Chapitre 21
Alors qu'elle parcourait les dernières rues la séparant de son domicile, Akemi Miyano croisa le regard glacial du conducteur d'une Porsche aussi noir que le trench-coat dont il était revêtu. Et même si la confrontation silencieuse ne dura qu'un court instant avant que la voiture ne s'éloigne, le malaise que la présence de l'homme avait instillé dans le coeur de la jeune femme perdura durant plusieurs minutes.
Elle ne se souvenait pas avoir jamais rencontré cet homme auparavant, cet homme dont la longue chevelure semblait capturer la lumière environnante dans ses rets pour prendre une teinte argentée, la teinte d'un argent dont le temps avait altéré l'éclat pour lui donner une couleur grisâtre, et si cette chevelure semblait effectivement absorber la lumière, elle était loin de rayonner en retour. Pourtant la sensation d'oppression que le regard de l'inconnu avait fait peser sur elle lui était étrangement familière, au point de faire ressurgir de sa mémoire des souvenirs qu'elle y avait longtemps enfoui, des souvenirs remontant au jour maudit où ses tuteurs l'avait séparé de sa sœur pour envoyer cette dernière de l'autre côté de l'océan pacifique.
Oui, c'était la même aura glaciale que celle de cette femme terrifiante qui avait arraché Shiho des bras de sa grande sœur avant de l'emmener loin d'elle, sans prêter la moindre attention aux pleurs de la fillette qui essayait vainement de se libérer de son étreinte pour courir se réfugier auprès de la seule famille qu'il lui restait.
Et cela n'avait été que le commencement de tout ces mois, non toutes ses années où elle s'était retenue de pleurer en essayant de rassurer une petite fille qui ne pouvait plus lui parler que par l'intermédiaire du téléphone, pour lui dire en sanglotant qu'elle avait toujours peur de fermer les yeux pour s'endormir, une petite fille qui lui raccrochait sans même lui dire au revoir dès qu'elle entendait le pas de ceux qui la détenaient résonner près du téléphone qu'elle utilisait en cachette.
Cette petite fille qu'elle avait vue lentement se transformer sous ses yeux impuissants, au point de se demander si sa sœur n'était pas resté de l'autre côté de l'océan que cette petite inconnue au regard mélancolique traversait de temps à autres pour la revoir. Chacune de leurs brèves retrouvailles commençait de la même façon, elle prenait délicatement dans ses mains le visage de cette fragile poupée de porcelaine à l'effigie de sa sœur avant de scruter lentement les minuscules yeux glacials, jusqu'au moment où elle parvenait à voir s'y refléter cette petite lueur qui illuminait les yeux de celle qu'elle serrait auparavant dans ses bras pour qu'elle s'y endorme. Elle devait attendre longtemps, de plus en plus longtemps à chacune de leurs rencontres, pour que cette petite lueur réapparaisse. Mais c'était à chaque fois la lueur du soleil se reflétant dans les larmes de cette petite fille qui s'était mise à sangloter tandis que sa grande sœur lui caressait doucement les cheveux, la même lueur qui illuminait le regard de celle qui n'avait pas pu s'empêcher de se retourner une dernière fois vers celle dont on la séparait à nouveau. Un regard identique à celui de la jeune fille qui était assise devant la porte de son appartement et qui ne semblait même pas avoir la force de se lever pour aller enlacer celle qui la regardait d'un air interloqué.
La distance les séparant n'était que de quelques mètres mais aux yeux de sa petite sœur elle semblait aussi grande que celle qui s'était longtemps étendu entre elles, une distance qu'Akemi franchit en quelques pas avant de s'agenouiller pour prendre délicatement le visage de sa sœur dans ses mains.
Jamais elle n'y avait vu un tel désespoir, même ce jour où on les avait séparé pour la première fois et pourtant… Pourtant celle qu'elle serrait doucement contre elle n'avait jamais autant ressemblé à cette petite sœur qui ne pouvait pas dormir sans elle.
