Les personnages du manga détective Conan appartiennent à Gosho Aoyama.

I am human and I need to be loved

« Eh bien ? Tu t'es découvert un instinct maternel pour cette petite ? »

« Je voulais juste lui parler… C'est vrai, je n'ai jamais vraiment parlé avec elle… Et quand nos regards se croisent, elle m'évite… Peut-être qu'elle ne m'aime pas ? »

Chapitre 1

Laissant sa tête reposer au creux de sa main, elle laissa son regard errer à travers la fenêtre de la salle de classe sur la grisaille de la ville… Une grisaille qui s'étendait à l'infini et qui se confondait avec celle du ciel pluvieux.

Le professeur regarda en soupirant la meilleure élève qu'il avait jamais eu, cela faisait des semaines qu'il avait renoncé à essayer de l'intéresser à ses cours…

Depuis ce jour funeste… Celui où, excédé du fait qu'elle ne cherchait même pas à dissimuler l'ennui qu'elle ressentait dans sa salle de classe, il l'avait convoqué au tableau.

Il pensait l'humilier de manière à ce qu'elle cesse de le prendre de haut… Grand mal lui en avait pris…

Lorsqu'il lui avait donné à résoudre un problème de géométrie qui était bien trop complexe pour la plus douée des lycéennes, elle avait haussé les épaules et l'avait résolu en moins de deux minutes en se plaignant qu'il lui faisait perdre son temps.

Malgré tout ses efforts, il avait été incapable de déceler la moindre erreur sur les feuilles d'examen qu'elle lui rendait, alors qu'elle les avait rempli avant même qu'il n'ait fini de les distribuer au reste de la classe…

Elle suscitait autant de plaisir que de frustration chez lui, c'était la seule de ses élèves qui aurait été suffisamment intelligente pour suivre ses cours et non pas faire semblant de le faire, comme ses autres camarades, et en même temps personne ne manifestait plus d'indifférence à son enseignement qu'elle.

Un autre jour, il avait tenté de la mettre à bout en l'accusant de se teindre les cheveux, violant ainsi le règlement du lycée

La jeune fille avait nié l'accusation sans sourciller. Lorsqu'il avait commencé à se lancer dans une diatribe sur les jeunes filles japonaises qui faisaient honte à leur parents en reniant leurs origines jusqu'à la couleur de leur cheveux, elle avait haussé les épaules en répliquant que sa mère était anglaise et qu'elle lui avait légué ses cheveux auburn avant de mourir…

Quelques jours plus tard, il l'avait surprise en train d'effacer les nouveau graffiti que ses camarades avaient laissés sur sa table.

Il avait eu le temps d'en lire au moins un avant qu'elle ne passe son mouchoir imbibé de détergent dessus.

« Retourne chez toi, sale petite gaijin ! »

Se sentant responsable, il s'était excusé et lui avait proposé son aide, allant jusqu'à lui promettre de réprimander tous ses camarades en public.

Elle lui avait répliqué d'un air indifférent qu'elle avait passé l'âge d'être ébranlée par des gamineries de ce genre et que les vandales se lasseraient d'eux même quand ils verraient que leurs provocations ne récoltaient que son mépris.

Tournant le dos à celle qui suscitait autant de regret que de fierté chez lui, il rapporta son attention sur les équations qu'il inscrivait sur le tableau noir de la classe.

Sa meilleure ennemie, de son côté, contemplait d'un air intrigué le reflet que lui renvoyait la vitre.

Etait-ce vraiment elle, cette pathétique lycéenne introvertie dont l'expression était aussi sombre et dénuée de joie que son uniforme scolaire ?

