Accord tacite.
Quand Abby prit la mer avec les autres soldats de la marine, elle sut rapidement que la traversée n'allait pas être de tout repos.
Car en plus de gérer le temps imprévisible et impitoyable de Grand-Line, la traversée se faisait avec une cinquantaine d'autre soldat et seules Liza et elle étaient les représentantes de la gent féminine. Et certaines personnes n'appréciaient pas la présence de femme sur un navire. Les marines aussi machistes que les pirates ? Une réalité bien plus présente que les rumeurs le prétendait.
Pour commencer, aucun traitement de faveur ne leur était accordé et elles logèrent dans le même dortoir que les soldats masculins. Injustice qui faisait énerver Liza mais Abby parvint à lui faire reprendre son calme en pointant leur responsable d'un coup de tête au cours de leur déjeuner.
- Le contre-amiral Weisman.
- Il a une tête qui me revient pas, grogna Liza en le fusillant du regard.
- C'est notre chef, on a pas le choix, murmura Abby en buvant sa soupe.
Liza braqua son regard acéré sur son amie.
- Personne peut le saquer, t'es au courant qu'il est plus en train d'exhiber ses médailles que d'agir ? Demanda Liza.
- Baisse d'un ton, il approche, lui prévint la brune.
- Nos deux soldates !
Liza et Abby levèrent la tête en direction de leur responsable et se levèrent rapidement pour le saluer.
- Contre-amiral Weisman !
- Repos, soldats.
Abby se détendit mais Liza resta tout de même sur ses gardes et lutta contre son insolence pour ne pas planter son regard noir dans les yeux gris de son supérieur.
- J'espère que la chambre vous plait, jeunes filles. Malheureusement, n'ont n'avions plus de coiffeuse disponible, se moqua-t-il en exhibant un sourire hypocrite.
Liza serra le poing derrière son dos tandis que des ricanements résonnèrent dans le réfectoire.
- Je rêve ou il se fout de toi ?
Abby garda le silence et répondit d'une voix formelle
- Le dortoir nous convient parfaitement, contre-amiral !
- Dans ce cas, vous n'hésitez pas à donner un coup de main en cuisine, vous êtes plutôt douée pour la vaisselle.
- Colle-lui une droite à ce machiste Abby, il le mérite amplement.
Mais Abby ne répondit pas aux provocations ni de l'un ni de l'autre. Sauf que l'esprit prenait toujours la parole et couplée à la voix moqueuse du contre-amiral, faisant que les deux voix s'étaient liguées pour la faire perdre patience, la jeune femme finit par murmurer avec acerbité :
- Tu vas finir par te taire...
- C'est à moi que vous parlez, soldat ?!
- Absolument p-
- 50 pompes tout de suite, soldat !
Abby dû s'exécuter rapidement et entama ses pompes sous les ricanements de quelques soldats qui la qualifièrent de folle à lier. Le contre-amiral beugla à l'attention de Liza :
- Et vous allez me nettoyer le réfectoire, et que ça saute !
- A vos ordres, contre-amiral Weisman !
Puis, il tourna les talons une fois qu'Abby eut accompli sa punition et donna un coup de main à Liza qui nettoya tout en pestant.
- C'est vraiment un enfoiré, ce contre-amiral.
- Doucement, il peut revenir à tout moment, prévint Abby d'une voix douce.
- Je suis sûre qu'il nous le fait payer parce que nous sommes des femmes.
Elle se stoppa soudainement et se tourna vers son amie.
- Mais qu'est-ce qui t'as pris de lui répondre ?
- Je ne lui ai pas répondu.
- Alors à qui tu as dit de la fermer ?
- Je suis aussi curieux d'entendre la réponse, jubila la voix.
Abby baissa les yeux et répondit évasivement en frottant le sol en bois à l'aide d'un balai.
- A personne.
- Dis que t'es complétement folle, ça ira plus vite.
Abby ne répondit rien, honteuse. Quand elles eurent enfin fini de nettoyer le réfectoire, Liza s'étira longuement et proposa :
- J'irais bien m'entrainer au combat, ça te dit de venir ? Même si je sais que tes plus à l'aise au fusil.
- Non, ça me convient très bien.
Elles rangèrent les ustensiles utilisés pour leur corvée avant de filer dans la cale pour traverser les étroits couloirs. Elles se trouvèrent rapidement une petite pièce vide pour s'entrainer et ne tardèrent pas de se mettre en position face à face.
- Prête ?
- J'ai plus que hâte de savoir ce que ça va donner, susurra la voix.
Abby hocha sèchement la tête et les deux amies s'élancèrent pour se combattre.
Le constat fut pour le moins alarmant.