« Je suis revenu…Akemi… »
« Tu m'appelle par mon prénom maintenant ? »
« Je n'ai plus l'âge de t'appeler grande sœur, non ? »
La tristesse qui se reflétait dans les derniers mots murmuré par sa petite sœur fût telle qu'Akemi l'écarta légèrement d'elle, pour fixer son visage anéanti d'un air inquiet, qui finit par s'évanouir pour laisser la place à un sourire attendrie.
« Ce n'est pas la peine d'essayer de jouer les adultes, tu sais… Je peux savoir rien qu'en te regardant que tu es resté cette petite fille craintive qui as besoin plus que tout au monde de sa grande sœur. »
Une petite fille dont elle avait parfois cru qu'elle avait disparu, mais malheureusement pas pour laisser la place à une adulte qui n'aurait plus besoin d'elle.
« Jouer les adultes…Mais je suis une adulte, Akemi. Les adultes peuvent mentir à ceux qu'ils aiment, les adultes peuvent trahir ceux qui les aiment, les adultes…peuvent tuer… »
Le sourire désabusé de la jeune fille était bien mature, bien trop mature pour être celui de cette petite sœur dont elle se souvenait.
« Tu dois arrêter d'avoir peur de grandir, Shiho. Les adultes ne sont pas tous comme ça, tu ne dois pas voir peur d'en devenir une. »
« Et si c'était déjà le cas, que ferait-tu Akemi ? Est-ce que tu continuerais de serrer cette adulte dans tes bras comme si c'était ta petite sœur ? Cette adulte détestable qui a assassiné la seule famille qui te restait pour prendre sa place…Cette abominable cynique qui a tué d'autres personne en plus de la petite Shiho…et qui en tueras beaucoup d'autres…et qui serait assez hypocrite pour te dire que c'est pour toi qu'elle a fait et qu'elle continuera de faire toutes ces horreurs… »
Même s'il s'élargit légèrement devant l'air horrifié de sa sœur, le sourire de Shiho n'exprimait pas le moindre amusement, ce qui la terrifia d'autant plus.
Comme elle aurait souhaité en cet instant pouvoir sermonner sa sœur pour une plaisanterie bien trop morbide à son goût, ou se moquer gentiment d'elle pour son pessimisme… Mais celle qui lui avait parlé était sérieuse, bien trop sérieuse pour se moquer d'elle ou se contenter de lui exprimer ses inquiétudes.
Shiho manqua de défaillir quand elle sentit Akemi la serrer de nouveau dans ses bras.
« Tu seras toujours ma petite sœur, quoi que tu ait pu faire et quoique tu puisse faire dans l'avenir. Toujours. Désolé, Shiho, mais tu ne te débarrasseras pas de moi, pas comme ça…Et personne, pas même toi, ne pourra me faire croire que celle qui se retient de pleurer devant moi n'est pas cette petite sœur dont j'attendais le retour. »
Un hoquet s'échappa des lèvres entrouvertes de la criminelle tandis qu'elle sentait contre sa joue cette longue chevelure soyeuse qui lui rappelait celle de Ran, un hoquet qui précéda un torrent de larmes qu'une grande sœur essuya doucement de son mouchoir sans parvenir à en tarir la source.
« Qu'est ce qui s'est passé, Shiho ? Si tu ne me le dis pas, je ne pourrais pas t'aider… »
Le tremblement du petit corps qu'Akemi sentait contre le sien s'accrût devant des mots qu'elle ne voulait plus entendre.
« Ce qui s'est passé… Rien, vraiment rien du tout, grande sœur… Juste le tout premier chagrin d'amour d'une idiote. Tu vois, vraiment rien du tout… »
Shiho leva un regard désespéré vers celle qui lui caressait les cheveux, un regard par lequel elle lui fit comprendre qu'elle ne lui avait dit que la stricte vérité, un regard qui arracha un sourire aussi mélancolique qu'attendrie à celle à qui il était adressé.
