Défilé
Entre passé, réalité et futur
Réalité et futur
Les souvenirs sont beaux et c'est pour cela qu'ils me reviennent maintenant. Ils valent la peine que je m'en souvienne, parce que c'est eux qui me berce à cet instant précis, qui font que ma peine est plus grande, qui me font réaliser que la réalité est laide et que je n'ai pas de futur.
Je me rappelle de la promesse qu'on s'est fait avec mon japonais, la promesse qui nous servait de lois. Ne pas demander, même dans le besoin le plus urgent, même dans le désespoir, à ce que l'autre vienne nous voir. Ne pas crier, ni même chuchoter son nom. Car la société nous regarderai d'une différente manière si nous étions découvert comme homosexuel, même mort.
J'avais pris une décision seul, mais en ayant observé Heero depuis quelques semaines. Sans qu'il le sache je suis sorti à un endroit précis. Nous avons 24 ans et nous sommes en plein dans les études. C'est jeune, mais c'était le premier pas. Je voulais lui offrir quelque chose de symbolique. Ce que je craignais, c'est qu'il le rejette, qu'il me rejette, encore une fois c'était kit ou double, mais il me semblais que j'étais chanceux à ce jeu. Il fallait tenter. Je suis allé par un magnifique matin, un mardi, dans une bijouterie. Je m'en souviens comme si c'était hier.
En fait, c'était aujourd'hui.
Je suis entré dans cette bijouterie en ville, qui avait une bonne réputation. Elle était petite, ça brillait de partout dans les vitrines. Les murs étaient peints en bleu marine, mais la pièce n'était pas sombre. L'ambiance était plutôt du style « Mille et une nuits ». Il y avait une jeune femme -la 30aine- avec une petite fille, la sienne en locurence, qui devait avoir 7 ou 8 ans. La gamine regardait avec émerveillement les bijoux que lui montrait sa mère amusée en criant « Oh c'est beau ! Je peux avoir ça maman ? Oh ! Regarde ça ! ». J'étais un peu attendri et c'était marrant à voir. La maman qui me vit sourire me sourit à son tour, partageant le spectacle, nos regards se croisant. Mais je ne restais pas longtemps à regarder la scène. J'étais venu pour quelque chose de spécial. Je voulais voir des modèles de bagues de fiançailles. Mon plan avait été de prendre discrètement la taille du doigt de mon japonais, chose que j'avais réussi à faire récemment.
Un homme était prêt à m'offrir son aide, voyant que je scrutais les vitrines. Il avait un costume smart, et avait l'air de quelqu'un de très droit, sympathique et honnête.
Soudain entra en claquant la porte de verre deux autre hommes. Ceux là avaient une tout autre allure, moins rassurante, moins smart. Ils portaient des vestes en cuir noir, l'un un jean bleu et l'autre un pantalon noir… et des cagoules. L'un avait un sac poubelle vide à la main, l'autre un revolver.
« A terre ! Tout le monde !
Le 2e nous menaçait avec son arme. L'autre commença à briser sauvagement toutes les vitrines une par une et à fourrer en catastrophe tous les bijoux qui lui passaient sous la main, en oubliant un ou deux à chaque vitrine. La gosse se mit à crier et à pleurer d'effroi pendant que sa mère également tétanisée la couvraient de son corps. J'était au beau milieu du magasin, debout, je regardais le caissier se coucher par terre completement paniqué et le directeur arriver en trombe, alerté par les bruits. Le premier homme cagoulé cassait toujours brutalement les vitrines qu'il sacageait et pillait en un rien de temps, les une après les autres en désordre.
-A terre, j'ai dis !
La voie de l'homme au revolver résonne encore dans ma tête. Le temps s'est accéléré. Le directeur s'était aussi couché par terre sur le ventre, les mains sur la tête, la mère et la gamine pleuraient aussi sur le sol. J'étais le seul encore debout, cloué sur place.
-Couche toi sur le sol ou je descend la meuf et sa gamine !
Il pointait maintenant le revolver sur les deux intéressées dont les pleurs avaient redoublé. A moi, c'était à moi qu'il parlait. Mais ils devaient avoir quelques années de plus que moi, sans plus, et ils devaient avoir une vie même si celle-ci ne devait pas être honnête. Ce qui leur importait, je l'avais deviné, c'était les bijoux, et la potentielle somme d'argent qu'ils allaient se faire en les revendant. Pas de tuer. La main qui tenait l'arme tremblait. L'arme n'était là que pour impressionner. Elle n'était peut être même pas chargée. Mon premier reflex fut de venir près de la femme, accroupi, mais ça ne suffit pas au voleur.
-Tu vas te foutre à terre, oui !
