un pull de laine au lieu de le mettre, parce que ça a été un grand changement, et même, un bouleversement. Tout a basculé vers une autre voie quand je l'ai rencontré, ça a été un tournant de ma vie comme de la sienne. Je lui ai appris des choses que moi-même je ne savais pas très bien.

Un autre jour, avant qu'on sorte ensemble, nous parlions de l'amour et du flirt, de la différence. Il n'en voyait pas. Il m'avait vu avec quelques copines au début, bras dessus bras dessous, je l'embrassais dans le cou, elle, sur la bouche, je posais mes mains sur son bas du dos… Voila et deux ou trois semaines plus tard, c'était fini, et c'était reparti encore une semaine plus tard avec une autre fille. N'allez pas croire que j'étais triste de l'avoir quitté. Le flirt, je lui ai expliqué que c'était un jeu. Un regard, plusieurs regards, quelques phrases échangées, flatteuses, dragueuses ou humoristiques, et peu de temps plus tard ça y est, les deux personnes sortent ensemble pour se séparer quelques temps plus tard et en parler comme si de rien n'était. Et si ça ne marche pas dés le départ, eh ben c'est pas grave. On y repensera plus tard en disant « J'ai faillis sortir avec intel. » sans ressentir la moindre ombre de tristesse, presque en blaguant. Des fois on se dit même qu'on était vraiment en manque pour avoir flirté avec intel. Après tout, il n'était pas spécialement beau et il était con. On se demande pourquoi on a flirté avec lui. Quant on repense à intel, on garde une image dérisoire, presque ridicule de lui.

Il m'a demandé ce que c'était d'aimer puisque moi je lui avais demandé s'il été déjà tombé amoureux. Quand on aime une personne, au début, on ne sait pas. On le regarde avec intrigue, on l'observe de biais, on l'a remarqué, on l'écoute quand il parle dans le groupe où on est. Quand on le sait, mais on ne sait pas si c'est réciproque et où on en doute, on essaye d'être le plus possible en sa présence, on essaye de lui parler. Quand il nous écoute, c'est magnifique, quand il nous répond, on est aux anges. C'est peut être le début d'une grande aventure. Il nous a adressé la parole ! A nous ! Et pendant toute la journée on ne s'en remet pas. Après, on essaye tout pour capter son regard, mais en même temps on ne veut pas qu'il nous voie. Quand il nous regarde, on ne sait plus ou se mettre, ou regarder. Quand nos yeux se croisent, on a l'impression qu'on trou noir se créer pour nous aspirer dedans. Il faut vite détourner le regard, faire semblant de n'avoir rien vu. Quand il n'est pas là, c'est un manque qu'on ressent. Rien ne nous parait plus intéressant. Quand on est triste, quand on pleure à propose de n'importe quoi, on se met à penser à lui, ce qui ne nous réconforte pas. Et après on ne sait plus pourquoi on pleure, et on arrive à dériver cette tristesse. En fin de compte on pleure parce qu'on est seul et que lui ne nous remarque pas. Plus rien d'autre n'est important. On désire sa présence, même si ce n'est pour rien faire avec lui. On aimerait qu'il nous parle à nous et à nous seul, on cherche partout des signes qui supposeraient que cet amour est réciproque. On rêve de lui sans y être conscient. On parle de lui à nos amis, et quoi qu'il fasse, ça a toujours une signification. Dés qu'on est avec lui, on ne sait pas trop quoi dire, on parle de tout et de rien et après on regrette et on se sent ridicule, on se dit qu'il n'a jamais vu personne d'aussi pitoyable que nous, et qu'on a perdu toutes chances de finir avec lui. On l'espionne de loin, même quand on est occupé à faire autre chose. Puis, quand on le voit avec d'autres amis, on est nostalgique. On aimerait le faire rire comme le font ses amis. On aimerait lui apporter des moments comme ceux-ci. Le pire, c'est quand on le vois avec des filles entrain de rire ou de les taquiner. C'est de la jalousie mêlée à de l'impuissance et à de la mélancolie qui nous envahis. On se sent insignifiant, et on se dit qu'on a aucune chance face à ces filles qui passent plus de temps avec lui qu'avec nous, et à qui il dit plus de mots qu'à nous. On perd tout espoir. Mais quelque chose, notre subconscient, n'a pas envie d'abandonner, et on s'accroche presque désespérément. Ca serait tellement beau si on se trompait, que finalement, il ne s'intéressait qu'à nous. Parfois on se demande, à quoi bon ? Mais on continu sans savoir pourquoi à espérer, une très faible espérance. On aimerait aussi qu'il sache combien il compte pour nous, mais on a peur de la réaction. On a aussi peur de notre réaction si ça se passe bien ou si ça se passe mal.

Alors que le flirt et la haine n'ont aucun rapport, l'amour et la haine sont parfois liés.

Et si ça ne marche pas, si ce n'est pas réciproque, c'est l'abîme, un nouveau trou noir et on essaye d'oublier. C'est un coup de couteau qu'on reçoit, une falaise de laquelle on tombe. On se dit que si on le déteste, on ne l'aimera plus, mais on se trompe. On fait des choses idiotes, sans trop savoir pourquoi, on l'ignore pour s'en faire un ennemi. Et après on se lamente qu'il ne veut même plus nous fréquenter alors que c'est nous qui avons tout fait pour. L'amour et le désespoir mélangées nous font faire des choses bizarres. On fini par le haïr pour ne pas nous avoir aimer, et pour ne plus l'aimer. Mais au fond de nous, on le désire toujours. Après 3 ans, on pense toujours à lui. On ne le voit plus mais on n'y pense pas moins. On a son visage dans la tête, son sourire ne veut plus nous quitter, chacun de ses gestes son gravés en nous. Après 5 ans, on commence à oublier un peu son physique pour de vrai, mais on éprouve un profond regret quand on repense à lui, ce qui nous arrive souvent. On se souvient juste qu'il était beau, très beau. Quand on pense à lui, c'est une image pathétique qui nous apparaît. Et on devient mélancolique. On n'a pas oublié combien il nous a fait mal, et on ne l'oubliera jamais, c'est pour ça qu'une partie de nous le hait. Il nous a blessé au plus profond, et la blessure se guérit en laissent une cicatrice qui peut se rouvrir facilement. Il nous a brisé quelques années de notre vie, et jamais on arrive à aimer une autre personne que lui autant que lui. On se dit que c'est impossible. Partant de là, il semble être au dessus de tout. On n'arrive pas non plus à haïr plus fort. C'est presque devenu un dieu, une exception, un être humain à part.

Il m'a dit que non, il n'a jamais ressenti ça. Et moi ? Non, moi non plus. Enfin, je ne lui ai pas précisé 'jusqu'à ce que je te connaisse'.