« Alors ma petite sœur s'est enfin décidé à grandir… »
« J'aurais préféré rester une petite fille, tu sais… »
« Et est ce que tu pourrais me parler de cette personne qui t'a donné envie de ne plus en être une ? Ne te sent pas obligé de le faire, c'est juste que…cela fait tellement longtemps que tu ne me confiais plus tes petits secrets. Alors qu'à une époque, cette petite fille curieuse me chuchotait la moindre des petites choses que tu découvrais dans le monde qui t'entourait. Tu le faisait comme si c'était un secret que j'étais la seule à être autorisé à connaître, alors que celle qui a réalisé son rêve de devenir une scientifique ne me parle jamais ni de son travail, ni de ses amis…»
« Tu ne voudrais pas que je te parle ni de mon travail, ni de mes découvertes…Crois-moi, si tu les connaissais, tu ferais tout pour les oublier…Et des amis…Je n'ai jamais eu d'amis… Enfin… Si, j'ai rencontré quelqu'un qui a tout fait pour devenir mon amie…et qui a fini par devenir tellement plus qu'une amie… »
« Tellement plus qu'une amie ? »
Le sourire attristé de la chimiste contrastait avec la lueur d'amusement qui avait brillé dans ses yeux devant l'air décontenancé de sa sœur.
« Ta petite sœur n'as pas tellement grandi, tu voit, puisqu'elle est tombé amoureuse de quelqu'un qui te ressemblait…Oh oui, elle te ressemblait tellement, à un point que tu ne peux pas imaginer… Mais pourtant, ce n'était pas tout à fait la même gentillesse, pas la même tendresse que la tienne… Tu sait, grande sœur, lorsqu'on examine au microscope deux choses qui nous apparaissent totalement identique, on découvre un nombre inimaginable de différences entre elles. Et ce sont toutes ces petites différences que tu finit par aimer, toutes ces petites imperfections qui font que la copie n'est pas une simple copie mais une chose qu'on peut apprécier par elle-même, pour elle-même, sans plus penser à son modèle… Finalement, elle ne te ressemblait pas tant que ça, elle était différente… Suffisamment différente pour remplacer une grande sœur… »
Akemi passa doucement le doigt le long du sillon tracer par les larmes que sa sœur continuait de verser.
« Mais l'amour de cette jeune fille, il n'était pas suffisamment différent du mien, c'est ça ? »
Ce fût au tour de l'adolescente d'écarquiller légèrement les yeux devant la tendresse presque maternelle qu'elle voyait dans le regard compréhensif de cette sœur qui s'obstinait à ne pas la juger.
« En fait… Elle a fini par ne plus me voir comme une amie, mais elle n'a pas cessé de m'aimer pour autant, bien au contraire…Mais pas comme une sœur non plus. »
« Alors pourquoi est ce que tu as l'air aussi désespéré, petite sœur ? »
« Parce que…parce que je…n'avais pas le droit de l'aimer…Je ne doit même pas avoir le droit d'aimer une sœur comme toi… »
« Personne n'a le droit d'aimer qui que ce soit et personne ne mérite l'amour de personne, Shiho. L'amour ça ne se mérite pas, on le donne à la personne à qui on voudrait l'offrir, c'est tout… »
La scientifique renifla avant d'utiliser bruyamment le mouchoir que sa sœur lui tendait.
« Mais si cet amour ne peux apporter que des souffrances à la personne à qui tu veux l'offrir, il vaut mieux le garder pour toi. Surtout quand tu sais qu'il existe quelqu'un qui est infiniment plus capable que toi d'apporter le bonheur à cette personne. Tu ne sais pas le plus drôle d'ailleurs, grande sœur. Cet idiot à qui j'ai bien failli voler son idiote, il a risqué sa vie pour sauver la mienne et il a laissé s'échapper une meurtrière parce qu'il pensait que pour l'amour de son idiote, elle ne commettrait plus aucun crime… Quel détective d'opérette, vraiment… Je voudrais bien voir la tête qu'il aurait fait s'il avait su dans quelle catégorie il fallait classifier l'amour que j'éprouvais pour son amie d'enfance… Oui, j'aurais payé cher pour voir ça… »
Pendant un court instant les deux sœurs partagèrent le même sourire amusé, un sourire qui dissimulait bien mal les inquiétudes de l'une et les remords de l'autre.