J'en avais marre. Aussi désespéré qu'il soit, le voleur me prenait la tête. Il n'avait pas le droit de se comporter comme ça avec nous, il n'avait pas le droit de nous pointer avec son revolver. Dans un élan, je bondis sur lui à sa grande surprise, dans l'espoir de lui faire relever l'arme au plafond et de le désarçonner. Mais l'homme, car c'était un homme, un humain, était stressé. Ses réflexes furent plus rapides que moi. J'entendis un gros bruit, une détonation, celle de l'arme e, ma direction, l'homme ouvra très grand les yeux. Alors tout passa au ralenti. Je senti une fulgurante douleur au niveau de ventre, les femmes se mirent à hurler, l'homme qui cassait les vitrines se retourna et cria à l'adresse de son partenaire.
-Qu'est ce que t'as fais !
Il prit ses jambes à son coup hors de la bijouterie, le sac poubelle pratiquement plain en main. Je vis mon assassin en face, pendant que je tombais à genoux devant lui. Il suivait ma chute, les yeux dans les yeux, effrayé par moi et par lui-même, par ce qu'il avait fait. Ses yeux étaient écarquillés et les doigts de sa main libre, écartés.
C'est quand on se sent le plus grand des impuissants qu'on ressent l'envie de supplier une personne pour qu'elle change de mentalité. Les personnes âgées le font. Elles sentent qu'elles ne sont plus forte, qu'elle ne peuvent rien faire, et qu'elle vont bientôt s'éteindre.
Il recula d'un pas, et d'un autre. J'avais raison. Il ne voulait pas ça, tout comme moi. Je l'ai poussé à le faire. Je le vit faire demi-tour et fuir vers la sortie, puis il disparut de ma vue qui se flouait petit à petit.
Je m'effondrais à terre, sur le carrelage froid et dur, voyant les visages horrifiés du caissier et du directeur. Je suis tombé sur le ventre, la joue contre le sol glacé, une larme à l'œil tellement la douleur était forte, profonde, insupportable. Je vis qu'une flaque se dessinait autour de moi, une flaque d'un liquide sombre et chaud. Je baignais dans mon sang. Je me vidais de toutes mes forces. Je savais que la balle était à l'intérieur de moi. Elle avait été freiné par mes organes internes vitaux, et les avaient troué, déchiré, permettant au sang de couler hors de mon corps. A chaque pulsion de mon cœur, le flot de sang qui s'écoulait de moi augmentait, de nouveaux millilitres de sang s'échappaient de moi. A chaque pulsion de mon cœur, je me vidais petit à petit de millions de globules rouges qui apportaient à mes muscles de l'oxygène et du sucre et qui me servaient à vivre.
Mes yeux vitreux ne sont pas fermés. Je vois des personnes qui s'affolent autour de moi. Des morceaux de verres partout par terre. Le monde à la verticale. J'entends vaguement des cris, des pleurs, une sirène d'alarme, et je vois des hommes en blanc qui s'approchent hâtivement de moi. Ils me soulèvent, ça me fait encore plus mal. Ils me posent sur un truc horizontal plus confortable que le sol, mais la douleur n'a fait qu'augmenté. Je suis maintenant allongé. Et ça bouge. Tout est flou. Je n'ai pas envie de mourir. Pas maintenant, pas ici, pas comme ça. Pas loin de lui.
Il n'est pas là.
Voila, toutes les images, tous les meilleurs souvenirs, toutes mes réflexion et mes pensées de ma vie sont passé dans ma tête, ont défilés les uns après les autres.
Un chapelet. Je vais bientôt atteindre la croix de ce chapelet.
Tout ceci était le récit d'un homme qui meurt.
Et je ne sais pas où je suis mais je ne sens presque plus rien, et je ne vois plus.
Tout ceux que j'ai aimé, je les ai revu. Mon père, ma mère, des amis,…
Heero…
Mais ce sont des inconnu qui sont là, maintenant, qui me regardent, certains en pleurant. Ils ne savent pas que ce n'est pas eux que je veux voir.
J'aimerai voir mon japonais.
C'est lui que je veux regarder en dernier.
C'est son visage que je veux avoir dans les yeux en mourrant.
J'ai envie de crier son nom. Je veux encore sentir ses mains sur ma figure, être près de lui.
Mais je n'ai pas le droit.
Ce n'est pas possible.
Je vais mourir dans quelques minutes, secondes, sans qu'il le sache, loin de lui, et il apprendra plus tard que son colocataire est mort, victime d'un vol, dans un lieux public, qui se serait mal passé.
Il ne devra montrer à personne sa désolation.
Alors que je lui ai appris et qu'il a acquit le contraire, il devra rester impassible.
Il ne devra montrer à personne une excessive tristesse.
On était juste colocataire, rien de plus, pour les autres.
Il devra souffrir en silence, tout comme moi en ce moment.
Pas une larme, pas une dépression ne devra se faire voir.
Il devra vivre avec le secret qu'on s'est aimé, il devra oublier, et il devra se tenir droit devant ma tombe, sans y aller trop souvent, sans y rester trop longtemps, et pour dans très peu de temps, ne plus jamais y revenir.
Et ce n'est pas lui qui verra ma
fin.
Note de l'auteur : ah oui, j'ai oublié : death fic…