En effet, Liza surpassait sans problème son amie d'un point de vue de puissance pure car ses puissants coups de poing furent difficilement bloqués par Abby, celle-ci était plus observatrice et décelait plus rapidement les ouvertures de son adversaire. Les deux adversaires s'éloignèrent pendant quelque instant pour reprendre leur souffle.
- Puissants, tes coups de poing. Mais tu charges beaucoup trop vite et tu laisses des ouvertures à tes adversaires, Abby fit remarquer une fois avoir calmé sa respiration.
- Et toi, tes coups sont trop faibles, renchérit Liza.
- C'est normal, je suis une tireuse d'élite, après tout.
Liza rendit le sourire et s'apprêtait à repartir à l'attaque quand la porte de leur salle d'entrainement improvisé s'ouvrit brusquement, stoppant les deux femmes à mi-action. Elles furent surprises de voir leur camarade de promotion, Leo Aponte, se poser contre le chambranle de la porte et arquer un sourcil d'un air ironique.
- Qu'est-ce que vous faites encore debout à cette heure-là ?
- On s'entraine, claqua Liza sèchement.
Abby soupira devant le ton cinglant de son amie mais elle demanda de son côté :
- Et toi, qu'est-ce que tu fais encore debout ?
- J'arrive pas à dormir, la folle dingue.
- Elle a un nom ! Cracha Liza en serrant le poing.
- Et alors ? Tout le monde dit qu'elle est complétement folle à lier, dans la base.
- T'es bien le mec le plus c*n que j'ai vu de ma vie et pourtant je t'appelle pas le c*nnard a tout bout de champs.
- Liza, laisse tomber, j'ai l'habitude, calma Abby.
- T'aurais dû être pirate, je pense qu'ils sont plus sympas là-bas.
Les deux marines s'accordèrent des regards noirs avant que Leo ne claque la porte de la salle.
Abby soupira discrètement en songeant à ce moment que le séjour allait être long. TRES. LONG
Il ne leur fallut que quelque semaine pour accoster l'île de Villeurcourt. Une île dont d'immenses blocs de marbre entouraient la haute ville et dont l'architecture travaillé et éclatante de blanc et doré laissait supposer le train de vie de leur habitant. L'extérieur de la haute ville se trouvait des bâtiments plus fragiles et beaucoup plus modestes et un vaste nuage verdâtre recouvrait l'entièreté de l'espace, de manière à ne pas connaître le nombre exact et la nature des actions qui se déroulaient dans cette partie de l'île.
- Une ville comme il en existe des centaines dans le monde, commenta sévèrement Liza.
Abby accorda un regard surpris à son amie mais se fut la voix de Léo Aponte qui surprit tout le monde.
- Sauf que notre objectif n'est pas la ville.
Les deux jeunes femmes se tournèrent dans sa direction. Contrairement à leur dernière interaction, Léo se tenait le dos droit et les bras croisés à quelque mètre derrière elles.
- Tu es au courant de quelque chose ? Demanda Abby.
- J'ai entendu dire que notre objectif est la protection d'un haut dirigeant qui est de passage dans la ville.
- Sauf que je ne suis pas venue pour protéger des gradés, siffla Liza.
- Weisman s'en moque, on doit obéir aux ordres donnés.
Constat amer qui fit taire Liza et serrer les poings de frustrations d'Abby, qui espérait secrètement que les informations données étaient fausses.
Le bateau ne mit quelque heure pour s'amarrer au port et Abby attrapa instinctivement sa carabine avant de suivre les autres marines pour se mettre en file et au garde à vous. D'un coup d'œil, elle pouvait voir Liza se tendre quand le contre-amiral passa près d'elle pendant qu'Abby entendre s'élever les grognements de haine de l'esprit qui l'habite.
Une fois que le contre-amiral rejoignit la base, accompagné des plus brillants soldats, les deux jeunes femmes aidèrent les autres soldats à débarquer les affaires personnelles, car elles n'allaient certainement pas avoir des traitements de faveur en tant que soldat. Abby se releva après avoir déposé une caisse en bois et essuya la sueur de son front d'un revers de la main.
- J'aime pas cette île, décréta Liza.
- Pourquoi ?
- Regarde autour de toi, y a pas un truc qui cloche ?
Abby observa discrètement la ville qui respirait la richesse et les gens richement habillés qui se regardait à peine.
- Je ne voie pas de chose en particulier.
- Tout ce beau monde respire le luxe mais où se trouvent les gens pauvres ?
- Peut-être qu'ils préfèrent éviter cette partie de la ville.
- Ou peut-être qu'ils ne sont pas autorisés à venir, contra Liza.
Elle se tourna vers son amie et darda un regard sérieux.