« Même si nous ne nous sommes vu qu'une seule fois et que je ne le reverrais sans doute jamais plus, j'imagine que je peut considérer cet imbécile comme un ami. En dehors de ça…Ah oui, tu voulais aussi que je te parle de mon travail…Félicite-moi, grand sœur, j'ai eue une promotion aujourd'hui même. Cette merveilleuse entreprise qui nous a recueilli après la mort de nos parents vient de me nommer responsable de leur département scientifique, et tout cela grâce à papa et maman… j'ai achevé leurs recherches d'une manière qu'ils n'avaient certainement jamais envisagé et c'est cela qui m'a valu de monter en grade aussi rapidement. Tu dois être fier de ta petite sœur, hein Akemi ? »
Un léger tremblement parcouru l'adolescente tandis qu'elle laissait retomber son bras tel une marionnette dont on aurait sectionné les fils.
« Pour ce qui est du lycée… Bon, on ne peut pas dire que je m'y suis fait énormément d'ami, cette jeune fille dont je t'ai parlé et son idiot ne fréquentait pas le même lycée que moi, mais par contre, j'y ait énormément appris, sur les autres et sur moi-même…Plus que tout ce que tu peux imaginer…Oui, tu ne peux pas imaginer à quel point l'expérience m'a rendu plus mature et m'a permis de devenir…de devenir…une adulte… »
Le tremblement qui avait agité la scientifique s'accentua et celle qui la soutenait se demandait si c'était un petit rire qu'elle retenait ou bien une nouvelle crise de larme.
« Pourquoi est ce que tu as l'ai si triste, Akemi ? Tu n'as pas à avoir de regret, moi je ne regrette absolument rien… J'ai pu rencontrer une personne qui m'a rendu heureuse de vivre et une autre qui m'a convaincu de continuer à vivre… Et maintenant, maintenant que je suis pleinement rentré dans le monde du travail, nous pourrons nous voir plus souvent, et même autant de fois que je…Non, que tu voudras…c'est…c'est merveilleux, tu ne trouves pas ? Dis-moi que ça l'est parce que même moi je n'arrive plus à croire à mes propres mensonges… »
Akemi demeura silencieuse tandis qu'elle passait doucement sa main dans les cheveux de sa sœur qui ne faisait même plus l'effort de retenir ses larmes devant elle. Cette sœur qui lui en avait dit plus sur elle même en quelques minutes qu'elle ne l'avait fait en plusieurs années, et qui lui avait aussi montré à quel point la rancœur qu'elle éprouvait pour l'organisation qui les avait séparé était disproportionnée par rapport à la réalité. Une rancœur qu'elle commençait à éprouver à l'égard d'elle-même pour leur avoir abandonné la seule famille qu'ils lui avaient laissée, puisqu'elle n'avait plus aucun doute sur le fait qu'ils lui avaient menti toutes ses années, avant même de pousser sa sœur à lui mentir à son tour. Non, leurs parents n'étaient pas morts dans un accident, et si Shiho n'avait jamais autant ressemblé à sa mère qu'à cet instant précis, Akemi en comprenait très bien la raison.
Cette femme mélancolique qu'elle connaissait si peu, à présent elle comprenait ce qu'elle avait ressenti lors des derniers jours de sa vie… Oh oui, elle comprenait pourquoi sa mère l'avait serré dans ses bras, la nuit précédant sa mort, avec un air aussi désespéré que celle qu'elle était en train d'étreindre, à présent qu'aucun de leur deux parents n'était plus là pour le faire à sa place.
« Oui, petite sœur, bientôt nous pourrons être de nouveau ensemble, sans plus jamais être séparée. »
Shiho fixa d'un air interloqué le regard aussi attendri qu'énigmatique de sa grande soeur, un regard dans laquelle brillait une lueur de détermination qu'elle ne lui connaissait pas, mais elle n'avait ni le coeur de soupçonner sa sœur ni la force de faire face à une peur insidieuse qui avait commencé à grandir en elle. Une peur identique à celle qu'elle avait ressenti lorsque Ran lui avait promis de l'aider à affronter ses problèmes.
« Dis, grande sœur, est ce que tu pourrais...me laisser dormir chez toi ? Tu vois mon appartement a été détruit dans un incendie alors… »
La jeune femme acquiesça à la requête que lui avait murmuré d'une voix suppliante celle qui semblait être redevenu la petite fille qu'on lui avait volé il y a plus de dix ans… Une petite fille qu'elle souleva doucement dans ses bras avant de franchir le seuil de son domicile.