Cet uniforme dont la couleur aussi noire que les plumes d'un corbeau était à peine rehaussée par celle, écarlate, du foulard qu'elle devait porter avec…

Elle ne croyait pas aux coïncidences, ils avaient dû choisir de l'inscrire dans ce lycée uniquement à cause de ça…

L'année scolaire n'avait commencé que depuis deux mois et elle commençait déjà à regretter d'avoir réussi à convaincre ses tuteurs de prendre au sérieux la proposition de sa sœur…

Akemi lui avait dit qu'elle devrait se mettre à fréquenter un lycée normal, pour y rencontrer des jeunes filles de son âge qui pourraient devenir ses amies… Elle avait réussi à convaincre Gin que l'expérience serait positive puisqu'elle lui permettrait d'apprendre à passer inaperçu au milieu de la foule ignorante au sein de laquelle devait se dissimuler les membres de l'organisation…

Le résultat de l'expérience ?

Des heures d'ennui mortel où des avortons aussi ternes que leurs costumes trois pièces tentaient de lui inculquer ce qu'elle avait appris plusieurs années avant de les rencontrer…

Qu'est ce qu'ils espéraient ? Capter l'intérêt de quelqu'un qui avait décroché son doctorat de chimie au MIT à l'âge de quinze ans avec des cours du niveau du lycée?

En dehors des cours, c'était encore pire…

Etant demeurée toute sa vie dans une ignorance totale de la manière dont s'établissait les relations humaines, elle avait attendu patiemment que les autres fassent le premier pas et viennent lui parler… Elle avait attendu en vain…

Et un mois après son entrée au lycée, il était déjà trop tard.

Ses camarades avait interprété sa timidité comme du mépris et avait commencé à l'éviter sur leur passage, et quand ils avaient eu l'occasion de se rendre compte que, sans fournir le moindre effort en classe, elle était devenue la meilleure élève de leur lycée, la jalousie s'était mêlé à la peur, et son statut de métisse avait fait le reste.

C'était la coutume dans son nouveau pays d'adoption, le clou qui dépasse, en bien ou en mal, on lui tape dessus…

Elle avait eue amplement le temps de l'apprendre…

Mais loin de susciter du chagrin ou de la colère, tout ce que les brimades et les regards en biais de ses condisciples avaient déclenché, c'était un ennui qui n'avait rien à envier à celui qu'elle ressentait en cours.

Parmi les bizarreries dont elle était affligée, l'une qui lui valait le plus de remarques narquoises était le fait, qu'à l'âge de dix-sept ans, elle se fasse encore conduire au lycée, en plus d'être incapable de rentrer chez elle à la sortie des cours par ses propres moyens.

Qu'est ce qu'elle aurait pu leur expliquer ?

Que l'organisation lui avait imposé ce chaperonnage pour s'assurer que son inscription au lycée n'était pas une tentative de sa part pour préparer sa fuite?

La plupart du temps, c'était à Vodka que la corvée était imposée. Dans la mesure où le fait de jouer les baby-sitters pour pseudo lycéenne l'insupportait au plus haut point, il arborait un air aussi ennuyé que celle dont il avait la charge quand il l'attendait à la sortie du lycée…

Par deux fois, Gin avait déchargé son subordonné de la basse besogne.

Durant ces deux jours, sa présence avait suscité un mélange de peur et de fascination chez les camarades de classe de sa collègue, et la jalousie qui brillait en permanence dans leurs regards avait gagné en intensité quand elles la regardèrent marcher côte à côte avec l'assassin…

C'était sans doute les deux seules fois de sa vie où elle s'était réjouie d'avoir Gin auprès d'elle.

Un autre jour, elle tomba nez à nez avec sa sœur qui était venue la cherche pour passer un après-midi avec elle… La jeune fille froide et méprisante était redevenue l'espace d'une journée l'adolescente naïve et joyeuse qu'elle aurait dû être. Se moquant bien des réactions que son geste ne manquerait pas de susciter, elle s'était précipité dans les bras d'Akemi dès qu'elle l'avait vu et avait doucement sangloté en l'étreignant.