- Tu viens avec moi jeter un petit coup d'œil ?
- Maintenant ? Et les ordres ? Demanda Abby avec surprise.
- Quel ordre ? Ceux de protéger des gradés ? Ils n'ont pas besoin de notre protection s'ils sont gradés, termina Liza.
Puis, elle accrocha sa casquette de marine à sa ceinture avant de fausser compagnie au reste de la petite troupe, avec Abby sur ses talons. Ensemble, elles arpentèrent les dédales de la ville à la recherche d'information. Elles n'hésitèrent pas à prendre des raccourcies avant de déboucher sur une petite place commerçante et commencer leur enquête. Elles interrogèrent d'abord les habitants, mais elles se firent tout simplement ignorer par les plus arrogants de la ville avant qu'un boucher ne daigne éclaircir leurs interrogations.
- Ceux de la basse ville ne sont pas autorisés à venir.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on ne mélange pas les pauvres et les riches, termina-t-il simplement.
- Donc ça ne vous fait rien de discriminer des gens sans aucun problème ? Demanda Liza sèchement.
- Ecoute, marine, même si ceux de la basse ville voulaient venir, il leur serait impossible de quitter leur quartier sans se faire tuer.
Cette dernière information fit tiquer les deux marines.
- Que voulez-vous dire ?
- La famille Kergarel, une vieille famille mafieuse, tenait cette partie de la ville sans aucun problème mais ils ont été mystérieusement massacrés il y a dix ans. Depuis, un individu qui se surnomme « l'araignée » a fait surface et mène une politique de fer sur les habitants.
Sans se rendre compte, Abby serra le poing en imaginant les pauvres gens aux mains de ce criminel. Mais alors que le boucher retournait à ses tâches, elle vit Liza retourner en direction de la base d'un pas décidé.
- Attend ! Où vas-tu ?!
- Je retourne à la base voire le contre-amiral Weisman !
- Tu vas lui demander d'aller dans la basse ville ?
- Evidemment ! Pas question de laisser des pauvres gens subir les caprices et la folie de gens malveillants et mal honnêtes !
Un sourire satisfait fleurit sur les lèvres de la jeune femme qui suivit son amie avec autant de détermination.
- Il en est hors de question, soldat, répliqua tranquillement le contre-amiral Weisman.
- Pourquoi ?! S'étrangla Abby.
Le contre-amiral ne leur accorda pas le moindre regard et prit place à son bureau tandis qu'il lisait un document transmit par ses supérieurs.
- Vous m'avez parfaitement entendu, les ordres que l'on vous a transmis sont pourtant simples. Protéger vos supérieur hiérarchiques.
- Je ne me suis pas engagée pour défendre la hiérarchie mais pour défendre nos concitoyens en danger !
Weisman ne fut pas intimidé par le regard noir de Liza, bien que sa cicatrice la rendait bien menaçante, et ordonna sèchement :
- Vous vous permettez d'aller vous promener en ville sans aucune autorisation et maintenant vous me demandez d'aller déployer des hommes pour défaire un soi-disant criminel répondant au nom d'araignée ? Sortez immédiatement de mon bureau si vous ne souhaitez pas regagner votre île à la nage, soldat.
- Comment-
- A vos ordres, contre-amiral Weisman, s'inclina Abby.
La jeune fille attrapa le poignet de son amie et elles sortirent précipitamment du bureau sous les grognements de colère de Liza, elles continuèrent de marcher quand Liza se défit de la prise et cracha durement en s'arrêtant.
- Pourquoi tu t'es tirée ?! On pouvait encore négocier !
- Weisman ne fera rien pour aider la population, il respecte bien trop le protocole pour ça, expliqua Abby.
- Fais chier ! Pesta Liza
Poing sur les hanches, la violette pesta contre la totalité des marines et surtout des supérieurs péteux. Abby dévisageait son amie et lui demanda finalement :
- Tu vas faire quelque chose pour aider ces gens ?
- Evidemment ! Je m'en fou, moi, de protéger des gradés. Tout ce que je veux, c'est aider la population.
En entendant d'autres marines arriver, les deux jeunes femmes s'éloignèrent du couloir et trouvèrent un renfoncement pour discuter plus discrètement.
- Mais tu as conscience que si on se fais attraper, on risque fort d'être viré ?
- Et alors ? Tu veux rester chez les marines à protéger des nobles et autres gradés ?
- Bien sûr que non.
- Alors c'est réglé.
Liza tendit la main en direction d'Abby.
- Prête à mettre une dérouillée à des enfoirées qui se pensent tout permis ?
- Plus que prête.
Et elles scellèrent leur accord d'une poignée de main.