« Tu te rappelle des poupées que tu m'avais offerte ? Elles…elles ont toutes brûlés… Non, en fait je les aie toutes brûlés… »
« Oh… Ne soit pas triste, va. Tu n'en as plus besoin maintenant que nous sommes de nouveau ensemble, non ? »
Un léger sourire de bonheur plissa les lèvres de la chimiste tandis que sa sœur la déposait doucement sur son lit.
« Non, je n'en aie plus besoin…Plus besoin du tout… »
« Je suppose que tes vêtements ont aussi brûlés dans cet incendie alors nous t'en rachèterons demain. Puisque tu n'iras plus au lycée, tu n'auras plus jamais besoin de cet uniforme lugubre, ni de cette veste… »
La chimiste referma instinctivement ses bras autour de la veste grise que sa sœur essayait de lui retirer.
« Non, cette veste là, je…je préfère...la garder…C'est…un cadeau… »
« Je comprends… »
Akemi n'ajouta pas un mot et borda doucement sa petite sœur.
« Grande sœur…Est-ce que tu pourrais… »
Sans attendre que Shiho ait fini de lui murmurer sa requête, la jeune femme s'allongea à ses cotés avant de la serrer doucement dans ses bras et c'est avec une expression attendrie qu'elle regarda sa sœur sombrer doucement dans le sommeil. Sa sœur…Elle n'avait pas vraiment changé, elle était restée cette petite fille qu'elle avait connue. Cette petite fille qui avait été forcé de jouer les adultes beaucoup trop tôt. Cette petite fille qui finit par entrouvrir légèrement les yeux pour révéler le bonheur innocent qui s'y reflétait tandis qu'elle constatait que sa grande sœur était toujours à ses côtés. Sa grande sœur qui après l'avoir bordé de nouveau se pencha vers elle pour lui embrasser doucement le front.
« Bonne nuit, Ai. »
Le prénom inhabituel par lequel l'avait désigné sa sœur ne manqua pas d'interpeller la chimiste, qui manqua de défaillir quand elle se rendit compte qu'elle avait de nouveau confondu Akemi avec…
« Ran… »
S'agenouillant près de la fillette, la jeune femme lui passa doucement la main dans les cheveux.
« Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à me réveiller. »
Acquiescant timidement à la lycéenne, la scientifique la regarda s'allonger dans le lit qui était juste à côté du sien. Un lit qu'elle ne se souvenait pas d'avoir vu dans l'appartement de sa sœur. Le lit dans lequel dormait habituellement le professeur Agasa.
Il ne lui fallût que quelques instants pour se remémorer tout ce qui s'était passé au cours des mois précédent. La mort de sa sœur, sa seconde tentative de suicide, sa rencontre avec le détective qui n'avait pas plus fait le rapprochement entre elle et l'ancienne amie de Ran qu'il ne l'avait fait entre sa sœur et la voleuse qu'il n'avait pas pu sauver…
Oui, elle se rappelait de tout à présent, elle était à la maison du vieux scientifique qui l'avait recueilli et qui était en ce moment même à un congrée d'inventeurs, la maison qu'elle partageait avec les deux seuls êtres chers qu'elle avait jamais eue en dehors de sa défunte sœur.
Les deux êtres chers qu'elle avait séparés de la même manière que ses ex-collègues l'avaient séparé de sa seule famille avant de la rendre orpheline. Les deux êtes cher qui continuaient de l'aider et de la protéger, aussi bien de cette maudite organisation que de celle qu'elle avait été à une certaine période de sa vie. L'époque qui avait précédé sa rencontre avec cette jeune fille qui n'avait pas encore fermé les yeux et la regardait d'un air attendrie. Un air attendrie qui ramena autant de joie oublié que de souffrances qu'elle s'efforçait d'oublier, aussi Haibara finit-elle par fermer les yeux à nouveau pour ne plus voir celle qui l'avait doucement ramené dans sa chambre sans la réveiller, après qu'elle se soit assoupie sur le canapé du professeur…