Cette rencontre inespérée avait laissé un arrière goût aussi doux qu'amer derrière elle…

Sa sœur s'était empressée de lui demander si elle s'était faite de nouvelles amies, et, pour la première fois de sa vie, elle fût forcée de lui mentir…

Oh bien sûr, elle avait passé de nombreuses années à lui dissimuler la vérité sur l'organisation et ce qu'ils lui faisaient faire, mais jusqu'à présent, elle n'avait jamais eue à lui mentir pour cela…

Le lendemain, de nouvelles rumeurs avaient commencé à bourdonner autour d'elle. A présent, ses camarades étaient persuadés d'avoir enfin compris pourquoi elle manifestait autant d'indifférence aux garçons du lycée.

Elle ne chercha même pas à leur expliquer que l'amour qu'elle ressentait pour la jeune femme qui l'avait attendu n'avait rien avoir avec l'idée stupide qu'ils s'en faisaient…

A quoi bon leur dire que c'était de sa sœur dont ils l'accusaient d'être amoureuse ?

Cela l'arrangeait plutôt qu'autre chose, ainsi elle n'aurait plus à vider régulièrement son casier des lettres d'amour désespérées des imbéciles trop timides pour lui faire leur déclaration en face, et qui finissaient toutes au fond de la corbeille à papier.

Plus le temps passait et moins elle regrettait le mépris de ses condisciples à son égard… Le peu qu'elle pouvait saisir de leurs conversations lui avait clairement fait comprendre qu'elle n'avait rien de commun avec eux, et qu'elle souhaitait plus que tout au monde qu'il continue d'en être ainsi encore longtemps…

Il n'y avait qu'un seul de leurs centres d'intérêt que ses camarades lui avaient fait partager sans qu'elles s'en rendent compte…

Elle avait toujours vécue dans un monde dont les habitants s'efforçaient de demeurer invisibles et dissimulés dans la pénombre, un monde où on lui avait appris qu'il fallait qu'elle fasse tout son possible pour ne pas laisser le moindre souvenir durable chez ceux qui croisaient sa route…

A présent elle découvrait un monde dont les habitants s'efforçaient au contraire de ne pas paraître inaperçu, un monde où elle apprenait qu'il fallait faire de son mieux pour demeurer le plus longtemps possible dans la mémoire de ceux dont on croisait le chemin…

S'arranger pour attirer les regards sur soi, pousser les autres à vouloir passer outre les apparences et à découvrir ce qu'elles dissimulaient… Cela allait à l'encontre de tout ce qu'on lui avait appris… Amener les autres à éprouver des soupçons à votre égard, dans le code moral qu'on lui avait inculqué, c'était pratiquement un pêché mortelle…

La curiosité pour cet univers qu'elle ne comprenait pas la poussa à subtiliser à une de ses camarades un des magazines qu'elle lisait…

Feuilletant les pages de papier glacé, elle s'était retrouvée face à un carnaval de couleurs vives et de formes extravagantes…

Quel contraste par rapport à l'univers standardisé et uniformément noir du syndicat… Un contraste qui avait tout d'abord provoquée une véritable nausée chez elle…

Puis la nausée s'était estompée pour être remplacé par une véritable fascination devant une chose qui l'attirait autant qu'elle la révulsait…

Ne plus être un rouage anonyme dans une machine qui broyait les individus aussi facilement que la roue d'une meule écrasait les grains de blé…

Devenir un individu unique, que l'on ne pouvait pas confondre avec quelqu'un d'autre… Etre le centre de l'attention mais d'une manière différente de celle dont elle était devenu le point de mire de ses camarades.

Oui, l'idée n'était pas dénuée d'attraits… Elle était même enthousiasmante…

En bonne scientifique, elle rassembla une documentation conséquente sur son nouveau sujet d'étude et entreprît de la mémoriser avec le zèle et l'efficacité qui la caractérisait.

Sous le regard éberlué de ses camarades, elle ne passait plus son temps libre à lire des ouvrages scientifiques dont la quatrième de couverture aurait suffit à leur donner la migraine… A présent, elle le passait à feuilleter des magazines de modes.